Chapitre 10 : Améchanie
Ayame Satō.
Je désespérais... Comment une gonzesse pouvait-elle avoir autant d'homonyme ? Je veux bien croire que les prénoms subissent des effets de mode mais là ça faisait beaucoup ! Il n'existait pas moins de sept milles Ayame Satō ; deux milles étaient nées entre mille-neuf-cent-quatre-vingt-douze et mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-sept dans ce foutu pays et cinq cents d'entre elles vivaient à Tokyo et ses environs. C'était l'horreur ! Surtout que je ne connaissais pas sa date de naissance exacte et que son physique m'était flou comme un arrière-plan de peinture cubiste.
Dix jours ! Dix putains de jours que je passais en revue chaque profil au peigne fin, que j'inspectais les profils des réseaux sociaux, les bases de données gouvernementales et les services publiques. Rien. Je n'avais rien trouvé d'alarmant ou d'inhabituel. Aucune information ne retenait mon attention. Il ne me restait qu'une dizaine de fiches à parcourir et j'espérais enfin la trouver.
Je n'avais pas foutu un pied dehors depuis l'entrevue avec le Kim et prendre l'air commençait à devenir vital. Avant je passais mes journées à arpenter les rues seul ou avec Hoseok. Être dehors composait plus de quatre-vingt pour-cent de mon temps éveillé, et là je me retrouvais à devoir rester assis sur cette chaise devant ce PC, à faire défiler devant mes yeux des pages de données et photos qui ne m'intéressaient guère contrairement à mon hébergeur qui passait littéralement sont temps dans la nature.
Parlons-en de lui. Depuis ce fameux soir où il avait embrassé ma nuque son comportement changeait. Il passait d'un extrême à l'autre sans prévenir. Au milieu de tout ça, je ne savais plus comment agir à ses côtés. Comme s'il y avait deux personnes à l'intérieur de son corps, où plutôt deux personnages inventés de toute pièce par lui pour masquer sa vraie identité. J'étais persuadé que je n'avais encore jamais rencontré Min Yoongi. Le vrai Min Yoongi.
Il se comportait comme un bon colocataire, faisant la conversation, contant de petites anecdotes de sa vie. On cherchait à faire plus ample connaissance par moment, en se gardant bien de dévoiler chacun de notre côté les raisons pour lesquels nous étions ici à faire ce travail. Il participait aux tâches ménagères, partageait des soirées canapé en ma compagnie puis d'un coup il se claustrait. Le pire dans tout ça, c'était que si j'avais le malheur de vouloir le libérer de son mutisme, je me prenais la foudre de Zeus sur la gueule.
Il rentrait dans des colères noires, m'insultant, balançant des objets à travers les portes et me menaçant même de me foutre dehors. Jusqu'ici, il ne m'avait pas jeté à la rue, il ne le ferait pas d'ailleurs, je ne savais pas pourquoi mais j'en étais sûr.
Je ne savais pas ce qu'il fabriquait à l'extérieur, ni même qui il voyait, mais je savais que certaines choses le titillaient. Ses pétages de plomb ne venaient pas de moi, ni même de mon travail, même si le fait qu'au bout de dix jours je n'avais toujours pas réussi à trouver notre suspecte le rendait extrêmement tendu.
Les moments où l'on se couchait étaient toujours les plus électriques. Une certaine tension régnait dans cette chambre. On ne se parlait plus une fois la porte passée, on ne se touchait pas non plus une fois dans les draps. C'était compliqué de garder son calme, surtout pour moi. Déjà, il était plutôt pas mal, carrément bandant et il dormait en caleçon. Je le soupçonnais même de le faire exprès par vengeance envers mon comportement dans l'ascenseur ce fameux soir. J'y étais peut-être aller un peu fort, m'enfin une petite fessée n'avais jamais tué personne.
Puis la frustration sexuelle commençait à me tenir compagnie plus qu'à l'accoutumé. Dix-huit jours. Presque trois putains de semaines que je n'avais rien fait, même pas une branlette. Mes hormones n'en pouvaient plus et mon cerveau disjonctait par moment. Le moindre rapprochement physique, aussi infime soit-il, monopolisait mes pensées et me faisait chauffer le bas ventre.
J'étais une boule de luxure en puissance, et l'implosion n'était pas loin. À ce rythme j'allais devenir dangereux. Il fallait que je foute le nez dehors sans lui, histoire de me trouver une activité nocturne digne de ce nom. Je devenais facilement irritable et de ce fait, je répondais à ses excès de colère, n'arrangeant rien à nos relations. Je savais qu'un jour on franchirait une ligne, je ne savais pas laquelle, mais les conséquences en seraient désastreuses.
J'en venais même à rêver qu'il me touche, là sur son vieux canapé ou qu'il me plaque contre le mur de la douche. Inconsciemment je cherchais, par de petits gestes non contrôlés, à le pousser à bout lui aussi, mais ça ne l'affectait pas. Bien sûr que non, il devait surement avoir de quoi faire à l'extérieur, un plan cul ou une pute pour se les vider.
Il fallait vraiment que je trouve cette stupide japonaise pour enfin passer à la prochaine étape de ce maudit rapport et enfin pouvoir sortir.
Alors que je parcourais les fiches administratives d'une énième Ayame Satō, un petit détail attira mon attention : une arrestation pour possession de drogue le vingt-six avril deux-milles-quatorze. Il ne m'en fallu pas plus pour tout miser sur ce numéro. Plus j'avançais dans les différents sites à ma disposition, illégalement, plus je me disais qu'enfin je l'avais.
Quatre heures que je bûchais sur cette nana, plus je cherchais plus je tombais sur des détails qui ne laissait pas le doute s'installer. Je l'avais enfin trouvé. Je poussai un cri de joie, les bras en l'air et les jambes tendues, démontrant ma satisfaction. Il ne me restait plus qu'à en informer mon acolyte.
Moi
Je l'ai trouvé. [20:48]
Tu manges dehors ? [20:49]
Yoongi
[20:53] Je suis là dans vingt minutes.
[20:55] Prépare la table, je prends des sushis sur la route.
Je sauvegardai mon travail sur le disque dur de l'ordinateur ainsi que sur une clef USB, on n'était jamais trop prudent. Une fois ceci fait, je débarrassai le bar du petit déjeuné encore présent dessus et j'entamai le brin de vaisselle qui stagnait au fond de l'évier. Alors que je rinçais le dernier bol, la porte d'entrée claqua.
Il était habillé d'un ensemble noir et ses cheveux...
« T'as fait blond platine ?! m'exclamais-je surpris par la nouvelle teinte de sa touffe. »
Il me fixa, mi-blasé mi-heureux. Cette nonchalance propre à lui-même ne le quittait jamais, je m'y étais habitué.
« Ouais, le vert commençait à pas mal dater et j'aime bien le changement, débita-t-il.
- Ça te vas bien...
- Merci. Bon, commença-t-il en disposant les barquettes plastifiées sur la surface en granite, dis-moi tout ce que tu as trouvé sur elle. »
Je me servis de quelques mets, avant d'entamer mon récit.
« Ayame Satō, déjà faut savoir que c'est ultra répandu comme nom ici, j'ai dû éplucher des centaines de fiches et bien entendu celle que nous cherchons faisait partie des dernières. »
Il me regardait dubitatif, les à-côtés ne l'intéressaient pas, il voulait du concret. Mais moi je voulais lui montrer à quel point rester cloitrer dans son appart me cassait les couilles.
« Cinq cents profils. Tu n'imagines pas à quel point je me suis fait chier sur ce coup-là. À regarder leur carte nationale, les différentes assurances souscrites, les dossiers médicaux, les familles, les étu-
- Park. »
Park. Dit comme ça je pourrais le prendre très mal, limite comme une insulte visant à me rabaisser, mais au contraire c'était excitant. Park. De sa voix grave et enrouée, l'audio était une vraie merveille et l'image en plus me rendait bouillonnant. Il me fixait de ses yeux noirs et ses dents s'acharnaient sur sa lèvre inferieur. La fièvre me gagnait.
« Pardon... Bon donc, notre protagoniste est née à Osaka le seize novembre mille-neuf-cent-quatre-vingt-treize. Elle est arrivée sur Tokyo en deux-mille-douze, arrêtée pour possession de cocaïne en deux-mille-quatorze. »
Il m'écoutait sagement, continuant de manger les bouchées de riz sous mon nez. Si je ne me dépêchais pas, il ne me resterait plus rien pour remplir mon estomac.
« Elle n'a pas balancé le nom de son revendeur. Elle bosse dans un bar à Kabukichō. Je ne te décris pas la fréquentation du quartier, je suppose que tu la connais. J'ai son adresse grâce à son dossier médical qui ne contient rien de spécial. Elle habite à Shibuya. Je n'ai pas épluché plus que ça son cas, j'ai assez bossé pour ce soir.
J'étirai mes bras et le haut de mon dos courbaturé par la journée passée assis sur une chaise. Je voulais prendre l'air, maintenant. Je n'en pouvais plus de rester enfermer comme un lion en cage. Je décrétais que je méritais ma petite sortie. Je me levai en direction de la porte sous le regard interrogatif du blond.
« Où tu vas ?
- Me balader. »
Il s'étouffa à moitié avec sa bouchée avant de se lever.
« Tu ne vas nulle part !
- Pardon ? Je n'ai pas bien compris ?
- J'ai dit que tu ne sortirais pas de cet appartement ce soir. »
Il commençait à me taper sur le système. Je ne lui demandais pas la permission, je la prenais sans son consentement. Il n'était ni mon géniteur ni mon tuteur, et que je sache j'étais assez grand pour me gérer.
« Je ne te demande pas ton avis Yoongi, j'ai besoin de sortir, de prendre l'air et-
- T'as qu'à ouvrir la fenêtre si tu veux de l'air frais ! »
Nous y étions, monsieur allait péter sa crise de la journée.
« Très paradoxale comme phrase venant de celui qui passe littéralement tout son temps à l'extérieur de ce putain d'immeuble ! m'énervai-je. Tu commences à me gonfler Min. J'ai des besoins moi, je veux sortir !
J'avais haussé la voix, voulant me faire entendre et surtout comprendre. Merde ! Il ne pouvait pas m'accorder ça ? Juste une sortir de trois ou quatre heures ?
Apparemment pas puisqu'il se dirigeait déjà vers moi à toute allure, me bloquant entre lui et le mur tout en encerclant ma tête de ses poings sur le béton.
« J'ai dit que tu ne sortirais pas ce soir, c'est clair ? »
Il insista sur chaque syllabe, me faisant déglutir à la fin de sa phrase. Il était impressionnant quand il s'y mettait, mais la peur ne me gagnait pas si facilement, il m'en fallait plus. La frustration par contre était aux abonnées présentes. Son corps était proche du mien, beaucoup trop proche au goût de mes hormones.
Ses iris me fusillaient. S'il était un X-men je serais mort à cet instant.
« Tu comprends pas putain...
- Je ne comprends pas quoi, Jimin ? »
Il le faisait exprès ou quoi ? Il fallait réellement que je lui fasse un dessin pour lui expliquer que j'avais des envies autres que faire le ménage et jouer à Hercule Poirot ?
« Putain ! Mais j'ai besoin de me vider les couilles moi aussi ! hurlai-je en me dégageant de son emprise. »
Ma tentative d'évasion fut un échec vu qu'il me rattrapa par le bras, plaquant ainsi mon dos à son torse, immobilisant mon poignet de sa prise et mon cou de l'autre. J'étais impuissant, il claustrait tout mon corps, m'empêchant à nouveau tout mouvement.
Sa poigne autour de ma gorge se resserra, amplifiant mon manque d'oxygène déjà présent par la montée fulgurante de mon taux d'adrénaline, me forçant à entrouvrir la bouche pour respirer convenablement. On resta comme cela quelques secondes ou seul le bruit rugueux de l'air entrant et sortant de mes poumons était perceptible.
« Et tu as besoin de sortir pour ça ? murmura-t-il. »
Améchanie : Esprit de l'impuissance.
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Apophiis
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