Dans Le Viseur

Je reprends ma respiration, mon foulard toujours enroulé autour du poignet.

— Fais-les pas trop attendre, t'es un terroriste, lâché-je.

Ce mot me fait frémir un instant.

— Ils ne prendront pas le risque de te tuer, dit le garçon sûr de lui.

J'imagine les possibilités qu'ont les policiers dans une telle situation et malheureusement, je ne suis pas de son avis. Les hommes sont de plus en plus nombreux. Leurs carrures dans leurs uniformes sont impressionnantes, même de loin. Soudain, un petit point rouge passe brièvement sur le sol devant mes pieds. Merde.

— Si tu veux t'en sortir, faut que tu me fasses confiance, murmuré-je, à l'intention de mon agresseur.

— Depuis quand t'inverses les rôles ?

— Depuis que des points rouges se baladent sur ton crâne.

Sa respiration se coupe quelques secondes.

— Comment tu peux savoir ça ? lâche-t-il.

Je laisse passer quelques instants, pendant qu'un sourire se forme sur mes lèvres lasses.

— Je te l'ai dit, je suis bizarre, lâché-je.

Cinq coups de cloches s'élevent dans le ciel bien assombri en ce début de soirée du mois de novembre.

— Pourquoi tu me supplies pas de te lâcher ? me demande-t-il.

Je réfléchis à cette question une minute et essaye de mettre des mots sur mes impressions.

— T'avais comme intention de tirer sur les gens, comme un chasseur tue des lapins. La compassion ce n'est pas ton truc, fort possible que ça évoque même du dégoût pour toi.

Le gris des nuages s'assombrit, un chien muselé portant un gilet avec écrit CRS sur le dos me fixe, la tête penchée sur la gauche.

J'ai toujours aimé les bergers allemands, ils sont si loyaux et vifs. Voir la bête m'apaise quelques instants. Les chiens ont toujours eu ce pouvoir sur moi, même avec leurs crocs acérés et leurs yeux perçants, leurs âmes sont d'une pureté à toute épreuve, tout comme leurs courages. J'ai toujours admiré ces qualités que ce soit chez les Hommes ou chez les animaux.

Un homme avec un gilet où s'inscrit   « POLICE » approche. Ce doit être un négociateur. Il avance, les mains bien en évidence et tient dans sa main un téléphone.

— Je vais vous envoyer ce téléphone pour que l'on puisse discuter, ne faites pas de bêtise en attendant, dit l'homme au gilet pare balle.

Le policier s'abaisse, avant d'envoyer sur plusieurs mètres l'appareil. Le garçon qui me maintient immobile rattrape l'engin, avant de l'apporter à son oreille. Il me tient d'un bras, l'arme dirigée droit sur ma poitrine.

— Comment tu crois que ça va finir ? lui lancé-je.

L'homme dans mon dos ne répond pas, mais sa respiration est saccadée, il panique. Il faut que je reprenne la situation sous contrôle.

— Sinon, je m'appelle Rachelle et toi ?

— Arrête de faire ami-ami avec moi, t'en sais suffisamment.

— Ce n'est pas ton prénom qui va me donner un avantage sur toi, tu sais, dis-je, d'un ton qui montre l'absurdité de sa réticence.

Le berger allemand n'est plus dans mon champ de vision, on a dû le déplacer. Peut-être est-il dans l'une des camionnettes ? Je lève le nez vers les bâtiments près de nous. Mon regard croise celui d'une jeune femme dont le nez s'écrase contre l'une des fenêtres de l'immeuble, elle est au deuxième étage.

La fille est trop loin pour que je sache quelle expression elle a en m'observant dans pareille situation. Il y a quand même de fortes chances pour que ce soit de la pitié et de la terreur. Pourtant, une curiosité morbide la pousse à garder les yeux rivés sur la scène. La femme a-t-elle vraiment envie d'assister à une telle représentation ?

Le champ de bataille peut dérailler à tout moment.

— Sam... je m'appelle Sam, finit par lâcher le garçon.

Je suis contente qu'il réponde à ma question.

— T'as quel âge ?

— T'es agaçante comme fille, grogne-t-il.

— J'ai dix-neuf ans, je vise pour que t'en aies vingt.

— Vingt et un. 

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