Chapitre 5 : Chronos

« Va te faire enculer, Yasuhide !

- Bien fait pour ta gueule ! Maintenant tu ne te serviras plus dans ma conso ! Mange-te la ta crise de manque ! »

J'allais les buter tous les deux.

Pas un jour ne passait sans que ces putains de camés ne s'engueulent. Les deux corps allongés à côté de moi étaient réveillés eux aussi, sûrement à cause des deux cons qui ne pensaient pas une seconde au sommeil de leurs colocataires. Ça allait faire trois jours que je vivais dans cet appartement insalubre du quartier nord de la capitale. On était environs dix à crécher ici tous les soirs et les lits changeaient de propriétaire pratiquement chaque matin mais force était de constater que les deux enfoirés eux avaient décidé de rester là.

En sortant de la boutique de la vieille femme, j'avais erré dans les rues de Tokyo toute la nuit, le sommeil ne venant pas à moi. J'avais donc parcouru pas mal de mètres dans la pénombre croisant toutes sortes de faunes à ces heures tardives. Il y avait d'abord eu des jeunes qui devaient avoir passé leur soirée à picoler comme des trous vu leur incapacité à mettre un pied devant l'autre pour retourner à leur dortoir. Puis des travailleurs nocturnes avaient investi les rues – beaucoup de japonais bossaient la nuit, préférant le calme et la pénombre pour avancer dans leurs comptes-rendus. Et pour finir il y avait le monde de la nuit, mais pas celui des étudiants qui font la fête jusqu'à pas d'heure, non, il y avait le mien. Celui des dealers, des drogués, des putes et du règlement de compte.

La face cachée de toute la société humaine, celle que les politiques camouflaient pour rassurer les citoyens honnêtes et augmenter le tourisme, celle que les parents craignaient pour leurs enfants. La face déviante et anxiogène de l'Homme, là où le libre arbitre et l'indifférence des lois étaient les maîtres mots.

Ce côté noir que la plupart des humains enfermaient au fond d'eux-mêmes pour laisser une image positive et se faire voir comme une bonne personne. Mais il faudrait penser à arrêter ce monde hypocrite, car cette image n'était qu'un miroir sans teint. Il n'y avait pas de reflet, seulement une barrière qui permettait de sceller au plus profond de soi la noirceur que contenait notre âme. La déviance à l'état pur, celle qui rapproche l'Homme de l'animal. La loi du plus fort.

C'était comme ça que j'étais arrivé dans ce monde, directement du côté sombre et jamais je ne voudrais en sortir.

Cette nuit-là je n'avais pas voulu aller à l'hôtel, préférant garder mes sous pour manger le plus longtemps possible. J'avais pris place dans un parc pour me reposer au petit matin et j'étais tombé sur deux drogués plutôt sympathiques. Le premier, Noato, avait vingt-six ans et s'était échappé de sa famille d'accueil à sa majorité. Il vivait de petits boulots à droite à gauche lui reversant assez d'argent pour survivre et payer ses doses d'héroïne. Le second, Shingenori dit Nori, avait mon âge et était danseur dans une boite de nuit gay. Il utilisait son corps pour satisfaire la lubricité et jouer avec la perdition des hommes refoulant, pour la plupart, leur homosexualité.

On avait passé la journée à traîner dans les rues se moquant bien au passage des regards outrés que nous recevions. Entre un gars en jogging qui devait vivre à la rue depuis un bon moment, un qui était vêtu de cuir et de résille et le dernier, moi, tatoué sur l'entièreté des bras et du cou, les mères de bonnes familles allaient nous claquer des syncopes toutes les trois minutes. Au moins on ferait travailler les médecins.

Le soir arrivant à grand pas ils m'ont proposé de venir dans leur squat, un vieil appartement abandonné où se réunissaient les camés du coin. J'avais accepté leur trouvant une certaine sympathie et puis dans ce monde les connexions se font plutôt rapidement, je n'oubliais pas qu'il me fallait de nouveaux papiers et surtout de l'argent.

C'était là que j'avais fait la connaissance des deux idiots qui se tapaient dessus à longueur de journée. Toshio et Yasuhide. Deux vrais cons. La cocaïne et les putes étaient leur credo, ils ne vivaient que pour ça. Mais qui étais-je pour juger, hein ? M'enfin on va dire que les présentations avaient été un peu chaotiques.

Ils n'étaient pas vraiment appréciés mais ils faisaient partie des plus anciens, alors personne ne disait rien. Même s'il me serait d'une facilité sans nom de les mettre au sol, ma place ici n'était que provisoire alors je m'abstenais de foutre la merde.

« Et ! Vous allez la fermer tous les deux, ok ?! Si vous n'êtes pas capable de gérer vos doses on s'en branle nous, réglez vos comptes ailleurs ! hurla Noato.

- Ils ont toujours été comme ça ? demandais-je.

- Ouais toujours et ils nous emmerdent. En plus y-a Namjoon qui va passer, alors vaudrait mieux qu'ils se détendent.

- Namjoon ? C'est coréen ça comme nom, non ? m'étonnai-je.

- Ouep, enchaîna Nori, mais je l'ai toujours connu ici, enfin du coup ça fait presque cinq ans. Je sais pas trop ce qu'il fait mais il ne dort jamais au dortoir et ne prend pas de drogue à ma connaissance. Par contre il a autorité sur les deux couillons. Juste pour ça je le respecte.

- Tu m'étonnes. »

Le ciel était à présent noir. L'après-midi n'avait pas été productive, on avait tout simplement mangé du chocolat devant la saison quatre des Sons of Anarchy. Les deux idiots avaient quitté les lieux depuis un bon moment, surement à la recherche de poudre ou d'une nana pour la nuit.

Nori ne travaillait pas ce soir et Noato avait de quoi se piquer pour trois jours, on s'était alors dit que continuer la production américaine, qui d'ailleurs me rappelait pas mal de souvenirs, était une bonne option.

Il y avait deux gars avec nous, mais je ne connaissais pas leurs noms même s'ils étaient des habitués du dortoir. Je n'avais pas pris la peine de discuter avec eux sachant que ma présence ici allait bientôt s'achever. Oui je partais le demain. Je ne pouvais pas me permettre de m'installer, pour deux raisons. La première, j'étais en fuite et rester sagement ici serait signer mon acte de décès ; la deuxième était que j'étais un nomade, j'avais besoin de bouger. Je devenais fou si je restais trop longtemps dans un même endroit.

Vers minuit, la porte d'entrée s'ouvrit laissant place à une voix que je n'avais jamais entendu. Noato mit la série sur pause pendant que Nori repositionnait les coussins sur les fauteuils et les canapés donnant un semblant d'entretien à la pièce. Dans un acte de redevance, je pris les sachets de biscuits et les tablettes de chocolat avant de me rendre dans la cuisine pour les ranger.

« Jimin, tu peux faire du café pour au moins six personnes s'il te plaît ? »

Je me mis à la tâche, versant la poudre marronne dans le réservoir de la machine et sélectionnant le programme de deux litres. Sur un plateau posé à même le sol je disposai huit tasses ainsi que du sucre et quelques gâteaux. Pendant que la cafetière préparait la boisson, j'emmenai le plateau dans le salon.

« Merci, Jimin. »

Lorsque je relevai la tête je pus analyser le nouveau venu. Il était grand, bien bâtit et châtain. Plus de doute possible, il était bien coréen. Si je l'avais croisé en ville je n'aurais jamais pensé qu'il traînerait dans ce quartier de la ville. Il pourrait très bien être un jeune informaticien ou alors vendeur, mais jamais un mec de mon monde. La cafetière me rappela chantonna à la fin de son travail et je partis récupérer la cuve qui était maintenant pleine. De retour dans le salon je m'assis sur le canapé, à ma place initiale entre mes deux acolytes.

Et c'est là que je le vis.

Min Yoongi.

Qu'est-ce qu'il foutait ici, celui-là ? Si c'était une blague, elle était de très mauvais goût.

Non ce n'était pas possible, personne ne savait que j'avais été retenu en otage par le bouquet de persil pendant quarante-huit heures, et à voir la tête des titulaires du dortoir aucun d'eux ne devaient le connaître. Il était simplement accompagnateur de ledit Namjoon. C'était la seule option possible, mais alors pourquoi personne n'avait parlé d'un deuxième invité pour la soirée ?

Il m'avait suivi ? Il n'aurait pas fait ça quand même, si ? Il était taré si c'était le cas. Qui dans ce monde suivrait discrètement un inconnu durant trois jours à part un psychopathe ? On évince les flics de l'équation, eux c'était différent et j'en avais ma petite expérience.

Il n'était pas net ce type. Il m'épiait depuis que j'avais posé mon cul sur le siège délabré, il ne clignait pas des yeux, il restait posté telle une statue grecque devant ma personne sans broncher. La conversation qu'entretenait son ami avec mes hôtes ne semblait pas le concerner car il n'y participait pas et moi, bien trop occupé à soutenir son regard, je n'entendais pas les voix autour de moi, ignorant complètement le sujet de la discussion. Le monde pouvait être en train de s'effondrer que je serais mort comme un con.

Après plus d'une heure d'échange Namjoon se leva suivit de Yoongi.

« Bon on en reparle demain, il faut que tout soit prêt. On fait ça dans la nuit de samedi à dimanche.

- Ok pas de soucis. Je préviens les anglais et on se retrouve demain pour mettre au point le déroulement de l'opération.

- Bien, Yoon on y va. »

Allez petit toutou, suit ton maître jusqu'à la porte et n'oublie pas de remuer la queue.

« Yoongi ! Faut que je te parle. »

C'était sorti tout seul, mais il fallait que je lui pose la question. Il se retourna et me toisa avant d'hausser les épaules et de se diriger vers moi. Les squatteurs semblaient plutôt surpris que je connaisse le second invité. On s'éloigna un peu de la foule en s'engageant dans le couloir.

« Tu me suis depuis lundi ? »

Il me regarda avec cet air détaché et je-m'en-foutiste, comme s'il ne comprenait pas pourquoi je lui posais cette question alors qu'il était loin d'être imbécile. Je n'eus comme simple réponse de sa part trois mot avant qu'il ne se décide à faire demi-tour pour sortir de l'appartement.

« Demain soir, minuit. »


Suite à son départ, j'étais resté comme un con dans le couloir la bouche ouverte par l'audace qu'il avait eu. Déjà il ne répondait pas à ma question mais en plus de ça il me rappelait encore son maudit ultimatum. J'avais un mauvais pressentiment, je ne savais pas pourquoi mais j'avais l'ultime conviction que ce mec était plutôt influent ici et son pote encore plus que lui. Que m'arriverait-il si je le recroisais une fois la date dépassée ?

C'est ainsi que j'avais eu droit à la plus grosse insomnie de ma vie. Pas que je n'étais pas fatigué au contraire, mon corps ne demandait qu'à dormir mais mon esprit lui ne voyait que Yoongi. Toute la nuit j'avais cogité, retournant ses mots dans tous les sens pour y déceler ne serait-ce qu'une réponse à mes interrogations, mais rien, je n'avais rien trouvé. Je me réveillai le lendemain avec plus de questions que de réponses.

Il était pas loin de dix-sept heures et j'avais quitté le dortoir à midi. Les au revoir n'avaient pas été dur, dans ce monde on s'entraide tous ne cherchant jamais à recevoir quelconque reconnaisse ou service en retour. C'était comme ça, on rencontrait une tonne de gens sachant qu'on les oublierait bien vite alors qu'ils pouvaient nous être d'une grande aide. Pas de larmes, pas de cris déchirants ou d'étreintes sans fin ; juste une poignée de main, une accolade ou un sourire discret tout en se souhaitant de rester en vie le plus longtemps possible. J'aimais ça, les sentiments ne faisaient que nous rendre faible et prendre de mauvaises décisions, j'en sais quelque chose.


Sept heures


J'errais dans le centre de Tokyo à travers la foule qui se faisait dense. Je voulais prendre une douche et me reposer un peu, réfléchir sérieusement aux options qui s'offraient à moi et leurs conséquences. Je devais trouver un petit hôtel qui louait à l'heure de minuscule piaule et ce n'était pas ça qui manqué ici normalement, pourtant j'avais la maudite impression que c'était quand on avait besoin d'une chose qu'elle était difficilement trouvable.


Six heures


J'avais mis une heure à trouver ce taudis, une heure ! Ce n'était pas possible d'être aussi peu référencé dans une aussi grande ville. Il devrait y avoir des panneaux de partout pour indiquer l'emplacement du moindre petit cabinet public ! Mais non, on préférait exposer des mannequins et des acteurs trop maquillés et survendu sur des écrans géants. Je pouvais enfin prendre une bonne et longue douche bien chaude.

Mes cicatrices et entailles de la bagarre de samedi avaient totalement disparues, seul l'hématome sur mes côtes persistait, donnant un fort côté artistique à mon abdomen en le colorant de violet et rose dérivant sur du jaune pâle en bordure. C'était plutôt joli. Je me vêtis d'un slim noir et d'un sweat bleu marine avant de m'endormir sur le lit de camp présent dans la chambre.


Quatre heures


J'ouvris un œil et fus peu surpris de m'être assoupis. Nyx était tombée sur le pays encore une fois m'emportant dans une balade de quelques heures. Je devais quitter la chambre car quand bien même ce genre d'établissement ne payait pas de mine, il n'en restait pas moins gratuit, et l'argent se faisait rare ses derniers jours.

Je m'engouffrai donc une nouvelle fois dans ces rues asiatiques aux couleurs occidentales. La lumière du soleil était maintenant remplacée par de gros éclairages nocturnes accompagnés de néons et autres LED criardes.

Je venais de prendre congé dans un bar, un petit verre ne me ferais pas de mal. J'avais encore la tête prise par de nombreux questionnements qui m'empêchaient de prendre une décision juste.

« Bonsoir, qu'est-ce que je vous sers ?

- Un rhum sec, s'il vous plaît. »

Mon verre entre les doigts, je pris place sur un tabouret face à la rue. Je regardais toutes ces personnes vivre un instant surement insignifiant dans leur maigre destinée sans se douter une seule seconde que le gars bizarre derrière la vitre devait lui choisir un chemin définissant le reste de son existence. Ce gars, c'était moi.

Je n'avais jamais été aussi déphasé par un choix, avant tout coulait de source et les décisions se faisaient automatiquement. Ma vie était toute tracée sans divagation possible. Maintenant c'était tout le contraire, j'étais perdu dans un océan de possibilités toutes plus effrayantes et inconscientes que les autres. Bizarrement cet ultimatum était la clef du tournant de ma vie. Il me fallait de l'aide et vite.


Trois heures


J'avais eu du mal à me repérer dans le quartier mais une fois que j'aperçus le coin de la ruelle je savais que c'était ici. Je courais après le temps et celui-ci n'avait pas vraiment l'air de vouloir m'attendre. C'était essoufflé que je poussai la vieille porte en bois et que le carillon alerta de ma venue.

Personne n'était derrière le comptoir et mon regard se dirigea vers la petite étagère ou seulement trois pendentifs étaient présents. Non ce n'était décidément pas possible. Je ne voulais pas y croire. Ce collier était à la fois un rien et le tout. C'était lui ma décision, lui qui devait me guider. Sans que je m'en rende compte de petites larmes s'étaient frayées un chemin jusqu'aux coins de mes yeux, brouillant ma vision en un claquement de doigts.

Une petite main serra gentiment mon épaule me faisant sursauter.

« Jimin...

- Il-il n'est plus là... »

J'avais le regard dans le vide et ma voix se faisait faible et tremblante. La vieille dame me dirigea à l'arrière de la boutique avant de me servir une tasse de thé et trois petits gâteaux de riz.

« Jimin... elle était rassurante et douce ne voulant sûrement pas me voir pleurer à nouveau. Pourquoi es-tu dans cet état ?

- La Chrysoprase...elle...elle n'est plus là...

- Oui Jimin. Et alors ?

- C'est que... sanglotai-je. Elle devait m'aider... Faire un choix...

- Non Jimin. C'est seulement toi qui dois faire un choix, la pierre elle n'est là que symboliquement et agit une fois la décision prise. Elle ne décidera jamais pour toi.

- Mais...

- Il n'y a pas de mais Jimin, me coupa-t-elle. Ne remet pas la faute sur cet objet. Tu as déjà fait ton choix et tu le sais, mais tu ne veux pas te l'avouer car tu as peur du futur et que ton avenir est incertain. Si tout ne se passait pas comme prévu tu t'en prendrais à lui et non à toi, alors que c'est ta propre décision. Si tu es venu ici c'est que tu avais besoin d'entendre ces mots et non d'acheter une pierre. Heureusement qu'elle n'est plus sur l'étale, cela te permet de te rendre compte que c'est toi et seulement toi qui influes sur ce tournant de ta vie. »

Je l'écoutais sans broncher, encaissant durement ses paroles pourtant dures pour moi. Le pire était qu'elle avait raison et que je devais m'y soustraire. C'était moi et moi seul qui prenais ce virage en ayant conscience des risques qu'il y avait au bout. Son horloge sonna onze coups. Il était vingt-trois heures. Je me levai subitement, presque effrayé par la fuite du temps. Tout déraillait et je n'étais pas sûr que la soirée ne se termine comme je l'avais espéré.

« Désolé je-je dois partir ! Je n'ai pas le temps je dois y aller, il ne va pas m'attendre !

- Jimin ! Calme-toi, respire. Tout va bien se passer. Je ne te retiens pas plus longtemps mais prends ce petit sachet de gâteaux, il te sera utile crois-moi. »

Ledit sachet entre mes mains je pris la vieille dame dans une étreinte courte mais sincère avant de me retourner et de sortir de son échoppe.


Une heure


Je courais aussi vite que je ne l'avais jamais fait. Je renversais même quelques passants sur mon passage sans prendre grand soin de voir comment ils allaient. Je m'en foutais clairement, car moi je n'allais pas bien. Il fallait que je retrouve cet immeuble en moins d'une heure, dans une métropole où chaque coin de rue était un copier-coller du précédent et où les bâtiments avaient, semble-t-il, tous été dessiné par le même architecte. Sans adresse et GPS, autant dire que j'étais fichu.


Dix minutes


L'angoisse avait pris possession de mon corps et c'était tout tremblant que j'aperçue au loin un petit primeur qui ne m'était pas inconnu. Je l'avais déjà vu.

C'était le marchant d'en face, celui que j'observais depuis la fenêtre de sa cuisine. J'y étais, j'avais trouvé !


Deux minutes


J'avais littéralement fait exploser la porte d'entrée d'un coup de pied. Je n'avais pas le code de sécurité et encore moins le temps d'attendre qu'un habitant m'ouvre. Je gravis les marches, sautant au passage quelques-unes d'entre elles, prenant le risque de m'éclater le visage sur le carrelage.

Cinquième étage appartement D, j'y étais. Prenant mon courage à deux mains je toquai sur le bois une première fois, attendant une réponse qui ne vint jamais. Je réessayai une deuxième puis une troisième fois mais toujours pas de réponse. Ma montre indiquait minuit sept, j'avais loupé l'heure. On était samedi et Min Yoongi, qui durant une semaine n'avait pas quitté mon esprit, n'avait plus une once considération envers ma personne.

Je me laissai glisser contre le mur jusqu'à me retrouver assis par terre. Le petit sachet de la vieille dame disposé sur le haut de mon sac attira mon attention. Je l'ouvris et en sortis un petit bout de papier sur lequel elle m'avait laissé un mot.


Jimin,

Premièrement lis attentivement cette lettre avant de ne faire quoi que ce soit d'autre. Je me permets de te tutoyer car depuis bien longtemps je n'avais pas eu le droit de rencontrer une personne comme la tienne.

Tu es une jolie personne et n'en doute jamais. Peu importe ce que tu as pu faire par le passé ou ce que tu t'apprêtes à faire. La vie, comme je te l'ai dit, n'est pas toute noire ou toute blanche. C'est un joli mélange de couleur de toute nature, plus rempli qu'un arc-en-ciel mais moins que l'immensité de l'Univers.

Fait ce que tu as à faire, si cela te semble être juste et honnête. Peu importe ce que la société peut en penser, car malheureusement elle n'est pas humaine alors que toi, si. Tu es un humain Jimin, avec tes qualités et tes défauts, tes doutes et tes peurs, ainsi que des sentiments.

La personne à qui te faisait penser cette Chrysoprase est très importante pour toi, je le sais alors que toi peut-être pas. J'ai vu ton regard face à ce joyau et si les yeux sont le reflet de l'âme, ils ne peuvent pas mentir.

Il te faudra sûrement du temps pour l'accepter mais ne renies pas l'inévitable. Tu la recroiseras, tôt ou tard et ne laisse pas ta fierté te l'enlever.

Tu m'as redonné le sourire en ces vieux jours ternes et solitaires. Après ta première venue, j'ai longuement pensé à toi. Tu me rappelles mon fils, mort il y a bien des années après des choix qu'il ne regrette aucunement de là où il est et que j'ai accepté. Je pense que vous n'êtes pas si différent l'un de l'autre.

J'espère que nos chemins se recroiseront.

Ne m'en tiens pas rigueur mais il fallait que tu te rendes compte que ce choix t'appartenait et qu'aucun n'objet ne pouvait le prendre à ta place.

Prends soin de toi,

Hanae.


Des larmes coulèrent le long de mes joues. Cette femme était un ange tombé du ciel. Je serrai le bout de papier contre mon torse et dans un mouvement de jambes le sachet tomba à terre dans un bruit sourd. Je le pris et en renversa le contenu dans le creux de ma main. Elle l'avait gardé, gardé pour moi juste le temps que tout s'emboîte parfaitement dans ma tête. Ce joyau vert pâle qui voulait tant dire pour ma personne et qui pour un autre pouvait être inutile.

Il fallait que j'accuse le coup, que j'intègre que j'avais laissé passer ma chance et qu'il ne me restait plus qu'à avancer seul dans ce nouveau monde. Je ne devais plus attendre que les jours s'écoulent comme je l'avais fait cette semaine. D'ailleurs, c'était bien parce que je n'arrivais pas à m'avouer que tel était mon choix, accepter la proposition du mentholé, que j'avais zoné avec les camés.

Je me retournai une dernière fois pour observer cette porte, celle qui s'était ouverte à moi une première fois et qui aujourd'hui demeurait fermée. Ne faisant pas attention à ce qu'il se passait devant moi je me pris le mur en pleine face.

« Aish, putain mais regarde où tu mets les pieds, bon sang ! »

Ce n'était pas un mur. Il me toisa, à la fois fier et surprit de me voir ici, comme s'il s'était attendu à ma venue sans trop y croire.

Ma gorge me démangeait et mes yeux encore bouffis menaçaient d'ouvrir à nouveau les vannes.

« Il est trop tard... J'ai loupé le coche. »

Je me dégageais de lui pour le contourner et partir, je n'avais plus rien à faire ici.

« Je n'étais pas là. Je ne sais pas si tu es arrivé avant ou après minuit. Je te laisse le bénéfice du doute. Allez, viens. »


Chronos : Dieu du temps.

⊱♛⊰


Apophiis

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