Chapitre 1 : Jimin
Je m'engageai dans une ruelle peu éclairée de la capitale. Un fou diriez-vous ? Vous n'êtes pas si loin que ça de la vérité. Même si mon état ne requiert pas de prise en charge psychiatrique, il ne valait mieux pas croiser mon chemin.
J'errais dans cette ville, dont je ne connaissais que le nom, sans but réel, sans objectif à atteindre. Il fallait juste que je disparaisse, loin. Bien sûr, partir était une solution, mais lorsque l'on ne parle que deux langues peu connues dans le monde, il est difficile de s'exiler.
Le Japon était ma seule option pour l'instant. Je ne pouvais pas rester en Corée, étant recherché par deux groupes. La blague, s'ils savaient. Que les flics me tracent au cul, c'était bien normal, mais les autres, non. Enfin si, mais j'avais encore du mal à réaliser.
Comment en l'espace d'une nuit ma vie avait-elle pu basculer ? Je ne dirais pas que je vivais dans la plus grande sérénité, mais j'étais plutôt heureux, dans un sens. J'avais mon père, un travail, des amis et lui...
— Putain !
Ça tournait en boucle dans ma tête. Cette nuit, son corps, son odeur, sa chaleur, ses mains dans mon dos. Nous deux dans ce lit, son regard, ses avertissements.
Pourquoi ?
Pourquoi lui ?
Pourquoi moi ?
Je m'étais fait avoir dans les deux sens. Quel con je faisais ! Je n'avais rien vu venir, aveuglé par mes sentiments. Mon cerveau se foutait bien de ma gueule.
Oh, des signes, il m'en avait envoyés. Mais tel un idiot, je les avais tous ignorés, balayés d'un revers de main.
Je rigolais tel un décérébré, les gens se retournaient sur mon passage. Qu'est-ce qu'ils voulaient, ma photo ? Sérieusement, c'est quoi leur problème ? Ils n'avaient jamais vu un mec paumé se parler à lui-même ? Pays d'merde !
Je ne voulais pas quitter la Corée, c'était ma langue, mes coutumes, mon environnement. Sauf que maintenant j'étais l'homme le plus recherché de la nation. D'une part par les flics, de l'autre par les Dragons.
Ils me manquaient.
Je devais maintenant changer d'identité, de physique, de boulot, de tout en somme. J'en étais ravi, vraiment. Non, sérieusement, ça me cassait les couilles, mais ma vie (survie) en dépendait.
Dès que j'eus mis un pied sur le sol du pays du soleil levant, je m'étais dirigé dans un salon de coiffure. Adieu beau brun ténébreux, bonjour blondie et les moutons.
Pour l'identité, il fallait que je trouve un mec assez calé dans le domaine pour me faire de faux papiers ; je devrai aussi dire adieu à mon joli petit nom. Enfin, j'allais juste changer mon nom de famille. De toute manière, si on m'appelait autrement que Jimin, je ne me sentirais pas concerné, donc à quoi bon.
Dernier problème à régler, le fric. Oui, parce que bien que je me fusse barré avec cinq millions de Won, il fallait que je puisse payer un loyer, de la bouffe et mes clopes. D'ailleurs, je devrais m'acheter un paquet, j'étais encore sur les nerfs.
Je pensais tout ça, mais en vrai je me connaissais. Dans moins d'une semaine j'allais commencer ma phase d'autodestruction, comme à chaque fois que ma vie déraillait.
Comme à chaque fois, j'allais retenir mes larmes, ne pas montrer que j'étais affecté et me fendre de l'intérieur. C'était ma destinée, mon credo.
Je ne l'ai pas choisi, je suis né avec.
Je continuais de marcher, suivant les routes un peu au hasard. Le paquet de cigarette à peine en main que je m'en grillais une ; la nicotine m'avait manquée.
Arrivant dans un quartier un peu plus fréquenté, je rabattis la capuche de mon sweat sur mon front. Même en blond je n'étais pas encore serein. Baissant la tête, je naviguais à travers la marée humaine du centre de Tokyo.
J'avais soif et je voulais oublier, au moins ce soir.
J'entrai dans le premier bar qui se dressa sur ma route. Il ne payait pas de mine, mais pour un verre de rhum il ferait l'affaire. La clientèle était exclusivement masculine et les employés, mis à part le barman, uniquement féminine. Génial.
Quand on connaissait ce pays et ses tendances, ce n'était pas choquant. Par contre, leurs tenues l'étaient. D'où tu sers des whiskys en mini-jupe en cuir à minuit passé ? J'imaginais un patron bien chiant et très machiste. Et moi, comme un con, j'allais lui filer mon oseille.
Bravo Jimin, mets ça aussi sur ta liste pour le purgatoire.
Je ne donnais pas cher de ma peau.
Alors que la serveuse était partie chercher ma boisson, une personne attira mon attention. Bon, le gars était assis juste devant moi aussi je ne pouvais pas le louper. Il était au téléphone et sa conversation me parut bien intéressante. Surtout qu'il parlait coréen.
— Non, je ne fais pas dans ce genre-là.
Bien sûr, je n'entendais pas son interlocuteur, il fallait que je comprenne avec la moitié des informations.
— On n'est pas amis, t'as juste besoin de moi parce que tes gars sont des couilles molles et qu'à la moindre complication ils se chient dessus.
Il était tendu, je le voyais d'ici à sa jambe qui tressautait sur elle-même.
— Et alors, je fais ce que je veux, je n'ai pas de compte à te rendre et ce fric je n'en ai pas besoin.
Du fric ? Alors par contre ça m'intéressait, éventuellement.
— Kyungsoo, je ne prendrai pas ta pute en filature, compris ?
Il raccrocha. Alors comme ça, un certain Kyungsoo payait pour qu'on suive sa gonzesse ? Personnellement, moi, le travail je le prenais.
— Eh, toi !
Il ne bougea pas d'un pouce. Il le faisait exprès ou bien il ne m'entendait réellement pas ?
— Oh mec, retourne-toi !
Enfin, ce n'était pas trop tôt.
— Dis, je n'ai pas pu m'empêcher de t'écouter et j'avoue que si toi tu ne le veux pas, moi j'prends le job. Y-a pas moyen que tu me files son num ?
Il arqua un sourcil et me dévisagea de haut en bas. Il avait un problème lui aussi ? Putain, mais pourquoi fallait-il en permanence que les gens me scannent ? Je lui offris ma plus belle tête de blasé. Après sa petite inspection, il se retourna sans même me répondre. Il y avait dans ce monde un nombre incalculable de personnes qui méritaient des claques.
Deux, trois, ou cinq verres de rhum plus tard, je décidai enfin de bouger pour me trouver un lieu où dormir. Pas qu'il faisait particulièrement froid, mais j'aimais avoir mon petit confort.
Remettez-moi le prix Nobel de la connerie car je venais encore de m'engouffrer dans une ruelle particulièrement sombre. Je n'avais pas peur du noir, et encore moins de la solitude. Cependant, les quatre mecs qui me suivaient, eux, je les aurais bien évités.
— Oh l'ami, attends !
Ah, on était amis ?
— Dis-moi, que fait un gars comme toi seul, ici, le soir ?
— Bah vois-tu, là je viens de finir une passe à dix mille Yen et je m'apprêtais à rejoindre un client dans le centre. Et toi ?
Oui, clairement je me foutais de sa gueule. Je n'étais pas d'humeur.
— Oh, une tarlouze ! s'exclama-t-il. Eh bien, encore un déchet que je vais me faire une joie de déglinguer.
Je n'aurais pas dû.
Pas que je n'étais pas en mesure de lui refaire le portrait, mais quatre contre un, j'étais fichu. Il ne me restait plus qu'à endurer les coups jusqu'à qu'ils se lassent. J'avais été formé pour ça.
Le passage à tabac fini, je revins sur mes pas tant bien que mal, histoire d'avoir un peu de luminosité, ma vue étant brouillée. Ils n'y étaient pas allés de main morte. Mon œil gauche ne s'ouvrait plus, ma lèvre inférieure pissait le sang et je ne parlais même pas de mon arcade sourcilière qui devait être ouverte vu la douleur que je ressentais.
Mais le plus inquiétant était mon torse. Ma cage thoracique me faisait un mal de chien, je devais sûrement me rendre à l'hôpital passer un scanner. Putain, s'ils m'avaient pété une côte j'allais dérailler.
La rue n'était qu'à quelques mètres, mais mon avancée devenait de plus en plus chaotique. Le goût du fer remplissait ma bouche et de petits points noirs dansant devant moi, m'avertissaient d'un malaise imminent.
J'aperçus une silhouette se diriger vers ma personne. Cependant, avant qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit, je m'écroulai au sol, inconscient.
⊱♛⊰
Apophiis
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