Chapitre I

                   
Cela fait quelques heures que nous roulons. Nous avons quitté la ville depuis longtemps. Nous sommes maintenant en pleine campagne. Il n'y a donc plus de caméras pour nous surveiller. Nous arrivons en pleine forêt. Il y a pleins de voitures de garées ici. À notre droite, il y a un bâtiment en pierre. Comment ça s'appelle déjà...une église. L'Etat les à toutes fait détruire il y a très longtemps, sans qu'on en sache la raison. Tous comme les châteaux. Celle-ci est encore sur pied étrangement, c'est dingue. On s'arrête juste devant et Yoongi nous indique de descendre. Je prends Holly dans mes bras et avance lentement. Dès que la porte en bois s'ouvre, je vois des tas de gens bouger dans tous les sens. L'endroit est très éclairé et il fait très froid. Je contemple les vitraux. C'est vraiment beau. Je n'ai jamais vu une telle splendeur. Un homme d'une quarantaine d'années s'approche de nous. Il prend Yoongi dans ses bras. Je devine que c'est son père. Il ne lui ressemble pas du tout. Il n'a hérité de lui que la forme de son visage. Son père est plus musclé, plus entraîné.

- Tu as fait du très bon boulot mon garçon.

- Merci, Papa.

Je les regarde sans rien dire. Nous enfreignons encore la loi. Ce n'est pas en prison qu'on va aller, c'est à l'abattoir.

- Tu dois être Jimin.

Je serre la main qu'il me tend.

- Vous êtes...

-...Monsieur Min. Je suis ravi de te rencontrer. Tu dois être un peu déboussolé par toutes ces informations.

- Un peu, oui. C'est quoi, tout ça ?

Je vois Yoongi prendre un autre garçon dans ses bras. Il n'est pas difficile de deviner que c'est son frère. C'est lui, mais en plus vieux.

- Nous sommes un groupe de résistants. On aime se faire appeler "les ARMYs". Car chacun d'entre nous est une armée à lui seul.

On se dirige doucement vers le fond du bâtiment en forme de croix. Je regarde un peu autour de moi. Je découvre dans un coin des armes entassées. La dernière fois que j'en ai vu, c'était dans un manuel scolaire. Je me demande comment ils ont réussi à s'en procurer.

- Comment est-ce que vous avez appris, pour la Cérémonie ?

- Je travaille pour le gouvernement. Lorsque je l'ai appris, j'ai été horrifié. Je me suis dit qu'on ne pouvait plus continuer à vivre dans le mensonge. Les gens devaient savoir. J'ai donc créer ce groupe dans le plus grand secret. Quand je vais au ministère, j'ai l'impression d'être le seul à avoir un esprit rationnel. On dirait que ça ne choque personne. Je suis comme une taupe parmi des singes.

- Et pourquoi avoir attendu tout ce temps pour tout révéler ?

- Je voulais que Yoongi atteigne sa majorité. Il a été élevé pour faire ça. Ça fait des années que nous nous préparons dans l'ombre.

Une fois à l'autel, j'aperçois une tête que je connais. J'écarquille les yeux.

- M-Moon ?

- Bonsoir, Jimin. Enfin tu es là.

Je me rappelle la dernière fois que je suis venu chez elle. Elle m'avait dit de regarder dans le grenier de la maison, et j'y avais trouvé des livres et des albums photos. À cette époque, la Cérémonie n'existait pas, et les gens pouvaient se marier avec qui ils voulaient. Ça ne m'étonne donc pas de la voir ici.

Plusieurs personnes, dont ma voisine, se trouvent autour d'un plan. De nombreuses pièces y sont représentées.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Le plan du ministère, me réponds le père de Yoongi en posant ses mains sur le papier.

- Pourquoi faire ?

- La première étape, c'est tuer le ministre. La deuxième, c'est le président. On va donc s'infiltrer au ministère, et faire ce qu'on a à faire.

Je manque de faire tomber Holly.

- T-Tuer le ministre ? Vous êtes sérieux ?

- Tout à fait.

- Attendez, vous essayez de rendre le monde meilleur, de créer une société meilleure, mais personne ne sait réellement si elle sera mieux que celle dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Et pourquoi en arriver aux...armes ? La guerre n'a jamais réglé quoique ce soit que je sache.

- C'est ce qu'on t'a appris à l'école. Parfois, il faut passer par la violence pour avoir ce qu'on veut. Et tu ne peux même pas imaginer ce qui se passe au ministère. Ils cachent des choses terribles, qui te feraient pâlir.

Il vient de me clouer le bec. Je ne dis plus rien. C'est vraiment du délire. Tuer le ministre... On n'est même pas sûr d'y arriver. En levant les yeux du plan, je croise le regard de Yoongi de l'autre côté de l'autel. Les sourcils froncés, on dirait qu'il essaie de savoir ce que je pense. Soudain, une fille de notre âge lui saute au cou. Une blonde à la figure pleine de peinture. Sans attendre une seconde, elle galoche le garçon au cheveux roses. Je me raidis.

- Yoonginou, tu m'as trop manqué !!

"Yoonginou" me lance un regard gêné. La blonde suit son regard et le pose sur moi. Elle devient très vite dégoûtée.

- Qu'est-ce que ton Âme-sœur fait là ?

Je sens mon corps se contracter. Elle est sérieuse ?

- Euh, viens, faut qu'on discute tous les deux...

Les deux jeunes s'écartent du groupe, tandis que je les suis des yeux.

- C'est qui ?

- C'est sa petite amie d'avant la Cérémonie. Ou plutôt "c'était".

Ses paroles ne me rassurent qu'à moitié. Je ne sais pas ce qu'il lui trouve. Elle semble très hautaine. Tout le contraire de moi, en somme. À côté d'eux, un homme porte des munitions près de la montagne d'armes. Je plisse les yeux. Non. Dites-moi que je rêve. Je m'écroule au sol, faisant tomber Holly par la même occasion. Les larmes m'empêchent de voir correctement. Tout autour de moi disparaît. C'est impossible. Ça ne peut pas être vrai. Je sens une main dans mon dos.

- Jimin, est-ce que ça va ?

Je ne sais si c'est Yoongi ou son père, et je m'en fiche à vrai dire. Mon corps tremble de partout. J'ai espéré que ça arrive tant de fois que j'ai peur d'ouvrir les yeux et de voir que tout est faux. Je relève la tête, le visage trempé. Il se tient juste devant moi, les larmes aux yeux également. Je me relève et le prend dans mes bras.

- Papa...

Le mot est à peine audible. Ses lèvres se posent sur mon front. Je n'arrive pas à le croire. Il est vivant et il est là.

- Tu m'as tant manqué, Jimin...

On ne se lâche pas pendant une bonne dizaine de minutes. Je n'arrive pas à m'arrêter de pleurer.

- Mais tu...tu as été déclaré mort...

- Je l'ai fait croire. Ça fait trois ans que je suis ici. Qu'on prépare tout dans les moindres détails.

- Pourquoi ? Pourquoi tu nous as laissé ? On avait tant besoin de toi...

- Je sais, mais cette bataille ne vous concernait pas. Je voulais vous protéger, et ne pas vous impliquer dans cette histoire.

Si Maman nous voyait. Jihyuk l'a à peine connu. Elles avaient plus besoin de lui que jamais. Et il se battait pour quelque chose qui ne verrait peut-être jamais le jour. Il avait changé. Ses cheveux avaient poussé et il se laissait sa barbe grandir.

- Où est-ce que tu vis ?

- Ici-même. Personne ne doit savoir que j'existe. Si je mets un pied dehors, avec les caméras, ce n'est même pas la peine.

- Mais j'y pense... et nous ? demandais-je en me tournant vers le leader de la famille Min. Je suis sûr que les autorités sont déjà chez nous à fouiller, ou à tout détruire. S'ils nous retrouvent, ils essaieront de nous tuer...

- Pas sûr. Yoongi s'est fait un nom avec Suga. S'il disparaît tout à coup, les gens se demanderont pourquoi. Mais en attendant, vous resterez ici vous aussi. Il y a un dortoir juste ici, avec tout le nécessaire. Nous, on vient ici tous les soirs depuis des années. On vous emmènera des provisions, vous ne manquerez de rien.

Je me dirige vers la salle qu'il vient de m'indiquer. J'ouvre la porte et découvre un grand dortoir avec des lits en très mauvais état. Enfin, "lit" était un bien grand mot. C'était plutôt "sommier" et "sac de couchage". C'était donc ici, ma nouvelle maison. Génial.

~

J'ai été étonné de voir que Yoongi avait préparé un sac avec le strict nécessaire. Il avait pris des vêtements à moi et à lui, ainsi que quelques peluches à moi, et mon cadre photo avec ma mère et ma sœur. Quand tout le monde fut parti, on s'est installé dans le dortoir. Je les enviais. Ils retournaient à une vie normale alors que nous, on vivait comme des criminels. Papa s'est installé tout au fond pour pouvoir écouter la radio, et nous laisser plus "d'intimité". Les sommiers étaient en si mauvais état qu'ils menaçaient de tomber en morceaux d'un moment à l'autre. Alors je me suis installé à même le sol, dans mon sac de couchage. Yoongi a fait de même. J'étais dos à lui et je regardais le cadre photo face à moi. Je serrai Holly contre moi. Ses petits ronflements et la respiration de Yoongi se mélangeaient harmonieusement.

- Jimin-

- Chut, je réfléchis.

- Tu réfléchis à quoi ?

- Au moment où tu as gâché ma vie. D'après toi, c'était quand ? Le jour de la Cérémonie ou aujourd'hui ?

Je l'entends soupirer derrière moi.

- Jimin, je sais bien que je t'ai embarqué là-dedans sans même te demander ton avis...

- Ça oui, on peut le dire.

- Mais je sens qu'on ne s'est pas rencontré par hasard. Ce n'est pas la Cérémonie qui nous a réunit, c'est le destin.

Le vent frais entre dans la pièce et fait bouger les bougies que nous avons allumé.

- Tout ce que je voulais, moi, c'était vivre une vie normale. Je voulais me marier, avoir des enfants, vieillir. Je me retrouve à vivre comme un hors-la-loi, à me battre pour une cause perdue d'avance.

La mélancolie s'entend bien dans ma voix.

- Pourquoi tu dis qu'elle est perdue d'avance ?

- Ça semble évident, non ? Vous êtes combien, deux-cent ? Et au ministère ils sont combien, des milliers ? On va tous mourir sous leurs balles avant même d'en avoir franchi les portes.

- On est peut-être en minorité, mais on prépare un plan depuis si longtemps qu'on pense qu'il marchera. Et tu sais, nous ne somme pas que deux-cent. On est en contact avec d'autres groupes comme nous, dans d'autres pays. Chaque ministre mourra le même jour, c'est fixé.

Donc, dans d'autres pays aussi, on se révolte ? Je ne l'aurais jamais cru. On ne se parle plus pendant quelques minutes. Ma tête me dit de dormir mais mon corps ne veux pas. Il s'est passé tellement de choses aujourd'hui. Je me retourne pour voir si Yoongi dort. Quand je me rend compte que non, et qu'il me regarde, mon coeur fait un bond. Sa joue est encore rouge dû à la belle claque que lui a donné la blonde tout à l'heure. J'aimerais bien lui en redonner une, moi aussi.

- Elle est où ta mère ? Je ne l'ai pas vu.

- Elle est...partie de la maison, quand elle a su ce qu'on préparait. Elle nous prenait pour des fous.

- Mais, on n'a pas le droit. Personne ne s'est rendu compte de son absence ?

- Mon père travaille pour le gouvernement, donc personne n'a cherché à vérifier. Il a fait croire que tout allait bien dans son couple, et tout le monde l'a cru.

Ses yeux brillent. Il a dû être très affecté par son absence.

- Jimin, on peut faire un deal ?

J'arque un sourcil.

- Un deal avec toi ? Non merci.

Il semble touché par ma réponse.

- J'arrive plus à te faire confiance, Yoongi.

- Je te promets de ne plus rien te cacher, de te révéler toujours tout, si tu me promets de toujours rester avec moi.

Il lève la main, attendant que je frappe dedans. Son regard est implorant. Je rencontre sa paume en soupirant.

- Deal.

Il affiche un grand sourire. Je dois avouer qu'il est très attirant sous la lueur des bougies et de la lune.

- Faut que je t'avoue quelque chose. Ça ne fait pas que trois mois que je t'aime. Les crises de jalousie, tout ça, c'était bien vrai. C'est juste qu'au début de notre relation, juste après la Cérémonie, je continuais à voir Shin. Mais mon amour pour elle s'épuisait, tandis que mon amour pour toi grandissait. Je ne voulais pas t'aimer, parce que je savais que tu ne m'étais pas destiné. Mais j'ai craquer. Je ne voulais pas coucher avec toi parce que je voulais que tu saches la vérité avant qu'on le fasse. Sinon tu aurais regretté ta première fois. Tu aurais cru que j'aurais profité de toi, et c'est pas du tout ce que je voulais. Demain, je te révélerai la vraie signification du tatouage. On le porte tous ici. C'est ce qui nous différencie des autres. Bientôt, toi aussi tu l'auras.

Je ne sais pas quoi répondre. Je vois bien qu'il me dit la vérité, mais je n'arrive pas à lui pardonner. Je n'arrive plus à lui faire confiance. Après tout, il m'a menti pendant des mois. Il aurait pu me le dire, je n'aurais rien révélé sur la Cérémonie. Si quelqu'un peut garder des secrets, c'est bien moi. Je finis par me détourner, méditant sur tout ça. Alors que je suis sur le point de m'endormir, je sens son ventre se coller à mon dos. J'ai envie de le repousser, mais je n'en ai pas la force. Et puis, son souffle dans ma nuque me fait plutôt du bien.

~

- Donc si je comprends bien, la première étape, c'était toi révélant la vérité au pays entier. La deuxième étape, on s'infiltre au ministère puis on abat le ministre, la veille de la Cérémonie. Et ensuite, on ira tuer le président.

- Exact.

- Imaginons qu'on arrive à tuer le ministre. Comment on fera pour tuer le président ? Il est à Paris, à l'autre bout de la terre.

- Et ton père alors ? Tu as oublié qu'il travaillait en mer ? Il a un bateau qui peut tous nous emmener.

On sort de l'église et la lumière du soleil nous aveugle. Il fait plus chaud ici qu'à l'intérieur. Derrière le bâtiment se trouve un véritable camp d'entraînement, avec des épreuves physiques intenses. Je suppose que je devrais m'entraîner moi aussi. Je ne sais pas où Yoongi m'emmène. Bientôt, nous arrivons dans un champ à hautes herbes. Au fond, des canettes de soda sont posées sur des troncs d'arbres. Yoongi s'arrête et je fais de même. Il sort de sa poche de pantalon un pistolet chargé. Il le brandit et vise l'une des canettes. Il appuie sur la gâchette et le coup part, me faisant sursauter. La canette vole plusieurs mètres plus loin de son emplacement initial. J'imagine une véritable personne à la place de cette pauvre canette vide. Je déteste ça. La violence, je connais pas, et je ne veux pas connaître ça.

- À toi, maintenant.

Je secoue vivement la tête.

- Non, je ne pourrais jamais faire ça.

- Il le faut, Jimin.

Il me tire par le poignet et me force à prendre place devant lui. Sa tête se posant sur mon épaule, il place le flingue entre mes mains. Je déglutis.

- J'adore tes mains. Elles sont minuscules, comme si elles n'avaient pas terminé de grandir.

C'est vrai que ses mains font le double des miennes. Il m'aide à pointer l'arme en face des canettes. Son index force mon doigt à appuyer sur la gâchette. J'obéis et ferme les yeux. La balle part, mais le coup est manqué.

- C'est pas grave, on va recommencer.

On reproduit les mêmes gestes, cette fois la canette vole.

- C'est très bien, maintenant essaie tout seul.

Il retire ses mains des miennes et je me concentre. Si je réussis tout seul, peut-être qu'il me laissera tranquille avec ça. Je souffle un grand coup puis tire. Je commence à m'habituer au bruit assourdissant. La troisième canette atterrit sur le sol.

- Tu es doué.

Je tourne la tête vers lui en pinçant les lèvres. Il est un peu trop proche à mon goût.

- Shin, tu l'as plaqué hier ?

- Oui. Elle n'a pas été très contente. Mais ça peut se comprendre, après deux ans de relation.

Je forme les poings.

- C'est avec elle que tu as fait ta première fois ?

- Oui, c'est avec elle.

J'hoche la tête, contrarié. Ça fait toujours mal d'entendre ça.

- Tu es jaloux ?

- Non, ai-je menti. Après tout, tu fais ce que tu veux. Ça ne me regarde pas. On est plus des Âme-soeurs que je sache.

- C'est avec toi que je veux être, pas elle.

Il se penche doucement vers moi pour pouvoir m'embrasser, mais je tourne la tête au dernier moment. Gêné mais compréhensif, il me lâche les épaules et se gratte la nuque. Je ne suis pas encore prêt à reprendre cette relation là où elle s'est arrêtée.

- Tu m'en veux toujours...

- Tu aurais dû me le dire.

- Et si je te l'aurai dit, qu'est-ce qui se serait passé, hein ? On n'aurait jamais été aussi proches, on ne se serait jamais aimé et je serai toujours avec Shin à l'heure qu'il est. C'est ça que tu aurais voulu ?

Non. Ce n'est pas du tout ce que j'aurai voulu. Il marque un point mais je n'arrive pas à me l'admettre. Je lui redonne son arme et me précipite vers l'église. Je crois que j'ai besoin de rester loin de lui pendant un moment, afin de faire le point. Une fois dans la bâtisse, j'aperçois mon père assis sur l'un des nombreux bancs en bois, bouquinant un très vieux livre. Je m'installe auprès de lui, m'interrogeant sur ce qui pouvait le passionner à ce point dans ce bouquin. En m'entendant m'installer à ses côtés, il ferme le livre et relève la tête en souriant.

- Est-ce que ça va ? Tu sembles tourmenté.

- Oui, c'est juste que... j'ai peur de vous perdre, toi et Yoongi. J'ai pas envie que cette révolte se fasse.

- On a tous peur, mais je sens qu'au final, on ne se battra pas pour rien.

J'hoche la tête sans grande conviction, jouant avec mes doigts nerveusement.

- Tu l'aimes beaucoup ?

- Oui...peut-être même un peu trop, à dire vrai.

- C'est quelqu'un de bien. Il venait une fois par mois, ici. Il ne savait pas que j'étais ton père et je ne savais pas qu'il était tombé sur toi à la Cérémonie. Il n'a jamais parlé de toi. Mais je voyais au fil des mois qu'il changeait. Il semblait moins déterminé, et souvent étourdi. Je crois qu'il t'avait dans la tête. Je me demande s'il ne t'aime pas plus que toi tu ne l'aimes, d'ailleurs.

Au même instant, Yoongi est entré dans l'église. Il est passé devant nous sans nous regarder et s'est dirigé vers les dortoirs. Je suppose qu'il allait faire un somme, car la nuit allait encore être bien longue.

- Tu sais dans quoi nous sommes ?

- Une église ?

- Oui, l'une des rares encore sur pied. Tiens, lis ceci.

Je prends le livre qu'il me tend, et l'ouvre. Le titre est "La Bible". Jamais entendu parler.

- Tu verras pourquoi le gouvernement a décidé de les détruire, il y a bien longtemps. On nous parle de l'origine du monde, et de Dieu, qui l'a créé en sept jours.

- C'est quoi, Dieu ?

- Une divinité. Un être surnaturel doté de pouvoirs plus grands que ceux de l'être humain. Comme son existence n'a pas été prouvée, certaines personnes y croient, d'autres non.

- C'est bizarre...

Je feuillette un peu le bouquin. Je suis vraiment curieux de le lire.

- Est-ce que ça explique aussi qui sont les personnes représentées sur ces statuts ? demandais-je en pointant les statues de pierre.

- Oui. Ça c'est Marie portant son enfant, Jésus, qui est aussi l'enfant de Dieu.

- Oh, d'accord.

Je sers le livre contre moi. Je n'arrive toujours pas à réaliser que mon père est ici, près de moi. Je suis heureux, bien sûr. Mais ça me fait mal aussi, car il nous a laissé pendant trois ans avec ma mère et ma sœur. Et j'ai l'impression que ces trois ans l'ont changé. Je n'arrive pas à retrouver cette complicité que nous avions auparavant.

- Tu sais, Maman, tu lui as beaucoup manqué...

- Elle m'a beaucoup manqué aussi. Vous m'avez tous manqué. J'ai plusieurs fois hésité à lui écrire, mais je n'ai jamais pu.

- Il n'est pas trop tard pour le faire ! Surtout depuis qu'elle sait la vérité sur la Cérémonie. Elle mérite de savoir que tu es vivant. C'est important pour elle, pour Jihyuk. Elles auront un espoir, quelque chose à quoi se tenir.

- Je le ferai dans ce cas.

Il me prend dans ses bras et m'embrasse le front. Je me sens tout petit dans ses bras. Ça me fait du bien. Ça fait du bien de le retrouver. Je pensais tous les jours à lui et quand je l'ai découvert hier, j'ai cru que c'était une illusion. Que c'était mon cerveau qui m'avait créé cette personne en face de moi. Mais non, c'était bien lui. Mon deuil ne se fera pas, et c'est le plus beau des cadeaux.

- Je t'aime, Papa.

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