C H A P I T R E 24 - Aroha

Fraternel

Cela faisait à peine une journée que Josef était parti et Aroha ne pouvait s'empêcher de penser à lui. Allait-il réussir à créer une alliance avec ses anciens compagnons ? Allait-il permettre à la tribu d'Aroha de vivre en paix avec ces nouveaux arrivants ainsi qu'avec la tribu d'Ari ?

Elle espérait de tout cœur que son mariage avec Josef n'allait pas être vain et c'est en repensant à ce qu'elle avait sacrifié qu'elle se dirigea vers la cabane d'Ivoa. Elle ne souhaitait pas que son frère souffre comme elle. Si elle devait renoncer à son premier amour, peut-être pouvait-elle permettre à son frère de vivre pleinement avec le sien.

Devant l'entrée de la petite demeure d'Ivoa, la jeune cheffe se redressa et souffla longuement. Elle n'avait jamais été proche de son frère, tout le monde le savait. En revanche, ils avaient dernièrement développé plus d'affection l'un pour l'autre. Les différents dangers et obstacles qu'ils avaient tous les deux rencontrés les avaient inconsciemment rapprochés. Cependant, ils n'avaient pas une relation fusionnelle comme Eimeo et Poeti par exemple. Cela allait être la première fois qu'Aroha se mêlait des affaires d'amour de son grand frère et elle avait la boule au ventre.

Sans s'annoncer, la jeune femme entra dans la cabane de son frère qui faisait une sieste après avoir effectué un tour de garde. Toujours à l'affut du moindre bruit, Ivoa se réveilla en sursaut et saisit le poignard qui gisait à côté de sa couche. Après avoir papillonné des yeux quelques secondes, il fixa son regard sur celui de sa sœur et se détendit en soupirant.

— J'aurais pu t'attaquer, grommela-t-il de sa voix toujours endormie. 

Aroha sourit. Leur relation avait définitivement évolué. Auparavant, il se serait contenté de grogner et se serait rendormi immédiatement.

— J'ai besoin de te parler de quelque chose d'important. 

Ivoa, torse nu, se redressa sur ses coudes, contractant ses abdominaux. Perplexe, il attendit que sa sœur continue.

— C'est à propos de Poeti. 

Aroha perçut une lueur de surprise dans le regard de son frère. Il tenta de cacher sa gêne en s'asseyant et en toussotant. C'était la première fois que sa sœur le voyait déstabilisé.

— Elle m'en veut énormément pour ce qu'il s'est passé entre moi et Eimeo. Elle a voulu se venger. Et pendant qu'on s'expliquait, elle m'a avoué quelque chose... de surprenant. 

La jeune cheffe ne put s'empêcher de sourire devant l'embarras croissant de son frère. Elle qui le croyait insensible et incapable à l'amour. Elle fit une pause dans son monologue, espérant qu'Ivoa lui avoue son amour pour Poeti. Mais, les yeux baissés sur ses pieds nus, le jeune homme semblait perdu dans ses pensées.

— Poeti est une jeune femme magnifique et très intelligente qui porte beaucoup d'importance à l'honneur. Elle te ressemble en beaucoup de points et c'est pour cela que j'ai compris rapidement pourquoi vous avez eu une histoire. 

Ivoa redressa la tête doucement pour faire face à sa sœur. Elle vit le tremblement de sa lèvre supérieure et les petites larmes dans ses yeux noirs. Elle ne l'avait jamais vu aussi vulnérable et elle n'en fut que plus touchée en comprenant que Poeti était l'équivalent d'Eimeo pour elle. L'émotion l'envahit tandis qu'elle prenait la main de son frère qui, jusqu'à présent, avait été son protecteur. Échanger les rôles était à la fois surprenant et apaisant.

— Pourquoi tu n'es pas avec elle maintenant ? Pourquoi tu ne lui demandes pas de t'épouser ? lui demanda Aroha d'une voix enrouée. 

Ivoa émit un rire amer et plongea ses prunelles trempées dans celles de sa sœur.

— Tu crois vraiment que ce serait raisonnable pour moi d'avoir une femme alors qu'on est menacés de guerre de tous les côtés ? Il y a trop de menaces, je ne peux pas avoir l'esprit occupé par autre chose que par la sécurité de notre peuple, répondit-il, sa voix se cassant petit à petit. 

— Mais...

— Nous sommes les enfants du chef de tribu, Aroha. Tu es la nouvelle cheffe à présent, tu as dû sacrifier de multiples choses pour le devenir. Normalement, ce rôle aurait dû me revenir, même si je ne le souhaitais pas. Je ne peux pas te laisser renoncer à ton premier amour alors que moi je vis heureux avec le mien, tu comprends ? 

Une larme rebelle s'échappa de ses yeux et se mit à couler rapidement le long de sa joue brune avant de s'écraser sur le sol. D'un geste rageur, Ivoa effaça la trace mouillée qui colorait sa peau. Aroha fut touchée par ce discours. Son frère ne voulait pas la faire souffrir en lui affichant son bonheur en pleine face. Reconnaissante, elle serra la main de son frère et la porta à ses lèvres. Elle ferma les yeux et se laissa aller.

— J'ai voulu être cheffe de tribu et je savais ce que cela impliquait. Je pensais que j'allais pouvoir épouser Eimeo car Josef n'était pas encore arrivé... Mais il est apparu dans notre vie, dans ma vie, et il a été symbole d'espoir dès le début pour Papa. J'ai eu du mal à le comprendre mais maintenant, je le vois. Même si mon union avec Josef a été très douloureuse, je sais que c'était le meilleur choix à faire pour tout le monde. Éventuellement, Eimeo aurait souffert de ma position, n'étant qu'un simple soldat. Il est libre de faire ce qu'il veut maintenant. Et puis, Josef n'est pas si terrible que je ne l'imaginais. 

Elle embrassa doucement la peau chaude de son frère et releva les yeux vers lui.

— L'amour est une chose compliquée, Ivoa. Mais tu as la chance de pouvoir le vivre avec Poeti. Josef va revenir et il aura réussi à former une alliance avec son ancien peuple. Tu n'auras plus rien à craindre, aucune guerre... 

Ivoa effectua un petit sourire reconnaissant tandis qu'il laissait échapper une nouvelle larme de ses yeux. Il n'aimait pas être aussi vulnérable mais son cœur était submergé d'amour. De l'amour pour Poeti, cette femme au caractère de feu qui lui faisait tourner la tête. Et de l'amour pour sa sœur qui avait tout sacrifié pour que ses proches, son peuple, puisse vivre comme ils l'entendent. Qui était-il pour cracher sur ce bonheur qu'elle lui offrait avec tant de générosité ?

— Va la rejoindre, idiot. 

Le jeune homme se leva, aidant sa sœur à se mettre debout également. Sans crier gare, il l'attira vers lui et serra Aroha aussi fort que possible. Il huma son odeur iodée si familière et murmura dans son oreille :

— Merci, tāku hēhita, ma sœur. 

La jeune cheffe, touchée par l'amour de son frère ainsi que sa reconnaissance, se blottit contre lui et, après quelques secondes, s'écarta en lui donnant une tape dans le dos.

— Arrête de perdre ton temps et vas-y ! 

Ivoa laissa échapper un rire, son si rare venant de sa bouche, et sortit de sa cabane. Aroha le regarda, son cœur auparavant brisé se reconstituant pièce par pièce. 

____

Bonjour bonjour ! 

Alors voici l'un de mes chapitres préférés jusqu'à maintenant... J'ai adoré l'écrire :)

Que pensez-vous de l'évolution de la relation Aroha/Ivoa ? 

Que pensez-vous des raisons d'Ivoa par rapport à Poeti ? 

Pensez-vous qu'ils vont vivre "happily ever after" ? ;)

Je vous réserve une petite surprise pour le prochain chapitre... J'espère que ça vous plaira ! 

Gros bisous <3

Clara

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