Arrêt de bus: 13
Samedi 4 Février
Ce matin, la première chose à laquelle je pense en me réveillant est Alain. Pas vraiment lui, enfin, juste son nom. Il me vient immédiatement. C'est la première fois. Ça me fait bizarre. En prenant mon café, Blindy sur mes genoux, j'ai repensé à hier. A son baiser. Son tout petit baiser, où ses lèvres m'ont à peine effleurées. Un simple baiser de remerciement (pour quoi? Je ne sais pas) qui m'a chamboulé. Lorsque je ferme les yeux je sens son odeur de myrrhe et de cigarette qui m'emplie les narines. Cette odeur m'est agréable. Est-ce que c'est normal? D'ailleurs est-ce normal de penser autant à une personne avec qui je parle seulement de dix à quinze minutes chaque jours?
Je soupire et caresse distraitement Blindy qui ronronne.
Est-ce qu'il pense à moi comme je pense à lui?
Je me rappelle de la jolie jeune femme d'il y a quelques jours et pince les lèvres. C'est vrai qu'il a apparemment une petite amie...Largement plus belle et gracieuse que moi qui plus est. Je pousse un soupir déçu mais me reprend bien vite.
Je secoue la tête et fronce les sourcils. Mais à quoi je pense? Ce n'est pas important étant donné que je ne suis pas amoureuse de lui. S'il a une petite amie tant mieux pour lui.
Alors pourquoi me sens-je si mélancolique?
Blindy miaule de protestation car je garde la main fermée sur son poil sans bouger. Je m'excuse et recommence à le caresser. Je décide d'éviter de penser à tout ça. Par exemple pensons à mon anniversaire. Je ne l'ai pas encore précisé, mais c'est ce lundi, soit le 6 février. Dimanche je dois aller au restaurant avec des amies pour le fêter car nous travaillons toutes le lundi. Je ne sais pas trop si je veux y aller. Elles vont encore me demander si je suis en couple ou si je me suis remise avec mon ancien copain. Enfin...Ce n'est pas comme si c'était le bagne.
Je finis mon café et s'en me rendre compte, je me touche machinalement la joue.
*
Il bruine ce matin. Vous savez cette petite pluie, presque invisible mais qui vous trempe de la tête aux pieds. J'ai mon parapluie noir. D'habitude je ne le prend pas quand il bruine. Mais cette fois je ne porte qu'un pull rouge, je n'ai pas envie qu'il se trempe et me rende malade par la même occasion. Il y a un peu de vent en plus. Pas grand-chose, juste un zéphir. Mais lorsque l'on est mouillé, cela se rapproche d'une bourrasque.
Je m'asseois et l'odeur de béton mouillé m'emplie les narines. J'inspire profondément et écoute le son des oiseaux matinaux qui chantent dans les arbres. Au bout de quelques minutes, Alain arrive et je souris toute seule. Je crois que mon cœur bat plus vite. Mais je ne suis pas sûre. Il s'assoit et ne dit rien, juste un bonjour rapide. Je le regarde du coin de l'oeil tandis qu'il allume sa cigarette avec une allumette. Mes yeux glissent sur ses lèvres pâles. Ce sont celles qui m'ont effleuré il y a encore peu. J'ai envie de me toucher la joue puis je me retiens. Je vous avais déjà dis qu'il était beau. Je m'en rend pleinement compte maintenant. Ses pommettes saillantes, ses yeux noisettes ressortant avec ses cheveux blonds comme de la paille, son regard froid qui lui donne un charme fou...
La nature l'a gâté.
Je me sens honteuse de penser cela. Je ne ressens rien pour lui. Et puis il a une petite amie. Mais bon. Je ne peux pas nier le fait qu'il soit beau.
"Ai-je quelque chose sur le visage?"
Alain me regarde avec confusion. Mes yeux glissent doucement jusqu'à ses yeux et je découvre que cela doit bien faire cinq minutes que je le fixe ainsi. Je ne m'en n'étais pas rendu compte. J'essaye de contrôler le pourpre qui veut me monter aux joues et détourne le regard. J'ai l'air maline maintenant. Je lui répond quoi? Non? Ça va sembler suspect. Ne parlons pas du oui qui serait un véritable mensonge. J'espère qu'il n'a pas vu que je regardais ses lèvres. Il va se faire des idées. Mais je ne veux rien. Le silence devient embarrassant. Alain attend une réponse et moi je regarde mes chaussures. Ce que c'est déplaisant. Que quelque chose me sorte de ce mauvais pas. La nature, un ami Morgan Freeman, n'importe quoi!
Mon téléphone se met à sonner. Fébrile, je le sors et décroche avec empressement.
Merci Morgan Freeman.
C'est une de mes amies, Nelly, que j'ai invité au restaurant demain. Elle me dit que son portable ne reçoit plus les messages et qu'il faut que je lui explique ce que je lui ai envoyé. Je lui répond donc que c'est pour mon anniversaire, qu'elle vienne au restaurant. Elle me demande à quelle heure et où. Encore une fois je lui répond. Puis je lorgne sur Alain qui fume sans me regarder et ajoute plus bas que je dois la laisser car "je suis avec quelqu'un". Elle émet une sorte de roucoulement et prononce un "je vois" doucereux avant de raccrocher. Je fronce les sourcils et hausse les épaules avant de le ranger dans ma poche. Alain se tourne vers moi et semble comme attendre que je dise quelque chose.
"Une amie. Désolée." Dis-je avec un rapide sourire.
Il attend quelques secondes en soufflant doucement sa fumée.
"Demain est votre anniversaire?"
Je secoue la tête.
"Non. C'est Lundi. Mais je le fête dimanche car c'est plus simple pour tout le monde."
Il hoche la tête silencieusement mais n'ajoute rien. Je suis un peu vexée. Pas de "joyeux anniversaire"? De "tous mes vœux les plus sincères"? Pas même un petit commentaire? Nous n'aurons pas l'occasion de se revoir avant. Un petit mot aurait été le bienvenu. Je soupire mais ne dit rien de ce que je pensais.
Au moins cela lui a fait oublier sa question première.
Lundi 6 Février
Joyeux anniversaire à moi! Vingt-trois ans et toutes ses dents. C'est une bonne chose.
Je crois.
La soirée d'hier était bien. C'est devenu vite embarrassant. Mais c'était bien. Nous étions au dessert (juste après l'embarassant moment de la chanson d'anniversaire), j'avais pris un dôme au chocolat avec une bougie dessus, m'opposant à toutes mes amies qui me proposaient, non sans humour, un Rubis. C'est mon pêché mignon, le chocolat. Si bon pour les papilles, si mauvais pour le cœur...
Elles ont, comme d'habitude chaque fois que l'on se revoit, demandé si j'avais rencontré quelqu'un. Mangeant mon dessert avec lassitude, je leur ai répondu avec agacement que non. J'ai eu droit aux éternelles "mais tu es mignonne pourtant!"ou"je suis sûre qu'il te faut juste trouver le bon gars". C'est toujours comme ça lorsque l'on est la célibataire du groupe. Mais Nelly eut un sourire en coin et tout en me regardant avec malice déclara:
"Si elle a quelqu'un. Ou du moins elle a des vus sur lui."
Toutes les filles se sont tues et m'ont regardé avec intérêt. J'ai essayé de me faire petite, me sentant comme une gazelle au milieu de lionnes affamées.
"C'est faux, il n'y a personne." Avais-je répliqué mais ma voix me parut nasillarde.
Elles se sont mises à glousser et le petit visage métis de Nell' s'est mis à rayonner.
"Darling, s'il y a bien une chose que je peux deviner chez toi...C'est quand tu mens. Hier au son de ta voix, j'ai su qu'il était à côté."
Un murmure amusé a parcouru mes amies. Elles m'ont questionné sur lui, s'il était beau principalement. J'ai évité de leur répondre autant que j'ai pu. Qu'aurais-je pu leur dire de toute façon? Je n'ai pas de"vus" sur lui.Puis en réfléchissant un peu plus...Je me rend compte que je ne connais rien de Alain. À part sa description physique.
La soirée s'est néanmoins bien terminée, le sujet de discussion ayant changé. Je suis rentrée et exténuée, je me suis effondrée sur mon lit.
Aujourd'hui nouvelle journée donc. Et je ne vais pas voir Alain. J'aurais quand même aimé pour mon anniversaire. Je l'apprécie bien et...Je ne sais pas cela m'aurait fait plaisir sans doute. Mais on ne peut pas choisir son jour...
Heureusement j'ai droit à un beau levé de soleil. Les couleurs de l'aube s'amoncellent sur mon chemin. Rouge, orange, jaune, elles sont là, flamboyantes, chaudes et magnifiques. La rosée perle sur les feuilles des arbres et l'herbe timide des prairies. L'arrêt brille sous la lumière naissante du soleil. Il fait à peine chaud. Mais mon pull me garde la chaleur. J'inspire profondément l'odeur humide et fraîche de l'aube avant de m'assoir. Je reste quelques secondes à observer les pins puis m'aperçois qu'il y a quelque chose sur le banc. Je met ma main en visière car je ne vois rien avec le contre-jour. Ma vision floutée s'ajuste et c'est un bouquet que je vois. Je fronce les sourcils et tend la main avec hésitation. Je le prend délicatement, me demandant si quelqu'un ne l'a pas oublié par hasard. Ce sont des tulipes rouges, où des perles de rosée reposent sur chaque pétale satiné. Je l'observe et le tourne doucement. Qui a bien pu le laisser là? Un amant étourdi? Une femme bafouée? Mes scénarios sont très romanesques.Je remarque qu'il y a une carte sur le plastique.
Je l'attrape et la lis avec curiosité.
"Parce qu'elles vous vont si bien.
Joyeux anniversaire Ruby.
~Alain"
Je reste quelques minutes à fixer la petite carte. C'est un cadeau...de Alain? Je regarde le bouquet puis de nouveau la carte. Est-ce qu'il n'a rien dit la dernière fois pour me faire une surprise? Quand est-ce qu'il les a déposé? Je reste silencieuse et observe les fleurs. Je sers les tulipes contre moi et souris avec tendresse.
"Des tulipes rouges hein..."
Je souffle un rire et sens les fleurs. C'est un merveilleux parfum.
Je crois que là, tout de suite, je mentirai si je disais que je ne l'aimais pas.
Merci de toujours suivre arrêt de bus :) désolée pour le retard et j'espère que ce chapitre vous aura plu.
#Jabberwobbly
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