Chapitre 31: Réponses
J'ouvris les yeux.
Une douleur me vrillait le crâne, menaçant de me faire à nouveau perdre conscience. Au-dessus de moi, une lueur blanche m'aveuglait.
J'étais allongé sur une surface dure et froide. Du métal, sûrement.
Je tentai de me tourner, mais constatai rapidement que mes membres étaient solidement attachés.
Les contours de la pièce se dessinèrent peu à peu. En face de moi se tenait une barre en fer sur laquelle était pendue une poche de perfusion. Je suivis le tube du regard et constatai avec soulagement qu'il n'était pas enfoncé dans mon bras.
Sur le mur d'en face, une horloge indiquait qu'il était plus de cinq heures. Du matin ou du soir, je n'en avais pas la moindre idée. La pièce ne comportait aucune fenêtre.
J'étais enfermé.
La panique m'envahit brusquement. Je me mis à tirer sur mes bras et mes jambes dans l'espoir de me détacher.
— Bordel !
Ma respiration s'accéléra quand je me rendis compte que je ne pourrais pas me libérer seul. Les sangles qui me maintenaient prisonnier ne se desserreraient pas en étant simplement secouées.
J'arrêtai de bouger et reposai ma tête sur la planche en métal.
— Respire, respire, respire, m'ordonnai-je.
Je me sentais déstabilisé.
Les ondes... Il n'y en avait plus !
C'était comme si cette pièce les empêchait de passer. Du moins, c'était ce que je voulais croire, ne souhaitant pas considérer l'hypothèse que je ne les percevais plus.
Le silence régnait.
Pas le genre de silence apaisant, le silence effrayant. C'était comme un vide soudain, un manque. Je m'étais habitué à la présence des vibrations et, désormais, je me sentais incapable de vivre sans. C'était une partie de moi, j'étais aussi perturbé que si on m'avait enlevé la vue ou n'importe quel autre sens.
Mes mains tremblantes saisirent les barres en fer qui bordaient lit. J'étais allongé, pourtant j'avais la terrible impression d'avoir perdu mon équilibre. Mon souffle était court, j'essayai tant bien que mal de reprendre mes esprits, de me calmer.
C'était trop silencieux, j'avais envie de hurler, mais ma gorge était trop comprimée pour cela.
Il me fallait juste un bruit, quelque chose qui résonne en moi, qui complète ce vide.
Mes ongles se mirent à frapper la barre métallique, un geste qui pouvait paraître anodin, mais qui se révélait vital pour moi.
Le son retentit à l'intérieur de ma tête. Je n'avais pas perdu mon élément, c'était déjà ça. Mais cette pièce avait été construite pour limiter l'entrée d'ondes. Ils cherchaient à me déséquilibrer, à m'enlever mes repères.
Ils avaient réussi.
Mes yeux se fixèrent sur l'aguille des secondes de l'horloge.
Tic. Toc. Tic. Toc.
L'horloge était à écran digital, elle n'émettait donc aucun son. Cependant je ne pouvais m'empêcher d'imaginer le bruit du mécanisme.
Je restai immobile, sachant pertinemment qu'il m'était impossible de m'échapper.
L'aiguille des secondes effectua un tour. Puis deux. Puis quinze.
Au bout du quarante septième tour, j'en eu marre. Je remis ma tête droite et fixai le plafond de ma cellule, si on pouvait l'appeler ainsi.
C'était une sensation réellement affreuse de devoir attendre immobile et impuissant. J'avais quelques idées quant à ce que le cousin de Charlotte me réservait pour la suite, mais je ne préférais ne pas y penser. Après tout, je n'avais aucune certitude...
Je luttais de toutes mes forces pour empêcher des images de torture venir me travailler l'esprit. C'était dans des instants comme celui-ci que je regrettais d'avoir regardé des films d'horreur sanglants.
Le temps s'écoulait lentement. Deux heures et demie étaient passées, sans que personne ne vienne. Ce n'était pas énorme, pourtant la solitude commençait déjà à me ronger. Je n'aurais jamais cru qu'attendre seul et sans possibilité de mouvement pouvait être aussi épuisant psychologiquement parlant.
Combien de temps encore allaient-ils me laisser ici ?
Et si leur but était de m'affamer ?
Et s'ils ne revenaient jamais ?
La possibilité qu'il me laisse mourir de faim et de soif ici vint m'effleurer l'esprit, provoquant une deuxième crise de panique.
Mon souffle se bloqua dans ma poitrine.
— Non, ils vont venir. Ils vont venir. Ils vont finir par venir, essayai-je de me convaincre.
Soudain, j'entendis la porte s'ouvrir. Une vague de vibrations me percuta, si forte qu'elle failli m'assommer. Je serrai la mâchoire, encaissant le choc en silence.
Je n'eus pas à attendre longtemps avant que la porte se referme, me coupant une nouvelle fois des ondes.
Je pivotai lentement la tête en direction de mon visiteur : Emile. Il n'était pas seul, une femme d'âge mur l'accompagnait. Ses cheveux roux sans éclat étaient rassemblés en une queue de cheval basse.
Je suivis le cousin de Charlotte du regard alors qu'il s'approchait de moi, sans dire un mot.
— C'est l'Association qui t'envoie, je suppose ? commença-t-il.
Décidemment, tout le monde semblait connaître cette organisation. Je plantai mon regard dans celui d'Emile, sans répondre.
— Je n'ai pas le temps d'attendre que tu te montres coopératif. Alors je te déconseille fortement de jouer les ignorants avec moi.
Son ton était glacial et ne trahissait pas la moindre émotion, si ce n'est de l'impatience.
— Je serais peut-être plus enclin à répondre à vos question si vous me détacher.
— On sait tous les deux que ça n'arrivera pas. Maintenant dis-moi : est-ce que c'est l'Association qui t'envoie ?
Encore une fois, je gardai le silence.
Il poussa un soupir d'exaspération, puis se tourna vers la femme. Il lui adressa un signe de tête. Elle me contourna et se plaça derrière moi, hors de mon champ de vision. Quelques secondes plus tard, je sentis qu'elle plaqua deux électrodes sur mes tempes. Mon rythme cardiaque s'accéléra brusquement, c'était quoi ça ? Un détecteur de mensonge ?
— Toujours pas envie de répondre ? tenta une dernière fois Emile.
— Qu'est-ce que vous allez me faire ?
Un demi-sourire étira ses lèvres.
— Je vais te montrer, ce sera plus simple.
Il leva son regard vers la femme. Je fermai fort les yeux, me préparant déjà au pire.
Et pour une fois, j'avais vu juste. C'était bien le pire qui m'attendait.
Une décharge électrique me traversa le corps, m'arrachant un hurlement de douleur.
Elle paralysa mes muscles, m'incendiant de l'intérieur. Je pouvais sentir sa marque brulante quand elle parcourut chaque parcelle de moi. Et ça ne s'arrêtait pas, d'autres vagues électriques suivirent, chacune plus puissante que la précédente.
— Ça suffit, ordonna Emile.
La torture cessa brusquement. J'haletai, les yeux toujours clos. Mes poings étaient si serrés que je menaçai de m'ouvrir les paumes avec mes ongles.
Il faisait chaud. Tellement chaud.
Mes cheveux étaient collés à mon front, je sentais des gouttes de sueur dégouliner sur mon visage.
— Est-ce l'Association qui t'envoie ? répéta-t-il.
— Pourquoi vous me posez cette question alors que vous connaissez déjà la réponse ? soufflai-je.
— Je vais prendre cela pour un oui. Maintenant dis-moi : est-ce que tu connais une élémentaire du nom de Charlotte ? enchaîna-t-il.
Devais-je lui dire la vérité ? Est-ce que ça ne reviendrait pas à trahir Charlotte ?
Avant que je n'aie le temps de répondre, la femme m'envoya un autre coup de jus, provoquant un soubresaut de ma poitrine. Je battis des jambes sans réussir à défaire les liens qui me retenaient.
— Oui ! Oui je connais ta cousine ! lui criai-je.
Il esquissa un sourire narquois alors que je tentai de reprendre mon souffle. Ma respiration était sifflante, agonisante.
— Alors comme ça tu as parlé avec elle ?
Il se pencha en avant et s'accouda au rebord du lit pour être à ma hauteur.
— Elle t'a dit que j'allais la tuer ?
— Elle m'a dit que tu voulais la tuer, rétorquai-je.
Il tourna la tête, se pinçant les lèvres pour ne pas rire.
— C'est bien plus que ça. Elle ne t'a pas parlé des visions de sa mort ? Des visions où je suis celui qui la tue ?
Mon estomac se comprima en entendant ses paroles. Comment savait-il pour la mort de Charlotte ?
— Elle me l'a dit quand nous étions plus jeunes, répondit-il à ma question silencieuse. Avant que les choses ne dégénèrent. Avant qu'elle ne tue mon père.
— Ce ne sont que des rêves sans signification, le contredis-je.
— Tu ne le crois pas toi-même, réplica-t-il.
Je soutins son regard, me forçant à ne pas céder. Il cherchait à me mettre en colère, à me faire perdre le contrôle de mes paroles. Il ne fallait pas qu'il réussisse.
— J'ai vu le garçon que vous aviez enfermé. Pourquoi faites-vous ça ?
Il se redressa et croisa ses bras sur sa poitrine.
— C'est pour ça que l'Association vous a envoyé ici ? Pour Christophe ? Si ça peut te rassurer, ce n'est pas un enfant. Du moins, ce ne l'était pas quand nous l'avons enfermé ici.
— Qu'est-ce que vous lui avait fait ?
Il haussa les épaules d'un geste nonchalant.
— Je ne sais pas exactement, ce n'était pas moi qui travaillait sur son cas.
— Mais pourquoi vous faites ça ?! explosai-je. Pourquoi vous faites des putains d'expériences sur les élémentaires ?
— On n'a pas le choix.
Je le regardais avec un air hébété.
— Comment ça vous n'avez pas le choix ? Ce n'est pas vous qui décidez de me torturez peut-être ?
— Vous ne nous laissez pas le choix. On a essayé la manière douce, on vous a demandé d'arrêté d'utiliser vos dons, mais vous avez refusé.
Je me tus un instant, analysant ces paroles.
« On a essayé la manière douce »... Comment ça ils avaient essayé ? Qu'avaient-ils à voir avec les décisions du gouvernement ? Emile savait-il des choses à propos des nouvelles lois ?
— Pourquoi nous interdire d'utiliser nos dons ? Pourquoi nous l'interdire d'un coup, sans raison ?
— Il y a une raison.
— Laquelle ?
— Ils vous cherchent.
Encore ces mystérieux « ils ». Les mêmes dont parlaient Charlotte quand elle disait qu'ils arrivaient ? Mais qui était-ce, bon sang ?
Une lueur de surprise traversa son regard quand il remarqua que je ne comprenais pas un traitre mot de ce qu'il me racontait.
— Charlotte ne t'a pas expliqué ?
— Expliqué quoi ? embrayai-je presque immédiatement, à bout de patience.
Il me fixa en silence, un sourire amusé aux lèvres.
— Intéressant. Je pensais que tous les membres de l'Association étaient au courant. Mais apparemment je me trompais.
— Qu'est-ce que je ne sais pas ? Qu'est-ce que Charlotte ne m'a pas expliqué ? répétai-je.
— Votre origine.
Je fronçai les sourcils, toujours aussi perdu.
— Vous n'êtes pas originaire de la Terre, continua-t-il.
— Comment ça ?
— Les élémentaires n'ont pas toujours habités la Terre. Ils ont débarqués bien après l'homme.
Un rire amer m'échappa.
— Vous voulez dire qu'on est des extra-terrestres ou je ne sais quoi ? m'exclamai-je.
— Oui.
Il avait dit cela le plus sérieusement du monde, si bien que je me mis à douter. C'était pourtant totalement absurde ! Il pensait que nous venions d'une autre planète et... Du coup les « ils » devaient représenter d'autres élémentaires ne vivant pas sur Terre qui étaient apparemment à notre recherche... D'où sortait-il ces histoires ?
— Depuis peu, lorsque vous utilisez vos pouvoirs, ils le sentent. Et l'Association est au courant de cela.
— Donc vous avez décidé de nous priver de nos pouvoirs en espérant qu'ils nous perdent de vue, devinai-je avec une rapidité qui m'étonna moi-même. C'est vous qui êtes à l'origine des nouvelles lois.
— Dans l'espoir de gagner du temps, plutôt. Dans quelques mois ils seront là, peut-être mêmes quelques semaines. Le gouvernement a pris la décision qu'il souhaitait avec les informations qu'on lui a fournies.
« Ils sont plus proches qu'il ne le croit..., me souffla une voix dans mon esprit. Bien plus proches. »
D'où venait cette voix ? Je l'ignorai. Cependant j'avais l'étrange intuition qu'elle avait raison.
Les nôtres approchaient.
— Moi je parierai plutôt sur quelques jours, soufflai-je.
Emile secoua la tête.
— Ça, tu ne le sauras jamais.
La porte s'ouvrit, deux hommes entrèrent. Ils avancèrent rapidement vers moi, le premier défit la sangle qui retenait mon bras droit prisonnier avant de le bloquer contre le surface en métal.
— Qu'est-ce que vous faites ? paniquai-je.
L'autre plaqua sa main sur mon front pour maintenir ma tête immobile. Je me débattis de toutes mes forces, tentant de me défaire de leur emprise.
J'aperçus la scientifique en train de préparer la perfusion. Elle se plaça devant mon bras, l'aiguille pointée dans ma direction.
— Qu'est-ce que c'est ?!
— Du Thiopental, m'informa Emile. On l'utilise pour se débarrasser des élémentaires qui nous sont inutiles, comme toi. Si l'Association ne t'a jamais parlé des Caijis, je doute que tu sois au courant d'informations qui pourraient nous servir.
Le métal froid de la seringue toucha ma peau.
— Non ! Lâchez-moi ! hurlai-je.
Un gémissement m'échappa quand l'aiguille s'enfonça dans ma peau, jusqu'à ma veine.
Je détournai les yeux, fermant les paupières le plus fort possible. Cela ne suffit pas à retenir les larmes qui coulèrent le long de mes joues.
— Je saluerai Charlotte pour toi quand je la verrai. Ne t'en fais pas, elle ne devrait pas tarder à te rejoindre.
Ce fut la dernière phrase qu'il prononça. Ensuite, il quitta la pièce avec ses trois collègues, me laissant mourir seul.
Une image de ma mère et de ma sœur s'imposa à mon esprit. Ou peut-être était-ce moi qui me l'imposais-je. Si seulement j'étais resté avec elles...
Je sentis mes muscles se contracter, ma respiration ralentit.
Je les avais lâchement abandonnées, j'étais parti sans la moindre explication. Elles ne sauraient sans doute jamais ce qui s'était réellement passé. Je ne verrais plus jamais le visage éclatant de ma sœur, ni les sourires francs de ma mère, ou encore le regard orageux de mon père que je venais à peine de retrouver.
Un sanglot me déchira la poitrine.
Je ne reverrai jamais personne. J'allais mourir, dans la solitude la plus totale. La réalité de la situation s'abattit sur moi avec une force qui brisa mes derniers espoirs.
Oui, les nôtres arrivaient. Et moi je serai mort.
Mais après tout, qui s'en préoccupait ? Je n'étais personne. Juste un pauvre élémentaire parmi des milliers d'autres.
Fin
(Non, je blague x))
Bon, j'espère ne pas vous avoir trop perdu avec ses révélations. Si ça peut vous rassurer, Samuel est totalement dépassé lui x)
Hanalia-Lia J'avais dit que je te mentionnerai pour que tu loupes pas la révélation xD Du coup voilà, les élémentaires sont originaires de l'espace x)
Ps: Sorry pour le retard de publication ^^
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