Chapitre II
J'ai pris le bouquin avec moi et je suis allé dans le dortoir. Yoongi dormait à poings fermés sur son sac de couchage, ou alors faisait-il semblant. J'ai posé le livre près de mon cadre photo, me suis installé près de l'ancien rappeur et j'ai sorti mon téléphone. Je suis directement allé sur Twitter. Je voulais voir un peu comment les gens réagissaient depuis hier, et il n'y avait rien de mieux que ce réseau social pour connaître les dernières nouvelles. Certains brûlaient l'album de Suga, d'autres étaient aux portes du Ministère avec des pancartes. Ils manifestaient. Ils n'avaient pas l'air très en colère. En même temps, les gens ne connaissaient pas la violence, ici. S'ils savaient ce que nous préparions en ce moment-même. Le ministre n'a toujours pas réagi aux attaques lui concernant. Yoongi a grogné près de moi. J'ai posé mon téléphone et je l'ai regardé de près. Merde, ce qu'il pouvait être craquant. J'ai passé une main dans ses cheveux, et je me suis rendu compte que je souriais comme un imbécile. Je n'arrive pas à lui en vouloir. Bien sûr, je lui en veux, mais pas au point que je l'aurais espéré. Il m'énerve. À chaque fois, je lui pardonne. Reprends-toi, Jimin, il te ment depuis le début. Je me suis figé lorsqu'il a ouvert les yeux. J'ai fait mine d'être intéressé par la fenêtre face à moi. Je me sentais bête. Il s'est redressé et s'est mis dans la même position que moi : allongé sur le ventre. Il a tendu le bras et de son index, il a dessiné dans la poussière présente sur le sol. J'ai tout de suite reconnu le tatouage que tous les ARMYs portaient.
- Ce triangle en haut, c'est nous. Le triangle en bas, c'est ceux qui nous dirigent.
- Pourquoi vous vous touchez ? demandais-je en indiquant les deux arrêtes qui se collaient.
- On a une chose en commun, le gouvernement et nous : l'amour. Tu vois, nous, on veut répandre l'amour. Eux, ils choisissent l'amour pour nous. Mais c'est pas vraiment comme ça que ça marche.
- Oui je comprends.
Il souffle sur la poussière, et le dessin disparaît, comme s'il n'avait jamais existé.
- Tu voudras te le faire ce soir ?
- De quoi ? Le tatouage ?
- Oui.
- Euh, je suis pas sûr...
- Tu es des nôtres, maintenant. C'est notre marque.
L'idée d'avoir un tatouage ne me déplaît pas, mais un dessin tel que celui-ci, je ne sais pas. Ça ferait de moi quelqu'un de plus dans la masse. Mais ce n'est pas ce que je suis. Je ne suis pas pour cette rébellion. J'ai été amené de force dans tout ça et je ne peux plus en sortir. Donc non, je ne me considère pas comme l'un des leurs.
Je vois Yoongi secouer la tête, comme s'il venait d'écouter mes pensées.
- Tu te rappelles quand j'ai amené ta sœur à la maison ?
J'opine du chef.
- Eh bien, tu ne m'as pas pris pour un fou ce jour-là. Tu n'as pas dit " Mais t'es un grand malade, ramène-là tout de suite chez ma mère !". Non, tu l'as juste pris dans tes bras et t'as profité du moment. Et cette expression sur ton visage à cet instant, j'ai su en la voyant que tu n'en pouvais plus de tout ça, toi aussi. J'ai vu dans ce regard triste un grand soulagement. J'aimerais revoir ce visage quand nous en aurons terminé avec tout ça. Je sais que tu es comme nous...comme moi...
Sa main vient se poser sur mon épaule pour la frotter doucement. Il me regarde tendrement, un petit sourire aux lèvres. Je me sens rougir. Je décide de me lever, avant de faire une bêtise, c'est-à-dire l'embrasser.
- Je...Je vais prendre une douche avant que tout le monde arrive.
Je fonce vers la petite salle de bain à l'autre bout du dortoir sans me retourner, mais je sens tout de même le regard de Yoongi dans mon dos. Son monologue laisse à réfléchir. C'est vrai que j'en ai marre de cette société de merde. Je veux revoir ma famille, plus que tout. Mais j'ai peur de l'inconnu. Et si jamais le monde que nous connaissons part en fumée ? Si la paix n'existait plus ? Si les gens se rebellaient ? Des tas de scénarios jaillissent dans ma tête, et ne veulent plus partir.
~
Il devait être pas loin de vingt-deux heures quand l'église fut remplie. Encore une fois, les principaux "leaders", composés de mon père, du père de Yoongi, de son frère et de Moon, s'étaient rassemblés autour de l'autel, les plans bien à plat devant eux.
- On va t'expliquer comment ça va se passer, m'adressa Monsieur Min. Au Ministère, des gens vérifient et surveillent les tas de cameras toute la nuit. Des capteurs à identification faciale reconnaissent l'identité des personnes. D'autres capteurs permettent de savoir dans quelle famille on appartient. Toutes ces caméras, je vais les éteindre la nuit de l'attaque, j'ai accès à la salle.
- D'accord.
- Quand je vous préviendrais vous pourrez tous partir pour le Ministère. Je vous ouvrirai et vous vous débarrasserez de tous ceux que vous croiserez. Certains d'entre vous attendrons dans les camions si quelque chose de non prévu arrive.
- Attendez, quand voulez-vous attaquer exactement ? demandais-je en croisant les bras.
- La veille de la Cérémonie. C'est-à-dire dans trois semaines.
J'avais donc trois semaines pour m'entraîner à tirer. Ça n'allait pas être de tout repos.
- Pourquoi ne pas attaquer le jour de la Cérémonie ? Cela ferait plus de spectacle, dis-je ironiquement.
- La salle de concert sera très surveillée et gardée, intervint Moon. Il sera quasiment impossible d'entrer. Tant de violence pourrait choquer les plus jeunes, et inciter les gens à faire de même. Et puis, nous avons prévu ce plan depuis des années.
- Je vois, je vois.
- Pour éviter d'être pris, certains pourront utiliser les conduis d'aération. Ils sont assez larges pour en faire entrer deux à la fois. Il y en a qui vont directement à la chambre du ministre.
- Qui est chargé de le tuer ?
Tous se retournèrent vers Yoongi. Mes sourcils se haussent. Il ne m'en avait jamais parlé. Mais ça ne me surprenait même pas. Il a été entraîné pour ça toute sa vie.
Je vois la porte de l'église s'ouvrir au loin. Et c'est Taehyung que je découvre, accompagné de Jungkook bien sûr. Je quitte les leaders et cours jusqu'à mon meilleur ami. Une fois à sa hauteur, je le prends dans mes bras pour ne plus le lâcher.
- Tu m'as trop manqué !
- A moi aussi, Jimin.
- Jungkook t'a tout raconté ?
- Ouais. C'est vraiment un truc de dingue ce qui arrive ! Je ne pensais pas qu'un groupe de résistants existait. Quand j'ai vu ça à la télé, j'étais sur le cul.
Il n'a pas l'air triste ou quoique ce soit, ce qui était plutôt étrange. Je regardais Jungkook, assis dans un coin.
- Il ne t'a rien dit d'autre ? demandais-je beaucoup plus sérieusement que la première fois.
- Euh, non. Pourquoi, il y a autre chose ?
- Oh...Peut-être devrais-tu aller le voir, il a deux mots à te dire.
Je le lâche et le force à aller voir son "Âme-soeur". Tae me fixe sans comprendre mais fait ce que je lui dis. Je sais ce qui m'arrivera ensuite. Je serais son épaule sur laquelle il pleurera. Je n'arrive pas à croire que Jungkook ne lui ai toujours pas dit qu'il ne l'avait jamais aimé. C'est vraiment un petit con. Je vois Taehyung se décomposer. Ça y est, il sait. Des larmes se forment dans ses yeux et quittent ses globes oculaires pour rouler sur ses joues. Jungkook ne parait même pas gêné ou autre. Il reste impassible. Taehyung commence à le taper. Gentiment au départ, puis violemment ensuite. J'accours et le détache du plus jeune pour l'emmener plus loin dans l'église. Il l'insulte de tous les noms tout en continuant de pleurer à chaudes larmes. Ça me fait tellement mal. J'ai pas l'habitude de le voir pleurer et ça fait toujours bizarre. On se pose sur des bancs l'un en face de l'autre calmement.
- Comment il a pu me faire ça ?! Putain comment il a pu ?
- Tu n'étais pas au courant pour les écrans et tout ?
- Si, mais je pensais que Jungkook m'aimait tout de même, que notre relation dépassait tout ça. Il m'a menti depuis le début, a profité de moi, de mon corps... Pourquoi tu me l'as pas dit ? demande furieusement le châtain.
- Je pensais que ce n'était pas à moi de te le dire !
- Mais si je l'avais su plus tôt, peut-être que ça m'aurait fait moins mal !
- Taehyung, rejette pas la faute sur moi d'accord !? Tout ce qui s'est passé, je l'ai appris en même temps que toi, je n'avais rien à voir là-dedans ! Et puis c'est pas en s'engueulant qu'on va arranger les choses !!
Taehyung finit par se taire. Il joue machinalement avec ses doigts, continuant de pleurer. Je le prends de nouveau dans mes bras, le berçant tel un enfant.
- Oublie tout ça. Pour le moment, on a autre chose à penser.
- Jimin, je peux te parler ?
Je relève la tête et aperçois le frère de Yoongi. Taehyung s'écarte de moi et s'essuie légèrement les yeux.
- Tu m'attends dans le dortoir ? C'est juste là.
Je lui indique la pièce et mon ami s'y dirige sans rechigner. Le frère de Yoongi prend sa place avec un petit sourire, le même que la famille Min. La ressemblance avec Yoongi est vraiment bluffante, j'en suis perturbé. Le bois grince sous nos arrières train, alors que je deviens plus tendu.
- Je suis...
- Yoosung, je sais. Yoongi m'a pas mal parlé de toi.
- Oui, j'imagine bien. On n'a pas eu encore l'occasion de se parler tous les deux.
Il m'a l'air chaleureux et sincère, il sait me mettre à l'aise. J'aime bien.
- C'est que Yoongi ne nous a pas présenté.
- C'est vrai, dit-il en rigolant. Il n'est pas très poli.
- Ou il est tête en l'air.
Il rit une seconde fois. Son regard se pose derrière moi. Je me retourne et vois Yoongi, parlant avec son père. Je refais face à son frère, et je peux voir dans ses yeux tout l'amour qu'il lui porte. J'imagine que j'ai déjà produit ce regard envers ma sœur.
- Tu sais, il ne faut pas lui en vouloir. Il ne t'a rien dit parce qu'il devait avoir confiance en toi, et être sûr que tu ne révélerais rien. On prépare ça depuis tant d'années, on voulait que rien ne vienne gâcher tout ce qu'on a produit depuis si longtemps.
J'hoche doucement la tête sans vraiment savoir quoi dire.
- Il a pas mal souffert dans sa vie. Il était rejeté par tout le monde à l'école, il n'était pas très sociable, il écrivait sans cesse. Il lui fallait quelqu'un dans sa vie. Et puis cette fille, Shin, est arrivée. Dès le premier jour où je l'ai rencontré, je l'ai détesté. Par Skype, on discutait et elle était là parfois, traînant sur son portable sans même relever la tête pour voir avec qui parlait Yoongi. Mais depuis que tu es arrivé, il a totalement changé. Il n'y a qu'avec moi qu'il s'ouvre totalement. Il n'y a qu'avec moi qu'il dévoile ses véritables sentiments. Et depuis peu, il agit de cette façon avec tout le monde. Il est de bonne humeur, sourie plus, semble plus enjoué. Comme si...il avait enfin une raison de vivre.
Mon cœur rate un battement.
- Je pense que tu es une bonne personne, Jimin. Je ne te connais pas, mais ce que tu as fait à mon frère, ça relève du miracle. Tu es la bonne personne pour lui. Alors, s'il te plaît, prend bien soin de lui. Il n'est pas toujours facile à vivre, ça c'est sûr, mais il mérite tellement...
- C'est lui qui t'as demandé de me dire ça ?
Il semble choqué par ma question.
- Non. Bien sûr que non. Ça n'est pas son genre. Tu sais comment il est franc. S'il a quelque chose à te dire, il te le dirait en face.
Il n'a pas tort. Justement, le voilà qui arrive, et il semble assez mécontent.
- Jimin, Jungkook t'attend pour le tatouage.
Je me lève du banc, sans vraiment savoir ce qui m'attend. Alors que je me dirige vers le salon de tatouage improvisé, je jette un dernier coup d'oeil derrière moi. Yoongi tape gentiment son frère même si son visage traduit la colère. Je crois que ça ne lui a pas plu qu'on discute ensemble. Est-ce que Yoosung serait connu pour être une sorte de Don Juan ? Ils n'ont que deux années d'écart après tout, peut-être qu'il lui a piqué des copines dans le passé. À l'autre bout de l'église, Jungkook a installé un brancard pour que je puisse m'y installer. Yoongi n'a pas mit longtemps à nous rejoindre. C'est dingue, il ne peut pas me quitter cinq minutes celui-là !
- Enlève ton tee-shirt et allonge-toi.
Je m'exécute. Je me poste bien en face de Yoongi, qui vient de prendre place sur le banc à ma droite. Un sourire moqueur aux lèvres, je retire lentement mon haut. L'ancien rappeur, les bras croisés, rougit comme jamais. Mon corps a toujours le pouvoir de le déstabiliser. Ça me fait rire. Vas-y Yoongi, regarde ce que tu ne pourras jamais avoir. Après qu'il est pu profiter de mes abdominaux, je me décide enfin à m'installer sur le ventre. Je pose ma tête sur mes bras et scrute Jungkook, qui prépare le matériel nécessaire.
- Est-ce que ça fait mal ?
- C'est comme une griffure de chat.
Génial, je me suis jamais fait griffé par un chat. Mais je suppose que la douleur est supportable. Il pose un papier sur mon omoplate, je devine que c'est le dessin sur lequel il va passer son aiguille dans quelques secondes. Il enfile des gants, prend l'outil au bout pointu et le trempe dans l'encre.
- Ne bouge pas surtout.
Il pose enfin l'aiguille sur ma peau, qui ne cesse de faire un bruit abominable. Je me mords la lèvre. C'est assez désagréable. L'outil vibre contre mon épiderme. J'ai l'impression de ne sentir que ça. Yoongi me surprend en se postant devant moi, un petit sourire aux lèvres.
- Tu peux tenir ma main si tu as trop mal.
Je la fixe, hésitant à lui faire cette faveur. Mais je finis par la prendre, parce qu'elle est douce et elle m'apaise.
- On a déjà un triangle de fait.
Je soupire. Nous sommes à la moitié du chemin. Nous entendons de gros boum derrière. Jungkook lève son aiguille et se détourne. Il n'y a plus un bruit dans l'enceinte de l'église. Je peux voir l'horreur sur chacun des visages. Nous avons tous peur que ce soit le gouvernement. Se pourrait-il qu'ils aient trouvé notre cachette ? Le père de Yoongi se dirige sans plus attendre vers les larges portes en bois. Il en ouvre une, et nous découvrons le visage de celui qui a fait tout ce raffut.
Monsieur Jung.
Je me détourne vers Yoongi pour voir sa réaction. Il serre la mâchoire et ses sourcils se froncent. Il lâche ma main et se dirige vers son père. Je m'attends à ce qu'il donne un bon coup de poing à mon ancien professeur, mais il n'en fait rien.
- Comment nous avez-vous trouvé ?
- Il n'a pas été difficile de vous suivre, répond le danseur avec un sourire moqueur.
Yoongi se poste près de son paternel en serrant les poings.
- Je veux pas de lui ici.
- Tu le connais ? demanda Monsieur Min.
- Oui...malheureusement.
- Je veux faire partie de votre groupe.
- Tout ce que vous voulez, c'est Jimin, renchérît le garçon aux cheveux roses.
- Allons, calme-toi Yoongi. Ce monsieur veut juste faire partie des ARMYs.
Hoseok afficha son plus beau sourire. Yoongi se retenait de lui sauter dessus.
- Et puis, si vous ne m'acceptez pas...je peux très bien allez dire au Ministère où vous vous trouvez en ce moment-même.
Le jeune de dix-neuf ans déglutit.
- Très bien. Mais vous resterez à au moins de cinq mètres de Jimin. Si je vous vois près de lui, vous êtes mort.
De mon côté, Jungkook avait terminé le tatouage. Apparemment, je saignais abondamment, alors le tatoueur m'a fait un joli pansement.
- Il faudra passer cette crème sur le tatouage plusieurs fois par jour pendant trois semaines. Yoongi te le fera, si tu veux.
Il me tend le flacon, que j'accepte avec joie. Je me lève du brancard sans remettre mon tee-shirt, puis va en direction du dortoir. Yoongi me rejoint à ce moment-là.
- Qu'est-ce qu'il veut ? demandais-je en parlant de Monsieur Jung.
- Il veut faire partie du groupe... Mais on sait tous les deux que ce n'est pas ce qu'il veut, pas vrai ?
Bien sûr que je le savais. Et ça me faisait froid dans le dos. Je n'ai jamais vu un homme autant forcer pour quelqu'un.
- Je n'ai pas confiance en lui. Mais alors pas du tout. Je suis sûr qu'il serait capable de tout révéler demain, et nous, on finira tous en prison.
- Faut lui donner ce qu'il veut, alors, suggérais-je.
Yoongi s'arrête, ses yeux s'écarquillent.
- Quoi ?
- Je veux dire, laisse-le me parler s'il en a envie.
Il passe une main dans ses cheveux, plus qu'étonné.
- J'arrive pas à croire que tu veuilles bien le laisser t'approcher ! Après tout ce qu'il t'a fait !!
- Si ça peut éviter au groupe de se faire prendre, je le ferai ! Et puis, on n'est plus ensemble à ce que je sache ! Donc arrête un peu avec tes crises de jalousie !!
Yoongi hoche doucement la tête en se pinçant les lèvres.
- Très bien. Mais je ne vous lâcherai pas. Je serai là à chaque fois qu'il sera avec toi.
- Fais ce que tu veux, je m'en fous...
Je roule mon tee-shirt en boule et cours vers le dortoir, le laissant seul avec les autres ARMYs.
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