Chapitre 2 : Hestia
J'adore cette sensation, vous savez quand vous commencez à vous réveiller mais que vous n'êtes pas assez conscient pour vous en rendre compte. Pendant ce laps de temps très court, rien ne compte. Vous êtes en vie, mais vous ne ressentez rien, ni amour, ni douleur, ni envie. Il y a juste l'éveil.
J'étais bien là, je n'avais pas envie de bouger ou même de reconnecter avec la réalité. Je voulais juste rester en suspens dans le néant. Bien entendu, même cette volonté les dieux ne pouvaient pas me l'accorder.
Je papillonnais des yeux, n'arrivant pas à les ouvrir complètement à cause de la luminosité qui m'agressait les rétines. Je m'habituais progressivement à elle, arrivant finalement à garder mes paupières ouvertes. Quel joli plafond. Je regardais à droite puis à gauche et alors je fus stupéfié. Je ne savais pas où je me trouvais.
J'étais allongé sur un canapé en lin marron et sur le mur d'en face se trouvait une télé. Pour le moment, c'était les seules informations que je possédais.
J'étais perdu. Je n'avais aucune idée d'où je me trouvais, ni quelle heure affichait mon écran de téléphone. De toute façon, ce n'était pas comme si j'avais des horaires à respecter. En tout cas, je savais que la veille au soir je n'avais pas consommé que de l'eau, car une migraine digne du monde de Tartare venait de se déclencher dans mon crâne.
Aish putain, plus jamais je picole ainsi !
Foutaise, on se dit tous ça et quarante-huit heures plus tard, bizarrement on oublie soudainement. De l'aspirine...
Allez gros tas, bouge ton cul et bois la moitié du Pacifique !
Alors d'un, je m'étais murgé la gueule comme il fallait, mais en plus de ça, je m'étais battu ?! Ok Jimin reste assis et souviens-toi.
Rien.
Bon pour les flashbacks j'attendrai, là il me fallait vraiment ce cachet.
Je me levai tant bien que mal cherchant fortement la stabilité de mon corps. J'élevai les bras pour m'étirer et...très mauvaise idée.
J'arpentai l'habitacle non sans oublier d'esquiver les différents obstacles qui se dressaient sur ma route. Le salon-cuisine était plutôt sympa, si on oubliait les poubelles adossées au canapé, la montagne de papier sur la table, le cendrier plein sur le comptoir, l'évier qui débordait et le linge sale qui jonchait le sol. Ah tiens c'est du parquet ? Très européen comme design.
Ce n'était pas dans ce foutoir que j'allais trouver mon précieux bien aimé. La salle de bain atteinte, j'entrai comme si j'étais chez moi. Je fouillai dans les tiroirs du meuble noir et trouvai rapidement la boîte de médicament. Je partis de nouveau dans le salon, en faisant un petit détour par la cuisine.
Je venais de m'envoyer un litre de flotte dans l'estomac et il n'était que neuf heures du matin. Je me tâtais à faire une petite sieste par crainte de me faire dégager dès le retour du maître des lieux. Je pouvais donc encore profiter de son hospitalité durant son absence.
L'hôte n'était toujours pas rentré et moi j'étais enfermé ici. Oui j'avais essayé d'ouvrir la porte et non il n'y avait pas de mot avec un double des clefs sur la table, j'étais séquestré.
Je tournais en rond, il était quatorze heures passées. Quitte à me faire chier autant être actif et me rendre utile envers la personne ayant pris soin de moi durant la nuit. C'est ainsi que je me mis au travail, enfin plutôt au ménage.
Pour commencer je rassemblai les habits dans un énorme carton trouvé dans la penderie. Oui j'avais fouillé et alors ? Il allait retrouver son appartement nickel ce soir donc j'estimais mon action légitime. C'était déjà pas mal, je pouvais maintenant arpenter le sol sans risquer de me prendre les pieds dans un jean ou un boxer usagé.
Après avoir trié le noir et le blanc, je lançai une machine. Dans le salon c'était encore l'orgie, pourtant j'avais dépoussiéré tous les bibelots et meubles possibles, jeté tous les emballages de plats déjà préparés et de paquets clopes. Par contre les quatre poubelles à descendre il irait de lui-même, je n'allais pas sauter du cinquième non plus. J'ouvris les volets histoire d'enlever l'odeur du tabac froid et allumai une bougie.
Je posais enfin mon derrière sur une chaise et il n'était pas moins de dix-neuf heures. Au vu de la porcherie que c'était, il m'avait quand même fallu presque cinq heures pour rendre son quarante mètres carrés propre et éviter un contrôle d'insalubrité. Je suis un homme à marier !
Le sol brillait, les surfaces étaient dégagées, l'air sentait bon. J'avais frotté, astiqué, aspiré, lavé. L'appartement était digne d'un catalogue immobilier, prêt à être exposé dans l'entrée d'un centre commercial. Bon par contre je n'étais pas rentré dans la chambre, j'avais un minimum de respect envers les gens et leur intimité – enfin, ça dépendait desquels – tout comme je n'avais pas osé me servir dans les placards et pourtant je crevais vraiment de faim.
J'en profitai pour prendre une douche. Ce qui fut bien avec ce rangement c'était que j'avais retrouvé mon sac avec le peu d'affaires que j'avais pris avec moi et, contre toute attente, mon fric était encore présent.
Je me munis d'un boxer, un jogging, un t-shirt noir et je partis en direction de la pièce du fond. Une fois à l'intérieur je mis l'eau à couler pour régler la température et commençai à me dévêtir. Alors autant ma face de défiguré je m'y étais déjà confronté dans le reflet de nombreux objets durant la journée, autant l'hématome qui prenait la moitié de mon torse je n'étais pas prêt. Ils ne m'avaient vraiment pas raté.
Dans la journée les souvenirs de la veille m'étaient revenus. Mon arrivée, le coiffeur, la visite de la ville, mon pétage de plomb, le bar, le mec aux cheveux verts, les quatre connards et puis le malaise.
L'eau s'écoulait le long de mon visage, soulageant mes muscles endoloris. Je ne comptai pas combien de temps j'étais resté là sans bouger – les bras appuyés sur la paroi et la tête penchée en avant – mais j'en avais besoin. La douche c'était mon petit moment à moi. Certains aimaient se prendre pour Beyoncé, moi je préférais faire le vide, ne penser à rien. M'échapper de mon nom, mon héritage. Soulager mes jeunes épaules d'un poids qu'on leur avait imposé dès ma naissance. Oublier le temps de quelques minutes qui j'étais et bordel que ça faisait du bien.
Quarante minutes plus tard je sortis enfin du sauna que j'avais improvisé, et j'entendis du bruit dans le salon. À mon arrivée, il était là, assis sur son canapé, il m'attendait. Il me jugea de la tête aux pieds mais ne prononça aucun mot.
— Euh... écoute, j'ai rangé l'appart pour te remercier pour cette nuit, commençai-je. Je ne me souviens de rien après ma chute et donc je ne savais pas chez qui j'étais. Je ne suis pas entré dans ta chambre et je n'ai pas pioché dans les placards de la cuisine.
— Tu aurais dû.
— De quoi ?
— Manger.
— Ah... Ouais, mais j'ai pas osé. Merci pour le canapé et pour avoir pris soin de moi, je vais pas déranger plus longtemps.
Je pris mon sac tout en actionnant la poignée mais la porte refusait de s'ouvrir. C'était fermé à clef. Encore. Par contre les poubelles n'étaient plus là, donc il était bien sorti aujourd'hui.
— Ça te dérangerais de m'ouvrir ?
— Oui.
J'avais bien entendu ? Il lui arrivait quoi à lui ? Putain, à tous les coups j'étais tombé sur un malade mental, non mais quelle poisse !
— Et je peux savoir pourquoi ?
— Hier.
— Quoi hier ?
Il n'avait aucune réaction, il commençait à légèrement me gaver.
— Tu as dit que tu avais besoin d'argent, je te propose de te payer pour t'occuper de l'appart.
Il n'était pas sérieux, si ? Il croyait que j'étais la fée du logis ?
— Dis plutôt que tu sais pas entretenir une baraque et que t'as besoin d'une femme de ménage.
— Oui, et d'un animal de compagnie aussi.
— Ok mon gars... soufflai-je. Alors écoute, je vais pas y aller par quatre chemins mais il faut que je me casse, j'ai à faire.
— Bien sûr. T'es pas japonais, tu n'as nulle part où aller et en plus t'as besoin de thune, parce que c'est pas avec ce que tu as dans ton sac que tu vas survivre. Moi je te propose un lit, de la bouffe et un peu d'argent en plus donc tu restes, au moins cette nuit. Et puis, tu es faible, avec tes blessures tu n'iras pas bien loin.
Il me gonflait. Mais le pire, c'était qu'il avait raison.
— Va pour ce soir, abandonnai-je, mais demain je me casse.
Il partit dans la cuisine pour préparer à manger. C'était très heureux – sentez l'ironie de cette phrase – que je le suivis. Il venait de lancer des carottes finement tranchées dans une poêle et des steaks cuisaient joliment sur le grill. Au moins il savait faire autre chose que des pâtes.
Pendant que le repas mijotait tranquillement, je constatai qu'il me toisait intensément. Alors là mon grand je vais me faire une joie d'entrer dans ton jeu.
Après deux minutes à se regarder dans les yeux sans ciller, il lâcha prise.
— Nom, prénom, âge.
J'hésitai un instant, mais il n'y avait aucune chance pour que ce mec me connaisse. Encore moins qu'il ne fasse des recherches sur un nom.
— Park Jimin, vingt-deux ans. Et toi ?
— Min Yoongi, vingt-cinq.
Hestia : Déesse du foyer et du feu sacré.
⊱♛⊰
Apophiis
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