C H A P I T R E 18 - Aroha
La nuit de noces
La soirée était passée trop rapidement. Aroha n'en avait pas vraiment profité, se contentant de penser à ce qui l'attendait après, quand elle serait seule avec Josef dans leur cabane.
Après avoir été si proche d'Eimeo, elle ne ressentait que de l'agacement pour son nouveau mari. Comment pourrait-elle ressentir ce sentiment si puissant avec un autre ? Comment un homme tel que lui pourrait-il la faire vibrer comme l'avait fait Eimeo la nuit dernière ?
L'esprit coincé entre Eimeo et Josef, la mariée avait observé ses parents se réjouir de cette nouvelle alliance. Elle avait dansé avec Moana pour lui faire plaisir et avait échangé des regards apeurés avec Ivoa. Depuis sa plus tendre enfance, elle ne s'entendait pas avec son frère. Ces dernières semaines semblaient avoir changé la donne. Ils se comprenaient mieux que jamais. Ils partageaient le même sentiment. Ils avaient peur de ces intrus, de cet intrus. Josef.
Ivoa avait essayé de transmettre toute sa force à sa sœur mais il savait que ce n'était pas suffisant. Il se sentait aussi impuissant qu'Aroha.
Quand Moana montra ses premiers signes de fatigue, Natai décida de mettre fin à la soirée. Après avoir été salués par le village entier, les mariés se retirèrent dans leur cabane. Aroha n'osait pas regarder Josef mais elle percevait son embarras. Avant de franchir la porte de leur nouveau lieu de vie commun, la jeune femme jeta enfin un coup d'œil à son mari. Elle le regretta aussitôt.
Les cheveux habituellement blonds de Josef avaient pris une teinte argentée, illuminés par la pleine lune. Son visage, lui, avait pris des couleurs après toutes ces journées passées au soleil. Sa peau commençait à prendre une couleur dorée réconfortante. Alors qu'elle le dévisageait, il tourna la tête vers elle. Elle fut alors frappée par son regard intense. Ses yeux, d'habitude aussi clairs que le ciel éclairé, étaient ce soir sombres et semblables à un océan agité. Elle perçut un mélange d'inquiétude et de désir qui accentua sa peur. Elle le trouva beau. Aroha baissa rapidement les yeux et entra dans la cabane sans attendre, soudainement gênée et intimidée.
Ils restèrent tous les deux debout, ne sachant quoi faire en la présence de l'autre. Les échanges qu'ils avaient eus ces derniers jours avaient toujours été imprévisibles. Ils plongeaient dans l'inconnu à chaque fois qu'ils se parlaient ou passaient du temps ensemble. Mais ce soir-là, ils savaient tous les deux ce qu'ils avaient à faire.
Prenant son courage à deux mains, Josef s'avança doucement vers sa femme. Il tenta d'établir un contact visuel avec elle pour la rassurer. Il glissa sa main le long du bras d'Aroha, lui provoquant un frisson, jusqu'à se saisir de sa main moite. La jeune femme se laissait faire, pétrifiée par la peur. Sa respiration se fit plus rapide et difficile. Le contact chaud de la main de Josef lui rappelait celui d'Eimeo. Elle ferma les yeux un instant et tenta d'imaginer celui qu'elle aimait à la place de son mari.
— Kaikanohi. Regarde-moi.
La voix suave de Josef la ramena à la réalité. Son accent particulier la fit frissonner et elle se détesta pour ça. Le regard bleuté de son mari la déconcentrait, elle n'arrivait plus à imaginer Eimeo. Elle était fascinée par ce désir qui habitait les prunelles du blond. La voulait-il vraiment ?
— Kāore he aha ki a. Ne t'inquiète pas.
Elle fut à la fois étonnée et choquée par ses nouvelles connaissances en maori. Elle sentit qu'il avait pris des cours intensifs avec son père, sûrement pour l'impressionner. Cela fonctionnait. Elle relâcha ses épaules et lui fit un petit sourire gêné. Il faisait beaucoup d'efforts pour elle et il lui était impossible de l'ignorer.
Il s'approcha à nouveau d'elle, jusqu'à ce que son torse déjà nu soit collé contre le sien. Se souvenant de ce que les femmes du village lui avaient raconté sur leurs nuits de noces, Aroha laissa glisser un doigt le long du torse du jeune homme jusqu'à la base de son cou. Elle détacha la cape de cérémonie et la laissa tomber dans son dos, caressant sa peau laiteuse. Josef esquissa un léger sourire, se détendant.
Il caressa délicatement le dos musclé de la jeune femme et descendit jusqu'à ses hanches. Surveillant ses moindres réactions pour s'arrêter dès qu'il voyait que son geste lui déplaisait, il descendait doucement vers les fesses rebondies de sa femme. Aroha sursauta quand Josef posa ses deux mains sur son postérieur. Elle portait toujours son pagne, mais cette sensation inédite la surprit. Il retira aussitôt ses mains et s'excusa.
La jeune femme ferma les yeux un instant et se remémora le beau visage d'Eimeo. Il était là, avec elle et son mari. Il le serait toujours. Aroha rouvrit les yeux et observa Josef. Était-elle condamnée à partager son coeur en deux ? La jeune cheffe ravala les larmes qui commençaient à monter et tenta de faire la paix avec elle-même. Elle allait passer sa vie entière avec Josef et renoncer à une vie avec Eimeo. Mais, elle voulait s'autoriser à être heureuse. Peut-être cela serait-il possible avec Josef, un jour ?
Décidée à lui laisser une chance, la jeune cheffe attrapa les mains de son mari et les reposa sur ses fesses avec maladresse. Josef fut surpris de ce retournement de situation. Commençait-elle à ressentir ce désir qui envahissait la cabane à chaque nouvelle seconde ? Ou se résignait-elle à accomplir son devoir d'épouse ? Indécis, le jeune homme recula. Il ne souhaitait pas construire leur relation à partir d'une expérience non consentie. Il voulait réellement qu'elle en ait envie.
Aroha parut comprendre son débat intérieur et elle haussa un sourcil. S'était-elle trompée sur ses intentions ? Elle ne l'aimait pas, c'était certain, mais elle éprouvait une certaine curiosité à son égard et ses marques de respect la rassuraient de plus en plus. Elle le laissa s'écarter, laissant son corps refroidir.
— Kāo. Non, déglutit Josef, n'osant plus regarder le corps désirable de sa femme.
— Josef ? l'interpella Aroha, ne comprenant plus grand chose à la situation.
Le concerné se perdit un instant dans les yeux de la déesse, des pensées se heurtant dans son esprit.
— Pas comme ça, murmura-t-il, conscient qu'elle ne le comprendrait pas.
La femme aux cheveux d'ébène ne savait plus comment se comporter. Elle avait voulu simplifier la tâche pour eux deux mais son mari ne semblait plus la désirer. Un mélange de soulagement et de frustration s'insinua en elle. Elle n'aimait pas être repoussée, n'en ayant pas l'habitude. Et elle souhaitait réellement accomplir son devoir. Elle n'aurait pas pensé que Josef aurait été celui qui interromprait ce moment. Mais, en même temps, elle sentait qu'un poids très lourd s'était déchargé de ses épaules.
— Tāima, ajouta le blond en posant une main sur la douce joue de sa femme.
Il demandait du temps. Du temps pour quoi ? Aroha s'énerva légèrement, le repoussant. Croyait-il sincèrement qu'il réussirait à la séduire ? Pensait-il qu'elle et sa tribu pouvaient perdre leur temps ainsi alors que le village était pris entre deux menaces ?
— Heahea, cracha Aroha avec un air méprisant.
Ce mot, Josef le comprit directement. C'était Ivoa qui lui avait appris, à ses dépens. Il voulait dire « idiot ». Blessé, le jeune blond plissa les yeux. Mais que voulait-elle à la fin ? Il ne souhaitait pas la forcer à faire quelque chose qui lui déplaisait et elle le traitait d'idiot ?
Alors qu'elle se dirigeait vers la porte d'entrée, le Néerlandais saisit son poignet brusquement. Aroha lâcha un gémissement de surprise, stoppée net. Elle se retourna vivement, faisant virevolter ses cheveux noirs. Elle planta ses yeux assassins dans ceux du blond qui, pour la première fois, ne se démonta pas.
— Kāo, dit-il en insistant sur chaque lettre. Je ne suis pas un idiot, ajouta-t-il.
Il vit qu'elle avait compris. Son ton tranchant n'y était pas innocent. C'était la première fois qu'elle le voyait se comporter ainsi et, étrangement, son attitude l'énervait autant qu'elle l'excitait.
Apercevant une lueur de désir dans les yeux plissés de sa femme, Josef tira sur son poignet et la plaqua contre son torse. Sans réfléchir plus longtemps, et ne répondant qu'à ses pulsions, il saisit le visage d'Aroha et colla ses lèvres contre les siennes. Leur premier baiser fut aussi passionné que maladroit. Le jeune homme mordit doucement la lèvre inférieure de la cheffe qui poussa un gémissement. Leurs langues se découvrirent avec ardeur et fureur.
Puis, Josef se recula à nouveau, tenant toujours le visage de sa femme entre ses mains. Cette dernière, le souffle court, le dévisageait. Elle n'aurait jamais cru trouver en lui cet aspect sauvage qui la secouait.
Il enleva ses doigts de la peau fine d'Aroha et s'écarta, interrompant leur contact physique. Ils se toisèrent longuement, les lèvres gonflées et les joues rouges. Puis, Josef sortit de l'habitation sans un mot et laissa sa femme seule.
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