2- Les arènes regionales

Le père d'Elio était dans son salon, journal devant lui, assit à la table à manger. Il se sentait vieillir, ce matin encore il avait découvert un nouveau cheveu blanc dans ses cheveux courts. Il avait de plus en plus mal au dos et la cerise sur le gâteau, il se mettait à faire des trucs de vieux. Il portait des lunettes rectangulaires et plissait les yeux comme si c'était la formule magique pour pouvoir lire. Dire qu'il y a dix ans, il courait avec Élio et que maintenant, il se tenait le dos à chaque fois qu'il terminait sa journée. Il lisait le journal tous les jours, installé à la même place, jusqu'à ce que le réveil de son fils sonne. Ensuite, il supervisait son entraînement, puis s'occupait de sa ferme l'après-midi. Sa femme le remplaçait au travail le matin et quelques fois l'après-midi. C'était elle qui leur permettait d'avoir du beurre dans leurs épinards et il le savait.

  Il n'avait pas eu la chance de naître avec un don. Alors, lorsqu'il avait vu les prouesses de sa descendance, il aperçu en lui un immense espoir. Même maintenant, même si son niveau stagnait, tellement que sa mère n'y croyait plus. Élio maîtrisait les armes mais malheureusement, dans les arènes, seuls les dons comptent. Cette connaissance servait surtout à lui apprendre à se déplacer, à esquiver. Il était très doué. Mais pour son don, il ne passerait même pas la première étape de l'arène du village. Tout ce qu'il savait était que garder son don secret était la meilleure manière pour Élio de gagner ses matchs : moins ses adversaires sauraient, mieux ce serait.

   Sa femme descendit les escaliers centraux et arriva dans le salon. Elle était grande, possédait des cheveux longs, bruns, était fine et malgré son travail à la ferme, était très élégante. Elle avait les doigts fins des grands aristocrates. En face des escaliers, une armoire comblait un vide, à gauche, un salon, salle à manger, assez lumineux s'étalait; à droite, une vielle petite cuisine bleue était disposée, les lumières au plafond dont l'éclairage suffisait à rendre la pièce encore plus âgée.

   Elle alla en direction de son mari, déplaça sa chaise et s'est assit. Il ne releva pas la tête de son journal, le tendant d'un mouvement de bras et le doux bruit du papier se fit entendre. Il plissa les yeux tout en basculant son visage et déclara :

– Les combats d'arène commencent bientôt. J'emmènerai Élio en voir quelques uns.

   Sa femme le regarda. Elle savait que l'emmener signifiait du travail supplémentaire qu'elle aurait à effectuer.

– Tu es sûr de vouloir l'emmener ?

   Son mari leva les yeux de son journal, le laissant légèrement retomber.

– Bien sûr chérie ! Il faut bien qu'il s'améliore ! Je suis sûre qu'en regardant de bons combats aux arènes régionales il s'améliorera.

– Aux arènes régionales ?!, cria-t-elle, en se levant de sa chaise, offusquée,  Tu es fou ! Les places sont bien trop chères pour nous ! Tu as déjà acheté tellement de matériel pour Élio et maintenant tu veux l'emmener là bas ?! Il nous faudrait deux mois de travail pour rembourser.

   Elle se rassit la tête entre les mains.

– Dépenser autant d'argent alors que nous pourrions agrandir notre ferme avec celui-ci, continua-t-elle, dépitée.

   Son mari n'était nullement chamboulé, il croyait tellement en son fils qu'il aurait vendu sa maison si cela lui avait permis de lui offrir une place en arène.

– Je sais que ça parait beaucoup mais j'ai fait des économies, je peux l'emmener, répondit-il.

   Sa femme n'en pouvait plus, elle sanglota.

– Hélios, comment peux-tu encore y croire ? Il ne pourrait même pas remporter l'arène de notre village.

– Il y arrivera, je te le promets ! Laisse lui encore un peu de temps, il n'a encore jamais vu d'autres combats que ceux des arènes des villages alentours et on peut dire que le niveau ne vole pas haut.

   Sa femme soupira, elle n'avait plus d'argument à avancer. Alors, en espérant gagner, elle négocia :

– J'accepte seulement si Élio arrive à améliorer son don dans le mois qui suit !

   Le père d'Elio, toujours aussi calme, remettant le nez dans son journal, répondit :

– C'est d'accord.

   Sa femme était satisfaite. Son mari y perdait, pas elle. Jamais Élio n'arrivera à améliorer son don alors que cela fait trois ans qu'il n'arrive plus à avancer. Donc jamais ils n'iront à l'arène régionale et jamais elle n'aura à travailler d'arrache-pied pour récupérer cet argent. Elle ravala les derniers sanglots qui lui venait et alla s'installer dans son canapé.

   Tout à coup, avachit sur le canapé, elle se rappela que l'entraînement de son fils prenait beaucoup de temps et d'argent. Une vague d'anxiété l'attrapa. Elle allait finalement devoir travailler d'arrache-pieds. Elle s'est mordu la queue.

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