Avant que l'hélianthe ne germe |Partie 2

"Jeune homme"

"Mec"

"Il"

"Fils"

"Frère"

"Ami"

"Monsieur"

Et tant d'autres.

Tant d'autres mots prononcés innocemment, mais étant une torture à entendre.

Mais je prenais sur moi.

Je souriais. Je riais. J'étais heureux.

En apparence.

Je ne savais que faire. Je ne savais pas ce qu'il m'arrivait.

J'avais du mal à m'assumer. À assumer le fait que j'aimais également les hommes... Et qu'au fond je n'en étais pas un.

Parfois, je craquais.

Alors je m'isolais, de préférence dans les toilettes.

Et puis il y a eu ce jour. Où il m'a vu.

Il s'est agenouillé à côté de moi, et m'a donné un mouchoir.

C'était humiliant, de me faire prendre dans cet état.

Mais je n'ai rien montré.

Jusqu'au bout j'étais Kaoru Aoki, le gars populaire.

Et puis c'est sorti tout seul.

-Je suis dégoutant...

Il n'a rien dit. Alors j'ai enchainé. Par automatisme, par envie de me confier.

Parce-que je n'avais personne d'autre. Alors je me confiais à ce gars que je connaissais à peine, parce-que ça avait moins de répercussions que si c'était un ami ou un membre de ma famille refusant de m'accepter.

Si jamais il rapportait ce que je lui disais, dans tout les cas, je pouvais l'accuser de mensonges.

À l'époque j'étais Kaoru Aoki, le petit connard égocentrique qui privilégiait sa personne et refusait d'assumer ses actes.

-Dégoutant... Dégoutant ou dégouté...? Je ne comprends rien... Je suis beau, pas stupide, j'ai des amis... Mais je préférerais n'avoir rien de tout ça...

Cette phrase, aujourd'hui je la regrette.

Parce-que je suis stupide.

Stupide d'avoir pensé que c'était une honte d'être qui j'étais.

Après cela, on ne s'est plus jamais parlé.

J'avais repris ma vie, mais quelque chose avait changé.

J'avais besoin de le dire.

De le dire à quelqu'un que j'aimais plus que tous.

Malgré toutes les fois où j'ai pu l'insulter mentalement et autre...

-Chéri ? Tu voulais me voir? Avait demandé ma mère en rentrant dans ma chambre.

-Oui.

Je n'ai jamais été doué avec les mots. Tourner autour du pot, essayer d'introduire le sujet...

-J'aime les hommes.

Silence.

-Oh.

-Mais j'aime aussi les femmes.

-... Ah.

-Et je suis une femme.

Un nouveau silence.

-Oh mon ange...

Elle m'avait prise dans ses bras, et c'est à ce moment que les larmes coulèrent sur mes joues.

J'étais Kaoru Aoki, la jeune fille qui venait de s'assumer.

-Depuis quand, mon coeur...? Tu aurais dû nous le dire... J'avais bien remarqué que ça n'allait pas en ce moment...

J'étais si heureux.

Heureuse.

Heureuse d'être acceptée par ma famille.

Mais bien évidemment, il a tout gâché.

Ma sœur l'aime. Et quand il a appris que j'étais trans et pan, il lui a fait du chantage.

"C'est pas normal, tu t'en rends bien compte ? C'est simple, accepte ce genre de choses, et je te quitte !"

Et c'était fini.

Ma grande sœur et moi.

C'était fini.

On ne traînait plus ensemble, on ne se parlait plus...

Elle était ma sœur, ma meilleure amie, ma confidente.

Était.

Mais, bizarrement, à présent que je me tiens devant la porte de sa chambre, l'entendant pleurer parce que son copain l'a quitté...

Je ne peux pas m'empêcher de repenser aux enfants qu'on étaient.

Je suis Kaoru Aoki, l'étudiante de 1-A à Yuei...

Et la petite sœur de Fubuki Aoki.

Même en repensant à toutes les choses horribles qu'elle m'a dit, je repense également à tout les moments que j'ai passé avec ma sœur.

-Kaoru...? Qu-Qu'est-ce que tu fous dans ma chambre ?! Dégage !

J'esquive avec facilité le coussin qu'elle me lance, et observe un instant ses joues tachées de larmes.

-Ton mascara a coulé.

-J'en ai rien à foutre! Tu-

Je désigna mon cou. Cou autour du quel se trouvait un ras-de-cou noir...

Qu'elle avait également.

Parce qu'on les avait achetés ensemble il y a 3 ans.

Même après tout cela, nous les avions inconsciemment gardés, les symboliques de nos liens impossible à rompre.

Parce que ce n'est pas le fait de changer de genre ou de se haïr au point de rester avec un connard en pensant que c'est la seule personne qui ne pourra jamais nous aimer qui brisera ce que nous avons construit.

Je suis sa sœur.

Et même si elle ne me considère pas comme tel, alors je suis son frère.

Et en ce moment même, alors que je suis debout au milieu de sa chambre et qu'on se regarde dans les yeux...

On le sait toutes les deux.

Que les choses peuvent s'arranger.

Qu'elle ne m'a jamais détesté, et que je suis trop faible pour lui en vouloir.

Inconsciemment, j'ai enlacé pour la première fois depuis des mois ma grande sœur.

Et elle le fait en retour.

Elle sanglote sur mon épaule.

Parce que je suis sa sœur, sa meilleure amie, sa confidente.

Je suis Kaoru Aoki. Une fille banale.

Une fille.

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