Chapitre 30 : Hadès
Bonne lecture, (on se retrouve en bas 😉) ~
Yoongi me tira jusqu'à la voiture. Il me jeta sur mon siège avant de claquer la porte et de monter à son tour dans l'auto. Dans un crissement de pneus, il démarra en trombe et quitta au plus vite le sentier sur lequel nous étions garés.
Une main sur le volant et l'autre sur le levier de vitesse, il rejoignit la grande route par laquelle nous étions arrivés et s'inséra entre deux voitures. Une fois perdu au milieu des autres usagés, il sembla se détendre un peu et lança un appel. Trois bips résonnèrent dans les haut-parleurs avant que la personne ne décroche.
— Oui, Yoongi ?
C'était Seokjin.
— C'est bon.
Le Kim mit un peu de temps à répondre.
— Elle était là ?
— Oui. Mais elle ne l'est plus.
— Bien. Et lui ?
— Lui, il...
Je sentis son regard se poser sur moi et je fus soudain déstabilisé.
Ne sachant pas comment réagir et n'ayant pas envie de croiser ses yeux, je me concentrai sur mes mains. Ce ne fut qu'à ce moment que je remarquai les taches rouges sur ma peau. J'avais cogné si fort que mes phalanges commençaient déjà à gonfler, et les hématomes n'allaient pas tarder à faire leur apparition.
— J'pense qu'il a bien compris à qui il avait à faire. Je ne pense pas qu'il recommence.
— Dans quel état il est ?
— Amoché. Mais il respire.
— Bien.
Sa voix était plus sèche. L'état de Riyō ne semblait pas lui convenir et je comprenais. En perdant les pédales, je mettais les Kim en mauvaise posture. Les différentes familles avaient beau se faire la guerre entre elles, elles n'hésitaient jamais à s'allier lorsque des coréens faisaient trop de zèle sur leur territoire.
— Et Jimin ?
— Il est à côté de moi.
Nouveau silence.
Pourquoi demandait-il comment j'allais ?
Et pourquoi Yoongi précisa-t-il que j'étais avec lui ?
Quelque chose m'échappait.
— Je vais faire en sorte que vous puissiez rentrer dans la journée. Au plus tard demain si les trains sont complets. Je te tiens au courant.
Et Jin raccrocha dès la fin de sa phrase.
On allait quitter cette ville de malheur et retrouver un semblant de sécurité sur Tokyo. Cette nouvelle aurait dû me réjouir mais mon anxiété ne diminuait pas.
Riyō prétendait qu'il répondrait à mes questions et que je me sentirais moins perdu, mais ses mots eurent l'effet inverse. Je ne savais même pas si je pouvais le croire. Ma mère était-elle vraiment japonaise ? Était-elle vraiment morte dans une exécution programmée par Kaïto Ishida ? Était-elle sa sœur ?
Ça pouvait coller, et ça expliquerait beaucoup de chose. Notamment la haine que mon père porte aux japonais, surtout celle envers les Suraisuburēdo.
Je trouvais bizarre que depuis tout petit on m'avertisse sur eux, me rabâchant de ne jamais entrer en contact avec un de leur membre ou de faire affaire dans leur secteur, alors que jamais ils n'avaient mis un pied à Gwangju.
Mon père les haïssait plus que tout.
Mais là n'était pas la question. Maintenant, je voulais savoir à quel point on m'avait menti. Qu'est-ce qui était vrai et qu'est-ce qui ne l'était pas. Il allait falloir que je rentre en Corée, ou du moins que j'ai une conversion avec mon paternel.
Je laissai cette idée dans un coin de ma tête et me tournai vers Yoongi ne m'avait pas adressé la parole depuis que nous étions partis. Plus j'attendais, plus ça serait dur d'entamer le dialogue. Il savait que je lui avais menti, ce n'était pas possible autrement. Mais lui aussi l'avait fait, j'en étais certain.
Notre alliance était basée sur un mensonge et j'avais ma part de responsabilité que je ne reniais pas. Je me suis plusieurs fois demandé combien de temps ça allait durer, si j'allais rester quelques temps à ses côtés sans lui parler de quoi que ce soit avant de disparaître aussi rapidement que j'étais apparu. Mais j'étais à un stade où je ne me voyais pas le quitter, pas dans un futur proche en tout cas.
Et cette putain de soirée remettait tout en cause.
Si l'on voulait continuer à vivre ensemble, à travailler l'un avec l'autre, il fallait que l'on se délie la langue. Tous les deux. Mais il ne semblait pas prêt à le faire, et je compris que c'était à moi de passer aux aveux.
— Je t'ai menti, murmurai-je.
— Hm ?
Je repris mon souffle avant de parler plus fort :
— Je t'ai menti. Depuis le début.
— Tu ne m'apprends rien.
Il était concentré sur sa conduite et c'était à se demander si je n'avais pas rêvé sa réponse. Seulement, le sourire qui prit naissance aux commissures de ses lèvres me prouva le contraire.
— Ne me coupe pas avant que j'aie fini, l'avertis-je.
Il acquiesça. Je ramenai alors lassement mon regard sur mes pieds et commençai à me livrer après avoir pris une grande inspiration :
— Je suis né à Gwangju, et jusqu'à mes six sept ans je n'ai jamais soupçonné avoir une vie différente de celle des autres enfants de l'école. J'allais en classe tous les jours, je jouais, j'apprenais à lire et à écrire, je regardais des dessins animé... Une enfance en apparence banale. Mon père n'était pas souvent là, il travaillait beaucoup et était chef d'entreprise à mes yeux. C'est ce qu'il me disait tout le temps et moi je le croyais puisqu'il était toujours en réunion et que beaucoup de personnes l'appelait « chef ». Pour moi, c'était quelqu'un avec beaucoup de responsabilité et c'était pour ça qu'il ne pouvait pas être avec moi.
Je n'ai jamais compté le nombre de fois où j'ai demandé après lui, mais « Il est où papa ? » devait être la phrase que j'avais le plus dite dans mon enfance.
— En revanche, dès qu'il décidait de rester avec moi personne ne pouvait nous séparer. Il m'amenait au parc, au cinéma, il m'offrait des jouets et des glaces. C'était un bon papa. Mais la plupart du temps c'était la mère de Hoseok qui me gardait. Je passais tellement de temps chez lui que j'étais persuadé qu'il était mon grand frère.
Même que j'avais appelé Yérim « maman » une fois, comme lui le faisait, avant qu'elle ne m'explique qu'elle ne l'était pas.
— J'ai jamais connu ma mère... soufflai-je.
Le fait d'y repenser me tourna l'estomac alors je changeai vite de sujet :
— En grandissant j'ai bien compris que quelque chose clochait avec le travail de mon père. Durant une année, on a dû fuir notre maison parce qu'il avait clairement les flics au cul et que Gwangju n'était plus sûr pour nous. On a vécu à droite à gauche, dans les banlieues de la ville chez « des amis » à lui.
Des hommes de main, des partenaires d'affaire.
— C'est quand j'ai eu treize ans qu'il m'a expliqué. L'organisation, son travail, les Dragons. Et c'est là que j'ai compris que la vie que je m'étais imaginé était fausse. Cependant, je baigne dans la mafia depuis ma naissance et pour moi c'était inimaginable d'en sortir.
Est-ce que j'avais eu le choix ? La question me stoppa dans mes explications quelques secondes. Peut-être qu'à l'époque je ne l'avais pas réellement eu, mais en grandissant, j'aurais pu tout quitter et m'insérer dans la société.
— Je suis très vite sorti du système scolaire après ça. Je n'ai jamais fini mon lycée, préférant travailler avec mon père. Il ne me tenait plus à l'écart et me racontait le dérouler de sa journée quand il rentrait le soir. On ne faisait rien de bien important à la base avec Hobi, mais nos paternels étant les grosses têtes de l'organisation on a très vite monté les échelons jusqu'à avoir nos places dans les grandes réunions.
Je me souviendrais toujours de la première fois où l'on s'est assis autour de la table. On était si fier, si heureux qu'on avait attendu toute l'après-midi dans le jardin pour être sûr d'être à l'heure.
— Ils nous ont appris à gérer des hommes, à passer inaperçu aux yeux des flics, à marchander les prix... Ils nous ont aussi initiés aux maniements des armes et aux jeux d'argents. Ils ont formé leur relève.
On était nés pour ça en fait.
— Nous étions inséparable. Où il y avait Jung Hoseok se trouvait Park Jimin et inversement. C'est la personne qui compte le plus pour moi. Je donnerai ma vie pour sauver la sienne, et tout ce qu'il m'arrive depuis des semaines me prouve qu'il en est de même pour lui.
Si j'arrêtais de croire en notre amitié, il ne me restait plus qu'à sauter d'un pont.
La suite était la cause de mon arrivée au Japon. L'erreur que j'avais commise, la faute pour laquelle je n'étais plus en sécurité en Corée.
— Puis tout a commencé à dérailler. Un soir, on avait une réunion pour mettre en place le déroulement de la prochaine livraison, des armes et des alcools interdits dans le pays. Sauf qu'on était surveillés et les fics ont fait une décente dans la maison de mon père. Les tirs ont fusé des deux côtés et plusieurs membres sont morts tandis que les autres ont réussi à s'échapper.
Un véritable carnage.
— Je n'y était pas.
Le dire à voix haute me pesait. Je prenais conscience de mon choix et de l'impact qu'il avait eu. Si j'étais parti, si je les avais rejoints, j'aurais sûrement croisé sur mon chemin des voitures ou vu des hommes planqués pas loin de la maison. J'aurais pu les prévenir, envoyer un message ou les appeler.
— Je ne suis pas allé à cette réunion car j'étais avec un mec. Un flic.
Je fis une pause et tournai la tête pour observer sa réaction. C'était déconcertant, Yoongi n'en avait aucune. Il continuait de fixer la route comme s'il était seul et que je n'étais pas en train de lui expliquer les causes de ma présence à ses côtés.
— Jungkook c'est... C'est compliqué.
Il quitta la route des yeux et je détournai la tête. Je n'avais pas envie de croiser son regard. C'était déjà assez difficile de m'ouvrir comme ça, je n'avais pas en plus besoin de voir dans ses iris un quelconque jugement.
— La première fois que l'on s'est vus j'étais en garde à vue, repris-je. On me soupçonnait de faire pression sur des commerçants pour qu'ils ferment les yeux sur le marché qu'on implantait dans leur quartier.
Ce souvenir me fit légèrement rire.
— C'est drôle quand j'y repense. Ce jour-là, il n'était pas encore titulaire de son poste et n'était dans le bureau que pour observer. Et pour observer, il a observé : il me dévisageait. Vraiment, il avait du dégoût pour moi, ça se voyait, je le sentais. Mais personnellement ça ne m'a rien fait. C'est une chose dont j'ai l'habitude et puis je suis sorti du commissariat dans la journée, ils n'avaient rien pour me foutre en garde à vue mis à part des suppositions, donc...
Je me mis à soupirer en pensant à la suite.
— On s'est croisés quelques fois en ville. C'était toujours la même chose, il s'arrêtait net et me regardait comme si j'avais buté toute sa famille. J'avoue que j'en jouais et lui demandais souvent s'il savait quand il allait me passer les menottes aux poignets. Ce n'est que quelques mois plus tard, quand j'ai été dans une soirée pour vendre avec Hoseok que ça a dérapé entre nous. Les organisateurs étaient des amis à lui.
La pluie se mit à tomber sur la ville dans une averse impressionnante. Je perdis alors le fil de mes pensées et observai les gouttes s'abattre sur le goudron.
— Ensuite ? me relança-t-il.
— C'est bizarre quand on compte un flic parmi les invités, non ?
Il haussa simplement les épaules.
— M'enfin, bref. Quand il m'a vu il s'est empressé de venir me tenir tête et m'a menacé d'appeler son unité si je ne sortais pas mon cul de cette baraque. Pour rire, je lui ai répondu que je prendrais plus de plaisir à m'occuper du sien que du mien. Ne me demande pas comment ça s'est passé, c'est flou dans ma tête, mais on a fini par coucher ensemble.
— T'as couché avec un flic ?! s'étonna-t-il.
— Presque flic, rectifiai-je. Il était encore à l'école d'officier à l'époque. Il n'a été promu que six mois plus tard.
— Il démarre bien dans son job, lui.
— Hm. Puis il y a eu une deuxième et une troisième fois, enchaînai-je. À la quatrième, on a fait un deal : je ne lui posais aucune question sur les enquêtes de son unité et il en faisait de même avec les activités des Dragons. On se voyait juste pour baiser.
Et on aurait dû se contenter de ça.
— Il a tenu parole ?
— Oui, sauf que je me suis attaché à lui. Ce n'est pas de l'amour, c'est un sentiment différent, tentai-je d'expliquer. Mais il est important à mes yeux. J'veux pas qu'il lui arrive quelque chose de mal ou qu'il paye pour avoir eu une liaison avec moi. C'est un mec bien.
Il s'est juste attaché à la mauvaise personne.
— Le soir de la réunion on était ensemble. J'allais partir quand il m'a supplié de rester avec lui. Sur le coup, je ne savais pas à quoi il jouait, ni pourquoi il agissait comme ça mais j'ai fini par céder. Ce n'est qu'une heure plus tard, quand j'me suis levé parce que mon tel n'arrêtait pas de vibrer que j'ai appris pour ce qu'il s'était passé.
Mon sang n'avait fait qu'un tour en voyant les 15 appels manqués de mon père.
— Jungkook était au courant, il me l'a dit. Il n'était pas de service ce soir-là mais c'est bien son chef d'unité qui a préparé la descente. S'il a tant insisté, c'était parce qu'il savait que ça allait déraper. Il ne voulait pas que je sois là-bas... Il s'est excusé pour m'avoir menti mais pas pour m'avoir retenu. Moi je n'ai fait que l'insulté et lui hurler dessus.
Je me souviens encore de son regard mouillé lorsque j'ai claqué la porte.
— Je suis un déserteur aux yeux de mon père et de pratiquement tous les Dragons. Un traître. C'est pour ça que j'ai fui. Hoseok m'a aidé à quitter le pays dans la matinée et le soir-même on s'est rencontré au bar. La suite tu la connais aussi bien que moi.
Un ange passa.
Yoongi se gara et je remarquai que l'on était arrivés à l'hôtel. Dehors, l'eau coulait encore à flot et seul le néon du bâtiment éclairait la voie.
Il détacha sa ceinture, mais au lieu de quitter la voiture il se réinstalla sur son siège en se tournant vers moi.
— Tu vois, commença-t-il. Il y a beaucoup de chose que je savais déjà. Tout en fait, sauf le flic et ton absence au domicile de ton père ce soir-là.
Un sourire naquît sur son visage, le mien resta fermé.
J'avais deviné qu'il savait des choses sur moi, mais de là à ce qu'il connaisse toute ma vie, non.
— Tu étais au courant avant ou tu as fait tes recherches après que je t'ai dit mon nom ?
— Avant. Et franchement, ce n'était pas bien malin de me donner ton identité. T'aurais pu me sortir n'importe quel autre patronyme je t'aurais sûrement laissé partir le lendemain.
Je fermai les yeux et me mordis l'intérieur de la lèvre. J'étais si stressé à ce moment que j'avais répondu sans réfléchir. Durant un instant j'avais cru que j'étais en sécurité et que je pouvais baisser ma vigilance. Une erreur trop, encore.
— Pourquoi tu m'as gardé ? Qu'est-ce que ça t'apporte de m'avoir avec toi ?
Un léger rire résonna dans l'habitacle. Dans d'autres circonstance, je l'aurais trouvé beau, mais là il ne faisait qu'accélérer les battements de mon cœur. J'attendais une réponse honnête et claire de sa part. J'en avais assez d'être dans le flou et rester sur mes gardes. C'était aussi une des raisons pour lesquelles je venais de tout lui raconter. Je voulais pouvoir me reposer sur lui sans crainte.
Et tandis que la pluie arrêta son assourdissant morceau de musique contre le toit en tôle, il me lança les yeux dans les yeux :
— Les morts de cette soirée ne sont pas les seuls cadavres que t'as dans ton placard, Jimin.
Hadès : Dieu des Enfers, du royaume des morts.
⊱♛⊰
Hehe non vous ne rêvez pas, deux chapitres en deux jours ! En vrai, c'est pas trop stylé de sortir Hadès pour l'anniversaire de Jimin ? (moi en tout cas je suis trop heureuse, la coïncidence est ouf).
Je peux enfin dire que vous connaissez l'histoire de Jimin. Le pourquoi et comment il en est arrivé là. Mais j'imagine qu'avec tous les indices que j'ai laissé trainés durant les 29 chapitres précédents vous aviez deviné qu'il appartenait à la mafia. En vrai, les deux questions de l'histoire sont :
Qui est Yoongi (sa vie etc...) et à qui sont respectivement liés Hadès et Arès ?
Vous avez la réponse à la deuxième. Jimin est bien lié à Hadès mais vous ne connaissez pas encore totalement pourquoi. La perte de certains Dragons en fait partie, mais ce n'est pas la seule raison.
Vous apprendrez tout ça lors du prochain chapitre (eh oui 😊).
Je vous souhaite une bonne nuit et une bonne fin de semaine ♡
Apophiis
Je l'imagine tellement comme ça lors de son arrivée à Tokyo, tout brun avec sa capuche sur la tête ! 😍
...
Mais du coup, on se donne rendez-vous le 9 mars pour le prochain chapitre ? 🤣
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