Cinq heures qu'elle était partie. Cinq heures. Et nous n'avons pas bougé d'un pouce. Je savais que je devais faire quelque chose, que je devais aller la sauver. Mais à quoi bon ? À chaque fois que nous entrions dans l'Elysée, nous étions pris en flag. Et on nous repoussait dehors. Chercher ma soeur serait inutile. Mais qu'allaient-ils lui faire ? Et pourquoi elle ? Jihyuk était si jeune, si vulnérable et fragile. Si jamais on lui faisait du mal, je m'en voudrais pour toujours. Je m'en veux déjà beaucoup pour ce qui s'était passé avec Monsieur Jung, mais peut-être que ce serait pire aujourd'hui...

J'étais là, dans l'immense salle de concert, allongé sur le lit qu'on m'avait prêté, à regarder le plafond. Peut-être que j'aurais dû aller avec mon père, sûrement même. On aurait dû se retrouver et se consoler mutuellement. Mais on ne s'est pas parlé une seule fois depuis que ma soeur était partie. Au lieu de ça, j'étais là, près de Taehyung. On ne se parlait pas, mais je savais qu'il pensait à la même chose. On y pensait tous. Et on ne faisait rien. 

Je sentis une langue me lécher les doigts. En tournant la tête, j'aperçus Holly, les poils partant un peu dans tous les sens. Il s'arrêta de me lécher et pencha la tête sur le côté. Je compris. Holly se demandait où était Jihyuk. Lui aussi, semblait triste. 

- Oui mon chien, je vais te sortir. 

Les muscles engourdis, je me levais tant bien que mal de mon lit. Je partis en direction de la sortie, Holly me suivant avec sagesse. L'avantage d'avoir un chien bien dressé, c'est qu'on est pas obligé de l'attacher à une laisse. Une fois à l'extérieur, un rayon de soleil me frappa en pleine figure. L'air de la France était doux, l'automne était là. La météo était à peu près similaire à celle de la Corée, ce qui n'était pas plus mal. J'inspirais aussi profondément que possible, puis relâcha le tout en expirant par la bouche. Ça me faisait du bien. 

J'ai préféré emprunter la rue opposée à celle qu'on prenait pour aller vers l'Elysée. Une rue un peu étroite, que je ne connaissais pas. Cela me faisait toujours bizarre de ne croiser personne. Aucun habitant. Même pas une souris. Ce silence était apaisant. Il contrastait avec le brouhaha incessant de la salle du concert. Personne ne rêverait de rester indéfiniment dans ce bruit. Sortir me faisait vraiment du bien. Mais mon petit bonheur allait être de courte durée. 

- Jimin !

En me retournant, je vis Yoongi courir vers moi. Je lâchai un soupir. 

- Vas-t'en Yoongi, je n'ai pas envie de te parler, dis-je une fois qu'il fut à ma hauteur. 

- Non, hors de question que je te laisse seul. 

Nouveau soupir. Je n'allais pas le contredire une fois de plus. Mais je n'avais pas le courage de discuter avec lui. Pas après ce qui s'était passé. Holly, tout en marchant, aboya et secoua la queue, comme s'il était heureux de voir ses deux maîtres réunis. 

- Je suis désolé pour ta soeur. 

- Non, tu ne l'es pas. 

- Si, bien sûr que je le suis ! Comment tu peux penser ça ? Je ne l'ai pas beaucoup vu avant cet été, mais je me suis attaché à elle. Elle te ressemble tellement...

Les larmes me montaient aux yeux en entendant cette dernière phrase. Non, elle ne me ressemblait pas. Elle ressemblait à notre mère. 

- C'est à cause de toi si elle est partie. C'est toi la taupe. 

- Putain, arrête de répéter ça ! Je te l'ai déjà dit, je ne le suis pas ! Pourquoi penses-tu que c'est moi ? 

- Parce que j'arrive plus à te faire confiance !

Ma voix se brisa avant même d'avoir terminé ma phrase. J'avais si mal à l'intérieur que je fus obligé de m'arrêter et de me coller contre le mur d'une maison. Les larmes coulaient enfin sur mes joues. Yoongi se sentait coupable, je pouvais le voir sur son visage. Je le vis se rapprocher d'un pas. Encore un, et il ne serait qu'à quelques centimètres de moi. 

- Jimin, je ne voulais pas faire ça. Je sais pas ce qui m'a prit, je... 

- Tes excuses ne servent à rien. Tu m'as fait du mal. Tu voulais me faire du mal. En me violant, et en m'empoisonnant chaque jour. Ton père serait si déçu d'apprendre ça, et la mort de ton frère aurait été veine, parce que tu es la taupe. 

- Je ne suis pas la taupe !!

Il me prit pas les épaules et me secoua fort, me plaquant contre le mur. En voyant mon regard surpris, il retira vivement ses mains, regrettant immédiatement son geste. Mes larmes venaient de s'arrêter de couler. En voyant son expression, aussi sincère qu'authentique, je savais qu'il restait en moi une once de compassion et de confiance envers lui, me permettant de lui révéler mon secret. 

- J'ai trouvé quelque chose appartenant à la taupe, dans la salle.

Le regard de Yoongi s'illumina. 

- Vraiment ? Qu'est-ce que c'est ? 

- Le cahier de Jungkook. 

Il fronça les sourcils. 

- C'est impossible. Il n'y a que moi et Jungkook qui avons touché à ce cahier. 

- Alors la taupe est soit toi, soit Jungkook. Car dans ce cahier, j'y ai trouvé la liste de tous les noms des groupes d'ARMYs français et coréens. Le mien était entouré plusieurs fois en rouge...

Son visage se durcit. 

- Et tu as reconnu mon écriture ? 

En y repensant, je n'avais pas vraiment fait attention aux formes des lettres. Dans mon souvenir, l'écriture n'avait rien de celle de Yoongi. 

- Non, ce n'était pas la tienne. 

- Donc je ne suis pas la taupe. Je pense que ce n'est pas Jungkook non plus, il connait tout le monde. La taupe doit être quelqu'un qui ne connait personne pour écrire le nom de tout le monde dans un cahier. 

J'ai baissé la tête pour regarder mes pieds. Il n'avait pas tort. Il avait même raison. Je me sentais ridicule de ne pas y avoir pensé plus tôt. 

- Jimin...

D'un geste délicat, il posa ses deux mains sur mes joues, et essuya mes larmes. Son toucher me provoqua un long frisson dans le dos. 

- Je t'ai fais subir des choses horribles - et le mot et faible -, dont je ne suis pas du fier et qui n'a rien d'un comportement de petit-ami. Je t'ai menti durant des mois, j'ai failli te tuer et j'ai failli abuser de toi. Je m'en voudrais toute ma vie, si tu savais. 

Ma gorge se noua en repensant à tous ces évènements. Pendant des mois, il m'avait menti à propos de la Cérémonie des Âme-soeurs. Ensuite, il a failli me tuer sur le bateau à cause du collier qu'il m'avait offert, mais c'était un accident, rien n'était sa faute. Puis je l'avais trompé en apprenant sa mort et il a voulu se venger... Notre couple avait vécu des hauts et des bas, c'était certain. 

-...Mais "l'avantage" avec les choses horribles, c'est qu'on peut les faire oublier et les remplacer par de bons moments. Comme notre première fois, notre mariage, ma première fois...

Un petit sourire s'afficha sur mes lèvres, le fixant avec des yeux larmoyants. 

- J'aimerais vivre d'autres moments comme ceux-là, Jimin. Rien que nous deux, juste toi et moi. Je veux me racheter pour tout ce que je t'ai fait subir. Vraiment. 

Mon coeur tambourina dans ma poitrine. 

- Promets-moi... Promets-moi de ne jamais plus me faire de mal...

- Je te le promets, répondit-il immédiatement. Je te le jure.

Son visage se rapprocha du mien, tandis que son pouce caressait ma lèvre inférieure. 

- Hyung...

À peine avais-je prononcé ce mot qu'il captura mes lèvres. Mon coeur rata un battement. Sa bouche était toujours aussi sucrée. Nous nous sommes embrassé un long, très long moment. Je n'avais plus la notion du temps. Les secondes, les minutes... Je n'y pensais même plus. Yoongi passa une main sous mon tee-shirt, puis souleva l'une de mes jambes pour caresser ma cuisse. Le désir se propagea dans mes veines. Mais j'ouvris les yeux. 

- Non, a-arrête, dis-je en me retirant, reposant mon pied sur le sol. On ne peut pas penser à ce genre de choses en ce moment. Et puis, c'est encore... trop tôt. 

Il pinça les lèvres, puis hocha la tête. 

- Je comprends. 

Le soleil fut recouvert par quelques nuages. Après avoir joué avec mes mains timidement, je me suis mis à rire. Yoongi me regarda d'un drôle d'air. 

- Pourquoi tu ris ? Tu te moques de moi ? 

J'ai fini par me calmer, puis j'ai secoué la tête. 

- Non, c'est juste que... On fait que de se séparer, et de se remettre ensemble. Notre relation n'a rien de stable.

Yoongi haussa les épaules. 

- Peut-être, mais je ferais tout pour qu'elle ne bouge plus cette fois. 

Il m'embrassa une seconde fois, me donnant un bref baiser. Puis il observa mes points sur mon front, ceux qu'il m'avait fait en me jetant contre le lavabo des toilettes. Un sentiment de culpabilité passa dans ses yeux pendant une ou deux secondes, puis il déposa ses lèvres dessus, me tirant une grimace. 

- Je suis désolé pour tout, si tu savais, déclara-t-il en caressant ma joue d'un geste tendre. 

- Je sais. N'en parlons plus. 

Nous avons promené Holly pendant une vingtaine de minutes pour qu'il fasse ses besoins et nous sommes tranquillement retournés vers la salle de concert. En rentrant, je sus que quelque chose d'anormale se tramait. Un groupe s'était attroupé dans l'entrée de la salle, et les personnes qui le composait semblaient très remontés. Dans ce groupe, il y avait mon père, le père de Yoongi, la chef des ARMYs français, Tae, Jungkook, Namjoon et Sangmin. Ce dernier était agenouillé au centre, Jungkook le tenant par l'épaule pour l'empêcher de se relever. Namjoon était abattu. 

- Hum, qu'est-ce qui se passe ? demanda Yoongi en s'approchant de l'attroupement, moi à ses côtés. 

Taehyung nous regarda avec un oeil mauvais en apercevant nos mains liées, signe que nous nous étions remis ensemble. 

- On sait qui est la taupe. C'est Sangmin. On a retrouvé du poison dans ses affaires, révéla Jungkook. 

Cette information ne m'étonna même pas. On l'avait tous soupçonné à un moment ou à un autre. Mon regard se posa sur Namjoon. Je n'osais imaginer sa peine. 

- C'est tout ce que vous avez retrouvé dans ses affaires ? demandais-je.

- Oui, confirma le copain de mon meilleur ami. 

Je secouais la tête. 

- Alors Sangmin n'est pas la taupe. 

Chacun se tourna vers moi avec une tête ahurie. 

- Bien sûr que si, puisqu'il t'empoisonne depuis des jours ! s'exclama Taehyung. 

- La taupe doit donner des informations au Président. Pour cela, il aurait dû posséder des micros ou ce genre de chose, vous ne pensez pas ? 

Personne ne pipa mot. J'avais raison, visiblement. 

- Peut-être qu'il les cache ? suggéra Tae. 

- Non, je ne pense pas. 

- Pourquoi tu fais tout pour le défendre ? continua-t-il d'un ton accusateur. 

 - Je ne le défends pas, je dis juste que Sangmin n'est pas celui qu'on croit. La taupe est toujours parmi nous. 

Sangmin, à genoux devant moi, me regardait comme un insecte. 

- Le Ministre, mon père, savait qu'il allait mourir. Il m'a donné une dernière mission le jour où vous avez tous envahi le Ministère. Il m'a demandé de détruire votre groupe en m'y infiltrant. Mais je n'ai aucun contact avec le Président. 

Je ne vois pas en quoi m'empoisonner pouvait aider à détruire le groupe des ARMYs. D'une vitesse fulgurante, Yoongi dégaina son flingue et le pointa sur le front de Sangmin. Ce dernier ne cilla même pas. La rage pouvait se lire à travers l'expression de mon Âme-soeur. 

- Non, Yoongi, ne fais pas ça. 

- Il... Il t'a fait du mal. Je ne laisserai plus personne te faire du mal. 

- Il peut encore nous servir. 

- Tu ne comprends pas, Jimin ?! demanda-t-il en me regardant par-dessus son épaule. Quand je t'ai sauvé de l'hôpital, j'ai cru que tu étais mort. Ce fils de pute m'a fait croire que tu étais mort. J'ai eu tellement peur, j'ai cru que c'était la fin. Heureusement, tu respirais encore, mais pour combien de temps ? La mare de sang dans ta cellule fut un si grand choc, que j'ai dû mettre une heure à m'en remettre. 

Je jetais un regard à Taehyung, qui était là ce jour-ci. À son expression, il confirma les paroles de Yoongi. Ce dernier se retourna, et je le vis appuyer sur la gâchette. 

- Non ! hurlais-je. 

Mais il était trop tard. Le coup de feu résonna dans toute la salle, tout le monde se tourna vers le bruit. Le corps de Sangmin tomba au sol et une flaque de sang se forma. Namjoon pleurait. Je lançais un regard noir à Yoongi, qui ne le remarqua même pas. Il me poussa pour sortir du cercle et parti sans rien dire. Jungkook et mon beau-père s'attardaient déjà à sortir le corps loin de la vue de tous. Taehyung alla vers un placard, cherchant de quoi nettoyer le sang. Mon père et la chef française s'éloignaient en discutant de ce qui venait de se passer. Et moi, j'allais directement vers mon idole de toujours, devenu un ami. Voir son chanteur préféré pleurer faisait si mal au coeur. 

- Je suis tellement désolé, Namjoon. 

Je posais une main sur son épaule, mais il la repoussa gentiment. 

- Qu'est-ce que j'ai pu être con pour ne rien voir...

Pleurait-il à cause de son erreur, ou parce qu'il l'avait véritablement aimé ? Pouvait-on tomber amoureux en quelques semaines, malgré les évènements que nous étions en train de vivre ? Je n'avais rien à dire à ce sujet. Cette révolution nous rapprochait tous les uns les autres, que ce soit à cause des pertes que nous avons vécu, ou que ce soit grâce à l'espace confiné dans lequel nous devions vivre. 

Namjoon s'assit sur l'un des lits et pris sa tête entre ses mains. Je le rejoignis, caressant son dos amicalement. Son chagrin devait être immense. Perdre son premier Âme-soeur devant ses yeux, la toute première personne qu'il avait aimé, puis voir son deuxième petit-ami crouler sous une balle, devait faire un choc. Il ne faut pas oublier que nous n'étions pas habitué à voir les gens mourir avant tout ça. Mais il ne renonçait pas. Namjoon restait, car Seokjin lui avait dit de rester. Il lui avait dit de se battre. Et il le faisait. Ce rappeur était l'une des personnes les plus fortes que j'ai jamais connues. J'espère que si tout finit bien pour nous, il retrouvera l'amour, car il le mérite. 

Trop, c'était trop. Il fallait que tout cela cesse. Tous ces meurtres, ces trahisons... Je n'en pouvais plus d'attendre que cela prenne fin. Je me levai et me dirigeai vers la table qui servait de bureau installée sur la scène. Mon père y était, comme d'habitude, accompagné de Samuel et de sa mère. Je posai mes mains sur la table pour les faire réagir. Tous trois levèrent la tête dans ma direction. 

- Quand est-ce qu'on passe à l'action ? demandai-je d'une voix affirmée. 

- On n'a pas fini d'élaborer un plan. 

- Eh bien je vais vous aider, ai-je dit en m'asseyant face à eux. Le plan, c'est qu'on attaque par surprise dans la nuit, chacun de nous. 

- Nous aurons beaucoup de pertes si nous agissons ainsi, réagit la chef française. 

- Peut-être, mais tous ces gens savent pourquoi ils sont là. Ils savent tous qu'on ne pourra pas tous s'en sortir, mais au moins ils se battent pour une cause valable. Alors il faut qu'on agisse ou sinon, que l'on ne fasse rien. 

Samuel me fixait intensément. Si intensément que j'en rougis, me rappelant chaque détail de notre courte liaison. 

- Très bien, Jimin, trancha mon père. Nous attaquerons cette nuit. 

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Désolé du retard :x
Le prochain chapitre sera le dernier 😭