Laissée pour morte
[TW- Agression physique/Sang]
Je ferme les yeux. Quand je les rouvre le mirage a disparu une nouvelle fois. Dans mon esprit, une autre fille a pris place, sauf que celle-ci a des traits que je connais par cœur, son timbre de voix ayant fait résonner mes oreilles pendant des heures. Une brune qui aimait les chocolats chauds à la chantilly, les pancakes à la banane, les chats gris.
Qui écoutait durant des heures du Alain Baschung, qui m'a consolée lorsque j'ai eu un zéro à ma première dictée ou le jour où mon poisson Achille a rendu l'âme.
— T'as raison. Mais dans cette ruelle, je me suis évanouie dans le sang de mon amie qui gisait à un mètre de moi, tabassée à mort à coup de matraque, lâché-je, perdant le contrôle.
C'était elle qui m'avait entraînée à cette soirée, elle avait essayé tout un tas de robe, avant d'opter pour un jean et des baskets confortables. Elle était si belle, si authentique. L'image de son visage éblouissant de vie me tord les intestins.
— Le médecin légiste a dit qu'elle était morte sur le coup, mais je sais que c'est faux. Je l'ai entendue lorsque ce connard a abandonné nos corps inertes.
Je me stoppe quelques instants et respire pour calmer le tremblement de ma voix qui commence à se faire trop pressant. Elle aimait toujours m'entraîner avec elle sur la piste, que ce soit pour chanter ou danser, elle aimait la scène et les projecteurs le lui rendaient bien.
— Son râle, son long et douloureux râle qui hante encore chacun de mes cauchemars. Ce ne sont même pas les coups que j'ai reçu ce soir-là qui ont été le plus douloureux, c'était elle, continué-je, les yeux plissés de douleur.
Je reprends mon souffle et revis la scène pour la centième fois. Notre chanson était passée durant la soirée. Elle avait supplié Valentin de la mettre, même si c'était un peu ringard et que ça risquait de plomber l'ambiance. «Tant Pis » de Joyce Jonathan. Katia m'avait attrapée par le bras et traînée au milieu du salon, où tous les invités nous observaient, hébétés.
Jamais nous n'avions dansé comme ça, pourtant la musique ne prêtait pas à la démence, mais quand j'étais avec elle, je n'avais pas besoin de me cacher ou d'avoir honte, ni besoin d'un rythme effréné pour crier et sauter comme si nous étions à un concert.
— Entendre ses cris sous les coups, ses pleurs, ses suppliques. Elle m'a hurlé de fuir lorsqu'il l'a attrapée par les cheveux, j'ai attrapé mon sac et l'ai envoyé dans la face de ce connard. Mais il a sorti un couteau et me l'a enfoncé dans le ventre avec une facilité déconcertante, soufflé-je, me tenant l'abdomen.
Je revois la lame briller avant de se teinter de mon propre sang. À la soirée, il y avait un immense miroir qui recouvrait le hall, je l'avais entraînée jusqu'à lui et nous avions pris une photo de nous deux, suantes, épuisées, heureuses. C'est la dernière photo que j'ai d'elle.
— Il m'a envoyé parterre, me frappant au sol, me laissant cracher du sang, puis il s'est acharné sur mon amie. C'était sa proie, c'était elle qu'il voulait, je n'étais qu'un dommage collatéral. Il n'en avait rien à foutre que je vive ou non, ce qu'il voulait, c'était voir sa souffrance à elle, finis-je.
Sam retire son arme de mon crâne, son bras trahit un tremblement important, son étreinte est plus lâche. Un son reconnaissable sort de sa bouche, il se retient de vomir. Je ne bouge pas et le laisse digérer ce que je viens de lui dire, reprenant mon sang-froid. Je me revois dans l'ambulance, le regard de soulagement que m'a lancé l'urgentiste après m'avoir réanimée.
La douleur fulgurante qui m'a traversée lorsque j'ai mimé une demande, la demande... et que son regard s'est refroidi en une seule seconde, la peur qui a traversé sa face. Il savait qu'il ne devait pas me le dire, que ça risquait de compromettre très nuisiblement à mon processus de survie.
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