Chapitre 26 : Léthé

— Jimin ! T'as bientôt fini ton sac ?

— Ouais.

En même temps, ce n'était pas comme si j'avais beaucoup d'affaires ici. Le choix avait vite été fait ; entre mes trois jeans et mes quatre pulls, autant dire que l'intégralité de ma garde-robe était à présent pliée dans mon sac. Je le regardais comme s'il allait prendre vie et me souffler une prophétie.

« Tu n'as rien à craindre, Jimin. Ceci est ta destinée. Aux côtés du blondinet tu dois rester. »

Je débloquais complet, là. Il fallait que j'arrête de me rassurer de la sorte, ou de m'angoisser encore plus. Dans tous les cas, je n'avais pas le choix. Je devais, envie ou pas, suivre Yoongi jusqu'à Osaka.

— Bon, ça y est ? Tu as fini ? rouspéta-t-il à moitié en entrant dans la chambre.

— Yoongi, le train est dans quatre heures, j'ai encore le temps. Donc si je décide d'aller me tremper les couilles dans le bain, théoriquement, je peux.

Il fit volte-face vers moi, abandonnant sur le lit la veste noire qu'il venait de sortir de sa penderie.

— Théoriquement de rien du tout. Tu te tremperas le cul à l'hôtel si tu veux, mais pas ici. Il faut qu'on bouge tôt, Jin nous attend chez lui.

— Si on ne me prévient pas du programme aussi, je ne peux pas deviner que sa sainteté Kim nous demande à sa demeure.

— Mais t'arrête de râler, un peu ? Moi non plus ça ne m'enchante pas d'aller là-bas, mais est-ce que j'en fais tout un bordel ? Non. C'est mon taf, alors j'écoute.

— Parce que c'est le mien, peut-être ? m'agaçai-je.

— Toi, tu as accepté de travailler pour moi. Me suivre et m'épauler sont tes obligations !

Mes sourcils se haussèrent alors qu'un duel de regard s'initia entre nous.

Il n'avait pas spécialement tort, j'avais effectivement accepté de travailler avec lui. Mais jamais je ne m'étais imaginé que cet accord me plongerait au beau milieu des Suraisuburēdo, et encore moins à devoir interférer dans leurs affaires. Et pourtant, j'y étais.

Ne voulant pas qu'une nouvelle dispute éclate au sein de notre duo, je me résignai à finir de me préparer sans broncher, et sans lui accorder plus d'intérêt.

~

On avait passé la matinée à ranger et nettoyer l'appartement, toutes les traces de recherches sur les japonais avaient maintenant disparu. Si jamais l'habitation était forcée ou cambriolée durant notre absence, il n'y avait qu'un maigre butin à emporter : la télévision. C'était la seule chose de valeur qu'il restait. Mais surtout, on ne pourrait pas nous accuser de foutre notre nez là où il ne fallait pas.

Je fermai la portière de la voiture tandis que Yoongi prenait place derrière le volant. Après s'être bien installé, avoir vérifié cinquante fois que nos ordinateurs reposaient sur la banquette arrière et qu'il avait son permis dans la boîte à gants, il démarra.

Le soleil était déjà couché depuis un petit moment, et les rues se trouvaient être désertes en ce dimanche soir. Les quartiers défilaient sous mes yeux, tandis que l'on s'enfonçait dans la capitale vers le bâtiment où habitait Seokjin. Yoongi se gara dans une rue non loin et on se rendit à l'entrée à pied.

Comme la première fois, on prit place dans l'ascenseur et une voix féminine sortit de l'interphone :

— Qui est-ce ?

Yoongi se pencha en avant, vers le boîtier, pour répondre.

— Suga, pour Kim Seokjin.

— Très bien, je le préviens.

La cabine s'enclencha dès l'appel terminé.

Mes mains agrippaient mes manches, jouant avec le tissu de mon sweat pour s'occuper. J'étais tendu, bien plus angoissé que lorsque je sortais avec Hoseok pour récupérer l'argent qui nous revenait.

Ici, je n'avais aucun contrôle. Aucune connaissance sur les lieux, les personnes ou bien les alliances déjà présentes. Mon point de repère était Yoongi. Je devais en permanence me remettre à lui pour ma propre sécurité. J'avais beau lui faire confiance, le fait de ne pas être moi-même en possession de toutes les informations me tendait.

L'ascenseur se stoppa et s'ouvrit. Comme la première fois, nous prîmes le chemin de la grande porte en bois qui était déjà ouverte. Jin nous attendait sur le palier. Sur son passage, mon colocataire salua furtivement la jeune femme assise dernière le comptoir qui était différente si je m'en référais à mes souvenir.

Sans grande surprise, Namjoon était présent. Déjà bien installé au fond d'un des fauteuils en cuir, un verre de whisky à la main, il tapait la causette avec Kyungsoo. Lorsqu'il me vit, il s'arrêta de discuter et ses lèvres s'étirèrent en un sourire narquois et mauvais. C'est vrai que c'est mon grand pote, on se doit l'amabilité et le respect tous les deux. Il n'obtint aucune réponse.

— Installez-vous, je vous apporte un verre, nous dicta le propriétaire des lieux.

Le visage fermé et tendu comme un élastique en pleine extension, je me laissai tomber sur la gauche du canapé, le plus loin possible de cette bête assoiffée d'ecchymoses et de sang frais. Yoongi prit place à côté de moi, comme s'il voulait faire rempart entre mon corps et celui de l'autre dégénéré de Kim.

Un petit tas de feuilles fut lancé sur la table basse puis deux verres d'alcool brun furent déposés devant nous. Après avoir lissé sa chemise à l'aide de sa main, Seokjin s'assit dans le dernier fauteuil disponible.

L'ambiance était pesante, plus électrisante qu'un orage au-dessus des gratte-ciels. Jin nous observait, Yoongi et moi, tandis que Namjoon se massait les lèvres avec son pouce. À sa gauche, Kyungsoo semblait dépérir, comme s'il était un prisonnier forcé d'assister à cette entrevue entre ses ravisseurs.

— Il y a vos billets de train, le plan de la ville avec les lieux, que nous pensons être leurs hangars, indiqués en rouge, annonça Jin. Vous trouverez aussi l'adresse de l'hôtel ainsi que quelques numéros de nos collaborateurs sur place. Ses papiers, lors de votre arrivée dans la ville, doivent disparaître. Brûlez-les.

Yoongi récupéra la masse dans sa main et la feuilleta à la va-vite. Je jetai un œil par-dessus son épaule pour moi aussi prendre connaissance de la nature des informations. Mais il ne m'en laissa pas le temps, regroupant toutes les pages en un tas parfait, où aucune ne dépassait.

— Concernant Ayame, que doit-on faire ?

Seokjin resta droit, le regard fixé vers nous.

— S'il s'avère qu'elle est bien à Osaka, c'est qu'elle est comme nous le suspectons une espionne. Il n'y a pas cinquante choix possibles.

Kyungsoo se racla la gorge avant de finir son verre d'une traite. Tous les regards se tournèrent vers lui. Sa respiration s'était accélérée, je le remarquai aux mouvements rapides de son buste. Il ne voulait pas être là, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Cependant, si nous étions tous réunis dans cette salle ce soir-là, c'était bien par sa faute. C'était lui qui couchait avec elle.

La suite, on la connaissait tous. Jin n'avait nullement besoin de la formuler à haute voix. Toutefois, sans un mot ou regard de plus pour son employé, il déclara :

— Tuez-la.

~

Les préparatifs étaient finis. Yoongi et moi avions quitté l'immeuble depuis cinq bonnes minutes et nous marchions à présent en direction de la gare. Il me devançait de deux ou trois mètres, son sac à dos sur l'épaule et son téléphone à la main.

La nuit était calme, personne ne s'aventurait dans les rues avec une température proche de zéro. C'était à la fois paisible et angoissant. On se sentait en sécurité et en danger. Ma plus grande phobie dans ces moments-là était qu'un inconnu déboule d'un coin sombre et me surprenne dans ma marche.

Ça arrivait plus souvent qu'on ne pouvait le croire. Nous étions traqués, en permanence, et les balades noctures s'avéraient être aussi dangereuse pour nous que pour une femme qui rentrait seule.

Au fil du temps, j'avais développé un sens de l'observation bien plus affuté que la plupart des gens. J'analysais tout, de la démarche à la posture, de la vitesse des pas à la position de la tête. Notre propre corps nous trahit bien plus que l'on peut l'imaginer.

Soudainement, je m'arrêtai dans mes réflexions. Une chose me titillait depuis le matin, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Sauf qu'être ici de nuit, en plein milieu de la rue, me permit de comprendre. Je ne pouvais pas quitter Tokyo sans la voir.

— Yoongi ! l'appelai-je.

Celui-ci, qui n'avait pas remarqué mon arrêt, se retourna.

— Quoi ?

Je le rattrapai à petits pas tandis que ses yeux détaillèrent ma silhouette.

— Le train est dans combien de temps ?

— Une heure et demie. Pourquoi ?

C'était jouable. Nous avions encore le temps si l'on se dépêchait de regagner le quartier voisin.

— J'peux pas partir sans voir Hanae.

Ses yeux se levèrent au ciel alors qu'un soufflement quitta sa bouche.

— Jimin, t'es sérieux là ? On n'a pas le temps d'aller embrasser toutes les personnes que l'on connaît.

— S'il te plaît, l'implorai-je. S'il te plaît, Yoongi. Laisse-moi la voir.

Son regard se fit dur, glacial. Sa mâchoire se contracta et ses lèvres se fermèrent. Il jeta un coup d'œil à sa montre et, avant de me répondre, il se pinça l'arête du nez en soufflant une nouvelle fois.

— Dix minutes, Jimin. On reste chez elle dix minutes.

~

Au bout de la rue qui me faisait face se tenait l'angle de l'impasse du magasin de la vieille dame. Yoongi sur les talons, je courais à en perdre haleine pour ne pas gaspiller le temps qui jouait contre nous. Si par malheur on ratait le train, je ne savais pas qui je devais craindre le plus. Namjoon ou mon colocataire ? Je préférais ne pas y penser, et me concentrer sur mes foulées.

Je redécouvris ce cul-de-sac toujours aussi merveilleux sous l'aura de la Lune. Mais bien décidé à faire vite, je partis toquer à la porte en bois sans m'attarder sur la beauté de la ruelle.

Les lampes de la pièce étaient éteintes, mais je voyais bien que celle de la cuisine était allumée. Je refrappai donc sur la porte, sans pour autant recevoir une réponse. Derrière moi, j'entendais Yoongi marmonner dans sa barbe. Il fallait qu'elle soit là, qu'elle m'ouvre. Je ne pouvais pas concevoir de quitter la ville sans la prendre dans mes bras. Elle pouvait ne plus être là à mon retour, si je revenais...

Après plus de trois minutes à toquer contre la vitre, je ne reçus toujours aucune réponse. Par automatisme, mon regard se porta vers l'étage mais d'épais rideaux obstruaient la vue sur les pièces surélevées.

— Elle doit dormir, Jimin. Il est presque minuit.

— Non ! La cuisine est allumée, elle est forcément debout.

— Jimin.

Et alors que j'allais à nouveau cogner du poing sur la vitre, Yoongi attrapa mon poignet pour me tourner vers lui.

— Jimin, prononça-t-il d'une voix grave. Stop. On se casse.

Mes yeux s'arrondirent et sans vraiment savoir pourquoi, je me dégageai violemment de sa prise et repartis signaler ma présence.

— Hanae ! C'est Jimin, ouvre-moi !

— Bordel, mais Jimin ! On n'a pas le temps d'attendre après une vieille femme à moitié sourde.

— Mais ta gueule, putain ! Je ne partirais pas sans l'avoir vue, c'est clair ?

— Mais c'est quoi que tu comprends pas dans on a pas le temps ?! Faut qu'on se casse, Jimin. On ne peut pas louper ce foutu train !

Et alors que je m'avançai vers lui pour lui cracher à la gueule que j'en avais clairement plus rien à foutre de son train, la clochette de la porte tinta derrière-moi.

— Jimin ?

Face à Yoongi, mes épaules se relâchèrent instantanément, et je soufflai pour détendre mes muscles alors que lui garda une expression d'agacement.

— T'as cinq minutes.

— Merci.

Je fis marche arrière et entrai dans le magasin à la suite de la propriétaire. Dès que la porte se ferma, je me jetai dans ses bras.

Je n'avais aucune idée d'où me venait ce besoin de ressentir la chaleur d'autrui, ni même l'affection d'une femme. La seule et unique personne avec qui je m'autorisais ce genre de contact physique était Hoseok. Il n'y avait que devant lui que j'arrivais à montrer mes faiblesses. Le besoin d'affection en était une. Mais à cet instant, je ne voulais que ça. Le simple câlin d'un être pur.

Sa main me caressait tendrement la nuque, et les yeux fermés, je nous balançais lentement de droite à gauche. J'aurais voulu profiter de sa chaleur plus longtemps, mais je devais me raisonner, et ne pas dépasser le temps que m'offrait mon partenaire.

— Je ne peux pas rester, lui murmurai-je à l'oreille.

— Je me doute bien.

On se sépara et je pus détailler son visage. La fatigue se lisait dessus, il était tard pour une dame de son âge.

— Je vais quitter la ville, je ne sais pas si je pourrais revenir.

Elle esquissa un faible sourire, avant de venir effleurer ma joue de sa paume.

— Ce jour devait arriver. Je ne te cache pas avoir pensé qu'il était déjà venu.

— Je ne serais jamais parti sans venir vous voir, me vexai-je.

Un petit rire s'échappa de sa bouche.

— Tu es un bon garçon, Jimin. Ne doute jamais de ça.

Dehors, Yoongi toqua contre la vitre et me fit signe qu'il ne me restait plus qu'une minute.

— Je...

— Tu n'as pas le temps, déclara-t-elle. Reste ici, j'ai fait quelques gâteaux de riz cette après-midi. Je vais te les chercher.

Elle s'exila une vingtaine de secondes dans la pièce du fond avant de revenir avec un sachet en plastique.

— Pour ton voyage, me dit-elle en me le donnant.

Je l'acceptai en me courbant légèrement. Puis, conscient qu'il fallait que je la quitte sur le champ, je baissai la tête. Elle tendit de nouveau sa main vers moi, mais au lieu de venir choyer une de mes joues, ses doigts attrapèrent soigneusement la pierre d'onyx qui pendait à mon cou. Elle en caressa la surface avant de remonter ses yeux dans les miens.

— On ne fait le deuil que des défunts, Jimin. Cela ne sert à rien de vouloir faire celui des vivants. Un deuil ne signifie pas oublier, c'est continuer à vivre sans ressentir la douleur et le manque.

Je restai figé à ses mots. Comment pouvait-elle savoir ? Comment avait-elle compris la raison qui m'avait poussé à prendre celle-ci plutôt qu'une autre ? Je la questionnai du regard, sa réponse fut un simple sourire.

— Va, me dit-elle. Tu as à faire.

Elle se tourna vers Yoongi qui attendait rageusement sur le palier.

— Il n'est pas mauvais. Il se protège, tout comme toi. Un jour il en sera digne, j'en suis certaine.

J'acquiesçai silencieusement. Je la pris une dernière fois dans mes bras, avant de sortir du magasin, tout en m'assurant qu'elle refermait bien la porte derrière moi.

Yoongi jeta sa clope au sol sans l'écraser et me souffla la fumée au visage.

— T'as pas intérêt à te plaindre ou râler, on va devoir courir jusqu'au quai.

~

Le cœur battant à toute allure, on traçait pour atteindre la gare. On ne s'était pas arrêté ne serait-ce que pour reprendre notre souffle au coin d'une rue, et je sentais que je ne tiendrai plus longtemps. Cependant, je voyais déjà le toit de l'immense salle se lever devant nous et je puisais dans mes dernières forces pour continuer ma course dans le sillon de Yoongi.

Ce ne fut que dix minutes plus tard, lorsque nos fessiers se déposèrent sur les sièges moelleux du train, que l'on se détendit. Nos respirations étaient bruyantes, en total décalage l'une de l'autre. Face à moi, Yoongi avait le visage rouge et des perles de sueurs coulaient le long de ses tempes. Ça le rendait sexy.

Je me secouai la tête pour chasser cette pensée. Qu'est-ce qu'il n'allait pas chez moi ? Un coup je voulais sa mort et la seconde d'après je me mettais à le désirer plus que n'importe qui d'autre. Mon instinct me dictait depuis le départ de m'éloigner de lui, mais pourtant, je ne pouvais pas m'en écarter. J'allais devenir fou.

Mon assise se mit à vibrer, et lorsque l'homme sur le quai lança trois coups dans son sifflet, le train quitta la gare. Ce ne fut que lorsqu'il s'échappa définitivement du bâtiment que je pus reposer ma tête contre la vitre et admirer le ciel. La Lune y trônait en maîtresse, aucun nuage ne venant cacher sa surface. Je n'y avais pas fait attention depuis le début de la soirée, elle était pleine ce soir.

Contrairement à Yoongi, je n'avais pas réussi à dormir durant le trajet. Alors, quand nous descendîmes du wagon et que nos chaussures frôlèrent le béton d'Osaka, un énorme coup de barre me prit. Je marchai la maigre distance qui me séparait de mon acolyte et vins déposer ma tête sur son épaule. Il s'était arrêté au milieu du quai, et cherchait un contact dans son répertoire.

— C'est pas le moment de dormir.

— J'suis éclaté, marmonnai-je.

— J'en ai rien à foutre. Si t'as dépensé toute ton énergie dans la course, c'est ta faute, pas la mienne. C'était pas vital d'aller chez elle.

Sa remarque m'énerva. Histoire de lui montrer mon mécontentement, je plongeai ma tête dans son cou et lui mordis sans tendresse la peau. Il eut un mouvement de recul avant de m'assassiner du regard.

— Mais t'es malade ?!

— Redis encore une fois un truc en rapport avec Hanae et je te frappe sérieusement la tronche.

Il ne répliqua rien et se concentra de nouveau sur son portable qu'il porta à son oreille. Pendant un instant, nous restâmes silencieux et je pus constater que les quelques voyageurs qui étaient dans le même train que nous avaient déserté l'endroit. Nous étions seul dans ce grand hangar ferroviaire.

— C'est Yoongi. On est là.

Son interlocuteur ne parla pas beaucoup et il raccrocha en répondant un simple « Ok ».

— On nous attend devant. Viens.

Je m'engageai à sa suite. Lorsque que nous sortîmes du bâtiment, Yoongi s'aventura dans une petite ruelle et mit feu aux documents que Seokjin nous avait fournis.

— J'ai tout dans mon tel, je te passerais les infos dont tu as besoin à l'hôtel.

Nous attendîmes que le tas soit réduit en cendre avant de revenir sur nos pas. Non loin de notre position, une grosse berline noire était garée sur la bas-côté, les feux allumés. Yoongi toqua deux fois à la vitre puis celle-ci se baissa.

— Hyeon ?

— Yoongi ?

Sans répondre, mon colocataire rejoignit le coffre et l'ouvrit. Il y plaça son sac puis se tourna vers moi, me demandant implicitement de lui donner le mien, ce que je fis. En attendant, je pris place sur la banquette arrière. Le chauffeur, un coréen, me salua d'un signe de tête.

Lorsque monsieur de mauvaise humeur s'installa à son tour à côté de moi, la voiture démarra. J'étais à deux doigts de m'endormir. Je jetai alors un coup d'œil à mon voisin, qui semblait être en forme, lui. Doucement, je laissai ma tête venir se déposer son épaule afin de m'assoupir durant le trajet sauf que sa main m'attrapa la nuque.

J'eus un sursaut mais Yoongi me fit signe de ne pas m'inquiéter. Son regard était calme, presque rassurant. Et après mûre réflexion, sa prise n'était pas violente. Au contraire elle était douce, et tendrement, il amena mon corps à s'allonger complètement. Ma tête reposait sur ses cuisses et ses doigts s'amusaient dans mes cheveux.

— La base n'est pas loin de votre chambre, s'il y a le moindre problème à l'hôtel, tu m'appelles, entendis-je au loin.

— Hm.

— On a des gars un peu partout dans la ville, on pourra intervenir rapid...


— Jimin ?

J'ouvris rapidement les yeux. Yoongi me regardait de haut. On était encore dans la voiture mais celle-ci était maintenant arrêtée. Je ne pensais pas que je m'endormirais en si peu de temps mais mon taux de fatigue était si élevé que le simple geste de fermer les paupières m'emportait dans les bras de Morphée.

Je me relevai lentement et pris un peu de temps pour finalement sortir du véhicule. Lorsque je mis un pied sur la chaussée, il faisait encore nuit et Yoongi avait déjà récupéré tous nos biens dans le coffre. Il se dirigea à l'intérieur d'un bâtiment dont je n'analysai même pas la façade tellement j'étais dans les vapes.

Il récupéra ce que j'imaginai être la clef de notre chambre à la réception puis nous partîmes en direction des escaliers. L'endroit ne semblait pas miteux, mais on ne baignait pas dans le luxe non plus. Cette pensée fut renforcée lorsque l'on pénétra dans la chambre.

Elle était propre, bien rangée, et constituée du simple nécessaire. Un lit double, une petite armoire, une table carrée et deux chaises poussées dessous. Au niveau de l'entrée se tenait une seconde porte donnant sur la salle de bain.

Je me traînai jusqu'au lit, où Yoongi venait de déposer nos sacs. Il ne prit pas le temps de défaire le sien, et s'installa rapidement sur la table avec son ordinateur portable. Je l'imitai, mais au lieu de récupérer un objet électronique, j'attrapai une serviette de toilette et le gel douche.

— Il est cinq heures du matin, tu devrais te coucher au lieu de te mettre à bosser.

— Je vérifie juste un truc.

Je ne m'attardai pas plus et regagnai la douche où j'allumai l'eau pour qu'elle chauffe le temps que je me déshabille. Tel un robot, je laissai mes fringues en boule au sol et entrai sous le jet maintenant à température presque parfaite. Après avoir convenablement réglé l'eau, je pris une grande inspiration avant de placer ma tête sous le pommeau et de sentir la pression me masser le crâne. Je réitérai l'action plusieurs fois, alternant entre moment d'immersion et reprise de ma respiration.

Les mains à plat sur le carrelage du mur, je me détendis petit à petit, laissant ma jauge de stress redescendre doucement. J'avais les yeux fermés, mais j'entendis Yoongi entrer dans la pièce. Il ne faisait pas de bruit, cependant, j'arrivais maintenant à sentir sa présence même dans le noir et silence complet.

— Si tu me mords l'épaule, je puise dans mes dernières ressources pour t'encastrer dans le mur, l'avertis-je.

Un petit rire le quitta. Il était juste derrière moi.

— T'es vraiment fatigué ?

— Hm.

Lorsque ses mains se déposèrent sur mes épaules, ce fut comme si l'on m'enlevait un poids supplémentaire. Je me sentais plus léger, mais surtout moins seul. Il avait ce don pour m'apaiser que moi-même je n'expliquais pas. Mon corps réagissait à son toucher, plus qu'à un autre.

Je n'avais pas cherché son affection contrairement à celle d'Hanae qui m'avait paru vitale. Et pourtant, le baiser qu'il ancra sur ma nuque me fit plus de bien que le câlin que m'avait offert la vieille dame. Un deuxième suivit sous mon oreille, tout aussi bénéfique que le premier.

— Alors, murmura-t-il. T'es vraiment fatigué ?

Ses mains se baladaient sur mes reins tandis qu'il déposait son menton sur mon épaule. Sans rouvrir les yeux, je me tournai face à lui. Il ne mit pas plus de deux secondes à m'embrasser.

Mes mains partirent jouer avec sa chevelure alors que les siennes tenaient fermement mes hanches. Comme d'habitude, ses baisers étaient fougueux. Il arrivait à créer un cruel mélange entre violence et douceur, chose qui me rendait fou.

Fou parce que j'aimais ça, et fou parce que j'étais incapable d'y renoncer.

C'était plus fort que moi. Je ne pouvais pas résister à ses lèvres sur les miennes, à sa langue qui râpait contre la mienne. Ses morsures, aussi indolores soient-elles, s'accompagnaient toujours d'une décharge électrique qui se déversait dans mon dos, et j'adorais ça. Ses mains qui ne savaient où se positionner sur mon corps, le goût de sa peau, son érection contre la mienne.

Tout ; tout me rendait fou lorsqu'on lâchait les rênes.

Je ne savais pas jusqu'où je sombrerais avec lui. À chaque fois que j'y pensais, que le moment se présentait, je repoussais cette question en me disant que je verrais bien la prochaine fois. Mais est-ce que j'aurais le temps d'y réfléchir ?

Un autre de ses baisers chassa cette nouvelle interrogation. La peau de mon dos roulait sous ses doigts tandis que mes dents cherchaient à emprisonner sa lèvre.

Avec force, mais en faisant attention à ne pas me faire mal, il me plaqua contre le mur. Notre échange s'intensifia, jusqu'à me faire légèrement gémir contre sa bouche. Quand ses mains s'arrêtèrent à l'arrière de fesses, je fis un léger saut et il me souleva.

Oui, j'étais fatigué. Mais plus je l'étais, mieux je dormirais. 


Léthé : esprit de la distraction de l'oubli.

⊱♛⊰


Hey ! Je passe en coup de vent poster le chapitre et je repars à mes occupations (non, vraiment, j'ai pleins de truc à faire...).

Je ne sais jamais quoi dire en fin de chapitre, alors je vais la faire courte. J'espère que vous allez bien, que la semaine n'a pas été trop mauvaise et que vous allez vous reposer ce week-end.

Je vous envoie plein de bonnes ondes en attendant le prochain chapitre !

Apophiis

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