Chapitre 27 : Palioxis
— Il t'a dit quoi ?
— Pas grand-chose. J'ai juste une idée bien précise de ce que l'on cherche.
Cela faisait deux jours que Yoongi et moi étions arrivés à Osaka. Le temps était plus que maussade, je ne saurais même pas dire si la pluie s'était stoppée ou non depuis que l'on séjournait dans l'hôtel. L'écho incessant des gouttes qui martelaient les fenêtres se fondait à présent dans le décor, comme un bruit de fond, une musique d'ambiance que l'on aurait choisie de mettre en boucle.
D'ailleurs, je n'étais toujours pas sorti. Ce n'était pas comme si Yoongi m'enfermait à l'intérieur, car je possédais aussi une clef de la chambre pour m'en extirper quand je le voulais, sauf que pour l'instant, nos indices étaient maigres.
Jusqu'à ce jour, nous n'avions eu aucune nouvelle, que cela soit de Tokyo ou bien des employés de Jin présents dans la ville. Il était plus prudent de rester au chaud que de sortir et de manquer de se faire prendre par un japonais au détour d'une ruelle.
Cette ville, je ne la connaissais pas du tout. Si le moindre couac se manifestait, je n'avais aucune porte de sortie.
Yoongi, lui, s'était absenté dans la matinée. Il avait rejoint le fameux Hyeon dans un café non loin, et ce dernier lui avait donné de nouveaux détails. Enfin, on allait pouvoir avancer. Savoir que je n'étais qu'à quelques mètres des coupeurs de têtes m'angoissait, et plus tôt on aurait fini, plus tôt on se barrerait d'ici.
— Des tableaux ? demandai-je.
— Pas que. Mais ce que veut absolument retrouver Seokjin, c'est Le pigeon aux petits pois de Picasso. Il vaut plus de trois milliards de yens.
Trois milliards... une somme astronomique. Pas étonnant que le Kim cherche à tout prix à remettre la main dessus avant qu'il ne disparaisse encore dans la nature.
— Et tu sais où il est ?
Il se leva de la chaise et me rejoignit sur le lit. Sous mon regard interrogateur, il s'allongea derrière moi avant de venir passer sa main sous mon pull pour effleurer ma peau. C'était nouveau. Depuis notre arrivée, il multipliait les contacts sans forcément attendre que l'on couche ensemble à la fin. De simples caresses, peu importe le moment de la journée.
La première fois, ça m'avait dérouté. Je l'avais scruté comme s'il était bourré. Je lui avais même demandé ce qu'il avait fumé pour agir comme ça, il avait simplement rigolé comme réponse. Mais, il fallait que j'admette que j'appréciais cette complicité qui s'installait entre nous, donc je le laissais faire et acceptais tout ce qu'il me donnait sans rechigner. En revanche, je n'osais pas vraiment initier les moments intimes – alors que ce n'était pas l'envie qui me manquait. Je devais me protéger, et mon instinct me rappelait sans cesse que je ne connaissais rien de Yoongi, qu'il pouvait être un danger potentiel même si je refusais d'y croire.
Je n'étais pas bête. Je savais pertinemment que je développais au fil du temps des sentiments pour sa personne, et pas simplement une admiration ou un lien amical. Il me plaisait, j'appréciais notre duo, mais l'amour était une faille de l'homme bien trop facile à pénétrer. Et moi, je ne devais pas en avoir. C'était la règle. Une règle que je brisais cependant à chaque fois que l'on dépassait une certaine limite, car jamais je n'arrivais à garder le contrôle.
Je ne cherchais pas forcément à l'avoir, justement.
Ça me faisait du bien de tout lâcher, de perdre le fil de mes pensées. De ne plus me questionner sur un sujet ou un autre et de ne pas avoir à gérer une situation. Tout remettre entre les mains de l'autre, se laisser faire comme un pantin et simplement être guider. Devenir une masse de cellules, sans avoir à réfléchir.
— Y a un hangar près du fleuve Yodo, vers Nashijima. Le camion serait garé là-bas, souffla-t-il dans ma nuque.
— Hm. On y va quand ?
Il soupira en retirant sa main. Le manque de contact me procura un frisson.
— Le plus tôt sera le mieux. Donc on va y aller ce soir, affirma-t-il.
Je me tournai vivement vers lui. Ce soir ? Mais on n'avait pas de plan, ni même la certitude que les œuvres étaient stockées là-bas. C'était de la pure folie.
— T'es suicidaire ? m'enquis-je en le surplombant.
— On n'est pas venus ici pour se la couler douce, Jimin.
Il m'obligea à m'asseoir, puis se releva à son tour en rapprochant au passage sa tête au plus proche de la mienne. Je sentis son souffle sur ma peau et instinctivement mes yeux louchèrent sur ses lèvres. Il souriait.
— Ni pour s'envoyer en l'air six fois par jour.
Je soufflai d'exaspération à sa réponse tandis que son rire emplit la pièce. Il avait sorti ça comme si c'était notre seule occupation.
— T'es vraiment con par moment, râlai-je en détournant le regard.
— Et toi tu contrôles trop tes agissements.
— Je ne contrôle rien. J'te rappelle que je suis obligé de faire selon tes envies.
Il me prit par surprise et nous renversa sur le matelas. Je me retrouvais allongé sur le dos, lui au-dessus de moi avec ce foutu sourire sur le visage. Visage qu'il rapprocha du mien, assez près pour que nos nez se frôlent mais sans que nos lèvres puissent se toucher.
— Si l'on fait selon mes envies... commença-t-il. Il est encore trop tôt pour y aller, ce qui nous laisse assez de temps pour décompresser un peu.
— J'croyais qu'on n'était pas là pour baiser six fois par jour, murmurai-je.
Ses sourcils s'arquèrent.
— Quand on rentrera, on sera demain. Sachant que pour l'instant, on est loin du quota, minauda-t-il en laissant sa phrase en suspens.
Et sans me laisser le temps de répondre, ses lèvres épousèrent les miennes.
— Selon le plan, c'est celui-ci.
Je regardai le hangar qu'il me pointait du doigt. De l'extérieur, le truc avait l'air abandonné. L'altération grignotait les murs, les carreaux des fenêtres étaient brisés à certains endroits et des déchets en dégradations jonchaient le sol. Le lieu avait l'air parfaitement laissé pour compte, dans un état pitoyable. Une décharge.
Mais un détail attira mon attention : une chaîne cadenassée, dénuée de rouille, qui empêchait l'ouverture de la grille. Ce n'était pas si délaissé que ça, finalement.
Yoongi s'approcha de la palissade en fer et l'inspecta sur toute sa longueur. Alors qu'il s'éloignait de moi, je scrutai les environs pour être sûr que personne ne se ramenait dans le coin. On était en plein milieu d'une ville, et les passants pouvaient débarquer à n'importe quel moment. Cependant, le quartier était désert. Il n'y avait pas âme qui vive, et c'était assez déconcertant. Le manque de lumière et l'absence de bruit nous rendaient vulnérables.
C'était à double tranchant comme situation. On était à la fois sûr de ne pas être repéré (sachant qu'ici les langues se déliaient vite sous la menace d'une arme), mais aussi, si l'un des propriétaires se ramenait, on était littéralement fait comme des rats. Il n'y avait qu'une rue pour rejoindre le cœur de la ville, le reste de l'endroit étant encerclé par l'eau. Notre seule échappatoire était de courir vers l'est.
— Jimin, viens voir.
Je regardai une dernière fois la ruelle, vide et lugubre, avant de tourner les talons et de le rejoindre.
— Quoi ?
— Le grillage est sectionné ici. On va passer par là.
Accroupi sur la terre, il attrapa un bout de ferraille et tira dessus jusqu'à créer un passage assez large pour que nous puissions nous faufiler de l'autre côté.
— Vas-y en premier, je te suis.
Je le regardai, tendu. Il l'était aussi. Son visage était crispé, tiré. Je n'aimais pas cette atmosphère, cette tension qui planait autour de nous. C'était comme un voile devant une fenêtre ouverte : le vent s'y engouffrait, faisant danser le tissu dans l'air. On était drapés par l'appréhension. L'angoisse nous collait à la peau, aimantée par l'adrénaline qui coulait dans nos veines. Sauf qu'on n'avait pas d'autres choix. Yoongi travaillait pour les Kim, et moi, je bossais pour lui.
Je rangeai donc mes craintes dans un tiroir de mon esprit et me mis à quatre pattes pour passer sous le grillage. Il s'engouffra dans l'interstice à son tour.
— Bon allez, lança-t-il en se frottant les mains. Plus vite on aura inspecté ce truc, plus vite on rentrera.
Je le suivis jusqu'à l'arrière du bâtiment où une fenêtre fracassée, plus basse que les autres, nous permettait de pénétrer à l'intérieur. Cette fois-ci, Yoongi passa devant et m'aida à grimper sur le rebord, avant de sauter sur le béton.
— Putain, c'est rempli de poussière.
— T'es sûr que c'est le bon hangar ? demandai-je entre deux éternuements.
— C'est celui que m'a montré Hyeon.
— Ouais. Il t'a aussi dit que la camionnette était garée devant mais y a aucune trace de ce foutu véhicule dans l'coin. J'suis pas sûr qu'on puisse lui faire confiance.
— C'est un mec de Jin, donc je lui fais confiance.
Le sujet avait l'air clos. Yoongi se mit à observer la salle où l'on était, avant de se diriger dans le fond, où une ouverture donnait vers ce que j'imaginais être un couloir. Il s'arrêta net, tendit l'oreille, et m'intima de ne faire aucun bruit en ramenant son index sur sa bouche.
Après quelques secondes dans le silence absolu, il revint vers moi.
— Pose pas de questions et prend ça.
Il me plaqua un objet sur le ventre. C'était un flingue. Ça faisait un petit moment que je n'en avais pas vu un. Depuis mon départ, en fait.
— Il est chargé, donc fais attention.
— Et toi ?
— T'inquiète pas pour moi. Si y a le moindre problème, je saurais m'en sortir.
Il m'abandonna avec son arme, sans savoir si je savais m'en servir ou pas, avant de repartir vers le fond.
— Y a rien dans cette salle. Je pars à gauche, tu vas à droite.
— On peut pas rester ensemble ? C'est plus sécure s'il arrive un truc, lançai avec peu d'espoir.
— Ça nous prendra plus de temps. Je te rappelle que je travaille seul normalement, alors reste pas planté là et va voir à droite ce qu'il y a. On se retrouve ici dans vingt minutes.
Ne voulant pas perdre plus de temps, je suivis ses instructions non sans sentir mon anxiété grimper en flèche. Il était con ou quoi ? Se séparer, c'était la pire des idées.
Jamais, ô grand jamais je ne me baladais seul. Encore moins dans un quartier qui n'était pas mien. Ça me prenait la tête, et je ne devais pas me laisser submerger par mes craintes. C'était une autre de mes faiblesses, qu'on m'avait suffisamment reprochée durant des années.
J'en avais ma claque que l'on me fasse remarquer à longueur de journée que je n'avais pas les épaules, que je devais m'endurcir et m'éloigner de toute logique ou rationalité.
Notre monde n'est pas rationnel.
Sur ce point, ils avaient raison. Cependant, si nous avions écouté un minimum notre corps et notre esprit par moment, j'étais persuadé que nous aurions pu éviter certains drames. Mais ça, ça ne relevait que de moi, et je n'étais pas à la tête des opérations. Alors, à contre-cœur, je lui obéissais, comme je l'avais toujours fait.
J'entrai dans une première salle, totalement engloutie par l'obscurité. Les carreaux semblaient cachés par d'épais tissus suspendus devant. Ça sentait le renfermé et la poussière me prenait au nez. J'éternuai une fois, puis deux lorsque je m'engouffrai à l'intérieur.
Avec la lampe de mon téléphone, j'éclairai les objets présents devant moi : des tables et des chaises. Elles étaient empilées les unes sur les autres, et montaient à bien trois mètres du sol. Ce n'était rien d'autre qu'une réserve de tables de jeux. Sur l'un des meubles, des paquets de cartes et des jetons étaient conditionnés dans des boîtes transparentes.
Il n'y avait rien d'autre. Pas la trace d'un tableau ni même d'une quelconque œuvre d'art. Je fis donc machine arrière et continuai mon chemin vers le fond du hangar.
Je passai aux cribles deux autres pièces, qui, comme la première, ne servaient qu'à stocker du matériel ou des meubles. Je commençais à perdre espoir, l'heure tournait et il ne me restait qu'une dizaine de minutes avant de devoir revenir à notre lieu de rendez-vous.
La dernière pièce était encore plus poussiéreuse que les précédentes. Cependant, son contenu était différent. On aurait pu se croire dans le garage d'un papi, où bon nombre d'antiquités, n'ayant aucune valeur, se chevauchaient sans réelle logique. Mais une chose attira mon attention : un drap. Ce n'était pas tant sa présence qui me troublait, mais l'absence totale de saletés ou toiles d'araignées dessus. Contrairement aux autres objets, il avait été placé ici récemment.
Doucement, je m'en approchai. En faisant bien attention où je posais les pieds, j'attrapai soigneusement le tissu et l'enlevai délicatement. Un sourire étira mes lèvres. Il était là. C'était lui, il n'y avait pas de doute : Le pigeon aux petits pois. Les infos de Hyeon étaient donc bonnes.
On avait maintenant la preuve que Riyō était bel et bien derrière tout ça. Il ne manquait plus qu'à savoir si Ayame lui tenait compagnie, et l'on pourrait regagner Tokyo en toute tranquillité.
Je m'accroupis devant le tableau et le pris en photo lorsqu'un bruit sourd résonna dans le hangar. C'était comme si l'on avait renversé une table, et que tout ce qui était posé dessus s'éclatait au sol.
J'eus un mouvement de recul, avant de me figer sur place pour écouter. C'était silencieux. Durant un instant, je me demandai si je n'avais pas rêvé. Ça pouvait arriver, une hallucination auditive n'était pas rare. Surtout dans ce genre de situation. Puis, Yoongi pouvait aussi avoir shooté dans un truc sans s'en rendre compte. Je récupérai mon portable et vis sur l'écran qu'il était l'heure de revenir.
— Yoongi ? appelai-je doucement en arrivant au point de départ.
Je ne reçus pas de réponse. Qu'est-ce qu'il m'agaçait... Il m'imposait lui-même un horaire, mais il ne le respectait pas. Au lieu de l'attendre sagement ici, je me mis en marche pour le retrouver.
L'autre partie du hangar était bien plus grande que celle que j'avais visitée. C'était aussi très calme, comme lors de notre arrivée. Seuls certains craquements, dus à l'âge et au manque d'entretien de la taule, brisaient l'atmosphère pesante. D'ailleurs, c'était assez perturbant.
Même pas du tout logique.
Si Yoongi était encore en train de chercher des preuves, je devais l'entendre marmonner ou déplacer des choses. Ses pas devraient raisonner un minimum dans l'air. Mais il n'y avait aucun bruit.
Alerté, je pris en main son Colt et l'armai en actionnant la glissière. Canon vers le bas, je marchai à pas de loup vers l'extrémité du bâtiment. Je jetai un coup d'œil dans les salles devant lesquelles je passais. Elles étaient toutes vides. Mais plus je m'approchai du fond, plus des bruits perçaient l'air. Des frottements, des chuchotements. Puis, ce fut comme si un orage venait de se montrer. Un éclair qui aurait éclaté au-dessus de moi. Le bruit fut bref, sec. Comme une claque.
Je me stoppai net. Mes mains commencèrent à trembler. Tout mon corps était tendu, crispé. J'entendis des pas venir vers moi, mais j'étais incapable de bouger. Il me fallut quelques secondes pour ne serait-ce que mettre un pied en avant. Et alors que je trouvai enfin le courage d'y aller, une silhouette noire apparut par la porte.
Ce n'était pas Yoongi. La masse était beaucoup plus grande et imposante que son corps.
— T'es qui, toi ?
— Il s'passe quoi, Atsuto ?
Sans chercher à comprendre, je fis demi-tour et me mis à détaler en direction de la sortie.
— P'tain, y-en a un autre ! Reviens-ici !
Je ne me retournai pas. Je devais fuir. Très rapidement, je regagnai la salle par laquelle nous étions entrés et je grimpai avec rapidité sur le rebord de la fenêtre. Là, j'aperçus que le mec me coursait. Alors, sans penser une seule fois à Yoongi, je sautai sur la terre et courus jusqu'au grillage. Dans ma glissade, je m'écorchai le bras contre le fer coupé. Je règlerai ça plus tard. Si je m'arrêtais pour inspecter ma blessure, il y avait beaucoup de chance que je décède avant d'avoir posé un diagnostic.
Mon cœur tambourinait. Je sentais chaque pulsation parcourir mes veines, dictant les nouvelles enjambées que je faisais. L'adrénaline me poussait, me forçait à courir encore et encore sans me retourner. Pourtant, j'étais en manque d'oxygène ; mes poumons avaient du mal à se remplir et je suffoquais constamment.
Les rues étaient désertes. Contrairement à Tokyo, passée une certaine heure, Osaka s'endormait. Quelques néons restaient allumés et illuminaient les trottoirs des grandes avenues. Cependant, je ne ralentis pas ma cadence. Je n'osais même pas jeter un coup d'œil derrière moi pour voir si j'étais encore suivi. Tout ce qui m'importait, c'était de rejoindre l'hôtel en un seul morceau, de m'enfermer dans la chambre et ensuite d'aviser.
Dès que je fus enfermé, je me laissai tomber au sol. Mon cœur allait exploser. Je le sentais, il frappait contre mon buste comme boxeur sur le ring. Ma tête me tournait et mes jambes tremblaient encore.
Qu'est-ce qui s'était passé ? Comment en était-on arrivés là ?
Ça n'avait aucun sens, Yoongi était le roi de la discrétion. Il apparaissait et disparaissait comme une araignée sur un mur. En un coup d'œil, il désertait du paysage. On avait beau le chercher, s'il ne voulait pas qu'on le retrouve, c'était peine perdue. Alors, pourquoi ici, il s'était fait avoir ?
Je savais qu'on n'aurait pas dû se séparer. Je savais que se diviser était risqué. Si l'on était restés ensemble, les choses seraient peut-être différentes.
Qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ? Sincèrement, qu'est-ce qui était dans mes cordes pour le sauver ? Rien, je n'avais rien. J'aurais pu tirer. Mais combien de japonais étaient présents ? Deux ? Trois ? Quatre ? Je n'en savais rien. J'étais doué au tir, j'avais une bonne précision, seulement j'étais certain de ne pas être le seul à être armé. Nous serions morts si j'avais ouvert le feu.
J'avais envie de pleurer, de me foutre en boule sur le lit et de m'endormir en espérant que tout ceci n'était qu'un mauvais rêve. Mais ce n'était pas la solution, parce que je ne rêvais pas.
La sonnette de l'ascenseur retentit dans le couloir.
D'un coup, je me relevai et restai en position accroupie pour ne pas faire de bruit. C'était impossible que mon chasseur m'ait retrouvé, je l'avais semé à plusieurs rues d'ici, j'en étais certain. Ou alors, ils savaient déjà où l'on se planquait. Ce n'était pas impossible, et cela expliquerait pourquoi j'entendais des pas non loin de la porte alors qu'il était trois heures du matin passées.
L'hôtel était silencieux. Beaucoup trop à mon goût même si c'était normal. L'absence constante de bruit de cette soirée m'oppressait, elle commençait à me rendre dingue. Je ne devais pas bouger. Les mains à plat sur le sol, je relevai légèrement la tête pour observer la porte. Dans le petit interstice entre celle-ci et le plancher, la lumière du couloir venait se mélanger à celle de la chambre. Ça fit tilt dans mon esprit. Si la personne à l'extérieur me cherchait bel et bien, elle n'avait qu'à attendre que le plafonnier automatique du palier ne s'éteigne et elle saurait où j'étais.
Il fallait que j'atteigne l'interrupteur, c'était une question de vie ou de mort. Lentement, je me redressai sur mes jambes puis j'enlevai mes baskets avant de rejoindre le mur le plus discrètement possible. Le doigt sur le cache, je priai intérieurement pour qu'il ne fasse pas de bruit.
Lorsque je fus enfin dans le noir, une porte se ferma et les pas reprirent. J'étais toujours sous adrénaline, mon cœur allait rompre d'un moment à l'autre. En étant le plus discret possible, je regardai par le judas.
La démarche se rapprochait. Lente, presque inaudible, je vis l'ombre se dresser sur le tapis du corridor. Ma respiration se bloqua, mes paupières ne se fermaient plus. Je restai courbé pour observer par le petit trou ce qu'il se tramait. Le temps me paraissait suspendu au-dessus d'un gouffre sans fond, une brèche dans laquelle je tombais sans jamais percuter le sol.
L'ombre grandissait sous mes yeux, alors qu'un petit bruit strident s'évapora dans l'air. J'essayais de contrôler mon anxiété du mieux que je le pouvais sans quitter le couloir des yeux. J'avais peur. Oui, j'étais terrifié, je l'admettais. Et l'ombre finit par passer.
Ce n'était qu'une femme de ménage qui prenait son service. Instantanément, je me maudis d'avoir perdu le contrôle. Ça aurait changé quoi si c'était un japonais ? Rien, j'étais fait comme un rat, emprisonné dans ma cage.
Un cri de rage me quitta.
Sans ménagement, je me laissai tomber sur le lit. Je sentais des larmes se former au coin de mes yeux, alors que j'essayai tant bien que mal de me contenir.
Ne pas craquer. Ne pas craquer...
C'était dur. Beaucoup plus que je l'imaginais. Qu'est-ce que je devais faire maintenant ? C'était quoi le programme si l'un de nous se faisait attraper ? Yoongi ne m'avait pas prévenu, je doutais même du fait qu'il ait pu à un moment penser à un plan B. Je n'avais pas les contacts des mecs présents à Osaka, je ne connaissais pas la ville, je ne savais même pas ce qu'il fallait réellement que l'on trouve avant de rentrer.
C'était lui qui avait les numéros de téléphone, lui qui connaissait les termes du contrat, lui qui menait la danse. Moi, je ne faisais que suivre sans me poser de questions. Et maintenant ? Qu'est-ce que j'allais foutre, maintenant ? Je n'avais pas le temps de me lancer dans un apprentissage approfondi de la ville et contacter les Kim me paraissait être la pire des idées. Cependant, il y avait peut-être encore de l'espoir.
Je me relevai en essuyant d'un revers de manche les larmes qui s'étaient, contre mon gré, libérées sur mes joues et j'attrapai son ordinateur portable. Il y avait tout sur son pc, et avec un peu de chance, je trouverais une fiche établie en cas de problème.
Un mot de passe.
— Putain !
J'essayai plusieurs combinaisons, mais aucune ne déverrouilla l'écran. En soufflant, j'acceptai ma défaite.
Qu'est-ce que je devais faire. Qu'est-ce que j'aurais fait si j'étais à la maison ?
Hoseok. J'aurais appelé Hoseok.
Les mains tremblantes, je choppai mon portable et lançai l'appel. L'attente était interminable. Je ne supporterais plus d'entendre ces bips sonores résonner dans mes oreilles. En me triturant les ongles, je me fis mal en en rongeant un trop court.
— Allô ?
— Ho-Hobi ? Putain Hobi... pleurai-je presque. Hobi, c'est la merde ! Je sais pas quoi faire. J'suis paumé... Je... je...
— Calme-toi. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
— Je... C'est long à expliquer, mais là je sais pas qu-
— Attends, je vais dehors pour être seul.
Je l'entendis marcher. Je perçus aussi une voix tonner dans le fond. Qui étais-ce ? Je me concentrai mais le timbre était trop bas pour que je puisse deviner. Puis, vint le bruit d'une porte qui se ferme, et le frottement d'une allumette contre sa boite. Sur la table devant moi reposait un paquet de cigarette. Sans attendre, je me levai et en sortis une, que je m'allumai instantanément.
— C'est bon, explique-moi.
Je pris une grande inspiration pour me ressaisir et reprendre depuis le début.
— On est à Osaka. Seokjin, l'un des coréens pour qui travaille Yoongi, les Kim dont je t'ai déjà parlé, s'est fait voler des œuvres d'arts et nous a chargé de les retrouver. Les suspicions étaient sur les Surai. Nous sommes allés dans l'un de leurs hangars et-
— Encore ces putains de japonais ? Jimin, je t'avais dit de te barrer le plus rapidement possible !
— J'pouvais pas ! J'peux pas, Hobi...
— Pourquoi ? Qu'est-ce qui te retient ? Me dis pas qu'il te menotte aussi ?
— Non, non. J'peux pas t'dire pourquoi, mais je sens qu'il faut que je reste avec lui, tentai-je de lui expliquer.
Il souffla à l'autre bout du fil.
— Tu t'entends, Jimin ? Sérieusement, mais qu'est-ce qu'il t'arrive ?
— C-comment ça qu'est-ce qu'il m'arrive ?
Qu'est-ce qu'il lui prenait ? Pourquoi était-il si dur dans ses paroles ? Je n'avais rien fait de mal, je ne faisais que faire de mon mieux pour rester en vie.
— Tu veux vraiment savoir ce qu'il m'arrive ? T'es pas au courant peut-être ?! J'ai dû quitter la Corée, j'te rappelle. J'suis en fuite, Hoseok. Les flics me veulent derrière les barreaux et mon père dans un cercueil. J'suis seul, dans un pays que j'connais pas, sans but. La seule chose que je sais c'est que je dois me cacher. Encore et encore.
— Ouais. Et dans cette situation, tu donnes ta confiance au premier venu ? Tu connais quoi de ce mec ?
— Je... Yoongi est le seul qui m'aide. J'sais pas si t'as bien saisi la situation dans laquelle j'me trouve, là.
Il souffla à son tour.
— Ok, ok. Et qu'est-ce qu'il se passe à Osaka ? reprit-il.
— On est allé dans un des bâtiments des Surai. Yoongi a voulu qu'on se sépare et il s'est fait prendre. J'me suis retrouvé nez à nez avec un japonais. J'me suis barré.
— Putain... T'es où, là ?
— À l'hôtel. J'ai couru sans me retourner. J'sais pas quoi faire, Hoseok. J'ai pas accès à son ordi, j'sais pas si c'est une bonne chose de contacter les Kim et je... J'suis paumé.
— Pause, t'es seul ?
— J'viens d'te dire que je l'avais abandonné sur place.
— Et t'attends quoi pour t'enfuir ?
— Q-quoi ?
— T'attends quoi pour prendre tes affaires et continuer le plan de base ? Partir au nord.
Je restai sans voix. Partir ? Laisser Yoongi à son propre sort ? L'idée ne m'avait même pas effleuré l'esprit.
— Mais je... Je peux pas, murmurai-je.
— Jimin. C'est peut-être ta seule chance de t'en sortir. Écoute-moi, prends le peu d'affaires que tu as, récupère tout ce qui peut t'être utile et barre-toi !
Je restai interdit. Tout était confus dans mon esprit. Ma cigarette commençait à me brûler la peau des doigts, elle se consumait alors que j'observais la chambre. J'avais mes faux papiers, de l'argent traînait au fond de son sac et je possédais son arme. Je pouvais partir, c'était faisable.
Mais est-ce que j'en avais vraiment envie ? Est-ce que c'était la meilleure option qui se proposait à moi ? Est-ce que j'étais prêt à tout lâcher, à laisser Yoongi moisir dans la merde dans laquelle il s'était mis pour sauver ma peau ?
Et alors que je réfléchissais encore, Hoseok relança :
— Jimin, j'te jure, c'est la meilleure chose que t'as à faire. Casse-toi !
Palioxis : esprit de la fuite et de la retraite en combat.
⊱♛⊰
Bonsoir, comment allez-vous ?
Ça fait un petit moment que je n'avais pas posté sur cette histoire. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'été n'est pas la période de l'année où je peux écrire en paix. C'est même la période où j'ai le moins de temps de pour moi... M'enfin, je ne suis pas là pour me plaindre.
Je voulais vous dire que ce chapitre termine la première partie de l'histoire. Pas que j'ai réellement délimité des parties, mais mon plan est construit en "trois arcs" et donc nous venons de finir le premier. Le prochain chapitre entamera donc le deuxième, et c'est un interlude, donc une partie plus courte. Je pense le poster quand j'aurais quasi fini le chapitre d'après.
Les "parties" deux et trois seront plus courtes que celle-ci, je les estime à moins de 10 chapitres chacune. Cependant, la prochaine risque de particulièrement vous plaire ; elle contient deux chapitres notoires : Arès et Hadès 😏. C'est aussi là qu'entre en jeu les avertissements de la NDA. Je vous invite à les relire si jamais vous ne vous en souvenez plus.
Je vous laisse ici, faites de beaux rêves ~
Apophiis
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