Le bruit d'un réveil dissonant résonna dans le petit studio au volets abîmés faisant gigoter le propriétaire de l'appareil enfoui sous son plaid. Sa chevelure teintée en un blond mal entretenu sortait de sous les draps mais le reste de son corps restait parfaitement camouflé.

Grognement dérangé, la silhouette s'activa un peu plus alors que la source sonore devenait plus forte, plus désagréable. Un bras crème sortit du drap pour couper l'horrible son qui faisait vibrer les tympans de l'endormi, hélas, son geste fut fatal car cela scella son réveil pour de bon : adieu sommeil.

« - Putain, fais chier... »

Jurant sous les draps, le faux blond finit par soulever sa fine couette ce qui créa un léger nuage de poussières mit en lumière par les rayons de soleil passant au travers des vieux volets. Sa main droite vint se faufiler dans ses mèches un peu sales, il devait laver ses cheveux dans la soirée, avant de pousser sur son bras libre pour se mettre debout.

Avec un pas traînant, il alla attraper un verre dans la cuisine pour hydrater sa gorge sèche puis il jeta un coup d'œil à son reflet dans le four micro-ondes : il n'était pas très beau à voir. Les poils de sa barbe avaient légèrement poussé modifiant son visage, ses sourcils étaient autant ébouriffés que sa chevelure mais le plus marquant était les cernes sous ses yeux rougis par la fatigue.

« - Faut que je me rase... »

Soupir accompagné d'une nouvelle destination : la salle de bain. A l'intérieur, le garçon se passe de l'eau sur la figure avant de sortir son rasoir un peu rouillé mais il n'avait pas les moyens d'en racheter un nouveau de qualité convenable. Mettant un peu de mousse sur sa peau, le blond fit glisser la lame sur son épiderme qui se lissa sous chaque coup de l'outil.

D'un barbu de trois jours à un adulte « propre sur lui », comme disaient les pubs coréennes, l'homme rinça à nouveau sa figure avant d'attraper son uniforme et de rejoindre la petite supérette à quelques pâtés de chez lui. Aujourd'hui étant jeudi, il allait devoir passer sa journée debout derrière sa caisse ou dans les rayons.

« - Au moins, personne ne devrait me vomir dessus aujourd'hui. »

Quittant son appartement le ventre vide, le blond ferma à double-tour sa porte tout en vérifiant qu'il n'avait rien oublié puis il se mit en route lorsque tout fut bouclé. Dévalant les marches en bois grinçantes de son immeuble à la limite de l'insalubre, il croisa madame Park qui était la petite vieille insupportable vivant un étage en dessous.

La grand-mère cracha son poison sur le blond qui manqua de lui sortir quelques noms d'oiseaux pour la remettre à sa place, hélas, il n'en avait pas le droit puisqu'elle restait très proche du concierge et des propriétaires de son appartement. Il ne manquerait plus qu'il vive dehors et sa vie serait vraiment la métaphore de merdique.

« - Super... De la pluie et j'ai plus de batterie, en plus. »

Ses yeux noirs roulèrent dans ses orbites puis il enfonça son portable avec ses maigres dix pourcents de batterie dans sa poche avant de passer sa veste sur sa tête et courir jusqu'à son lieu de travail. Ses jambes poussèrent sur le sol, ses pieds frappèrent les flaques créant d'immenses éclaboussures dans sa course tâchant d'eau son pantalon mais il n'en avait que faire.

En une dizaine de minutes de course sous une averse battante, le blond arriva dans la supérette et il fut salué par sa collègue, Yooni, qui se moqua légèrement de sa dégaine de chien mouillé. Hélas, elle ne put pouffer plus longtemps puisqu'un client entra en poussant légèrement le blond. Ce dernier retint son commentaire déplacé qui aurait sûrement été un « et le pardon, connard ? » mais il ne pouvait pas dire cela à un client.

Soupir, il préféra rejoindre la pièce dédiée aux travailleurs de la supérette. Là-bas il trouva un chargeur que Yooni laissait toujours par sécurité, il brancha son portable puis attrapa une serviette qu'il laissait traîner ici depuis de nombreux mois.

« - Tu sembles avoir bien débuté ta journée, Geonhak oppa. »

La vendeuse ricana alors que son collègue prenait sa place en caisse, ce qui lui permit de finir son travail qui avait débuté à la nuit tombée. Le jeudi, c'était le faux blond qui gérait la supérette et Taeyeon venait le relayer aux alentours de vingt heures pour la nuit : Geonhak faisait, lui, les lundi soir.

Les deux amis de travail purent échanger quelques mots mais ils furent interrompus par le client qui avait poussé Geonhak en rentrant. Ce dernier avait une boisson contre la gueule de bois et une autre énergisante accompagné d'un onigiri. Le blond jeta un coup d'œil à l'homme face à lui, il vit son costume noir parfaitement lisse, ses chaussures polis et ses cheveux ébènes parfaitement coiffés : un homme de bureau.

« - 10 000 Wons, monsieur. »

L'homme tendit l'argent puis partit sans dire un mot, il tangua légèrement vers la porte et Geonhak ne put retenir sa pensée : il était complètement torché. Ses yeux se levèrent au ciel, il laissa cela de côté et ne dit rien de plus à part que ce gars était vraiment pathétique.

Sa journée se passa tranquillement, ses heures à la supérette n'étaient pas les plus complexes. C'était surtout les mercredi et samedi qui l'éreintaient le plus puisqu'il travaillait dans une tout autre structure : un ACM, accueil collectif de mineurs. Les 7h45 à 19h ces deux jours de la semaine avaient le don de l'éreinté et les enfants étaient exténuants, bien qu'adorables.

Il rêverait de pouvoir avoir son jeudi de libre, hélas, le métier d'animateur ou celui de vendeur en supérette n'était pas suffisant pour payer son loyer et sa vie. Geonhak était donc obligé de cumuler les deux pour vivre suffisamment à Séoul. Le garçon pourrait bien déménager, les loyers étaient un peu plus faibles dans les villes centrales de la Corée mais il ne souhaitait pas laisser ses amis derrière lui et il aimait l'ambiance séoulienne.

« - Hey ! Toi, là ! »

Quittant ses pensées car un client ivre venait d'entrer, le faux blond lança un coup d'œil à l'homme bourré qui vint embêter sa quatrième et dernière collègue, Haneul. L'alcoolisé s'approchait dangereusement d'elle alors que la femme était en train de remplir les rayons.

« - Tu n'es pas totalement coréenne, poupée. »

Effectivement, Haneul était mi-coréenne et mi-japonaise, faisant que ses traits étaient différents des autres coréens et attiraient la curiosité de plusieurs hommes. La pauvre n'était pas à sa première interpellation dans la supérette et Geonhak se doutait que cela ne serait pas la dernière.

« - Tu finis à quelle heure ? On pourrait aller boire un verre et apprendre à se connaître. Tu en dis quoi ? »

L'insistance de l'homme déplut au blond qui abandonna sa caisse quelques instants pour s'approcher de l'endroit. Il attrapa l'épaule du client avec fermeté avant de le forcer à se reculer de sa collègue apeurée.

« - Sors de là. »

La voix grave du vendeur fit écarquiller les yeux de l'ivre mais ce dernier était fier alors il ne démentit pas malgré sa baisse de confiance.

« - Tu vas me faire quoi ? Je suis client, je suis Roi ici. »

Le faux blond roula des yeux, ce genre de réflexion l'énervait profondément, et il renforça sa poigne sur l'épaule du bourré tout en répétant ses mots.

« - Sors. Ne m'oblige pas à te mettre dehors par la force. »

Geonhak avait une carrure assez imposante, sa musculature était assez développée car, par le passé, il faisait énormément de sport. Son aura dominante fit légèrement trembler le troubleur d'ambiance mais l'alcool rendait vraiment les gens cons, vraiment très cons. Alors, sans prévenir, il donna une droite dans la joue du blond.

« - Geonhak oppa ! »

La vendeuse hurla le nom de son collègue qui eut soudainement le regard noir. L'ivre n'eut pas le temps de regretter son acte car il vomit sur le haut de Geonhak qui fut écœuré et encore plus en rogne. Dire qu'il avait espéré une journée sans vomi... C'était raté.

« Hé, hé ! Oups ! »

Le bourré rit simplement en observant son spectacle immonde et il n'eut pas le temps de faire plus d'âneries que le faux blond l'attrapa par le col et le traîna hors de la supérette. Il le jeta sur le sol sous le regard de ses amis tous aussi ivres. Certains le félicitèrent, d'autres se moquèrent mais ce spectacle ne fit pas rire Geonhak.

« - Dégagez d'ici ! »

Il était dix-neuf heures cinquante-neuf, le collègue de l'homme arrivait au loin pour prendre la relève mais il fut spectateur de cette scène désolante. Les fouteurs de troubles déambulant dans la rue, Geonhak grimaçant en voyant ses habits tâchés de bile tandis que sa collègue vint le remercier tout en lui tendant une serviette.

« - Eh bien, tu sembles avoir eu une sacré fin de service. »

Taeyeon taquina légèrement le blond qui n'était pas d'humeur. Le nouveau venu le comprit vite et il alla rapidement à son poste ce qui permit au blond de rejoindre le dortoir et de rentrer rapidement chez lui. Evidemment, lorsqu'il mit un pied dehors, la pluie recommença à tomber et, sur la moitié du trajet, les fines gouttes étaient devenues une averse qui s'arrêta totalement lorsque Geonhak arriva sur le seuil de son immeuble.

« - Journée de merde... »

Grommelant en grimpant les marches, le garçon fut bien heureux d'arriver chez lui. Il se dépêcha de prendre une douche tiède et il s'accorda même le plaisir d'augmenter un peu plus la température de l'eau : sa petite folie du jour. Une fois propre, Geonhak se balada dans son appartement avec une simple serviette autour de la taille exposant sa carrure finement musclée alors qu'il essuyait ses cheveux.

Cependant, son action fut interrompue par le vibrement de son portable et le fait qu'il venait de recevoir un nouveau message. Glissant la serviette épongeant sa chevelure sur ses épaules musclées, le blond déverrouilla son mobile et il ne put s'empêcher de sourire : une bonne nouvelle dans sa journée pourrie.

« Veux-tu sortir ce soir ? »

Le blond n'hésita pas, même s'il détestait sortir dehors. Geonhak avait su apprécier ces moments car il lui permettait de voir son meilleur ami et de casser sa routine monotone et exténuante. Ses doigts s'activaient, il ne lui fallut que quelques minutes pour taper sa réponse.

« Je suis pour ! Mon adresse ? »

Dans la seconde il reçut un message affirmatif et le vendeur fonça attraper une tenue un minimum travaillée. T-shirt blanc, pantalon droit noir et sa vieille veste de costume noire feront parfaitement l'affaire. Il enfila hâtivement ses chaussures noires tout en domptant ses mèches et il se demanda s'il devait se maquiller pour être un minimum présentable.

Néanmoins, la flemme parla pour lui et il déverrouilla sa porte en enfonçant son portable dans sa poche arrière après avoir dit à son ami qu'il partait de chez lui en direction du petit bar qu'il adorait fréquenter. Il pourra peut-être sourire un peu ce soir.