Chapitre 36.

_J'ai besoin de tout savoir. Depuis que tu as commencé à te droguer.

_Pourquoi ?

_Parce que. Je veux savoir pour moi-même et toi, vois ça comme un purgatoire.

_Ouais ok.

On est assis en tailleur sur mon lit. On a décidé de faire ça petit à petit. Il doit d'abord tout me raconter pour qu'on puisse ensuite avancer. Internet parle d'étapes à franchir. Ici, c'est l'acceptation de son addiction je suppose.

_Quand je suis entré au lycée, j'avais des potes normaux. On formait une petite bande. Ils ont commencé à faire des fêtes et j'y allais. C'est là que j'ai commencé à boire. Parfois je fumais un joint mais c'était rien comparé à ce qui arrivait. J'étais vraiment un connard. Je collectionnais les filles. Enfin, c'était surtout elles qui me courraient après. Et c'est en Première que je l'ai rencontrée à une soirée. J'étais un pauvre gars et c'était une bad girl. Au début, je la voyais comme une garce. C'était juste un coup comme ça. Puis avec le temps, elle est devenue exclusive et on s'est mis ensemble.

Il semble plongé dans son passé. Un passé qui est si horrible...

_Un soir, elle a ramené un rail de coke. Evidemment, c'était hors de question que je touche à cette merde. Mais elle a insisté alors j'ai accepté. C'était juste pour une fois quoi. Enfin... C'est ce que je croyais. Puis, elle a commencé à en ramener quasiment à chaque fois qu'on se voyait. Elle alternait entre du canabis, de la cocaïne, de la beuh, du LSD. À peu près tout. Je voulais tellement la garder dans ma vie que j'en consommais avec elle. Je me disais que si je faisais ça, elle me trouverait "cool" et ne me quitterait pas. Parce qu'au fond de moi, je ne me l'avouais pas encore, mais je l'aimais. Un jour, j'ai rencontré Corey à une fête. Il y a eu un feeling entre nous dès le premier regard. Je savais que c'était quelqu'un de merveilleux et en qui je pouvais avoir confiance. On a commencé à se voir en dehors des soirées. Il a su pour la drogue et m'a dit d'arrêter que c'était n'importe quoi de faire ça pour une gow. Je ne l'ai pas écouté. Evidemment j'étais trop con. Mais il m'a juré qu'il serait toujours là pour moi. Je crois que c'est le jour où il m'a dit ça que je l'ai vu comme mon meilleur ami.

Je pose mes mains sur les siennes pour lui faire comprendre que je suis là et que je le soutiens. Il met quelques secondes de réflexion avant de poursuivre. 

_J'étais accro, putain. Quand j'étais en manque, je pensais directement à Gwendoline. Elle était comme une sorte de référant. Voir Gwendoline me rappelait la drogue et la drogue me rappelait Gwendoline. Mes sentiments étaient trompés. Je pensais l'aimer mais j'aimais juste ce qu'elle arrivait à me faire ressentir. Bien sûr, ça ne pouvait pas durer éternellement... Quand j'ai appris pour elle et Roy, j'avais la rage. Vraiment. J'étais dans une transe et je voulais m'en sortir. Elle m'avait brisé le cœur. La seule chose que je voulais était de tout arrêter et de tout recommencer ailleurs. Loin d'elle. Et c'est là que je suis allé voir Corey. Je savais qu'il vivait sur le campus de cette université. J'avais besoin d'un nouveau départ et surtout, j'avais besoin d'aide. Il m'a accueilli et m'a aidé à sortir de cette spirale infernale. J'ai vécu l'enfer pendant huit semaines et j'ai enfin mis le pied dehors après 2 mois et demi de traitements. Et j'avais retenu la leçon; ne plus jamais toucher à cette merde. Mais mon caractère n'avait pas changé et le premier sentiment que j'ai ressenti était la vengeance. Je voulais que Roy paye pour ce qu'il a fait. À cette époque, j'étais toujours dans l'idée que j'aimais Gwendoline plus que ma vie.

Il lève enfin son regard vers moi.

_C'est grâce à toi que j'ai réalisé que ce que je ressentais pour elle était une illusion de la réalité. L'amour que j'avais pour elle n'équivaut en rien à ce que je ressens pour toi.

Je souris faiblement tout comme lui. Ça me fait plaisir de l'entendre dire ça. Puis son sourire s'efface et je devine qu'il est retourné dans son sombre passé.

_Alors j'ai déménagé dans ton quartier. Je ne te rappelle pas qu'est-ce que je faisais là, tu le sais déjà tout ça.

Je hoche simplement la tête. Autant éviter de revivre ce moment de ma vie.

_Quand Gwendoline a débarqué, tu venais de m'annoncer que tu étais peut-être enceinte. J'ai paniqué. Inconsciemment, j'étais tellement bouleversé que j'étais en manque. Mon corps réclamait ce qui -autrefois, me faisait tout oublier. Je ne m'en rendais pas compte mais quand j'ai ouvert la porte, il y a d'abord eu la première phase où j'étais tellement stupide que la première chose que j'ai ressenti était de la joie. Je la revoyais enfin après tout ce temps. Puis, mon cerveau a fait le lien. Gwendoline-drogue. Et j'en avais envie. J'en crevais d'envie putain. En sortant de mon sevrage, je n'avais pas pensé à ce que ça me ferait de revoir Gwendoline et là, j'ai compris que c'était le facteur déclencheur de cette addiction. Tu es partie et ma raison me disait deux choses contradictoires. L'une -aussi infime soit-elle, était de te retenir, que tu étais trop importante pour te laisser partir mais l'autre, celle qui savait exactement ce que la drogue me procurait, voulait que tu partes pour que je puisse reprendre ma triste vie là où je l'avais laissé.

Ça fait mal d'entendre ça mais je sais qu'il ne raisonne plus comme ça désormais et c'est ce qui me console. Il m'aime plus qu'elle et plus que cette satanée merde et c'est pour ça qu'il va réussir à se sortir de là.

_Comme toujours, elle avait son sachet de coke sur elle. Et c'est là que j'ai rechuté. Ensuite, j'ai regretté. Je m'en voulais tellement d'avoir fait ça. Mais c'était si libérateur... Je me suis dit que c'était juste une dernière fois. Puis tu m'as dit que tu avais revu Roy et là ça en était trop. Roy... Mon ennemi. Celui qui m'a causé tous ces problèmes. Enfin, excepté toi. C'est bien la seule chose pour laquelle je lui suis reconnaissant. Il m'a fait te rencontrer. Il y avait tellement de choses qui se bousculaient dans ma tête que j'ai rechuté définitivement.

Il soupire longuement et marque une pause avant de reprendre.

_C'est difficile de t'expliquer tout ce qui s'est passé. Je ne voulais pas te laisser mais d'un autre côté, Gwendoline venait toujours me voir avec sa foutue drogue. Et il y avait toujours des complications entre nous qui me rendaient dingue. J'étais en manque dans ces moments là alors je l'appelais pour qu'elle me donne une dose. Au bout d'un moment, je savais que c'était toi que j'aimais mais j'avais toujours besoin de cette drogue. Tu as dû remarquer que j'avais des changements d'humeurs soudain. Ça, c'est quand j'essayais de tout mon être de résister à la tentation. J'arrêté, je me jurais d'arrêter, mais au final je recommençais toujours. Je me suis battu pour toi, pour nous. Sache-le. Mais chaque petit -voire gros, problème qui se mettait entre nous me faisait rechuter. Le plus longtemps que j'ai tenu, c'était jusqu'à samedi. Ça allait faire deux semaines... Mais Roy est mon pire point faible. Tu sais, je peux tenir quelques jours sans me droguer sans symptôme. C'est ce que je fais depuis que j'ai su que je t'aimais pour de vrai. Si tu m'aides, je sais que je pourrais m'en sortir. Mais je ne veux pas aller dans un centre, Aria. Tout sauf ça.

Des larmes brouillent ma vision. Sans qu'il s'y attende, je saute dans ses bras et le serre contre moi.

_Je suis désolée, je sanglote. Tout est de ma faute. Je n'aurai jamais dû faire toutes ces conneries. Tu n'aurais jamais rechuté. Je suis tellement désolée.

_Hé..., chuchote t-il en caressant mes cheveux. Ce n'est pas de ta faute. Tu ne pouvais pas savoir.

_J'aurai dû le voir. J'aurai dû remarquer que quelque chose n'allait pas. Je suis désolée.

_Arrête de t'excuser, amour. C'est rien, ça va aller. Je vais me soigner et tout va redevenir comme avant, d'accord ?

_O-Oui... Je t'aime.

_Bébé... Je t'aime, aussi.

J'embrasse son cou puis la commissure de ses lèvres. Quoi qu'il dise, je culpabilise. Si je ne l'avais pas cherché tout ce temps et que je ne lui avais pas causé tous ces problèmes, on n'en serait pas là. À commencer par ma grossesse. Il m'a raconté tout sur lui et je sais que c'est la stricte vérité. Il mérite de savoir ce que je lui ai caché depuis tout ce temps.

_Evan?

_Oui.

_Je dois te dire quelques chose.

Son corps se tend dans mes bras. J'hésite si je dois lui dire ou pas. Et s'il rechutait à cause de ça ?

_Je t'écoute.

_Je... Je t'aime.

_Aria..., grogne t-il. Balance. Je ne suis pas une tapette.

_Tu ne vas pas rechuter si je te dis quelque chose ?

_Non. À moins que ce soit une question de vie ou de mort, je pense que ça va aller. 

Je peux discerner le ton de la plaisanterie dans sa voix mais moi, ça ne me fait pas rire du tout.

_Je ne sais pas.

_Aya, je viens de te raconter la pire partie de ma vie et tu ne peux pas me dire une petite chose ?

_Je t'ai menti.

J'enfouis mon visage dans son cou alors qu'il se raidit. Ses mains encerclent mon visage et me tirent en arrière pour que nos regards se croisent.

_Qu'est-ce qu'il y a ?

Une larme solitaire coule sur ma joue tandis que je hoquette. Je ne veux pas aggraver les choses mais je sais aussi qu'il ne me lâchera pas tant que je ne lui aurai pas dit.

_Mon... Notre bébé.

_Oui, dit-il -pas très sûr de lui.

_Je... Je l'ai perdu. C'était une fausse couche.

Je dégage mon visage de ses mains pour me le cacher avec les miennes. Et s'il m'en veut ? Et s'il ne me pardonne jamais ? Quelques secondes s'écoulent avant qu'il ne parle, cela semble durer des heures. 

_Aria..., sa voix se brise en murmurant mon prénom, pourquoi est-ce que tu ne me l'as jamais dit ?

Il saisit mes poignets de la même façon que je l'ai faite hier soir. Contrairement à moi, il arrive à me les éloigner de mon visage.

_C'était compliqué entre nous. Il y avait Gwendoline et on n'était plus ensemble. Je me suis dit que ce serait plus simple de te dire que je m'étais trompée.

_Qui le sait ?

_Il y a... moi. Et toi.

_Attends. Tu as encaissé ça toute seule ?

Je hoche la tête tout en avalant ma salive.

_Tu aurais dû me le dire.

_On était trop en conflit pour ça. Je pensais que tu l'avais choisi elle.

_Tu n'avais pas à apprendre ça toute seule. Je regrette de n'avoir pas pu être là... Tous ces moments gâchés pour elles...

_Tu ne m'en veux pas ?, je demande timidement.

_T'en vouloir pour quoi ?

_D'avoir perdu notre bébé, dis-je faiblement.

_Bien sûr que non, amour. Ce n'est pas ta faute. Ça arrive à tout le monde. Tu n'y es pour rien. 

_C'est vrai ?

Il sourit faiblement en m'attirant contre lui.

_Mais oui. Comment pourrais-je t'en vouloir ? On aura l'occasion d'en faire d'autres.

Une minute... Il le dit pour rigoler ou pense t-il vraiment à avoir des enfants avec moi ? Question trop importante pour que j'y accorde une réponse. Ça pourrait changer ma vie quoi. Je préfère le prendre sur le sens de la rigolade.

_Je n'en doute pas.

Sans prévenir, il s'allonge sur le lit -moi sur son torse, puis nous fait basculer pour que je sois sous lui. Il embrasse mon cou tandis que ses mains s'attardent sur mon corps.

_On n'a qu'à s'y mettre dès maintenant, susurre t-il contre mon oreille.

Je souris devant sa détermination. Mes mains passent sous son pull pour le lui retirer. Il m'aide puis se rallonge au dessus de moi en scellant nos bouches. Pour la première fois depuis longtemps, je sens que les choses vont bien se dérouler à présent. J'ai peut-être tort. C'est peut-être une mauvaise intuition mais elle vaut la peine d'y croire. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top