Arrêt de bus: 15
Olaaaa
Désolée pour le retard...encore. Oui bon je suis lente à publier mais je pense que vous l'aviez déjà compris. On se retrouve donc pour un nouveau chapitre de Arrêt de bus et qui j'espère vous plaira!
Bonne lecture!
Jeudi 9 Février
Je marche tranquillement en direction de l'arrêt de bus, les mains enfouies dans les poches de mon manteau rouge. Il fait vraiment froid aujourd'hui. J'ai vu du gèle sur toutes les vitres des voitures garées dans la rue et les violettes poussant au pied de ma porte se sont cristalisées.
D'ailleurs lorsque je suis sortie de mon lit j'avais envie d'emporter ma couverture avec moi, comme une chenille dans un cocon. Même Blindy s'est blotti contre moi pendant la nuit. Je commence un peu à regretter le beau temps et la chaleur de l'été. Le froid ne m'a jamais dérangé. Mais en ce moment je souhaite le printemps de venir au plus vite.
L'être humain n'est jamais satisfait.
Arrivé à l'arrêt, je m'assois et inspire au plus profond de mes poumons l'air frais et épicé de ce début de journée. J'ai hâte de voir Alain. De lui parler de tout, de rien, et de surtout le remercier pour hier. C'était très chevaleresque je dois avouer. L'âme de petite adolescente qui sommeille en moi s'en est retrouvée toute chamboulée. Et soyons honnête, on apprécie toujours de savoir que quelqu'un est là pour nous protéger.
Au bout de cinq minutes, Alain arrive. Sa démarche tranquille me fascine toujours autant. Son manteau flotte un peu derrière lui. De loin je crois noter un sourire en coin sous son nez rougi par le froid. Peut-être est-il content de me voir...Qui sait?
"Bonjour." fais-je avant même qu'il s'assoit.
Il s'installe et enfoui ses mains dans ses poches.
"Bonjour Ruby."
Je lui souris de toutes mes dents et il me regarde. Je vois une lueur paisible dans ses prunelles de glace à la couleur noisette. Je me demande s'il est heureux de me voir de bonne humeur. Il ne dit rien et soupire longuement tandis que de la buée sort de sa bouche comme un petit nuage volatil.
Je l'observe puis baisse les yeux vers mes mains serrées.
"Merci de m'avoir débarrassé de lui la dernière fois."
Je ne sais pas combien de fois je lui ai dit merci en étant ici. Une bonne dizaine j'en ai l'impression.
"Ce n'est rien." Répond-t-il sans me regarder, "Je n'ai jamais aimé ce genre de personnage."
Je l'observe un instant et souris.
"Combien de fois vais-je devoir vous remercier pour m'avoir sauvé?"
Il remonte le col de son manteau et hausse les épaules.
"Autant de fois qu'il faudra jusqu'à ce que vous cessiez de vous mettre dans les ennuis je suppose." Répond-t-il non sans une pointe de sarcasme.
Je souris doucement et tourne mon regard vers la forêt en face. Je réfléchis quelques secondes.
Je tourne la tête et le regarde les sourcils haussés.
"Vous en avez déjà croisé dans votre vie? Je veux dire avec votre petite amie ou quelque chose comme ça peut-être. Vous aviez l'air de savoir comment faire."
Je l'avoue, c'est un petit piège de ma part. Mais je veux savoir. Je repense encore à la femme près du bar. Je me demande toujours si c'est elle. Je sens qu'il a de plus en plus confiance en moi. Peut-être va-t-il me répondre.
Son regard se perd dans le vague et j'entend le cuir de ses gants grincer.
"Une fois." Finit-il par murmurer, "C'était dans un parc. Je l'avais emmené voir les cygnes qui se baignaient au lac. Elle avait insisté pour venir parce que les arbres avaient leurs feuilles de couleurs vermillon et elle les trouvait très beau. Elle adorait l'automne."
Il marque une pause et j'eus l'impression d'être submergé par son souvenir. C'était comme voir les feuilles d'automne voleter autour de nous, la brise fraiche que je sentais sans peine, et le lac des cygnes en face. Il ne m'avait encore jamais raconté des mémoires de son passé. Je suis avalée dedans. J'imagine tout. Même son visage souriant.
"Il faisait froid mais elle ne le remarquait pas parce qu'elle donnait du pain aux cygnes en chantant. Je ne me souviens pas de la chanson. Puis je suis parti lui chercher un café chaud parce qu'elle avait une santé fragile et j'avais peur qu'elle tombe malade."
Je pense qu'il ne se souvient plus que je suis là. Son regard flou est fixé sur un point imaginaire et ses gants continuent de grincer. Il ne bouge pas et continue.
"Lorsque je suis revenu, un homme s'était installé sur le banc où elle se trouvait. Il lui faisait la cour mais elle ne disait rien, trop timide pour dire quoi que ce soit. Alors je suis venu et je lui ai poliment demandé de venir avec moi. L'homme a bien compris qu'elle était avec moi. Il est parti. Nous sommes allés boire notre café autre part."
Je ne sais pas si c'était quelqu'un de sa famille ou sa petite amie. Son regard s'est illuminé en parlant d'elle, comme s'il avait parlé d'un trésor précieux. J'ai ressenti une pointe de jalousie. J'aurais aimé qu'il me regarde comme cela. Cette personne est chanceuse d'avoir Alain. C'est quelqu'un de bien.
"Quel était son nom?"
Son regard se brise.
"Maeva."
Il secoue la tête et le souvenir s'efface. Son regard de glace reprend sa place et il semble mal à l'aise. Il se tait. Je sais qu'il n'aime pas parler de lui. Mais je suis contente qu'il se soit confié un peu à moi. Maeva...Qui qu'elle soit, elle a l'air de lui avoir laissé un souvenir marquant. Je ne lui ai pas demandé qui elle est pour lui. Une partie de moi aimerait la rencontré. L'autre est toujours jalouse du regard d'Alain.
"Vous êtes un peu comme un chevalier à l'armure brillante, le héros au cœur vaillant toujours prêt à apporter son aide en fait."
Je ne sais pas trop pourquoi je lui ai dit ça. Mais en y repensant il se rapproche de cette description. Il a l'âme chevaleresque. Alain hausse un sourcil, l'air pensif.
"J'espère ne pas être le seul."
"Un dans le monde c'est déjà bien."
Un silence s'installe entre nous. Chacun regarde son coin de la forêt. Nous ne sommes plus aux extrémités du banc comme auparavant. Nous sommes proches. Je peux presque sentir la chaleur de son épaule contre la mienne. Je me demande s'il s'est rendu compte de cette proximité. Lui qui est si froid, en serait sans doute gêné s'il s'en était aperçu. Alors je n'en parle pas. J'aime bien le savoir proche de moi.
Je le regarde sans qu'il ne le voit. Je me rend compte qu'il est grand, je dois lever la tête pour voir son visage. Son regard glacé est fixé sur l'horizon. On pourrait croire qu'il est énervé. Mais moi je sais que c'est son regard habituel. Il n'est pas méchant. Je pense qu'il a adopté ce regard pour se protéger.
De quoi? Je ne sais pas.
Peut-être qu'un jour il me le dira. Peut-être que cette Maeva aussi.
J'aimerais continuer à le voir. Rester avec lui. En apprendre plus sur cet homme qui, un jour, a été un étranger. Mais est-ce que lui voudrait rester avec moi? Il est dur de savoir ce qu'un autre humain pense. Encore plus lorsque cet humain s'appelle Alain. Je veux continuer à lui parler.
"Le chevalier à l'armure brillante et au cœur vaillant sera-t-il toujours là pour m'aider?" Demandé-je alors dans une sorte de murmure.
La buée sortant de sa bouche reste un moment sans réapparaître. Il ferme un instant les yeux. J'attend ma réponse. Il a l'air pensif.
"Le chevalier reste toujours là où il y a un combat."
Il me regarde rapidement du coin de l'oeil puis se remet à fixer loin devant lui.
Son bus arrive et pousse un long soupir tandis que les portes s'ouvrent. Alain se lève et me dit au revoir en penchant la tête en avant. Il monte dans le bus sans se retourner et le véhicule part. Je regarde la fumée du pot d'échappement s'évaporer dans l'air glacial de cette journée d'hiver.
J'ai eu cette impression que nos paroles n'étaient que des masques face à nos pensées, comme des filtres par dessus nos voix pour les changer, furtivement mais juste assez pour être comprises.
"Resteras-tu à mes côtés?" Avais je demandé.
"Je me battrais pour ça." Avait-il répondu.
Vendredi 10 Février
Alain est au restaurant aujourd'hui. Il a amené le même bouquet que la dernière fois avec ces fleurs si singulières, sans doute pour sa petite amie. Il boit son café noir sans sucre en silence et moi je l'observe. Cela fait plusieurs fois que je le vois et il ne m'a toujours pas remarqué je pense. Je ne sais même pas comment il fait. On m'a demandé de passer le balais mais pour l'instant il ne me sert que de repose-tête. Je n'arrive pas à détourner le regard de lui. J'éprouve de la fascination quand je le regarde. De l'amour également. Je ressens autre chose en le voyant. Mais ça je le garde pour moi dans mon petit cœur chaud et palpitant. Ce sera pour plus tard peut être.
C'est étrange comment les sentiments peuvent changer à force de côtoyer une personne. Passer d'étranger à "homme de mes pensées". Quelle promotion me direz vous. Cependant ce n'est pas juste je pense. Il a une petite amie, peut-être même une fiancée, voire une femme! Pour respect pour elle je ne devrais pas.
Mais...c'est dur.
Je pousse un soupir à fendre l'âme et le regarde porter la tasse à ses lèvres avec lassitude. Je dois avoir l'air d'une harceleuse ou quelque chose dans le genre. Je n'espère vraiment pas, j'ai toujours détesté ce genre de personne dans les films.
"Tu sais qu'il va s'en rendre compte pas vrai?"
Je sursaute et manque de pousser un cri. Nelly s'est avancée jusqu'à moi, m'ayant vue alors qu'elle marchait, elle a voulu me faire une visite surprise. Devant mes yeux stupéfaits elle se met à rire et secoue ses cheveux bouclés.
"Hé bien on dirait que je t'ai pris en flagrant délit! Ce n'est pas très poli de reluquer les gens ainsi."
"Je ne le reluque pas."
Je regarde en arrière et soupire de soulagement en voyant qu'il n'a pas l'air d'avoir entendu. Je grommelle et la pousse vers un endroit plus discret malgré ses protestations. Une fois fait, elle croise les bras et me regarde avec malice.
"Okay, c'est qui?"
"Je vois pas de quoi tu parles." Répondé-je entre mes dents serrées.
"Ne joue pas les réponses de cinéma à deux balles avec moi. Si ce gars avait été un cupcake, tu l'aurais mangé tout cru."
Je ne répond pas et baisse les yeux. Elle cherche mon regard un instant puis un petit rire roule le long de sa gorge comme de l'eau sur des rochers, ayant compris.
"C'est le gars dont tu parlais la dernière fois au restaurant!"
Je soupire longuement et me pince l'arrête du nez avec exaspération. Cette fille est impossible. Même si je lui dis que non, son idée restera tout de même enracinée dans sa petite tête métis.
"Alors c'est bien lui!" S'exclame-t-elle en jubilant et lorgne sur lui quelques instants "Dis moi il a l'air beau déjà de loin...Je vais voir s'il l'est aussi de près."
Elle fait un pas en avant mais je la retiens par le coude, une peur irraisonnée me prenant aux tripes.
"Non, Nell!"
Elle s'arrête et son regard brille d'une lueur taquine. Elle me toise de haut en bas.
"Hé bien, hé bien...Pourquoi cela?"
Je la regarde et d'un seul coup je n'ai aucune idée de la réponse que je veux donner. Je dois donner l'impression d'être une petite stalkeuse, une sorte de fan hystérique accrochée à son idole. C'est pathétique.
"Je...Je sais pas."
Elle plisse les yeux.
"Tu t'es fâchée avec lui?"
"Non."
Elle semble réfléchir un instant puis ses yeux s'illuminent.
"Oh, vous avez-
Je fronce les sourcils et la coupe:
"Non! Non...On a pas...C'est juste que...C'est juste...Je ne le connais pas ok? Nous ne faisons que parler à un arrêt de bus."
En disant cela, je me rend compte de l'étrangeté de mes mots. Je parlais d'amour un peu plus tôt mais nous ne faisons que parler à un arrêt de bus. Que devrais-je penser alors?
"Vraiment? On dirait le scénario d'un mauvais livre de romance...Tu ne connais vraiment rien de lui? Pas même sa vie privée? Sa routine? Il ne te dit rien?"
J'hausse les épaules et secoue négativement la tête. Nell fronce les sourcils.
"Hmm...Mystérieux."
Puis elle inspire profondément avant de soupirer.
"Bon comme cela à l'air de te tenir à cœur...Je ne vais rien faire. D'ailleurs je ne vais pas te déranger plus longtemps alo-...tiens, regarde il part!"
Je me retourne et vois effectivement Alain qui revêt son manteau en vu de partir. Il range se chaise puis après avoir remercié le serveur, il se retourne et s'en va. Je le regarde partir et j'entend Nell pousser un "hm" pensif. Je me tourne vers elle.
"Quoi?"
Elle semble réfléchir.
"Je crois que je l'ai déjà vu quelque part..."
"Dans la rue?"
Elle secoue la tête d'un air pensif.
"Non je ne crois pas. Sur une image dans un livre ou dans un journal je pense."
J'hausse un sourcil. Dans un livre? Allons bon, je le verrais mal comme un homme connu. Elle reste silencieuse quelques instants puis soupire.
"Je te laisse. Je dois aller travailler."
Elle me sourit et dépose un baiser rapide sur ma joue avant de s'éclipser.
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