Chapitre 16 : Les Algées
Attention : présence de violence physique
Bonne lecture
Apophiis
Les minutes défilaient au ralenti, à vrai dire je ne savais pas depuis combien de temps j'étais menotté à cette chaise. Namjoon n'avait pas décroché de son téléphone portable depuis notre arrivée et Yoongi semblait toujours vouloir rester caché dans son coin sans lumière.
Seokjin, lui, venait de recevoir trois appels consécutifs concernant une « arrivée importante » dans la semaine. Dans quel genre de bordel je m'étais foutu ?
Si j'avais su les emmerdes que me causerait l'aide proposé par le Min je me serais barré en courant de son foutu taudis Tokyoïte. Fuir une mafia pour en tomber dans une autre, il n'y avait qu'à moi que cela pouvait arriver. Je me trainais le karma de toute ma famille, ce n'était pas possible autrement.
Je commençais à avoir froid et mon incapacité à bouger m'endormait progressivement les membres, mais si par malheur je me mettais à piquer du nez, les Kim en profiteraient pour me refaire le portrait, j'en étais convaincu.
Je connaissais toutes ces méthodes d'intimidations pour les avoir moi-même déjà appliqué dans mon passé. Isoler une personne et la couper de tous repères permettait d'éveiller son instinct de survie, entravant pleinement ses capacités à réfléchir convenablement ; l'attacher en la privant de liberté et de mouvement amplifiait son désarroi et son envie de s'échapper.
Il fallait en fait informer l'organisme d'un danger imminant en le coupant de toutes réflexions logiques et ainsi on se retrouvait avec un homme primaire devant soi où seul l'animal restait. Inhibé d'un raisonnement cohérent, il ne restait qu'une bête apeurée que l'on avait plus qu'à cuisiner.
Jouer ainsi avec le cerveau des gens et leur perception était l'une des premières choses que l'on apprenait dans la rue. Si tu veux survivre tu dois réussir à implicitement ancrer la peur et l'angoisse dans l'esprit de ton vis-à-vis.
L'ignorance servait à rendre le prisonnier complètement barge. Une fois que la terreur avait pris possession de lui il ne restait qu'à le laisser se retourner le cerveau lui-même. Effrayé et tourmenté l'homme ne prendrait aucun risque à questionner ses kidnappeurs. En revanche, en situation de grand stress les questions se reproduisent en masse et s'accumulent dans la tête.
Un état de folie ou une paranoïa soudaine, voilà ce qu'il voulait me faire ressentir. Que je sois à leur merci, que j'accepte tout sans revendiquer ma part. Une emprise totale sur mes agissements. Un pantin en somme. Mauvaise pioche.
J'avais envie de siffler rien que pour les faire chier, leurs prouver que ce petit manège ne faisait que nous faire perdre du temps contre les Suraisuburēdo. Si Ayame ou Riyō avait remarqué notre présence ce soir, d'un nous étions dans une sacrée merde et de deux ils iraient se reclure dans l'un de leurs temples secondaires à des kilomètres de la capitale.
Je me contentais seulement de taper mes pieds en rythme sur le sol bétonné de l'entrepôt, attendant que l'un d'entre eux passe enfin à l'étape suivante. Quitte à me faire péter la gueule autant que ça aille vite. Je n'avais pas envie de crever de froid avant, et puis cela serait dommage de louper un tabassage collectif quand même.
« Tu as finis de faire des percussions avec tes pieds ? »
C'était Namjoon qui semblait enfin se rendre compte qu'il n'était pas bien au chaud chez lui mais dans un foutu hangar de taule avec un petit blond menotté. Il me crachait littéralement son venin à gueule, à croire que sa journée avait été mauvaise.
Il m'avait pourtant paru sympathique les rares fois où je l'avais vu. Cependant je ne devais faire confiance à personne et ne surtout pas arrêter de me méfier d'eux. Il en était la preuve, il venait de passer de la place de mec qui me fournit de faux-papiers à celle de ravisseur.
J'éprouvais un certain mépris à son encontre, là tout de suite. Je ne comptais pas baisser la tête et me remettre à eux, j'avais juste envie de comprendre qui ils étaient tous les trois, quelles étaient les relations qu'ils entretenaient et surtout savoir dans quel genre de trafics ils faisaient.
Je devais rester le plus neutre possible et ne pas passer pour un mec infiltré, car je ne l'étais pas, et surtout ne pas éveiller leur curiosité à mon sujet, plus qu'elle ne l'était déjà en tout cas.
« Vous avez enfin décidé de vous intéresser à moi ? l'interrogeai-je le plus sereinement possible. »
Il ne parut pas réellement apprécier ma prise de parole, verrouillant son téléphone qu'il déposa sur l'assise à sa droite avant de serrer les poings et de se passer la langue sur les dents. Le visage de Jin s'illumina d'un sourire, probablement fière de la tournure que prenaient les évènements.
Personnellement, je n'avais qu'une envie : soit qu'ils me tuent, soit rentrer dormir. Mais le brun ne semblait pas cet avis et j'avais l'intime conviction qu'il possédait un engouement particulier pour le jeu. Génial.
Sauf que là j'avais pas très envie de jouer, encore moins patienter sagement jusqu'au moment où le châtain de me déglinguerait. Vraiment très peu pour moi. Autant y aller franco et les pousser à bout, que toute cette mise en scène puérile et stupide prenne fin.
« Bon et c'est quoi la suite ? demandai-je non sans mettre un peu d'impatience dans mon intonation.
- La suite ? me quémanda Jin, comme surpris de ma précédente interrogation. »
Il était con où il le faisait exprès ? Il savait très bien de quoi je voulais parler, mais il jouait, encore. Comme je l'avais prédit, il allait feindre l'incompréhension pendant encore de longues minutes. Il était temps de passer à l'action, les menottes m'entaillaient les poignets et je commençais à en avoir assez d'être le jouet du groupe.
« Oui tu sais la suite logique à toute cette mascarade, le cassage de gueule, les menaces et l'abandon de mon corps à moitié en vie sur une route de campagne, exposai-je, impassible.
- Perspicace Jimin. »
Le brun s'installa un peu plus confortablement sur la table, soutenant son buste par ses bras et laissant ses jambes se balancer dans le vide. Il me regardait sans perdre son sourire.
« J'suis loin d'être con, arguai-je en tournant la tête vers l'endroit où se terrait Yoongi depuis plus d'une heure. »
Il n'y avait d'ailleurs aucun signe de sa présence dans la salle. Si je ne l'avais pas vu de mes propres yeux se faufiler dans ce recoin sombre, j'aurais très bien pu ignorer le fait qu'il était présent. Qu'il soit ici me rassurais, paradoxalement.
Même si j'avais fui son appartement quelques heures plus tôt à cause de son comportement, qui m'avait clairement refroidi vis-à-vis de lui, il n'en restait pas moins la personne à qui j'accordais le peu de confiance qui m'était capable d'offrir ici. Complexe comme situation...
« Ou plutôt bien renseigné sur nos agissements, me contra-t-il.
- Crois ce que tu veux.
- Bien, il fut pris d'un regain d'énergie inattendu, sautant à pieds joints sur le sol et entamant une série de ronde autour de moi en se grattant le menton. Moi je pense que tu nous caches bien des choses mon p'tit et il serait mieux pour toi de te la jouer honnête, je n'aime pas trop que l'on me prenne pour un con.
- Je ne cache rien, je suis juste un peu moins influençable que les autres.
- Hm... Si tu le dis, déclara-t-il avant de se poster dans mon dos et d'appuyer ses mains sur mes épaules. Riyō Ishida c'est ça ? D'où un coréen fraîchement débarqué sur Tokyo connait son nom ? »
Blanc. Jin venait de me sécher sur place. Comment avais-je pu être si peu prudent ? Je me mettrais des claques à moi-même si je n'étais pas ligoté de toute part à cette chaise. Balancer le nom d'un des fils de Mao comme ça devant Yoongi, fallait vraiment être con !
Maintenant bien sûr qu'ils se méfiaient de moi, comment étais-je censé connaître son existence ? Déjà savoir le nom d'une des grosses têtes d'une puissante mafia japonaise n'était pas très courant pour un coréen mais en plus reconnaître physiquement l'un de ses fils était le signe même de mon appartenance à ce milieu.
Les choses ne tournaient pas du tout à mon avantage et me prétendre innocent ne semblait plus servir à rien. Namjoon commençait à s'impatienter, ses doigts se frottaient entre eux comme un échauffement. Quitte à me faire refaire le portrait, je préfèrerais que cela soit le Min qui s'y colle. Namjoon était imposant, il me surpassait largement d'une tête et il avait surement pousser des heures à la salle de sport pour être carré comme il l'était.
« Ben alors Jimin, il s'appuya plus qu'il n'était nécessaire sur mes épaules, tu as perdu ta langue tout-à-coup ? »
Je déglutis difficilement cherchant une tactique à adopter pour me sortir de cet enfer. La loi du silence ne me sauverait nullement mais l'ouvrir était à mes risques et périls. Surtout que dans l'état où j'étais, saupoudré de fatigue, je pouvais vite m'emmêler les pinceaux et donner une information qui ne m'arrangeait pas.
« Jimin ? »
Il s'éloigna de mon corps pour venir se poster face à moi, les bras croisés.
« C'est déjà fini ? Tu ne veux plus rien dire ? me questionna-t-il sachant très bien que je ne répondrai pas. »
Il s'accroupit devant mon corps, empoignant mon menton entre deux de ses doigts avant de me faire dévier la tête vers lui. Nos regards se trouvèrent. Il essayait de sonder mon âme mais j'avais de bonnes barrières et il n'en tirerait rien.
« Qui es-tu Jimin ? D'où viens-tu ? chuchota-t-il. Ce n'était en rien des questions mais plutôt ses pensées qui s'exprimaient librement pour me faire intégrer le fait qu'il ne me lâcherait pas de sitôt avec mon passé et mon identité. Hm ? »
Je ne parlai toujours pas, me contentant de lui faire mon plus beau sourire. Je patientais tranquillement, attendant qu'il envoie son chien m'attaquer.
« Bon... Nam, occupe-toi de lui mais je veux qu'il vive. On en aura besoin comme appât, je ne veux pas mettre la vie de mes hommes en jeu inutilement. »
On y était enfin, le moment du règlement de compte. Namjoon quitta le canapé sur lequel il était assis depuis le départ et s'approcha de moi alors que je Seokjin se dirigeait déjà vers la porte de sortie.
« Ah oui et Nam, lança-t-il. Fait en sorte qu'il ne puisse pas marcher droit pendant quelques temps, on ne peut pas risquer une nouvelle évasion. »
Le châtain eut un rictus de joie, laissant ses dents blanches apparaître. Le patron quitta définitivement la pièce et je n'eus pas le temps de déglutir que mon visage partit sur la droite. La claque avait été rapide, sèche et d'une violence incroyable. Ma joue me lançait énormément et je sentais mon cœur galoper dans ma cage thoracique.
Je ne bougeai pas, fixant ce point invisible sur le sol qui me permettait de rester connecté à la réalité. J'entendais sa respiration à mes côtés, comme un signal m'avertissent que ce n'était que le début. Et c'était le cas. Ce mec savait ce qu'il faisait et n'en était pas à son coup d'essais. Il savait dans quel ordre porter les coups et les temps de latence à avoir pour que la souffrance n'en soit que plus présente.
Il laissa passer une minute avant de cette fois-ci me faire tourner la tête de l'autre côté avec une nouvelle baffe, plus forte que la première. J'avais maintenant les deux joues rouges et je commençais à vaciller, je n'allais définitivement pas tenir longtemps. Chose qu'il venait d'intégrer car son poing s'écrasa dans ma gorge me rendant suffoquant, il venait d'aplatir ma trachée.
Puis les chocs s'enchaînèrent sur mon visage et mon torse. Namjoon s'était transformé en bête sauvage et féroce, prête à tout pour détruire sa proie. Je tremblais, cherchant un point où m'accrocher pour ne pas tomber dans les vapes. De petits cercles blancs entravaient ma vision et mon environnement devenait de plus en plus flou. Je m'étouffais à moitié avec ma salive que je peinais à avaler convenablement sous les tentatives de gonflement désespérées de mes poumons.
Soudainement, la pluie de violence se stoppa me laissant reprendre un peu de contenance. La pièce était silencieuse, seulement remplit des bruits de pas de mon tortionnaire. Il se passa peut-être quatre voir cinq minutes où je me retrouvai seul avec mon esprit. Ce n'est pas fini, fait attention Jimin...
Mon sang s'écoulait mon visage et j'avais ce goût immonde de fer dans la bouche. Ma tête me lançait, j'avais l'impression qu'à chaque battement de mon cœur on m'enfonçait deux clous dans les tempes. Un bruit strident et continu brisa le calme et avant que je ne puisse relever le visage, une barre de fer envoyée à toute vitesse m'arriva en plein crâne.
Le choc fut si brutal que je fis un mini malaise, oubliant un instant où j'étais et qui j'étais. Un bourdonnement aigu tintait dans mes oreilles puis tout s'enchaîna. Namjoon armée de sa tige en métal m'assenait des coups sur les côtes et les jambes, accompagnés à chaque nouvel impact d'un hurlement de ma part. Je sentais mes os craquer, ma respiration se perdre et mon esprit me quitter. Le passage à tabac prit fin quand d'un mouvement de pied, il fit basculer la chaise en arrière. Ma tête heurta le sol violemment et la dernière que je vis avant de m'évanouir sous la douleur fut Yoongi s'avancer vers moi.
Les Algées : Esprits de la douleur et de la souffrance.
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Apophiis
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