C H A P I T R E 23 - Josef Damste
Négociations
— Tu en veux un ? Je n'en ai plus qu'une boite, annonça Andreas en tendant un cigare à Josef. Dieu que la civilisation me manque !
Le jeune marié accepta le cigare et laissa le Néerlandais lui allumer. Il le porta ensuite à ses lèvres, essayant de gagner du temps sur ce qui l'attendait. Andreas savait que Josef n'avait pas été enlevé, mais il n'avait pas eu l'air de l'avoir dit à son capitaine Abel Tasman ni aux Anglais qui étaient récemment arrivés. L'avait-il fait par respect envers leur ancienne amitié ? Josef l'espérait plus que tout, tandis que le tabac brûlait sa gorge, le forçant à toussoter.
— Nous avions perdu espoir de te revoir, mon ami ! s'exclama Andreas d'un faux ton alarmé alors qu'Abel entrait dans la tente.
— C'est bien vrai, mon cher Josef ! Je suis très heureux que tu aies réussi à t'échapper, j'espère qu'ils t'ont tout de même bien traité, ces sauvages !
— Il faut que tu nous racontes tout, ajouta le linguiste sur un air de reproches.
Josef, légèrement dépassé par la situation, porta à nouveau le cigare à ses lèvres. Bien qu'il sentît le rouge lui monter aux joues, il n'arrêta pas pour autant de fumer. Cela occupait ses mains et il ne pouvait montrer à ses compagnons à quel point il était nerveux. Devait-il mentir ? Ou devait-il avouer la vérité qu'Andreas connaissait déjà ?
Après avoir toussé à nouveau, le jeune marié décida d'enfin prendre la parole.
— Natai et Ivoa m'ont fait comprendre que si je ne venais pas avec eux, leur tribu allait attaquer le camp. Je suis donc parti avec eux pour vous protéger.
Ayant dangereusement choisi de mentir devant Andreas, Josef évitait de le regarder. Il se contenta de fixer son capitaine pendant son récit.
— Ils m'ont emmené à leur camp, à quelques heures de marche d'ici, et ils m'ont emprisonné pendant plusieurs jours. J'ai pu observer leur façon de vivre et j'ai été présenté à la cheffe de la tribu.
— LA cheffe ? Ils sont dirigés par une femme ? s'exclama Andreas, visiblement horrifié par cette idée.
— Oui, Aroha, répondit Josef avec plus de douceur qu'il n'aurait voulu. Elle a pris la suite de son père car elle était la plus apte pour cette position.
— Intéressant, murmura Abel, impressionné par le récit de Josef. »
Le jeune homme acquiesça tandis qu'Andreas, toujours choqué par la nouvelle, observait Josef d'un air de défi. Devait-il dire à quel point cette femme, sa femme, était extraordinaire ? Devait-il leur avouer qu'elle avait tout d'une déesse ? Suite à la réaction du linguiste, le jeune homme sut que non. Comment pouvait-il le convaincre qu'une femme pouvait être une cheffe de tribu, une dirigeante, respectée de tous ?
— Natai l'a convaincu de m'épouser pour former une alliance. Nous nous sommes mariés il y a une semaine et ils m'ont renvoyé ici pour vous exposer cette possible entente. Ils veulent juste vivre en paix. Cela signifie que vous ne pourrez pas venir sur leur terre et qu'ils ne viendront pas ici. A travers cette alliance, ils attendent aussi de vous de défendre leurs terres en cas d'attaque d'une autre tribu. Si cet accord n'est pas accepté, ils attaqueront.
— Ils nous menacent ! s'exclama Andreas. Nous ne pouvons pas nous laisser faire par cette bande de sauvages !
— Calme-toi Andreas. Quoique l'on fasse, ils ont l'avantage sur nous. Nous avons besoin d'eux pour trouver de l'or. As-tu pu en apercevoir sur leur camp, Josef ?
— Non, je n'ai rien vu.
Josef n'avait, en effet, pas aperçu d'or sur le camp des maoris et cela le rassura. C'était une raison de moins à attaquer. Cependant, Abel n'avait pas l'air de renoncer à l'idée d'en trouver. Il se tourna vers le linguiste et le toisa.
— Andreas, j'aimerais m'entretenir seul avec Josef s'il te plaît.
Le ton froid et sec du capitaine suffit à faire comprendre au concerné qu'il devait s'exécuter. D'un pas nonchalant, il sortit de la tente en lançant un dernier regard assassin au jeune marié. Le capitaine s'assit en face de ce dernier et lui fit un léger sourire.
— J'ai l'impression que tu ne me dis pas toute la vérité, Josef. Tu sais que tu peux tout me raconter, je ne te jugerai pas.
Josef déglutit avec difficulté. Abel avait-il compris son petit jeu ?
— Je ne vois pas de quoi vous parlez.
Le capitaine sourit à nouveau. Il attrapa le cigare des mains du jeune Néerlandais et le porta à ses lèvres, savourant le précieux tabac.
— Cette cheffe. Aroha, c'est ça ?
Josef acquiesça, s'attendant au pire.
— Tu l'aimes, n'est-ce pas ?
Le cœur du jeune marié rata un battement. Il sentit ses joues rougir et de la sueur commençait à perler sur son front. Oui. Bien sûr qu'il l'aimait.
— Je l'admire, se contenta-t-il de répondre.
Contrairement à toute attente, Abel éclata de rire. Ses yeux bruns se plissèrent et, se calmant doucement, il fixa Josef.
— Je sais reconnaître un homme amoureux. Même si tu as été enlevé par les maoris, tu les apprécies et tu veux les défendre. C'est tout en ton honneur.
Josef eut l'impression que son estomac se retournait. Comment avait-il pu montrer ses émotions à ce point ? À cause de cela, il n'allait pas pouvoir obtenir d'alliance et le peuple d'Aroha allait être en danger. S'il avait été tout seul, il se serait probablement donné un coup sur la tête pour se punir de sa bêtise.
— J'accepte l'alliance. Tu vas pouvoir aller l'annoncer à ta femme, sourit Abel.
Soulagé, le blond relâcha toute la pression qui avait pris possession de son corps. Pour autant, le capitaine n'avait pas terminé.
— Sache que je n'accepte pas cette alliance par bonté de cœur, Josef. Natai et Ivoa sont venus en reconnaissance sur notre camp. Ils savent quelles armes nous avons et ils sont au courant de l'arrivée des Anglais. Nous n'avons aucun effet de surprise sur eux pour les attaquer parce qu'ils connaissent leurs terres. Nous n'avons aucune chance et le mieux est de nous associer avec eux, d'autant plus qu'ils pourraient nous conduire à l'or. S'ils se font attaquer par une autre tribu et que nous devons les aider, ce sera notre chance de nous emparer de cet autre groupe pour faire ce que nous avons à faire ici.
— Et qu'est-ce que c'est ?
Josef savait que le capitaine souhaitait trouver de l'or mais il y avait visiblement autre chose. Abel fit un sourire amusé.
— Ne me prends pas pour un débutant, Josef. Je sais que tu ne fais plus parti des nôtres. Si je te raconte mes plans, tu t'empresseras de leur répéter. Je ne veux pas te faire prisonnier parce que je pense que cette alliance est une bonne idée, mais il faut que tu leur fasses part d'une contrepartie importante que nous attendons d'eux.
Josef haussa les sourcils, surpris de cette annonce.
— Un autre bateau de la flotte néerlandaise est arrivé il y a quelques jours. Nous les avons renvoyés aux Pays-Bas pour annoncer notre découverte à tout le monde. Notre projet est de nous installer ici à long terme. Ceci est une colonie des Pays-Bas et nous allons la peupler. Nous avons donc besoin de femmes pour que nos hommes s'accouplent. »
Choqué par cette annonce, Josef écarquilla les yeux. Abel était-il en train de lui demander des femmes en échange de la paix ? Le jeune marié crut d'abord à une blague et sourit nerveusement. Mais, le visage fermé du capitaine lui fit comprendre que cette contrepartie était sérieuse.
— Je ne sais pas si je vais réussir à les convaincre, les femmes de leur tribu sont assez libres et si elles n'ont pas de responsabilité comme Aroha, elles peuvent faire ce qu'elles veulent. Certaines sont des guérisseuses qui n'ont jamais eu de mari, expliqua Josef avec peine.
— S'ils veulent la paix sur leurs terres, ils vont devoir faire des sacrifices. Tu pourras repartir demain pour leur annoncer. En attendant, tu peux dormir cette nuit dans cette tente, je t'apporterai de quoi manger tout à l'heure.
Sur ces paroles, le capitaine se releva et sortit de la nouvelle chambre de Josef. Le jeune homme, toujours choqué par cette dernière conversation, attrapa une gourde d'eau qui trainait pour se rafraichir le visage.
Cette contrepartie n'en était pas une, c'était une menace.
____
Bonjour !
Notre petit Josef est dans de beaux draps... Tout comme Aroha, ça commence à se corser tout ça dîtes-moi !
Qu'avez-vous pensé de cette conversation ? Est-ce que Josef a bien négocié ou... pas du tout ?
Que pensez-vous de la contrepartie que le capitaine veut ?
Comment va réagir notre belle Aroha ? (on connaît déjà tous la réponse mais bon, je vous demande quand même haha)
Gros bisous ! <3
Clara
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