Chapitre 13 : Achéron
« Elle fait partie des Suraisuburēdo.
- Merde... Tu en as parlé à Jin ?
- Pas encore je préférais t'avoir au téléphone avant, hésita-t-il un instant avant de continuer. Je pense qu'on peut s'en sortir en vrai, il ne faut pas s'attaquer à toute la maison, juste à la fille et au mec qui la baise. »
Il était fou, complètement aveugle devant le danger que cela représentait. Si foncer tête baissée était sa méthode pour gérer la situation, elle n'était pas à mon goût. Non vraiment, qu'il aille se faire trancher la carotide en solo.
« De toute façon Seokjin ne restera pas les bras croisés à attendre et c'est à toi, enfin à vous, qu'il va faire appel. Mais avant de tenter le diable, envois lui le rapport de Jimin.
- Je vais le faire ce soir. Au fait, tu as des nouvelles pour les papiers ?
- Ceux du blond ? Je devrais les recevoir dans la semaine, tu pourras passer les prendre chez moi.
- Ok. Bonne soirée Nam.
- Bonne soirée, et fais attention à toi surtout. »
Yoongi reposa son portable sur la table basse avant de s'étirer de tout son long sur le canapé. Il ne semblait pas plus perturbé que ça, et cela ne présageait rien de bon. Si moi-même je n'étais pas serein, lui ne devrait pas l'être non plus.
Mais contrairement à ce que je pensais, ce con paraissait limite heureux d'apprendre à qui elle appartenait. Comment pouvait-on être tranquille quand ces putains de Yakuza se mettaient sur notre chemin ?
Il était vrai que je le connaissais à peine et que de nombreuses choses me restaient à apprendre sur lui, mais là c'était au-dessus de tout. Il était complètement cinglé ma parole ! « On peut s'en sortir » mais idiot, bien sûr que non ! C'est pas un escape game là c'est la vie et non on ne s'en sortira pas sans un bras un moins au minimum.
Soit il était complètement maboul soit il ne mesurait pas l'étendu de la chose. Ces mecs-là étaient des armes de guerres, surentraînés dès leur naissance à l'attaque, la tactique et l'auto-défense. Des bombes à retardements, des assoiffés de sang et de chairs.
« Tu veux sortir ? »
Je relevai la tête d'un mouvement brusque, plus par automatisme qu'autre chose ne comprenant pas immédiatement sa requête. On se dévisagea un moment, avant qu'un sourire ne prenne place sur sa face.
« Allez, va t'habiller on bouge. »
C'était à la fois inespéré et inquiétant.
J'attrapai ma veste en jean le plus rapidement possible avant d'enfiler mes baskets qui n'avaient toujours pas effleuré le bitume japonais. Ni une ni deux j'étais devant la porte tel un chien à qui on avait agité la laisse devant le museau. J'étais désespèrent, mais le manque de liberté commençait sérieusement à me rendre fou.
Yoongi, lui, prenait bien tout son temps pour se préparer. Forcément il fallait toujours qu'il trouve le moyen de me faire chier même lorsqu'il m'accordait une faveur. Cet idiot déambulait entre la chambre et le salon à la vitesse d'un escargot, faisant semblant d'oublier une chose importante à chaque fois.
« Bon c'est bon là ?! m'énervai-je. On peut y aller ? »
J'affichais ma tête de boudeur professionnel, les bras croisés sur le torse tel un enfant de trois ans. C'était puéril, mais cette technique fonctionnait toujours, et même le Min n'était pas épargné par l'aspect adorable de mon faciès.
La nature m'avait donné une arme surpuissante à ma naissance et je l'exploitais à merveille, ne pas en profiter serait dommage. Il se stoppa dans son action et son regard se perdit dans le mien. La commissure gauche de ses lèvres s'étira vers le haut, prouvant qu'à cet instant il se régalait intérieurement de l'emprise qu'il avait sur moi.
Si m'enfermer avait pour but de me rendre complétement obéissant et soumis à lui, c'était en quelques sortes réussi. Effectivement je faisais un travail immense sur ma personne pour retenir mes crises de nerfs et ne pas échauffer les siennes. D'un autre côté, il n'avait aucun pouvoir sur mes pensées. Quoi qu'il fasse, je ne me soumettrais jamais à ses opinions.
« Oui c'est bon on peut y aller. »
Il resta planté là, en plein milieu de la pièce me regardant toujours intensément. Il attendait quoi pour ouvrir cette putain de porte, que je lui chie un double des clefs ?
« J'ai pas la clef du con. Tu le sais très bien alors magne-toi et ouvre ! »
Un ricanement sadique quitta ses lèvres avant qu'il ne m'ouvre enfin la barrière de sortie. Une fois le clic, signifiant le déclanchement du mécanisme, entendu j'attrapai la poignée et ouvris la porte sèchement avant de me ruer dans le couloir.
Au fond de moi, pendant une infime seconde, j'avais pensé qu'il se jouait de ma personne une fois de plus et que cette escapade n'aurait jamais lieu. Que la déception de mon visage le ferait jubiler de tout son être et qu'il passerait sa soirée à m'isoler encore plus.
J'étais dehors et il ne pouvait plus rien faire. Je n'étais que dans le couloir de l'immeuble mais je me sentais déjà pousser des ailes. Je sautillais dans les marches, oubliant parfois que le sol pouvait me rappeler à lui à n'importe quel moment. J'étais complètement euphorique, j'allais sortir.
Enfin à l'extérieur de ma cage, c'était comme si je redécouvrais le monde tel un nouveau-né sortant à peine du ventre de sa mère.
Deux mains se posèrent sur mes épaules et je sentis son souffle chaud, contrastant avec la froideur de la nuit, s'échouer sur ma nuque. Ses pinces glissèrent sur mes omoplates avant d'abattre ma capuche sur ma tête.
« N'oublie pas qu'on doit rester discret Jimin, murmura-t-il à mon oreille. »
Je fus pris d'un frisson qui longea ma colonne vertébrale de la base de ma nuque jusqu'au creux de mes reins. Il avait cette aura dominatrice constamment avec lui, et j'y étais réceptif. Trop réceptif. Ses paumes quittèrent mon être, laissant derrière elle une sensation de brûlure. Le blond me contourna et se dirigea dans la pénombre de la ruelle. Je mis en place mon masque et m'enquis de suivre ses traces.
On déambulait dans les rues les unes après les autres. Même si je ne connaissais pas la cartographie de la ville j'avais une petite idée de l'endroit vers lequel nous nous dirigions. Les façades des immeubles délabrées et la population en masse sur les trottoirs ne laissaient pas de place au doute.
Des hommes tatoués de la tête aux pieds, des jeunes femmes peu vêtues, l'odeur de l'alcool ainsi que celle de la drogue ne pouvait qu'emplir le quartier de Kabukichō. Forcément, à quoi m'attendais-je ? Il était plus logique que Yoongi fréquente ce genre d'endroit plutôt que les commerces riches du centre. J'étais loin d'être serein, il ne fallait surtout pas que quelqu'un me reconnaisse ou ait des doutes sur ma présence au Japon, même si je savais que depuis le temps la rumeur devait avoir circulé.
Était-ce aussi une des raisons pour lesquelles le Min me retenait dans son appartement ? S'il savait pour ma personne, pourquoi ne pas m'en avoir informé, ou ne serait-ce que poser la question ? Non, définitivement il devait ignorer qui j'étais, et c'était mieux ainsi.
Toujours à sa suite on s'enfonçait dans ce monde nocturne de débauche. Plus le temps s'écoulait, plus la dépravation et le dévergondage emplissaient l'air ambiant. Je ne fus même pas étonné de passer devant une passe à trois au coin d'une rue, comme s'il s'agissait d'un vulgaire poteau. Un peu plus loin, Yoongi s'engouffra dans un bar dont l'entrée était encadrée par trois lascars.
On prit place autour d'une table en retrait au fond de la salle, avant qu'un serveur ne prenne notre commande. Il ne me fallut pas trois siècles pour comprendre où l'on était.
« C'est laquelle ? demandai-je.
- La brune derrière le bar. »
Effectivement une jeune fille était en train de préparer un cocktail de l'autre côté du comptoir en marbre. Les tavernes tenues par la mafia étaient d'une propreté impeccable et le matériel souvent dernier cris. C'était une manière de blanchir une partie des fonds gagnés illégalement et d'appâter une clientèle autre que les habitués du quartier.
Les femmes étaient redoutables dans ce milieu, plus que les hommes. Elles ne tenaient pas souvent une place très importante mais leur physique avantageux et angélique était une source effroyable pour les infiltrations. Elles ne portaient que très rarement des signes d'appartenances à leur famille, augmentant considérablement le taux de réussite de leurs missions.
Nos verres nous furent rapidement servis. Yoongi restait silencieux, il observait les allers et venues des clients. Il notait scrupuleusement tous les membres des Suraisuburēdo qui venaient la voir directement au travail, si des transactions avaient lieux ou non, si de l'argent passait sous la table.
Cette sortie était tout simplement un premier pas sur le terrain, entreprit de son propre chef sans l'autorisation de Kim. Je commençais à me demander quels étaient leur rôle à tous, les liens qu'ils entretenaient et surtout comment un mec de leur rang pouvait s'être éprit d'une fille appartenant aux Yakuza. Ce n'était pas logique, plutôt irréel même. Une information m'échappait et pour je ne sais quelle raison il fallait que je la trouve rapidement.
Mes verres s'enchaînaient sans compter, et après deux heures dans cette tanière j'étais complètement bourré. Je rigolais pour un rien et me comportais comme un enfant de quatre ans. Je demandais des choses simples comme « quand est-ce qu'on rentre ? » « Je veux faire pipi » « Pourquoi le monsieur il parle fort derrière ? » « Pourquoi tu me regardes comme un méchant ? J'ai rien fait c'est pas moi ! » le tout accompagné de ma gueule d'ange et de mon sourire diablotin.
Yoongi commençait sérieusement à en avoir assez de moi et de mes aegyos en tout genre. Une demi-heure qu'il me fixait froidement et qu'il semblait avoir totalement oublié Ayame. Lorsque je m'en rendis compte, mes yeux de chien battu analysèrent son faciès.
Ses sourcils étaient froncés, se touchant presque vu l'intensité qu'il y mettait. Ses lèvres étaient pincées et sa mâchoire crispée. Il n'appréciait pas beaucoup le moi ivre. Je baissai très vite la tête, par peur d'être tué sur place, tombant miraculeusement sur mon verre qui contenait encore quelques gorgées de liquide brunâtre. Je m'empressai d'en boire le contenu avant qu'il ne me soit arraché des mains par l'affreux tortionnaire.
Je regardais partout sauf la personne assise en face de moi. En même temps il ne me donnait pas trop envie à cet instant. Alors mes yeux naviguaient sur les visages de tous les clients avant de se figer sur un homme. Brun, la vingtaine, accoudé au bar et parlant avec notre chère et tendre japonaise.
« Et merde...
- Tu le connais ? demanda-t-il.
- Malheureusement oui... C'est Riyō Ishida. »
Yoongi le toisa un moment avant de me faire signe de me lever. Il m'intima de l'attendre dehors, capuche relevée et masque sur le visage. Je patientai dans la pénombre du bitume d'en face le temps qu'il règle la note. Il ne mit pas longtemps à me rejoindre, ou plutôt à me passer devant sans la moindre considération, entament le chemin du retour.
Il n'était pas très bavard ni même expressif en temps normal, mais je pensais réellement que le petit Jimin sous alcool l'avait fait passer de froid à glacial. Je commençai à m'en vouloir d'avoir autant bu – même si je n'étais pas au stade où j'en devenais insupportable et réellement chiant – mon côté enfantin et demandeur ne devait pas jouer en ma faveur avec lui.
Il m'avait offert cette sortie pour le boulot monstre que j'avais achevé durant ces derniers jours et je venais de gâcher la seule occasion que j'avais de lui prouver que je pouvais être digne de confiance et que je savais me gérer seul. D'un autre côté il m'avait privé de ma liberté, et comme un drogué en manque de sa dose depuis une éternité, j'avais pris le plus que je pouvais.
Au fond j'avais peur de ne plus sentir l'air glisser sur ma peau, de ne plus entendre des timbres inconnus, de ne plus voir la joie d'un enfant, de ne plus pouvoir admirer le ciel sans vitre devant le visage. J'étais terrifié à l'idée de ne plus ressentir le fait d'être vivant. Je ne voulais pas aller en prison, je ne voulais pas être séquestré chez Min et surtout je ne voulais pas mourir.
J'étais prêt à accepter mon sort lorsqu'il se présenterait à moi, ouvrant chaleureusement les bras à la dame en noir accompagnée de sa faux dans le but de s'offrir l'un à l'autre, signant un pacte pour l'éternité. Mais pas aujourd'hui, pas si tôt. Malgré mon passif et mes actes, je méritais de vivre encore un peu, de ressentir ce que je n'avais encore jamais pu apprécier. On se construit en tant qu'adulte avec ce que l'on a vécu enfant, et moi il me manquait l'ingrédient principal pour être stable.
« Jimin dépêche-toi, je n'ai pas envie de mettre trois plombes pour rentrer. »
Il s'était arrêté et me regardait avec insistance. Il était encore fermé, totalement hermétique à ce qu'il se passait autour de lui. Ressentir le mettait dans le mal, moi c'était l'indifférence qui me bouffait. Arrivé à sa hauteur j'attrapai sa main avec la mienne. Ne se dégageant pas de ma prise, j'entrelaçai nos doigts. Il ne mettait pas de force ni d'entrain dans l'acte mais sa main resta dans la mienne.
« Dit, vu que l'on vit ensemble, qu'on partage un lit et qu'on a déjà fait des trucs ensemble, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout ?
- Jimin, stoppe-toi. »
Je m'arrêtai net dans ma marche mais ses pupilles me laissaient supposer qu'il ne s'agissait pas d'arrêter mes actions mais plutôt mes paroles. Sauf qu'il en était hors de question, il contrôlait déjà ce que je pouvais faire ou non il n'allait pas en plus avoir main mise sur mes dires.
« Pourquoi ? Tu aurais peur de te retrouver en dessous ? plaisantai-je. »
Il continuait de marcher en direction de son immeuble qu'on apercevait au bout de la rue.
« Tu sais, ce serait plus simple pour tous les deux, continuai-je. Je te ferais moins chier pour sortir et toi tu n'aurais plus à traverser la ville pour te soulager. »
Ses doigts se crispèrent autour des miens sans pour autant quitter l'encastrement de nos dextres.
« On ne serait ni plus ni moins que des plans cul. Chacun y trouverait son compte. »
Pas totalement, mais en dépit d'avoir ce dont j'avais besoin de manière naturelle, je le trouvais dans un acte plus violent. À sa finalité je me sentirais comme une merde, mais durant l'action je goûterais à cette chose si essentielle, à l'essence même de la vie.
Yoongi lâcha brusquement ma main me ramenant à la réalité. Je le suivis dans les escaliers puis le long du couloir avant de finalement pénétrer dans son logement. Je déposai ma veste sur le rebord du canapé alors qu'il alla se servir un verre d'eau dans la cuisine.
Je m'approchai de lui au ralenti, collant mon torse à son dos. Son corps se contracta sous mon accolade et je n'en fus que plus joueur. Je m'aventurais sur un sentier de feu mais j'aimais le risque. Les lacs de lave qui m'encerclaient ne m'effrayaient guère.
Je commençai à promener mes mains sur son t-shirt, l'une remontant doucement vers sa gorge, l'autre massant le bas de son ventre rejoignant par moment sa ceinture. Mon souffle frappait la peau de son épaule où mes lèvres vinrent déposer un doux baiser. Je continuais encore et encore à effleurer son derme au travers du bout de tissus qui le recouvrait.
De plus en plus joueuses, mes mains entamèrent une expédition sous le vêtement. Sa peau était chaude et je devinais son souffle irrégulier à la cadence de son rythme cardiaque.
« Jimin, arrête. »
Non Yoongi je n'arrêterais pas, pas maintenant j'en ai trop besoin.
Du bas de son buste, elles remontèrent progressivement cherchant à atteindre un des points sensibles de l'anatomie humaine. Elles semaient dans leur avancée de légères caresses plus douces les unes que les autres.
« Jimin, grogna-t-il. »
L'aventure touchait à sa fin et mes doigts trouvèrent enfin l'un de ses tétons. Je me fis brusquement projeter contre la porte du frigo, lâchant une plainte de douleur et de surprise qui brisa le silence de la pièce. Mon pantalon et mon boxer atterrirent bien vite à mes chevilles. Sans ménagement Yoongi saisit mon membre à demi éveillé dans sa main, commençant déjà de vifs coups de poignet.
Non...
La cadence était trop rapide pour que j'y prenne du plaisir.
Non Yoongi...
La violence de sa main sur mon pénis était si rude que des larmes quittèrent mes yeux fermés.
« Pas comme ça ! hurlai-je. »
J'essayai de le stopper de mes mains mais l'alcool coulant à flot dans mes veines avait inhibé ma force. Il comprit néanmoins et se stoppa net me dévisageant sans aucun respect. J'étais face à lui, à moitié nu, la respiration haletante et les yeux exorbité.
« Quoi encore ?! tonna-t-il. C'est pas ce que tu cherches depuis une heure ?! »
Non je ne recherchais pas ça. Pas de cette façon-là. Ma voix était bloquée je ne pouvais pas parler, trop choqué par son agressivité. Je secouai lentement la tête de gauche à droite.
« Mais tu t'attendais à quoi ? Que je t'embrasse et te couvre d'amour ?! »
Oui c'était ça que j'attendais, en quelques sortes. Au moins le temps d'une partie de jambe en l'air. Il examina une dernière fois mon corps quasi nu, secoué par les sanglots que je tentais d'avaler.
« Tu m'exaspères Jimin, lâcha-t-il avant de rejoindre sa chambre. »
Il me laissa là, au milieu de sa cuisine, heurté et secoué. Si ses gestes avaient brusqué mon organisme, ses paroles venaient de briser mon âme. Les rives d'Achéron venaient de me brûler.
Achéron : Fleuve de la douleur.
⊱♛⊰
Apophiis
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