Approche délicate

Ma voix est calme, sûre d'elle et déterminée, contrairement à mon cœur et à mon cerveau. Je ne dis rien de plus et laisse les minutes défiler dans un silence pesant. L'air se fait presque plus lourd, on dirait que la tension de l'instant agite les électrons des environs et créé un champ magnétique autour de nous.

Ma réponse a surpris mon agresseur, qui a écarté son arme pour quelques secondes. Je prends un temps de réflexion, même si cela risque de me faire perdre la seule opportunité que j'ai pour m'enfuir. Mon expiration se transforme en buée, l'air s'est refroidi rapidement.

Finalement, je m'approche un peu plus, désirant capter son regard. Sa bouche est entrouverte et marque son incompréhension, seulement un mètre nous sépare désormais. Je reprends le contrôle sur ma respiration. Elle se fait plus longue.

Je lisse mes traits dans l'idée de protéger mes émotions. L'homme qui me fait face est habillé tout de noir, une veste chaude lui couvre les épaules. Son cou découvert laisse apparaître sa pomme d'adam. Je ne m'attarde pas plus sur ses vêtements et laisse mes iris fixées dans les siennes.

À en croire le peu de peau que laisse échapper sa cagoule, il est jeune.

— T'es suicidaire ? demande le jeune homme, une pointe de moquerie dans la voix.

Le garçon m'interroge. C'est un bon point, quelque chose chez lui veut comprendre ma réaction avant de m'abattre sans réfléchir.

— Non, réponds-je le plus calmement possible, ne laissant qu'un léger tremblement de voix me trahir.

L'homme cagoulé sourit, son arme toujours dirigée vers moi.

— Alors t'es vraiment stupide, dit-il, toujours aussi moqueur.

Je commence à le croire, mais les murmures sont trop forts. D'un pas, je me rapproche un peu plus. Je ne sais pas pourquoi j'agis de la sorte, mais une force inexplicable m'y pousse. Le garçon a un mouvement de recul à peine visible à ma nouvelle approche. Mes mains se font moites, mon torse surchauffe alors que mes extrémités commencent à se tétaniser de froid.

J'arque un sourcil, avant de me ressaisir. Il ne faut surtout pas qu'il se sente humilié, je replace rapidement mon masque.

— Pourquoi tu fais ça ? demande-t-il.

Sans réfléchir, je m'approche encore. L'homme ne recule pas cette fois et fait un pas également. Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ?

— Tu vas me faire croire que t'as pas peur ? dit-il, avec un ton supérieur.

Une pluie légère s'abat sur mes cheveux qui commencent à s'alourdir. Dans une inspiration, je colle mon abdomen contre son arme.

Son arme est appuyée contre mon sternum, la bouche de l'arme embrasse mon thorax. Je soutiens son regard, si je le relâche même une seconde, il tirera. Sa cagoule masque la majorité de son visage, le tissu noir moule chacune de ses émotions. Il est difficile de distinguer ses traits car seule sa bouche et ses yeux sont visibles.

Les gens autour de moi se sont réfugiés dans les établissements les plus proches, donnant à la rue des airs de zone de guerre. Même les chats observent la scène du haut des toits, curieux de voir les humains terrés dans leurs terriers tels des souris craintives. Je reste donc seule, sans aucune protection face à l'homme qui détient l'arme. Il halète, preuve de son hésitation.

— Pourquoi tu te colles volontairement à mon flingue ? C'est stupide, déclare-t-il le regard interrogateur.

— Pas plus que de se balader avec un revolver dans les rues, craché-je, avec insolence.

Je me mords la langue, tandis qu'une goutte de pluie glisse le long de mon front, ce n'est pas malin de le provoquer.

— Tu devrais pas mettre ta vie entre les mains d'un gars cagoulé.

— Tu ne m'as pas vraiment laissé le choix.

Une colère m'anime, mais je garde mon calme.

— T'aurais pu faire comme tout le monde et fuir en courant.

Je l'observe un instant, dubitative, avant de répondre naturellement.

— Je ne suis pas comme tout le monde.

Le jeune homme a un mouvement de recul et diminue légèrement la pression de l'arme sur mon thorax. La vapeur d'eau qui s'échappe de mes lèvres s'élève dans le ciel, comme un nouveau nuage qui tenterait désespérément de s'agripper aux masses cotonneuses.

— Qu'est-ce que tu veux ? se ressaisit-il.

Je reste impassible. L'homme s'impatiente et la pression refait surface. La goutte qui se forme au niveau de mes tempes n'est plus due à la pluie. La terreur tiraille mes entrailles, mais je l'enferme à double tour.

— Je ne sais pas et toi, qu'est-ce que tu veux ?

Son arme oscille horizontalement.

— C'est moi qui pose les questions, s'énerve-t-il.

J'opine de la tête et attends la prochaine question. Une de mes mèches, trempée par la pluie, colle ma joue. Son contact me donne des frissons, mais je la laisse. Elle est peut-être la seule protection que j'ai en cet instant, ma seule armure entre moi et le garçon.

— Tu sais pourquoi. Tu sais que c'est pour tuer.

Son ton est d'une condescendance à toute épreuve. La conversation est inégale, nous le savons tous les deux et je dois le prendre en compte si je ne veux pas qu'il me tire dessus pour me clouer le bec.

— Alors qu'est-ce que tu fous là ? crie t-il.

Son ton me sort de la torpeur et la colère me gagne. Mes cils noirs s'arment dans un froncement de sourcil. Ma mâchoire crispée de tend, mes dents grincent, puis je relâche la tension sur le bas de mon visage et ouvre la bouche.

— J'ai déjà été agressée. Hors de question que je reste impuissante une seconde fois, annoncé-je, sèchement. 

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