Chapitre 6 : Épiales
Nous étions entrés dans l'appartement sans un bruit. Malgré mon chômage et son emploi du temps un peu spécial, nous n'avions pas oublié que les voisins, eux, devaient suivre des horaires de bureau et voguaient depuis un petit moment déjà dans les océans des Oneirois.
J'avais déposé mon sac à côté de l'entrée (ne sachant pas encore où ranger mes affaires) et m'étais ensuite installé sur le canapé. Je devais faire le point sur ma vie et le tournant qu'elle prenait depuis mon arrivée à Tokyo. Oui, parce que ma vie n'avait pas vraiment basculé ce soir-là, mais bien semaine auparavant, depuis que ma cavale avait commencé.
Deux rencontres semblaient être plus importantes que les autres. D'abord, il y avait Hanae. Cette femme douce et chaleureuse qui n'avait porté aucun jugement sur ma personne. Malgré mon style très sombre et les tatouages omniprésents sur ma peau, elle m'avait accueilli, conseillé et même réconforté. Une vraie douceur dans ce monde.
Et puis, il y avait lui. Envahissant toutes mes pensées alors que je ne le connaissais à peine. Je ne savais même pas pourquoi mon instinct me poussait à le suivre, à accepter son dilemme.
Je laissai mes rêveries de côté avec comme dernière image son visage pâle pour le chercher des yeux. Il était dans la cuisine, et préparait quelque chose à manger. Cette situation me fit rire. D'abord, car nous avions déjà vécu un moment presque identique, et deuxièmement, car lorsque j'avais fait le ménage de printemps, un nombre incalculable de paquets de chips et d'emballages de plats préparés avaient fini à la poubelle. Pourtant, il savait cuisiner, et plutôt bien.
Je le rejoignis dans l'extension du salon. Mes fesses prirent place sur un tabouret de bar, et je m'accoudai à ce dernier d'une main soutenant ma tête. Il était de profil, et je m'abandonnai à l'observation de chaque détail physique de sa personne.
Il était à peine plus grand que moi, soit plutôt près du sol. Il portait un jeans noir qui moulait parfaitement ses mollets et ses fines cuisses pourtant bien musclées. Son fessier était artistiquement mis en avant et cet endroit joliment rebondi de son anatomie me plaisait énormément. J'y laisserai bien mes ongles dessiner selon leurs envies de légers sillons bordeaux. Il portait aussi un pull noir en coton, rentré dans son bas, épousant à la perfection les lignes de son torse qui se soulevait au rythme de sa respiration.
Sa mâchoire était bien dessinée, et la fine peau de son cou, blanche à souhait et sans imperfections, était étirée au niveau de sa pomme d'Adam ; quant à sa tignasse verte, elle partait dans tous les sens. J'avais envie que mes mains s'y perdent.
Arrête Jimin, tu vas te chauffer tout seul.
Ses lèvres s'entrouvrirent, laissant passer sa langue sur ses bouts de peau rosés et charnus. À cet instant, j'aurais pu littéralement lui sauter dessus, le mordre à la gorge et tâcher son épiderme d'ovales violacés.
Mais bon sang regarde ailleurs !
J'étais comme hypnotisé par son muscle buccal, qui s'amusait à faire des allers-retours entre les commissures de sa bouche, par son bras qui remuait le sauté de légumes et le sourire en coin qui prenait place sur son visage.
— C'est bon, tu as fini de calibrer tes rétines ?
Cramé.
— Pardon ?
— T'as fini de baver sur mon corps ? lança-t-il, amusé, en se tournant vers moi.
— Je ne bavais pas du tout.
Sois crédible Jimin.
Il se mit à rire.
Loupé.
— C'est ça. Va donc mettre la table, comme ça j'pourrais me rincer l'œil moi aussi.
— Je ne sais pas où tu ranges la vaisselle. Si tu en as, bien sûr...
— Cherche, ça t'occupera ! Petit indice, y a des placards à ta droite, railla-t-il.
J'avais trouvé les verres dans le placard à ma droite, effectivement. Les baguettes, quant à elles, étaient dans un tiroir à côté du frigo. Il ne me manquait plus que les bols, que je ne trouvais point. Il me fixait, avec un air suffisant sur la tronche, adossé au comptoir dans une posture nonchalante.
— Yoongi ? l'appelais-je avec une voix d'enfant.
— Oui ?
— Où tu fous les récipients ? Pas que je sois nul en chasse aux trésors mais-
— Dans le buffet du salon, tout en bas.
— Merci.
Je me dirigeai vers ledit buffet, non sans remarquer qu'une masse humaine me suivait. J'allais me baisser sur mes genoux pour attraper les assiettes creuses quand je sentis son regard me brûler le dos. Je lançais un coup d'œil en arrière, discrètement, et l'aperçut, comme je m'en doutais, à me reluquer le derrière.
— La vue est bonne ?
— Ça fait un moment que je ne suis pas aller chez l'ophtalmo, mais j'pense avoir entre 9 et 10 à chaque œil.
Il repartit dans la cuisine tandis que je le jugeais du regard.
Le repas se passa dans le silence le plus total sans que l'ambiance ne soit pesante. Tête de persil était absorbé par son cellulaire, me rappelant qu'il faudrait peut-être que je m'en prenne un avec un abonnement japonais.
La vaisselle finie, je commençai à m'installer un petit nid douillet sur le canapé pour passer une agréable nuit.
— Tu fous quoi ?
— Là, vois-tu, il est presque deux heures du mat'. Je suis épuisé, donc j'vais gentiment dormir sur ce magnifique canapé.
Il n'était pas si beau que ça, mais niveau confort c'était mieux que les deux couvertures du squat.
— Tu fais ta timide maintenant ? Où est passée la créature qui, pas plus tard que la semaine dernière, s'est glissée à moitié nue dans mon pieu ?
— Oh, euh... Et bien-
— Fais pas le con et vient dormir dans le lit, il est assez grand pour deux. Par contre, tu mets un t-shirt et pas de câlin pré-sommeil, décréta-t-il.
Je pouvais m'en sortir sans. Dans mes souvenirs, la nuit avait été plutôt relaxante, ce fut donc sans refus que je le suivis dans la chambre.
On marchait tranquillement dans la rue, sans but réel. Nous avions une journée de repos, alors nous en profitions pour nous aérer l'esprit. Le soleil frappait fort en cet après-midi de septembre, mais la population coréenne ne semblait pas d'humeur à sortir profiter des rayons solaires.
Les allées n'étaient pas bondées et les magasins restaient pour la plupart sans clients. C'était agréable de pouvoir se balader sans être sur ses gardes, ne pas faire attention à ses arrières ou même aux patrouilles des flics. Ils pouvaient bien nous contrôler, on n'avait rien sur nous.
On voguait telles deux âmes en peines ayant réussi à passer au travers de ce lieu à la porte de fer et au seuil de bronze, là où les pires humains jamais créés finissaient par devenir fous au milieu des étangs gelés et des lacs de soufres : le domaine de Tartare.
Cet endroit, plus profond que le royaume d'Hadès, aussi loin de la surface de la Terre que les cieux ne l'étaient, nous accueillerait un jour ou l'autre. C'était là-bas que l'on finirait. On le savait et on s'en foutait royalement, continuant nos vies de débauches et d'hors-la-loi sans la moindre pression.
Et puis soudain, au loin, je vis le ciel s'assombrir. Il fallait que l'on rentre mais il n'avait pas l'air décidé, continuant à se diriger vers cette masse noircissant les cieux de seconde en seconde. Le vent frappa mon visage de plein fouet, je ne voyais plus rien.
Le noir s'approchait trop près, trop vite... J'étais encerclé.
Le monde disparaissait devant mes yeux, je ne pouvais plus rien faire. L'orage grondait, ses éclairs transperçaient les nuages, illuminant le cosmos par endroit et renforçant l'allure menaçante de l'environnement.
Le sol commençait à se craqueler sous mes pieds, j'angoissais. Il allait réellement se fissurer, et je tomberais. J'étais trop jeune, je ne voulais pas sombrer maintenant. Alors je me raccrochai à sa silhouette. Elle se faisait doucement prendre dans les bourrasques, me rendant la tâche difficile. Je tendis la main en avant, je l'appelais. Il ne me répondait pas.
Il me regardait, enfin je crus, car soudain, le visage de Hoseok disparu.
Le béton avait fini par céder. Je hurlais pour que l'on me ramène à la surface. Mes poumons se déchiraient, mes cordes vocales s'effilochaient et mes membres cherchaient désespérément à s'accrocher aux parois lisses de ce gouffre. Mais rien ne pourrait me sauver, alors j'acceptais la mort qui, à cet instant, me tendait les bras.
— Jim...
Et puis il y avait cette chambre d'hôtel.
Son odeur, ce lit à moitié fait. Ses mains dans mon dos, ses baisés sur ma peau, sa sueur au bout de ma langue, ses gémissements et mes coups de reins. Les images défilaient, s'entrechoquaient comme des flashs m'alertant d'un danger imminent.
— Jimin...
Le fond rouge, nous deux nus. Ses yeux habités par la luxure, sa bouche entre ouverte, son regard, son putain de regard... Jungkook !
— Jimin !
Je me réveillai en sursaut, complètement sonné. Yoongi me secouait dans tous les sens. Il était à cheval sur moi, une inquiétude certaine figée sur le visage. Je restai figé, encore tiraillé entre rêve et réalité. Il me fallut quelques secondes pour remettre les morceaux du puzzle à leur place et reprendre mes esprits.
Dehors, l'orage claquait.
Nyx venait de m'envoyer le pire de ses fils.
Épiales : Esprit des cauchemars.
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Apophiis
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