Chapitre 9 : Elpis

La nuit était vraiment magnifique. Le ciel était parsemé de multiples petits points brillants et la lune resplendissait dans son entièreté. Je serais toujours impressionné par ces grandes capitales qui ne dorment jamais et où, peu importe le moment de la journée, les rues sont arpentées par des centaines de pieds. À croire que le monde ne sombrait jamais.

Yoongi et Seokjin parlaient depuis plus d'une heure de ce fameux Kyungsoo, et de la possible merde dans laquelle il s'était foutu.

Si j'avais bien compris, Kyungsoo travaillait pour Seokjin. Il gérait une partie de son réseau, notamment un bar qui abritait une salle de jeux illégale. Depuis quelques mois, il s'était trouvé une régulière, dans le jargon c'est une sorte de petite amie si l'on veut, et tout se passait pour le mieux. Mais depuis quelques semaines, il la soupçonnait de fréquenter un autre gars.

Jusque-là, rien d'anormal mise à part une histoire de tromperie. Mais lorsque l'amant en question est possiblement un japonais dont le clan est concurrent au grand chef, et que la petite amie connaissait ou avait accès à des informations et des lieux sensibles, là, ça devenait problématique.

Dans ce milieu, les pièces rapportées étaient très mal vues et considérées comme des nids à emmerdes. Si effectivement cette nana divulguait des informations aux réseaux locaux, cela pouvait entraîner une guerre entre coréens et japonais digne des plus grandes barbaries.

Les filières japonaises en Corée étaient constamment démantelées et vice versa. Même si les deux pays connaissaient une culture similaire, il n'en restait pas moins une haine entre les peuples depuis l'occupation. Les mafias de l'un s'unissaient contre celles de l'autre. Seules les autorités publiques faisaient preuves de sympathie et d'entraide entre elles.

Mais toute cette histoire ne m'affectait pas, je n'avais pas de sympathie particulière pour le Kim ou même son bras droit. La seule chose dont j'étais sûr, c'était mon soutien envers mon hébergeur. Même si cette confiance et cette dévotion étaient un peu forcées, je n'avais que ça. Il ne me restait que ça.

J'avais tout perdu quand on y pensait bien.

Si je retournais en Corée, c'était la prison ou la mort. Aller au cimetière n'était pas prévu, et finir mes jours en taule non plus. Je devais me fier à mon instinct, et ce dernier me hurlait de rester avec tête de persil.

— Bien. Je veux que tu me suives cette gonzesse et je veux un rapport sur toute sa vie. D'où elle vient, qui elle fréquente et ce qu'elle sait, si tu arrives à le savoir. Fait appel à Namjoon si tu en as besoin, je vais le mettre au courant, expliqua Seokjin en se levant. De plus, si effectivement elle voit un japonais, je veux un rapport encore plus long le concernant lui et ses activités. S'il appartient à un réseau, je veux savoir quelle mafia, son poste et son rang, les personnes qui sont directement en lien avec lui. Je te fais confiance.

— Ça sera fait, annonça Yoongi. Mais avant ça, j'ai besoin de ton aide pour une chose.

— Hm ?

— Il faudrait que tu me trouves de faux papiers pour le blondinet.

— Et pourquoi a-t-il besoin de faux papiers ?

Yoongi se tourna vers moi et nos regards se croisèrent. C'était l'approbation. J'avais été « sage » et j'avais suivi ses instructions à la lettre. J'étais resté en retrait, et n'avais pas pris la parole durant leur échange qui ne me passionnait pas tant que ça, même si quelque part je devais rester à l'affut vu que j'allais bosser sur ce dossier.

— Je ne peux pas garder ma vraie identité pour des raisons de sécurité.

Seokjin me dévisagea. Il voulait en savoir plus, mais il n'avait pas besoin du pourquoi ni du comment. Ma sécurité allait de pair avec ma discrétion et le nombre de personne au courant. Si je commençais à donner mon véritable nom à toutes les âmes que je croisais, certaines allaient très vite faire un rapprochement et la nouvelle s'ébruiterait.

— D'où le « juste » Jimin, supposa-t-il. Je vais demander à Namjoon de vous procurer ça le plus rapidement possible. Du coup, il me faut un prénom, un nom, une taille, une date de naissance, un lieu et un pays.

— Choi, Jimin, un mètre soixante-treize, le onze octobre mille-neuf-cent-quatre-vingt-quinze, Séoul Corée du Sud.

Le Kim nota toutes ces informations sur un petit papier avant de se diriger vers son bureau. Il en imposait vraiment. Il sentait le pouvoir et le luxe à trois kilomètres, même sa démarche était supérieure. Yoongi vint me chercher par le poignet avant de nous guider vers la sortie.

— Yoongi ne me déçois pas, je te fais confiance, s'éleva la voix du brun dans notre dos. Quant à toi, Jimin, n'essayes pas de nous la foutre à l'envers sinon, peu importe le temps qu'il me faudra, mais j'aurais ta tête. Vous savez nous vivons dans un monde où il faut surveiller ses adversaires, mais encore plus ses alliés, n'est-ce pas ?

Je m'arrêtai net après cette dernière phrase. Pourquoi nous parlait-il de confiance et d'alliance pour une simple affaire d'adultère et de faux papier ?

— Viens, on y va, lâcha froidement mon associé avant de tirer sur mon poignet encore plus fortement et de nous faire quitter la pièce sous le regard curieux et amusé du Kim.


« Mais encore plus ses alliés, n'est-ce pas ? »

Yoongi marchait plus vite qu'à l'aller m'obligeant encore une fois à trottiner pour ne pas le perdre de vue. Pourquoi avait-il réagi de la sorte ? Je ne comprenais pas. J'avais pris la dernière phrase du brun personnellement, mais m'était-elle vraiment adressée ? Était-ce une mise en garde ou un reproche ?

Non ça ne pouvait pas être en lien avec la Corée, ce n'était pas possible. Mon cerveau me jouait des tours, j'étais trop à l'affut du danger que la moindre parole ou le moindre évènement me faisait psychoter. Et vu la réaction de Min, cela devait être pour lui. Oui voilà, cet avertissement lui était destiné. Mais me concernait-il ? Là était toute la question.

Pourquoi devrait-il se méfier de moi ? Je n'avais pas l'intention de la lui mettre à l'envers ni de partir avec de précieuses informations en poche. Elles ne me serviraient pas à grand-chose. Ou alors, par le passé il avait déjà eu un acolyte avec qui cela s'était mal fini.

Plus les heures passaient, plus les questions se succédaient et moins les réponses étaient évidentes.

Comme à son habitude, tête de persil ne décrocha pas un mot durant le repas, partant directement se coucher à la fin de celui-ci. J'en avais ma claque de ses changements d'humeur perpétuels. Je restais encore une fois seul avec mes interrogations pour seule compagnie.

L'eau chaude me faisait un bien fou. Comme si mon corps était crispé depuis tant d'année et que durant ces quelques minutes il acceptait de s'abandonner. D'abandonner les contusions, les marques, les nœuds et le stress. Surtout le stress.

Ses mains qui s'échouaient sur mon corps me manquaient, son souffle qui chatouillait mes tympans me manquait, ses mots doux qui me faisaient sourire me manquaient, son contact qui effleurait ma peau me manquait. Mais lui ne me manquait pas ou du moins, il ne me manquait plus. Je le tenais pour responsable de cette nuit-là. J'avais besoin d'attention. Uniquement d'attention.

J'avais besoin de comprendre que je ne vivais pas seulement pour moi mais aussi pour quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui tenait à moi. Une personne qui avait besoin de moi. Une personne pour qui me lever le matin avait un intérêt, un être pour qui mon bonheur comptait.

Simplement ne pas être seul, ne pas vivre seul. Et ici, j'avais l'impression d'être perdu au milieu du désert, sans âmes qui vivent.

Il ne dormait pas. J'avais bien étudié le rythme de sa respiration et là il cogitait, ou alors il attendait de voir quand j'allais me décider à le rejoindre. On resta comme ça dans les draps, l'un à côté de l'autre, lui tourné vers la porte, moi vers la fenêtre. C'était la pleine lune, et j'avais beau ne pas être superstitieux, je sentais déjà que j'allais avoir du mal à dormir.

— Tu as pleuré.

Ce n'était pas une question, juste un murmure. Un chuchotement pour me mettre en garde contre ma volonté de cacher quoique ce soit. Lui aussi faisait attention à mes gestes. Lui aussi ne savait pas comment gérer cette relation. Lui aussi m'épiait

— Je ne te demande pas de m'apprécier, encore moins de m'aimer mais... Mais un peu de considération dans la vie ça fait du bien. Ça fait se sentir vivant aussi. 

Je n'attendais pas de réponse non plus. C'était juste glissé là, au creux de l'oreiller tardivement un soir parmi tant d'autres. Je voulais juste qu'il se rende compte que je n'étais pas en mousse et que les choses m'affectaient.

Il bougea dans le lit, et cela serait mentir que de dire que je n'avais pas envie de contempler son visage ou son torse. Le voir se surélever au gonflement de ses poumons me relaxait, ça arrivait à calmer ma propre respiration. Sa personne, aussi déroutante soit-elle, me faisait du bien.

Son corps se logea contre le mien, imitant la pose que j'avais adopté, et son bras vint se poser sur mon ventre. Ses doigts commencèrent à effectuer de légers ronds sur mes abdos, me faisant frissonner. Ce contact était tout nouveau et la sensation bien différente. Depuis quand était-il doux ?

Il effleura mon cou de ses lèvres, accentuant ma chair de poule, puis y déposa un simple baiser.

— Dors, Jimin.


Elpis : Esprit de l'espérance et des attentes.

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Apophiis

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