C H A P I T R E 22 - Aroha
Poeti
La plaie d'Aroha avait du mal à guérir et la faisait souffrir chaque fois qu'elle bougeait son bras. Handicapée pour le moment, elle ne pouvait plus faire grand chose et avait peur de passer pour une faignante aux yeux de son peuple.
Josef était parti depuis quelques jours. Elle savait qu'elle risquait de ne jamais le revoir et son cœur se serrait chaque soir, quand elle se couchait seule. Elle s'en voulait de s'être attachée à lui, mais il en était ainsi.
Malheureusement, elle n'était pas la seule à l'avoir remarqué. Poeti, la sœur d'Eimeo, n'avait pas tenu sa langue et avait raconté à tout le monde comment elle avait offert sa virginité au soldat. La jeune maorie ne supportait pas le fait que sa cheffe soit alliée à un inconnu après avoir utilisé son frère.
Également âgée de dix-huit ans, Poeti était presque aussi grande que son frère ainé. Elle était mince et musclée, s'entraînant de temps en temps au combat avec Eimeo. Elle n'avait jamais été proche d'Aroha et n'avait pas supporté la trahison qu'avait subi son frère. Alors, depuis le mariage de la cheffe et de l'intrus, elle avait décidé de leur faire savoir.
La meilleure vengeance était de montrer à tout le camp que leur cheffe avait utilisé un membre de leur tribu et qu'elle n'avait donc pas sa place ici. Après l'avoir blessée devant Ivoa et Moana, Poeti avait raconté à ses amis ce qu'Aroha avait fait la veille de son mariage et comment elle avait brisé le coeur d'Eimeo. La nouvelle s'était répandue dans tout le village et avait atterri dans les oreilles de Natai.
Furieux, le père de la jeune cheffe l'avait convoquée le lendemain du départ de Josef. Il l'avait réprimandé et lui avait fait part de ses inquiétudes. Il était habituel pour les femmes maories de connaître plusieurs partenaires avant de se marier, mais Josef n'était pas de la même culture et Natai avait peur qu'il n'apprécie pas ce qui s'était passé. Et si Josef reniait sa femme parce qu'elle n'était pas vierge avant le mariage ?
Aroha avait rassuré son père en lui annonçant que son mari était au courant et qu'il s'était montré compréhensif. Natai avait eu la confirmation que Josef était un homme bon et il pria Ranguini pour que son beau-fils revienne sain et sauf de la négociation avec son peuple d'origine.
La jeune cheffe, après avoir passé plusieurs journées à se cacher des regards sévères de son peuple, avait décidé de reprendre les choses en main. Elle dirigeait cette tribu et elle ne pouvait pas laisser Poeti détruire son autorité.
Aroha serra son bandage aussi fort que possible et sortit d'un pas décidé de sa cabane. Elle se dirigea vers la plage où Poeti ramassait des crustacés. La jeune cheffe la héla de loin, lui intimant d'approcher. La grande brune s'approcha à contre cœur de la traitresse et attendit qu'elle parle, croisant les bras sur sa poitrine généreuse.
— Je suis venue te demander de cesser de raconter des bêtises à tout le monde avant que je ne m'énerve réellement.
Poeti haussa un sourcil, accentuant la grandeur de ses yeux bruns, et prit un air amusé.
— Tu ne me fais pas peur, Aroha. Notre peuple a le droit de savoir quel genre de cheffe il a.
La jeune mariée s'approcha dangereusement de la sœur d'Eimeo et prit un air menaçant.
— J'ai été entraînée toute ma vie à combattre, Poeti. Tu devrais avoir peur de moi. Je te conseille de me respecter.
— Commence par te respecter toi-même ! Eimeo m'a tout raconté après ton mariage. Il était effondré ! Tu as trahis et détruit mon frère, Aroha. Alors compte sur moi pour te détruire, toi.
La jeune cheffe lâcha un cri de rage et plaqua Poeti au sol, sa longue chevelure se mélangeant avec le sable humide.
— Tu crois tout comprendre et tout savoir ! Mais tu n'as aucune idée de ce qui s'est réellement passé ! Tu crois que ça ne m'a pas détruit de devoir renoncer à Eimeo ?
Poeti prit un air surpris tout en se débattant légèrement.
— Je l'aimais, chuchota Aroha pour elle-même. Et je l'aimerai toute ma vie. Mais tu ne peux pas comprendre ça tant que tu ne l'auras pas vécu.
La jeune cheffe relâcha la sœur d'Eimeo et s'assit dans le sable. Poeti, légèrement secouée par ce contact, caressait doucement ses cheveux pour enlever le sable.
— Tu crois que j'ai choisi de me marier à Josef ? C'était lui ou le fils d'Ari ! Malgré tout, Josef restait le meilleur choix et je ne regrette pas de l'avoir épousé. J'ai fait ça pour protéger mon peuple.
Le monologue d'Aroha se termina sur cette phrase remplie d'émotions. Tout ce qu'elle faisait, c'était pour remplir son rôle de cheffe.
— Tu penses réellement que je n'ai jamais ressenti cela ? L'amour ? Le sacrifice ?
Aroha, surprise par ce revirement de situation, se tourna vers Poeti. Elle remarqua rapidement les larmes qui perlaient au coin de ses yeux. Une goutte jusqu'à présent perchée sur ses longs cils tomba et s'écrasa dans le sable.
— Je ne t'ai jamais vu avec un homme de la tribu, permets-moi d'en douter.
— Pourtant... J'ai fait la même chose que toi, j'ai abandonné mon amour parce qu'il a des devoirs. Mais je ne me suis pas pour autant donné physiquement à lui avant d'aller en voir un autre !
Agacée par cette pique, la jeune cheffe fronça les sourcils. Mais, elle réfléchit. De qui Poeti pouvait-elle bien parler ?
— Il n'y a aucun homme dans la tribu qui ait des devoirs tels que les miens à part mon père et mon frère.
Une deuxième larme s'écrasa sur le sable, à côté de la précédente. Poeti renifla et se releva, décidée à couper court à cette conversation. Mais Aroha n'était pas du même avis. La jeune cheffe se leva à son tour et rattrapa le bras de la jeune femme. Puis elle comprit.
— Ivoa.
Poeti éclata en sanglots, confirmant les pensées de la jeune mariée. C'était pour cela que la sœur d'Eimeo la détestait tant. En plus d'avoir rejeté son frère, Aroha était la sœur de l'homme auquel Poeti avait renoncé. Décidemment, la jeune femme avait toutes les raisons de ne pas supporter sa nouvelle cheffe.
— Je ne m'en suis jamais rendu compte... murmura Aroha pour elle-même.
— Vous n'avez jamais vraiment été proches, répondit Poeti à travers ses sanglots.
La jeune cheffe lâcha le bras de la grande brune. Elle n'avait jamais pensé que son frère était capable d'aimer... Mais quand on voyait Poeti, il était difficile de rester indifférent devant sa beauté. Elle était la copie de son frère au féminin. Aroha sourit amèrement, quelle ironie ! Sa famille était-elle destinée à aimer et renoncer à la famille d'Eimeo ?
— Vous avez renoncé l'un à l'autre parce qu'il est parti en mission avec mon père, c'est ça ?
— Oui. Le grand chef a dit qu'il allait peut-être devoir se marier à une fille de la tribu d'Ari.
Aroha n'avait pas entendu parlé de cela. Apparemment, son père lui gardait toujours des secrets, même si elle était censée être la cheffe à présent. Que manigançait son père ? Pourquoi une fille de la tribu d'Ari ?
— Pourquoi tu n'as pas juste lâché Eimeo quand tu as su que tu allais te marier à Josef ? demanda Poeti, souhaitant visiblement changer de sujet.
Aroha lâcha un petit rire nerveux et plongea son regard dans celui, toujours mouillé, de Poeti.
— Parce que je n'étais pas assez forte pour renoncer à lui. Je voulais goûter au bonheur pendant l'espace d'un instant.
La sœur d'Eimeo hocha la tête.
— Je comprends.
Aroha se releva et jeta un regard à Poeti. Cette dernière, toujours assise dans le sable, regardait les vagues s'écraser sur un rocher émergeant de l'eau. La jeune cheffe, bien que s'engageant secrètement à en savoir plus du côté de son frère, décida de remettre les points sur les i. Même si elle ressentait beaucoup d'empathie pour Poeti, elle ne devait pas pour autant la laisser la sous-estimer.
— Je sais que tu tiens à ton frère autant que je tiens au mien. Mais je ne suis pas n'importe qui ici, ne l'oublie pas. Je suis ta cheffe, et tu me dois le respect. Ce qu'il s'est passé entre Eimeo et moi ne te regarde pas. Il est assez grand pour parler pour lui-même et, contrairement à toi, il a compris mes choix dès le début. Tu es la sœur de l'homme que j'aimerai toute ma vie mais si jamais tu as ce comportement à nouveau, je ne prendrai pas la peine de venir te parler et je te bannirai. Ivoa n'aura pas son mot à dire. C'est clair ?
Le ton froid de la cheffe percuta la jeune Poeti de plein fouet. Cette dernière acquiesça et ne dit mot, de peur de provoquer à nouveau Aroha.
— Occupe-toi de tes affaires maintenant, lâcha Aroha avant de quitter la plage.
Une fois rentrée dans sa cabane, la jeune cheffe s'assit et souffla longuement. Puis, elle sourit. Même si elle avait laissé ses émotions prendre le dessus à un moment, Aroha avait réussi à faire passer son message à Poeti. Il lui restait maintenant à s'occuper des affaires de cœur de son frère, chose qu'elle n'aurait jamais imaginé faire auparavant.
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Coucou !
Je sais, ça fait longtemps... Je ne vais pas vous sortir d'excuse bidon, j'avais perdu la motivation de m'occuper de Wattpad, pas d'écrire, mais de publier (c'est un peu étrange...). Donc j'ai fait une pause.
Mais, ça va mieux ! Donc voilà ce nouveau chapitre, que j'ai écrit il y a un petit bout de temps. On sort un peu des sentiers battus et on découvre un nouveau personnage que j'affectionne beaucoup : Poeti. Que pensez-vous d'elle ? Et que pensez-vous de la révélation par rapport à Ivoa ? Il aurait donc un coeur ! :o
Comment imaginez-vous la conversation Aroha-Ivoa à ce sujet ? Parce qu'elle aura lieu, dans le chapitre 22 ;)
La prochaine fois, on retrouve notre petit Josef ! ça risque d'être un peu mouvementé...
Merci encore d'être là <3
Clara
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