C H A P I T R E 39 (2) - Aroha

Partie 2 : Le calme avant la tempête

Au petit matin, Aroha sortit de l'habitation sans un bruit, laissant son fils avec son mari. Les rayons du soleil levant l'aveuglèrent et elle dut plisser les yeux un certain temps avant de s'y habituer. Cette journée de printemps s'annonçait assez chaude et la jeune femme décida de se mettre en route rapidement avant que la chaleur ne la ralentisse.

Après environ deux heures de marche, la jeune cheffe arriva à l'entrée du village d'Ari. Elle savait que ce qu'elle faisait était risquée, mais elle était désespérée. Elle devait essayer de sauver sa mère et elle ne voulait plus impliquer les membres de sa tribu qui guérissaient encore de la bataille qui avait coûté la vie à son père. Avant même qu'elle n'entre sur les terres de son ennemi, la jeune femme se fit intercepter par deux soldats armés de lances. Le regard méfiant, ils lui barrèrent la route.

— Je viens m'entretenir avec le chef Ari. Prévenez-le que la cheffe Aroha est là. 

Sans un mot, l'un des soldats entra dans le village et partit à la recherche d'Ari. Le second resta planté devant la jeune femme, la dévisageant de haut en bas. Cette dernière, toujours aussi déterminée, ne fit pas attention au regard insistant du jeune maori. Elle était venue accomplir une mission et elle ne s'en irait pas tant qu'elle n'aurait pas obtenu ce qu'elle voulait.

Le premier soldat revint après cinq minutes et fit signe à son collègue d'escorter la jeune femme à l'intérieur du village. Saisissant Aroha par le bras, l'homme l'entraîna à l'entrée du marae. Ari, accompagné de sa femme, en sortit au même moment.

— Aroha ! Quel plaisir de te revoir ! As-tu changé d'avis à propos de Moana ? 

La jeune femme serra les dents. Ari savait comment l'énerver en une fraction de seconde. Sa politesse feinte et son sourire ironique avaient le don de la mettre hors d'elle. Cependant, elle devait se contrôler pour prendre le dessus.

— Le plaisir est partagé, se contenta-t-elle de répondre avec un sourire forcé. 

Surpris par l'apparente diplomatie de la cheffe, Ari plissa les sourcils puis se reprit. Il fit signe aux soldats et à sa femme qui les entouraient de s'éclipser et posa une main sur le bras de la jeune femme, la faisant frissonner de dégoût.

— Dis-moi, comment va ton vieux père ? demanda-t-il innocemment. 

Aroha serra à nouveau les dents.

— Mon père est mort, lâcha-t-elle, retenant un sanglot dans sa gorge. 

Le visage réellement choqué d'Ari surprit la jeune maorie. Elle pensait qu'il en aurait entendu parler mais apparemment non. Le vieux chef s'assit sur un tronc d'abre à côté du marae et dévisagea Aroha.

— J'en suis sincèrement désolé. Malgré nos différends, j'ai toujours admiré Natai. Nous avons été amis avant toutes ces querelles stupides. 

Surprise par la réaction de son ennemi, la jeune cheffe se rendit compte qu'elle pouvait peut-être jouer de la situation. Légèrement plus confiante, elle s'avança.

— Il a été assassiné par les envahisseurs, cracha-t-elle, ne pouvant plus retenir sa haine contre Abel et son camp.

— Ton mari en fait partie, non ? s'amusa Ari. C'est pour un envahisseur que tu as refusé d'unir nos deux tribus, il me semble. 

Agacée, Aroha lui lança un regard noir.

— Josef est différent. Mais l'envie d'unir nos tribus est toujours d'actualité. 

Sceptique, le chef prit le temps de réfléchir avant de reprendre la parole.

— Tu n'avais pas l'air de vouloir nous laisser ta sœur pourtant. Qu'est-ce qui a changé 

— Je vais être très honnête avec toi, Ari. Je ne viens pas ici pour t'offrir ma sœur. Je viens avant tout pour te mettre en garde. Si nous ne nous unissons pas contre les envahisseurs, vous serez les prochains sur la liste. Ils nous ont dépouillés de nombreuses femmes pour débuter leur propre village et nous ont ensuite attaqués pour enlever des membres de notre tribu. Ils ont enlevé ma mère ! s'emporta-t-elle. 

Bien que le visage d'Ari semblait inexpressif, la jeune femme vit dans son regard que son récit lui faisait peur. Aroha pensait bien des choses de cet homme, mais elle savait qu'il restait un bon chef qui voulait protéger son peuple, à l'égal de son père.

— Si je comprends bien... tu attends de moi que je t'aide à les anéantir sans aucune contrepartie ? 

Blasée, Aroha soupira bruyamment.

— Arrête de penser à Moana et Anaru, Ari ! Il y a plus important qu'un mariage ! Si tu ne crois pas à tout ce que je viens de dire, viens dans notre village. Il est presque déserté. La moitié de notre tribu a été enlevée et de nombreuses habitations ont été brûlées. Ils ont des armes que nous ne connaissons pas et nous ne pouvons pas les affronter seuls. Si tu décides de ne rien faire et de rester dans ton coin, ils ne tarderont pas à t'attaquer. 

Ari prit un temps extrêmement long pour réfléchir à ce que la jeune femme venait de dire.

— Je vais rassembler mes soldats. Nous viendrons à ton village ce soir pour constater ce que tu viens de me dire. Si je juge que la menace est trop présente, nous attaquerons cette nuit. 

Se retenant de manifester son contentement, la jeune femme fit un sourire sobre à Ari.

— Merci, se contenta-t-elle de répondre. 

La jeune femme salua Ari et sortit du village sous les yeux des deux soldats qui l'avaient accueillie. Le cœur battant, elle marchait rapidement afin d'annoncer la nouvelle à Josef et Ivoa le plus vite possible. Avait-elle enfin réussi à conclure une alliance avec Ari ? Allait-elle pouvoir se venger ?

Au bout d'une heure seulement et sous un soleil tapant, la jeune cheffe arriva dans son village en sueur. Elle se précipita vers son habitation où elle trouva Josef en train de bercer Rakauni qui ne cessait de pleurer. Le père leva des yeux soulagés vers sa femme avant de faire une moue désaprobatrice.

— Tu es partie sans rien dire, Aroha. Tu ne peux plus faire ça maintenant, nous avons un enfant ! 

La jeune cheffe ne répliqua pas, sachant pertinemment que Josef avait raison. Elle prit son enfant dans ses bras et découvrit son sein pour l'allaiter. Elle l'observa un instant, appréciant ses traits paisibles. Puis elle repensa à sa vengeance.

— J'ai réussi, Josef, murmura-t-elle afin de ne pas déranger son fils. 

Le père se leva et s'approcha d'elle, posant lui aussi son regard sur le visage innocent de Rakauni.

— Comment ? demanda-t-il froidement, ne pouvant s'empêcher de penser à Moana.

— Je lui ai dit la vérité à propos des intrus. Je l'ai prévenu qu'il était le prochain sur la liste. Je pense qu'il a eu peur. Il m'a dit qu'il viendrait ce soir pour voir si ce que j'ai dit à propos de la presque destruction de notre tribu était vrai. Il nous aidera quand il aura constaté mes propos. 

Josef acquiesça, soulagé que sa jeune belle-sœur reste en dehors de tout cela. Attendri par la scène d'allaitement de sa femme, il passa ses bras autour d'elle, protégeant Rakauni entre leurs deux corps. Il posa ses mains à la naissance de ses fesses, dans le bas de son dos, arrachant quelques frissons à Aroha.

Son désir de vengeance légèrement apaisé par ce contact, elle leva des yeux aimants vers Josef.

— Je n'ai jamais ressenti ça, avoua-t-elle. 

Le jeune Néerlandais, pas certain d'où elle voulait en venir, ne dit rien.

— Tout cet amour... souffla-t-elle. Toi, Rakauni. Je n'aurais jamais pensé aimer autant.

— Moi non plus, renchérit Josef, posant son front contre celui d'Aroha pour faire un hongi

La jeune maorie posa ses lèvres sur celles de son mari, Rakauni toujours entre eux. Alors qu'ils appréciaient un long baiser, le bébé se mit à babiller. Étouffant un rire, le couple s'éloigna l'un de l'autre et observa d'un même regard les petits mouvements que l'enfant commençait à faire, agitant ses pieds et ses mains de manière aléatoire.

— Il est si beau, murmura Aroha. 

Josef acquiesça en souriant. C'est alors que quelqu'un frappa à la porte de leur cabane. Le jeune père alla ouvrir la porte, tombant nez à nez avec Ivoa qui affichait des cernes à faire peur. Aroha se retourna et écarquilla les yeux en voyant son frère aussi faible.

— Que se passe-t-il Ivoa ?

— Rien, je voulais juste m'assurer que vous alliez bien, répondit-il, ses yeux se fermant presque.

— Tu n'as pas dormi de la nuit ? le questionna Josef.

—  Non, je... je voulais veiller sur le village. Je voulais être sûr qu'ils ne viennent pas faire des représailles. 

Aroha posa Rakauni dans le petit berceau que Natai avait construit pendant sa grossesse et se dirigea vers son frère.

— Ne t'inquiète pas pour ça. Je m'occupe de tout. Nous allons venger Papa. »

Ivoa haussa les sourcils.

— De quoi parles-tu ? Nous n'avons que dix soldats aptes à combattre ! s'exclama le jeune maori.

— J'ai fait une alliance avec Ari, lâcha Aroha en s'autorisant un sourire.

— Ne me dis pas que...

— Moana est hors de danger, intervint Josef.

— Oui, j'ai tout expliqué à Ari. L'attaque, la mort de Papa... Je l'ai prévenu qu'ils seraient les prochains. Il vient ce soir. 

Ivoa acquiesça doucement, intégrant toutes les informations au fur et à mesure. La jeune femme en profita pour donner une information supplémentaire qu'elle avait gardé pour elle jusqu'à ce moment.

— Si Ari décide d'attaquer, j'irai avec les soldats. J'irai chercher Maman moi-même. 

____

Bonjour !

Bon, comme le précise le titre, ce chapitre est assez calme.. Mais il est déterminant :)

Que pensez-vous de l'attitude d'Aroha ? Sa détermination ? Et sa volonté d'aller se battre ?

Comment trouvez-vous Ivoa ? Il est différent ces derniers temps !

Et cette nouvelle alliance avec Ari ? ;)

Bisous, Clara <3

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