Chapitre 34 : Angélie
Bonsoir, je vous souhaite une bonne lecture !
Ps : Honshū est l'île principale de l'archipel du Japon (elle comporte les villes de Tokyo, Osaka, Kyoto etc. Les préfectures d'Akita et d'Aomori se situent à son nord). L'île Hokkaidō est une des 5 îles principales de l'archipel et se situe au nord de Honshū.
J'ouvris à nouveau les yeux. Cette fois-ci, la présence de Yoongi ne me surprit pas. Il était encore collé à moi ; sa respiration s'écrasait dans mes cheveux.
— Je me suis rendormi longtemps ?
— Hm... peut-être trente minutes. Je ne sais pas vraiment, je n'ai pas regardé l'heure.
Je me mis sur le dos pour m'étirer. Il s'écarta à peine – me laissant juste la place pour changer de position – et posa sa main sur mon torse. Je pris sur moi pour rester de marbre et inhiber toute réponse corporelle à son geste. Ni sursauter, ni frissonner et encore moins le regarder.
Après avoir dormis, mon cerveau me paraissait moins embrouillé et mes idées un peu plus claires. Cependant, je doutais toujours de sa sincérité. Comment pouvait-il réellement avoir changé d'avis ? Sa haine ne concernait pas une banalité, c'était toute sa vie qui était liée à cette dernière. Est-ce qu'à sa place j'aurais pu faire table rase du passé ?
Honnêtement, je n'en étais pas certain. Ses parents, son clan. Il avait tout perdu avant même d'avoir prononcé son premier mot. Par-dessus tout, il n'avait découvert la vérité qu'à sa majorité. Si c'était ma vie, j'en voudrais à mort au responsable. Je le pourchasserais et lui ferais payer.
Je doutais et je détestais ça. Parce que sur un avis tranché, on ne passe pas son temps à se poser des questions. Là, je me torturais plus qu'autre chose pour n'avoir pas l'ombre d'une réponse à l'horizon.
Le serpent qui se mord la queue, encore et toujours ce maudit reptile.
L'image d'un squamate se bouffant l'extrémité disparut subitement de ma tête. À trop réfléchir, je délaissais mon environnement et ne faisais plus attention à Yoongi. Il venait de saisir cette opportunité pour m'embrasser. Pas la joue, ni la bouche, mais l'épaule. Et si je pensais qu'il allait s'arrêter là, je me fourvoyais complètement. Ses lèvres se déposèrent ensuite sur ma clavicule, avant de venir me faire frémir en effleurant mon cou.
— Arrête.
Il releva la tête, surpris.
— Pourquoi ?
Nous n'étions pas sur la même longueur d'onde. Je le compris en fixant son visage. Il semblait perdu, perturbé. Il ne jouait pas. Ce constat me laissa perplexe et j'en perdis la parole quelques secondes.
— Comment... comment tu peux avoir changé d'avis ? C'est pas logique... murmurai-je.
Il soupira puis se cala contre la tête de lit.
— J'ai pas choisi. C'est comme ça, c'est tout.
Sa réponse fut sèche. Je l'emmerdais avec mes questions, ce côté de lui n'était plus un mystère à mes yeux. Il m'était possible de ressentir son agacement rien qu'en le regardant. Je ne m'en formalisai pas et continuai :
— C'est comme ça, c'est tout. Honnêtement ?
— Tu m'as écouté hier ou j'ai parlé dans le vide ?
Bien sûr que je l'avais écouté. Cela ne voulait pas dire que je le croyais sur parole, et encore moins qu'il était totalement sincère.
— Je ne comprends pas comment c'est possible. Tout comme c'est impossible que je puisse te croire.
Il soupira fortement et me surpris en me surplombant la seconde d'après. Machinalement, je plongeai mon regard dans le sien.
— Y a rien à comprendre, Jimin. C'est comme ça, les... ce que je ressens, je ne le contrôle pas. Et aujourd'hui je ne suis plus capable de te faire du mal ou de laisser quelqu'un d'autre t'en faire.
Devant mes doutes et mon mutisme, il enchaîna :
— Si vraiment je voulais te faire payer, je ne t'aurais pas tout déballé comme ça. Si j'avais encore ne serait-ce qu'une toute petite envie de mettre à bien ma vengeance, je t'aurais laissé à Riyō hier. J'ai été honnête pour mettre les choses à plat et qu'on soit sur un pied d'égalité.
Effectivement, il avait eu la meilleure opportunité de toute sa vie pour me livrer aux japonais et marchander avec eux. Et il ne l'avait pas fait. Est-ce que c'était la preuve que je cherchais pour le croire ? Peut-être pas, mais elle me suffit.
— Ok.
Ses sourcils se froncèrent.
— Ok ? Tu n'as que ça à dire ?
— Tu ne t'attends quand même pas à ce que je te donne toute ma confiance contre trois belles phrases, si ?
Il rit.
— En huit ans dans cette ville, à côtoyer des malfrats de tout horizon, j'ai bien compris qu'on ne gagnait jamais l'entière confiance des gens. Même avec les plus belles paroles ou les actes les plus nobles. Mais si j'ai ne serait-ce qu'un quart de la tienne, alors ça me va.
C'était une réalité. Une leçon que mon père m'avait enseignée dès mon plus jeune âge. Toujours se méfier des gens, même ceux qui m'étaient le plus proche. Au vu des récentes révélations, lui-même ne dérogeait pas à cette règle. Yoongi n'avait pas grandi dans le même univers que moi, mais son arrivée à Tokyo lui avait sûrement appris de nombreux codes. Il voulait comprendre la mafia, la toucher du doigt et voir que ce qu'il aurait pu être si l'orgueil de mon père avait été vain.
Et il se démerdait bien. Car il ne faisait pas que l'effleurer ou jouer avec, il était une partie intégrante de cet univers. Il en connaissait les préceptes et les lois. Il était discret, calculateur, rusé et loyal.
— Du coup, nous deux on...
Je sentis arriver un sujet que je n'étais pas prêt à aborder, alors je l'embrassai. Simplement, sans attendre autre chose derrière. Ça devait répondre à ses questions pour le moment. Et comme un signe du ciel, son téléphone sonna la seconde d'après.
Il m'abandonna pour décrocher (non sans râler) et raccrocha presque aussitôt. Il se leva et me lança un jogging qui trainait au sol.
— On va peut-être rentrer plus vite que prévu.
Il se vêtit des mêmes habits que la veille.
— Pourquoi ? demandai-je, perplexe.
Il se stoppa et m'envoya un sourire narquois.
— Les Kim sont là.
Il se dirigea vers la porte et l'ouvrit. Comme annoncé, les Kim étaient là, Namjoon en première ligne. Je n'eus même pas le temps de me préparer avant qu'il n'apparaisse devant moi.
— Salut, Jimin. Ravi de te voir en vie.
Cet abruti souriait de toutes ses dents. J'avais très envie de lui renvoyer son hypocrisie à la gueule. Mais comme à chaque fois que je le voyais, une infime partie de ma mémoire me remémorait l'amical entrevue du début de notre relation – si je pouvais définir ce qui nous unissait comme telle. Je me restreins et répondis (sans relever son « en vie ») avec peu de d'entrain :
— Plaisir partagé.
À jeun et à moitié réveillé, je me levai et me concentrai pour ne pas mettre les deux jambes dans le même trou du survêtement. J'attrapai un t-shirt puis je me dirigeai vers la machine à café. Durant ce temps, Seokjin avait fait son entrée dans la pièce.
— Salut, lui envoyai-je sur mon passage.
Après un blanc, où nos regards passèrent de silhouette en silhouette, il prit la parole :
— Nous avons pu récupérer le tableau et quelques œuvres qui l'accompagnaient.
— Et nous sommes passés au club. Aucune trace d'Ayame. Ils ont dû embarquer le corps quand ils sont venus chercher Riyō, ajouta Namjoon.
Mon café était prêt, j'en bus une gorgée.
— Mission finie ? demanda Yoongi.
— Mission achevée, oui, conclut Seokjin. Tu recevras l'argent quand nous serons sur Tokyo.
Il fit un signe à son second. Namjoon sortit une enveloppe de la poche intérieure de son blouson et la tendit à Yoongi.
— Ce sont les billets retours, le train est à dix-huit heures. Ne traînez pas.
— On rentre enfin au bercail, ne pus-je m'empêcher de chantonner.
— Oui. Enfin...
Jin sembla chercher ses mots. Moi, je perdis le peu de joie que j'éprouvais depuis des jours.
— La mission est bien finie. Cependant, cela va de soi que vous devez faire attention. L'assaut de la nuit dernière ne restera pas sans réponse. La mort d'Ayame ne sera pas vengée, en revanche, les coups portés à Riyō, eux, si. Je vous conseille de rester quelques jours à l'appartement et de ne sortir qu'en cas de nécessité absolue. Jamais seul.
Son ton était grave. Toutes les factions coréennes devaient à présent s'attendre à des attaques, en première ligne les hommes qui travaillaient pur lui. Les yakuzas savaient se rallier lorsqu'il s'agissait de s'en prendre aux réseaux étrangers. Surtout les coréens.
Les Kim nous saluèrent et regagnèrent la porte, Yoongi sur les talons. Je pris l'initiative de rassembler nos affaires, le temps nous était compté. On allait enfin se casser de cet endroit miteux.
Lorsque je vins vers la table pour récupérer l'ordinateur, je vis que la porte n'était pas totalement fermée. Des murmures s'en échappaient. Curieux, je me rapprochai doucement.
— Je te l'avais dit. Il y a un moment où c'est forcément trop tard.
C'était Namjoon.
— Je sais, mais c'est comme ça maintenant.
Et Yoongi.
— Tu penses que tu vas pouvoir le supporter ? Toute ta vie ?
— Je verrais. Si ça dérape, je pourrais toujours y mettre fin à ce moment-là.
— Dis pas de connerie. Tu ne pourras pas, même si ça par en live et tu le sais.
Un blanc. Je bloquai ma respiration pour ne pas me faire crever.
— Je ne te blâme pas, Yoon. Je veux juste savoir si t'es ok en sachant qu'hier était ta dernière chance.
— T'inquiète, je gère.
Sentant que leur discussion touchait à sa fin, je repartis vers le lit et continuai à remplir mon sac, l'air de rien.
On poussa la porte de l'appartement ; l'horloge affichait presque minuit.
Après être descendus du train, nous avions marché dans les rues de la ville. D'après Yoongi, nous n'avions pas assez d'argent en liquide pour payer un taxi et le métro s'avérait être trop dangereux.
Les yakuzas ne prenaient jamais les transports en commun, ils préféraient déambuler sur les routes à bord de leurs voitures hors de prix. C'était un luxe que pouvait se payer la seule mafia « légale » du monde. Cependant, dans ce monde, il fallait partir du principe que tout ce qui était acquis se savait. De ce fait, le clan Ishida avait connaissance de notre retour sur Tokyo et nous cherchait. Ses membres n'hésiteraient pas un instant à descendre sous la ville pour venger l'un des leurs.
Avec nos bagages et l'éclairage intense des stations, sans compter sur les portiques de sécurité et les wagons reliés entre eux, le réseau souterrain était bien trop incertain. Là-bas, nous étions faits comme des rats. Même si cela paraissait grotesque, rentrer à pied en pleine nuit était le choix le plus judicieux. Emprunter un trajet plus long et sinueux que d'habitude aussi. Ce fut pour ces raisons que nous mirent plus d'une heure à rejoindre l'appartement.
Je ne pris même pas le temps de déballer mes affaires ; j'abandonnai mon sac dans l'entrée, déposai mon téléphone sur la table et courus jusque dans la cuisine pour me servir de l'eau. Yoongi fit de même.
— Je ne pensais pas dire ça un jour, mais ton appart' m'a manqué, déclarai-je.
— Comme quoi, rien n'est acté dans la vie.
Il me passa devant et déposa un bisou sur ma joue. Sur le moment, j'eus un mouvement de recul, ce qui le fit rire. J'allais devoir m'y habituer. Je continuai à boire mon verre quand il s'installa dans le canapé et attrapa la télécommande. Au même moment, des vibrations raisonnèrent dans la pièce.
— Tu sonnes, lui fis-je remarquer.
Il se leva, en rouspétant, avec une expression qui voulait dire : « On pari combien que ce sont les Kim ? », ce qui me fit doucement sourire. L'alerte s'arrêta durant son trajet mais il s'empara quand même de son téléphone. Lorsqu'il fixa l'écran, son expression changea radicalement : ses yeux se plissèrent et sa mâchoire se crispa. Toute malice avait quitté son visage.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Ce n'est pas moi, déclara-t-il froidement.
— Hein ?
— Ce n'est pas mon téléphone, Jimin.
Je compris alors son changement d'attitude. Machinalement, je posai mon verre et me mis à marcher jusqu'au mien. Yoongi ne me quitta pas des yeux. Il était flippant. On aurait dit qu'il était prêt à m'arracher la tête sur le champ.
— Qui t'appelle ?
Je remontai mon regard vers le sien et haussai les épaules. Dans un sens, c'était vrai, je ne savais pas qui venait de composer mon numéro. Seules deux personnes savaient que j'en étais le propriétaire : lui et Hoseok. Durant un instant, l'idée qu'une tierce personne ait réussi à mettre la main dessus et essaye de me joindre me traversa l'esprit.
Et si c'était Ishida ?
Ou pire, mon père.
Qu'est-ce que je devrais faire ?
Honnêtement, Yoongi n'allait pas m'aider à restreindre mes peurs. Il devait se poser les mêmes questions que moi car il semblait peu à l'aise lui aussi. Et énervé.
Le téléphone en main, je n'activai pas l'écran. J'angoissai à l'idée de découvrir un numéro inconnu ou masqué sur la notification. Mon interlocuteur en décida autrement car le cellulaire se remit à vibrer au creux de ma main.
Hoseok. C'était Hoseok. Et si cette information semblait rassurante, ce n'était pas le cas. S'il me contactait, c'était qu'une chose se tramait à Gwangju.
— C'est qui ? réitéra froidement Yoongi.
— Un ami.
— Un ami ?
Je m'éclipsai dans la chambre sans le regarder. On s'expliquerait là-dessus plus tard. Une fois la porte fermée, je décrochai.
— Jimin ?
— Oui.
Il soupira et semblait un peu soulagé. Moi, c'était tout l'inverse. Il m'inquiétait.
Son appel m'inquiétait.
— J'suis désolé de t'appeler sans prévenir mais je n'ai pas le choix.
— Qu'est-ce... qu'est-ce qu'il se passe ?
— J'suis dans la merde.
Ce fut ce moment que Yoongi choisit pour débouler dans la pièce.
— J'peux savoir à qui tu parles ?! s'énerva-t-il.
Je lui fis signe de se taire et d'attendre, ce qui lui déplut. Il devait comprendre que ce n'était pas le moment de me taper une crise et qu'il avait plutôt intérêt à m'écouter. Il soupira et finit par s'asseoir sur le lit.
— C'est Yoongi ?
— Oui, c'est lui, répondis-je.
Ça me valut un regard noir du prénommé.
— Qu'est-ce que tu fous encore avec lui ? Je t'avais dit de partir le plu-
— Je sais Hoseok, le coupai-je. Je sais tout.
Il marqua un blanc avant de reprendre :
— Donc c'était bien lui sur les papiers... Bordel, c'est pire que ce que je pensais.
— J'suis en sécurité, le rassurai-je.
— T'en es sûr ?
— Oui.
Si Yoongi pouvait me mentir, il n'en ferait rien avec Namjoon. La conversation que j'avais surpris entre eux plus tôt m'assurait d'être loin de tout danger à ses côtés, pour le moment.
— Au moins l'un de nous deux l'est.
Mon rythme cardiaque s'accéléra.
— Comment ça ?
— Ton père. Il est persuadé que je sais où tu es.
— Merde...
— Ouais, comme tu dis. Pour l'instant, je ne pense pas craindre grand-chose. Il n'a aucune preuve, il ne fait que spéculer et le mien doit faire tampon. Mais il va falloir que je réfléchisse à un plan si jamais les choses s'enveniment.
Le bruit d'un moteur gronda derrière lui.
— T'es où, là ? Tu rentres chez toi ?
— Non, j'vais chez Kiseok. Même si je ne pense pas être en danger chez moi, j'évite de rester seul. Je voulais te prévenir qu'il redoublait d'effort pour te foutre la main dessus. Il a carrément mis Kihyun sur le coup. Lui et Sungjoo ne font qu'enquêter.
— Super, soupirai-je. Tu sais s'ils ont trouvé un truc ?
— Ils ne savent pas comment tu as pu quitter le pays si vite, sinon je serais déjà mort, ne put-il s'abstenir de préciser.
— T'étais pas obligé de dire ça, lui reprochai-je.
Cet idiot ne trouva rien de mieux à faire que de rire. Personnellement, je ne trouvais pas la situation ironique. Elle était plutôt chaotique.
— Désolé. En revanche, ils t'auraient localisé à une espèce de vente aux enchères dans la banlieue de Tokyo. Tu as participé à un truc du genre ?
Mon sang se glaça et ma voix craqua :
— Oui...
— Ils ont des contacts au Japon, constata-t-il, dépité.
On l'était tous les deux. L'étau se resserrait et j'allais finir par me faire chopper si je ne bougeais pas de cette ville.
— Jimin, tu penses être en sécurité mais ce n'est pas le cas.
— Est-ce que je l'ai déjà été de toute manière ?
Je cherchai à le rassurer, et moi aussi par la même occasion.
— Question difficile. Mais ça veut aussi dire que Yoongi ne l'est pas. Il est censé être mort, pour info. Si ton père apprend qu'il respire encore, il y a plus d'une tête qui va tomber. Vous allez y passer, tous les deux. Mon père et moi aussi.
— Je dois faire quoi selon toi ?
— Faire ce que tu aurais dû faire depuis le départ. Partir bien plus au nord. Si tu peux te planquer en Russie, c'est encore mieux.
— En Russie ? Mais t'es malade !
— C'est pas si con si t'y réfléchis.
— Hoseok, je parle pas un mot de russe !
— Je sais, mais personne n'ira te chercher là-bas.
Je me pinçai l'arête du nez pour réfléchir. Mon cerveau tournait à mille à l'heure.
— Je sais que c'est l'épreuve la plus compliquée de ta vie, mais pour l'instant tu n'as pas le choix. Tu dois quitter Tokyo immédiatement et trouver un endroit pour te planquer.
— Et ça va s'arrêter quand, hein ? Ça fait plus de deux mois, Hobi, presque trois. J'vais pas pouvoir tenir des années comme ça.
— Ça prendra le temps qu'il me faut pour faire entendre à ton père que tu ne nous as pas vendu.
— Tu sais très bien qu'il ne changera pas d'avis. Je resterai coupable jusqu'à son dernier souffle.
— T'es son fils, Jimin. Les choses sont différentes quand ça te concerne.
Je n'étais pas aussi confiant que lui. Les liens du sang n'avaient pas plus de valeur que les autres aux yeux de mon père. Tout devait se prouver.
— Écoute, on se rappelle dans deux jours. D'ici là, trouve un patelin paumé au milieu de nulle part. J'suis arrivé, je dois te laisser.
— Ok. Fais attention à toi.
— C'est plutôt à moi de te dire ça.
Il raccrocha sans me laisser le temps de répliquer.
— C'était qui ?
J'avais oublié que Yoongi était dans la chambre. Je me laissai tomber sur le lit à côté de lui.
— Hobi.
— Hobi ?
— Mon meilleur ami. Le fils de Kyun.
— Et il sait où tu es ?
— Il m'a aidé à quitter le pays.
Je me sentais vide et coupable. Jamais je n'avais pensé que Hoseok se retrouverait à ce point dans la merde. Il ne devait pas être menacé par ma faute.
Je soufflai pour extérioriser ma nervosité et reprendre un semblant de lucidité. Je ne pouvais pas en faire qu'à ma tête, d'autres vies étaient en jeu.
— Il m'a dit qu'il fallait qu'on quitte Tokyo. Mon père à des informateurs dans le secteur, ils m'ont vu à la vente des Kim. On ne peut pas rester ici.
Yoongi ferma les yeux et soupira.
— J'ai pas l'intention de quitter cette ville, Jimin.
— Tu es autant en danger que moi. Les infos vont vite et si les sources de mon père me retrouvent, elles vont te retrouver aussi. J'suis pas certain que t'aies envie qu'il sache que tu es en vie.
J'entrainais toutes les personnes qui comptaient pour moi dans ma chute. Yoongi n'y échapperait pas.
— Super... son intonation était loin d'être joyeuse. Et il faut qu'on aille où ?
— Il me conseille de trouver un village au milieu de rien. Mais ce n'est pas la solution. Lui aussi est surveillé, mon père est persuadé qu'il sait où je me cache.
— Ton père pense bien.
— En même temps, on a été élevés ensemble, Hoseok et moi. C'est une évidence qu'il m'aide depuis tout ce temps. J'aurais fait pareil pour lui.
— C'est une évidence mais il n'y a pas de preuve.
— Pour l'instant, soulignai-je.
— Hm.
Il se leva et partit dans le salon. Personnellement, je restai dans la chambre à fixer le mur en face de moi. Hoseok avait été bien clair. Les choses s'accéléraient. Si je ne réagissais pas, la finalité de cette histoire allait se retrouver maculée de sang, et pas que du mien. Il fallait que je me mette en sécurité pour que lui et Yoongi le soient aussi.
Plus je m'exposais au danger, plus il m'appellerait, plus il m'aiderait. Par conséquence, il augmentait drastiquement ses risques de tomber à mes côtés.
Je devais me démerder par moi-même et l'impliquer le moins possible dans ma cavale.
Yoongi réapparût avec son ordinateur et un paquet de cigarette. Il reprit place à ma droite et s'alluma une clope. Je l'imitai tout en restant silencieux. Cependant, je ne loupai pas une seule de ses recherches sur le net. Il commença par ouvrir Google Maps puis zooma sur le nord de Honshū.
— On peut commencer par se rendre dans les préfectures d'Akita ou d'Aomori. Elles regorgent de petits villages perdus dans les montagnes. Pour se planquer c'est plutôt pas mal.
Je ne répondis pas et continuai de regarder l'écran en tirant sur ma cigarette.
— Ou sinon on change carrément d'île, on part sur Hokkaidō. La Russie est juste à côté.
Ça me paraissait fou. Pire que ça, à mes yeux, c'était irréalisable. J'aurais beau me terrer dans une cabane en pleine forêt que je ne serais pas hors de portée. Si je me faisais démasquer, la fuite en serait encore plus compliquée. Et dans un pays où je ne maîtrisais ni langue, ni les frontières, c'était pire.
Il n'y avait plus qu'une seule solution qui tenait la route. J'y avais déjà songé, à de nombreuses reprises. Elle ne me plaisait pas, mais c'était celle qui me permettrait de limiter la casse et de mettre en sécurité ceux qui comptaient pour moi.
— Laisse tomber, soufflai-je.
Il délaissa l'écran pour me toiser.
— Comment ça ? Tu veux rester ici ?
— Non, il faut que je quitte le Japon. Mais il n'y a qu'un seul endroit où mon père ne me cherchera pas.
— Le fin fond de la forêt Amazonienne ? Tu sais, moi, les chaleurs tropicales et les insectes c'est pas trop mon délire.
Il réussit à me faire rire. Dans ce genre de moment, un peu d'humour aidait à relâcher la pression et à retrouver un peu de calme.
— Pour lui je peux être n'importe où sur la planète.
— Si tu me sors que tu veux partir dans l'espace je t'en colle une.
— Non plus. Le seul pays où il ne me cherchera pas, Yoongi, c'est la Corée.
— La Corée ? Tu veux te rendre ? s'inquiéta-t-il.
— Pas me rendre. Me rapprocher et observer en silence. Tant que les Dragons n'ont pas l'info que je suis revenu, je serais plus en sécurité que partout ailleurs.
— C'est suicidaire.
— C'est de la logique.
Nos regards s'affrontèrent jusqu'à ce que je détourne les yeux. Ça ne servait à rien de débattre, nous savions tous les deux que c'était la seule option qui tenait la route.
— Ma décision est prise. Tu me suis ou pas, je ne vais pas choisir pour toi, mais je retourne en Corée le plus vite possible. Regarde les vols pour Gwangju.
Il ouvrit le site de réservation de l'aéroport de Narita et regarda les vols en direction de la Corée. Il n'existe pas de vol direct, seules quatre villes sont desservis depuis le Japon. Il fallait passer par Séoul avant de rejoindre le sud du pays. Mais Yoongi ne sélectionna pas la capitale, ni l'option permettant de créer une correspondance.
— Je t'ai dit de regarder les trajets pour Gwangju, qu'est-ce que tu-
— On ne va pas aller à Gwangju. Dis-toi bien que même s'ils sont persuadés que tu ne retourneras pas en Corée de suite, ils surveillent l'aéroport. Il faut atterrir ailleurs et se déplacer hors des radars une fois dans le pays.
Son plan n'était pas bête. Seulement, plus nous aurions d'étapes dans le trajet, plus la possibilité de se faire prendre augmentait. Et l'argent allait nous manquer.
— On n'a pas budget illimité.
— Ne t'en fais pas. On ne va pas faire quinze villes différentes.
Il continua de pianoter sur le clavier et réserva sans même me concerter deux billets pour le surlendemain.
— Daegu ? Pourquoi Daegu ? questionnai-je.
— C'est pas loin de Gwangju et j'ai des connaissances là-bas.
— Je ne suis pas sûr que te ramener après huit années en demandant l'asile à un pote pour toi et un mafieux soit la meilleure idée du siècle.
— Au contraire, il sera content que j'aille le voir. Puis Taehyung est loin de faire dans la légalité.
Angélie : esprit des messages, des nouvelles et des proclamations.
⊱♛⊰
Petite information : ce chapitre est coupé en deux au vu de la longueur qu'il allait faire. J'ai eu les yeux plus gros que le ventre lors de la conception de mon plan ! Cela ne change rien pour vous, mis à part qu'il y aura un chapitre supplémentaire. Cela concerne uniquement le nombre de chapitre, pas les scènes que j'ai décidées d'écrire. Du coup il n'y aura pas plus de péripéties que celles initialement prévues.
J'espère que cet update vous a plu 🥰
Jimin et Yoongi qui retourne en Corée... c'était prévisible ! Vous y avez pensé ? Vous avez des théories concernant la fin ? Je suis tombée récemment sur des commentaires qui partagent des hypothèses sur comment l'histoire allait se finir et j'avoue que j'ai apprécié lire ce que vous pensez ! N'hésitez pas à me partager vos suppositions (bien entendu, je ne vous dirai pas si vous vous rapprochez de la vérité ou non 🤭).
Sur ce, je vous dis bonne soirée et vous souhaite une agréable fin de semaine. On se retrouve bientôt 🤗
Apophiis
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