C H A P I T R E 38 - Josef Damste

Pleine lune

Josef tenait son fils dans les bras depuis des heures. Il refusait de le poser, attendant que sa femme se réveille pour qu'ils soient tous les deux la première chose qu'elle voit.

Amiria s'affairait autour de sa cheffe qui avait l'air de dormir paisiblement. Elle avait réussi à arrêter l'hémorragie et Aroha ne semblait plus avoir de fièvre. Ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'elle n'ouvre les yeux.

Poeti avait demandé au jeune père quel était le prénom du nouveau-né mais il n'avait pas souhaité lui en donner un sans Aroha. Pendant ces six mois de distance, ils n'avaient pas eu l'occasion de discuter de prénom et il ne voulait donc pas prendre la décision seul.

Moana, que Poeti avait confié à l'une de ses amies avant de rejoindre Amiria, entra dans la cabane au lever du jour, plusieurs heures après la naissance de son neveu. Aroha n'était toujours pas réveillée mais Josef accepta enfin de lâcher son fils, le montrant à sa jeune belle-sœur.

— Il est bizarre, lâcha-t-elle d'un air innocent. 

Josef sourit. Son fils métis paraissait sans aucun doute étrange aux yeux de ce peuple. Ils n'avaient jamais vu un maori aux yeux bleus et, bien que convaincu de la beauté de son fils, il comprenait le ressenti de Moana.

— C'est un mélange parfait d'Aroha et moi, se contenta-t-il de répondre en contemplant son enfant. 

Moana sourit, oubliant momentanément la situation. C'est à ce moment qu'Aroha se mit à gémir légèrement.

— Elle se réveille, murmura Amiria. 

Josef se précipita à ses côtés après avoir repris son fils dans les bras. Quand la jeune femme ouvrit les yeux, elle aperçut directement son mari. Ce dernier sourit, soulagé qu'elle aille bien. N'échangeant aucun mot, il lui tendit délicatement son fils. Légèrement déboussolée, Aroha attrapa doucement le petit être et l'amena contre elle. Endormi, le bébé se blottit néanmoins contre le sein de sa mère.

— Il est si petit, murmura-t-elle. 

Elle se rendit compte que sa peau était plus claire que la sienne, mais cela ne voulait pas forcément dire que l'enfant était de Josef. Elle releva doucement la tête vers le concerné qui lui souriait franchement. Le nouveau-né se réveilla alors en pleurs. Il avait senti le lait de sa mère et, n'ayant pas encore eu son premier repas, avait terriblement faim.

Aroha, surprise par ces pleurs, présenta rapidement son sein au bébé qui le téta avidement. Une fois repu, le nouveau-né ouvrit les yeux et observa sa mère. Cette dernière découvrit au même moment l'identité de son enfant.

Ses grands yeux bleus la fixaient. Son regard océan lui coupa le souffle. Elle le fixait, se noyant dans ses prunelles.

— C'est ton fils, souffla-t-elle à l'intention de Josef. 

Une larme, élément extrêmement rare pour Aroha, s'aventura sur sa joue. La joie d'avoir un enfant en bonne santé qui avait le doux regard de Josef l'avait faite craquer.

— Josef t'attendait pour le nommer, déclara Poeti. 

La jeune cheffe sourit et, essuyant la perle salée d'un coup de doigt, se tourna vers Josef.

— As-tu une idée ?

— J'ai pensé à quelque chose... sourit-il avec un air tendu. 

Il espérait que sa femme allait apprécier son idée. Il l'avait eu en repensant à cette nuit éprouvante mais magnifique. Aroha lui fit un sourire encourageant qui le décida à parler.

— Il est né cette nuit. La lune était pleine et a illuminé sa naissance. Alors, que penses-tu de Rakauni

Rakauni signifiait littéralement « pleine lune ». Aroha, visiblement touchée par le choix de son mari, acquiesça.

— Je trouve ça parfait. 

Le fait qu'il n'ait même pas pensé à lui donner un prénom néerlandais prouva à Aroha que Josef était des leurs désormais.

Alors que l'aube laissait place à une matinée ensoleillée, l'heureux couple entendit des pas précipités à l'extérieur de leur cabane ainsi que des voix paniquées. Josef, ayant fait signe à sa femme de se reposer, sortit de l'habitation en compagnie d'Amiria et de Poeti. Ils aperçurent alors Ivoa marchant doucement avec Eimeo pendant sur son épaule, inerte. Plus loin, deux soldats portaient un brancard improvisé en fougères avec un corps dedans. Les deux femmes se précipitèrent vers le groupe, Josef s'apprêtant à les suivre quand il entendit la voix d'Aroha.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle depuis la cabane.

— Les soldats sont revenus, lui répondit-il en rentrant à nouveau dans l'habitation. 

La jeune femme tenta de se lever, son fils toujours dans ses bras. Josef se précipita vers elle et l'interdit.

— Tu es trop faible, tu as perdu énormément de sang, Aroha !

— Je veux savoir ce qu'il s'est passé, s'exclama-t-elle, usant de son charisme naturel de cheffe sur Josef. 

Le jeune homme acquiesça.

— Je vais aller voir et je reviendrai te le dire, d'accord ? Mais tu ne bouges pas d'ici, Aroha. 

La cheffe pinça les lèvres, contrariée. Mais elle finit par accepter, recentrant son attention sur Rakauni. Josef sortit donc et rejoignit le groupe de soldats. Ivoa sortait de la cabane d'Amiria où il venait de déposer Eimeo. Lorsque le jeune homme aperçut le visage de son beau-frère, il sut que quelque chose de grave était arrivé. Les traits tirés, des poches sous les yeux et des traces de larmes sur les joues, il avait l'air effondré. Poeti s'approcha de lui et le prit dans ses bras. Le soldat s'effondra alors, pleurant à chaudes larmes.

Josef s'approcha du couple et posa une main sur l'épaule du jeune homme.

— Que s'est-il passé ?

— Où est Aroha ? sanglota le frère, n'osant pas regarder Josef dans les yeux.

— Dans notre cabane. Elle vient d'accoucher de notre fils. 

Ne laissant pas le temps à Josef d'en dire plus, Ivoa s'écarta de sa femme et courut vers l'habitation de la cheffe. Le Néerlandais, après avoir interrogé du regard Poeti, le suivit. Quand il entra dans la cabane, il trouva son beau-frère agenouillé devant Aroha, pleurant entre ses mains.

— Qu'est-ce qui se passe Ivoa ? Pourquoi es-tu couvert de sang ? Tu me fais peur, parle ! s'écria Aroha, berçant machinalement Rakauni.

— C'est Papa... 

Le frère de la cheffe n'eut pas à en dire plus, cette dernière ayant compris qu'un drame s'était déroulé. D'un geste, elle tendit son enfant à son mari qui le recueillit délicatement. Elle se redressa et se mit à genoux en face de son frère, saisissant ses mains. Josef observa ces deux êtres se faire face, partageant la même position et la même douleur. Le Néerlandais venait de comprendre qui était dans le brancard qu'il avait vu plus tôt et même si une douleur vive le consummait, il se força à se montrer fort pour sa femme.

La concernée lâcha un sanglot déchirant. Ce son anéantit Josef qui, sous la force de la tristesse d'Aroha, s'agenouilla à son tour, tenant toujours son fils entre ses bras. Voir sa femme pleurer à chaudes larmes était une vision d'horreur pour lui. Les cris du bébé vinrent s'ajouter au tableau, déchirant les cœurs de tous.

— Et Maman ? demanda la jeune cheffe après un long moment, ayant réussi à calmer ses sanglots. 

Ivoa, la tête toujours baissée vers le sol, émit un nouveau sanglot.

—On ne l'a pas trouvée... 

Aroha se prit la tête entre les mains. Elle inspira profondément, se forçant à se calmer. Josef, impuissant, était comme un spectateur face à la souffrance de sa femme.

— Peut-être qu'elle s'est évadée et qu'elle va revenir ici, murmura-t-elle, tentant de se convaincre elle-même. 

Ivoa acquiesça, légèrement rassuré par les paroles de sa sœur. Il releva la tête vers la jeune mère et lui serra les mains.

— Il y a aussi eu un problème avec Eimeo... Les intrus ont des armes spéciales et il a été blessé par l'une d'entre elles, il saigne beaucoup. Je l'ai déposé chez Amiria dès qu'on est arrivés mais j'ai longtemps marché avant de revenir ici... Je ne sais pas s'il survivra. 

Josef, bien que détestant Eimeo, fut touché par la gravité de sa blessure. Il n'avait jamais souhaité sa mort. Aroha s'arrêta de respirer un instant, choquée par cette nouvelle. Elle pensait Eimeo invincible, étant le soldat le plus fort du village. Mais elle l'avait envoyé combattre un ennemi qu'ils ne connaissaient que trop peu. Elle avait agi sous l'énervement de l'enlèvement de sa mère et à présent, ses deux parents avaient disparu et son meilleur soldat et premier amour était entre la vie et la mort. Elle les avait tous condamnés.

Josef, plongé dans ses pensées, se ressaissit et prit la parole.

— Ce devait être un fusil qui a blessé Eimeo. Je peux peut-être aider Amiria. 

Sa femme venait de devenir orpheline et était sur le point de perdre son premier amour. Malgré la haine qu'il ressentait pour le soldat, il ne pouvait pas le laisser mourir. Aroha, reconnaissante, se releva avec l'aide de son frère et prit son fils dans ses bras.

Josef sortit donc de la cabane et se dirigea vers celle d'Amiria. Poeti était au chevet de son frère inconscient. Amiria, penchée sur la blessure du jeune homme, avait le visage tiré. Elle ne comprenait pas ce qui avait ainsi percé l'abdomen du soldat.

Le Néerlandais s'approcha d'elle et posa une main sur son épaule pour attirer son attention. La vieille femme leva des yeux fatigués vers lui.

— Il a été blessé par une balle de fusil. Il faut la retirer puis refermer la plaie. 

La guérisseuse ne comprit pas tous les mots que Josef employa, n'ayant pas connaissance de cette arme. Cependant, elle s'exécuta, cherchant la balle de ses propres doigts. Josef, n'y connaissant pas grand chose en médecine, ne put lui apporter plus d'aide.

Alors qu'Eimeo s'éveillait sous la douleur qu'Amiria lui infligeait, poussant un cri, Aroha entra dans la cabane, Rakauni entre ses bras. Elle jeta un regard à Josef, l'implorant de pardonner sa précence auprès de son premier amour. Le Néerlandais, étonné de ne resssentir aucune jalousie, lui fit signe que tout allait bien.

La jeune cheffe, les joues noyées de larmes, s'agenouilla auprès d'Eimeo et, tenant son fils dans un bras, posa une main sur son torse trempé de sueur. Légèrement apaisé par la présence d'Aroha, le maori posa son regard sur elle, puis sur son enfant.

— Est-ce que... murmura-t-il difficilement. 

Il ne finit pas sa phrase, la douleur lui faisant serrer les dents. Josef jeta un coup d'œil rapide à la blessure du soldat. Amiria venait d'extraire la balle et tentait de stopper l'hémorragie. Pendant ce temps, Aroha montrait son enfant à Eimeo.

— Je te présente Rakauni. 

Le soldat posa son regard sur le bébé et aperçut immédiatement le bleu de ses yeux. Contre toute attente, Eimeo sourit.

— Il ne sera pas orphelin, se contenta-t-il de dire. 

Sur ces paroles étonnantes, le soldat s'évanouit à nouveau. 

____

Et bonjour ! 

Bon... Ce chapitre est à moitié joyeux. Je sais que vous allez sûrement m'en vouloir pour Natai et Eimeo mais bon, que voulez-vous, c'est la vie ! 

Que pensez-vous de Rakauni et de la réaction d'Aroha ? Et bien sûr, de la réaction d'Eimeo ? 

La fin approche, j'ai de plus en plus peur de ce que vous en penserez !

Je vous souhaite une bonne journée, 

Bisous, Clara <3

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