Chapitre 27 : Exploration nocturne
Le centre de recherches était situé à près d'une heure de toutes les villes à proximité. Raison pour laquelle les stagiaires pouvaient rester dans les dortoirs et ne repartir que le week-end.
Oui, des dortoirs.
J'avais été surpris de rencontrer quelqu'un lors de ma visite nocturne d'il y a plusieurs jours, mais ça ne m'étonnait plus vraiment maintenant que je savais que cet établissement possédaient des endroits pour dormir.
Filles et garçons étaient séparés, je me retrouvai donc avec Eliott, tandis que Kléa se trouvait de l'autre côté du couloir.
La pièce était assez grande pour accueillir une dizaine de personnes. Elle était neutre au possible avec des murs gris et un sol en lino un peu plus sombre. Les lits étaient alignés en deux rangées. Je m'étais arrangé pour être à côté de mon ami, près de la porte.
Nous attendîmes d'être sûrs que tout le monde soit endormi avant de partager la moindre réflexion sur ce qu'on avait vu lors de cette première journée. Vers deux heures du matin, je n'entendais plus que les respirations profondes et régulières des autres adolescents.
Eliott aussi s'était endormi, je me glissai hors de mon lit et m'agenouillai au pied du sien. Je lui attrapai le bras pour le secouer.
- Eh, Eliott ! chuchotai-je.
Cet imbécile avait un sommeil de plomb. Je fus donc forcé d'utiliser la technique du je-tire-ta-couverture. Comme tout être humain, il grommela dans son sommeil avant d'enfin se réveiller. Il mit un instant à me reconnaître, encore dans les vapes.
- Il y a des étages souterrains. Il faudrait qu'on aille y jeter un œil, murmurai-je.
Mes propos achevèrent de le réveiller. Il écarquilla les yeux.
- Quoi, maintenant ? dit-il en tentant de parler à voix basse. Mais t'es malade, on va se faire prendre !
- Tu préfères qu'on y aille au milieu de la journée ?
Il jeta un regard autour de lui, pour vérifier que tout le monde était toujours endormi.
- Et s'il y a des scientifiques qui sont encore réveillés ? s'inquiéta-t-il.
- Je les entendrais arriver. Tu te souviens que mes capacités auditives sont mille fois plus élevées que les tiennes, n'est-ce pas ?
- Oh ça va, arrête de frimer !
Je lui adressai un sourire narquois avant de me relever pour me diriger vers la porte. Il n'y avait aucun bruit derrière. Eliott enfila rapidement une tenue plus convenable pour cette exploration nocturne et me rejoignit.
J'abaissai tout doucement la poignée, puis me glissai à l'extérieur. Le couloir était sombre, les néons au plafond étaient tous éteints et seuls les lumières vertes des panneaux « issue de secours » brillaient.
Je me rappelai qu'il fallait prévenir Kléa avant toute décision, néanmoins je me voyais mal débarquer dans le dortoir des filles pour l'avertir. Je choisis donc de lui envoyer un message avec mon portable - bien plus efficace comme système de communication. Elle me répondit dans la minute qui suivit.
« Je viens avec vous. »
Alors que je m'apprêtais à ranger mon téléphone, j'entendis des voix et des rires étouffés provenant du dortoir. Certaines filles étaient toujours en train de discuter, comment Kléa allait-elle réussir à sortir sans se faire repérer ? Savait-elle seulement que tout le monde ne dormait pas ?
Avant que je n'aie le temps de la prévenir, la porte s'entrouvrit sur la jeune élémentaire. J'ouvris la bouche pour parler mais elle me prit de court.
- Je sais Sam, elles sont encore réveillées.
J'arquai un sourcil, surpris
- Tu leur as dit quoi alors ?
- Que j'allais rejoindre mon copain.
Au moins personne n'allait se demander où elle était passée. Si un garçon se réveillait Eliott et moi allions avoir quelques soucis à expliquer où nous étions. Peut-être que je reprendrai l'excuse de Kléa, elle avait l'air d'avoir bien fonctionné.
- Vous êtes sûr qu'on a besoin d'être trois pour y aller ? s'enquit Eliott. Je veux dire, déjà qu'à deux c'est dur de passer inaperçu, alors à trois...
- Il a raison, l'appuyai-je.
Même si je supposais que son intervention était plus due à l'envie de retourner au dortoir qu'à celle de nous empêcher de nous faire prendre.
Kléa prit un instant pour réfléchir.
- Dans ce cas on va se séparer, trancha-t-elle au plus grand désespoir d'Eliott.
- Se séparer ? Euh... non je n'approuve pas du tout. Je n'ai pas de pouvoirs moi ! Comment je fais ?
L'élémentaire se tourna vers lui, l'air ennuyé.
- Tu restes avec Samuel. Je ne te fais pas confiance l'humain, il est hors de question que je te laisse seul.
- On est jamais trop prudent, approuva Eliott qui ne souhaitait pour rien au monde se retrouver seul.
Je roulai des yeux, même si au fond, j'étais moi-aussi rassuré d'avoir un partenaire sur ce coup. Déjà qu'il faisait sombre et que nous étions dans un centre de recherche suspect, il manquait plus que je sois seul et on avait les bases d'un film d'horreur.
Non merci, je passais mon tour pour cette fois.
- Je prends l'étage -1, vous vous occupez du -2, nous signala l'élémentaire.
J'acquiesçai d'un signe de tête. Kléa prit la direction de l'escalier de droite, tandis que nous nous dirigeâmes vers celui de gauche, à l'autre bout du couloir.
Les marches en pierre atténuaient le bruit de nos pas. Je m'aidais du mur pour ne pas trébucher à cause du manque de visibilité.
- Est-ce que Kléa était sérieuse quand elle disait que vous ne me laisserez pas partir une fois la mission terminée ?
Je lui jetai un regard en coin. Je savais que même s'il essayait de le cacher, il était effrayé par ce qui l'attendait. Après tout, qui ne le serait pas ? Il était retenu prisonnier par une organisation d'élémentaires qui avait enlevé son frère et avait déjà tué pas mal d'humains. Je suppose qu'il n'était pas dans une position très confortable.
- Je ne sais pas, Eliott. Je t'ai déjà dit que je ne suis pas à l'Association depuis longtemps. Je n'ai aucune idée de ce qu'ils font dans ce genre de situations.
Mon ami poussa un soupir de découragement. J'aurais voulu pouvoir le rassurer et lui dire que tout aller bien se passer, mais je n'aimais pas faire des promesses que je n'étais pas sûr de tenir.
-Pourquoi as-tu rejoint l'Association au fait ? Tu ne m'as jamais expliqué les vraies raisons.
- C'est...
- Et s'il te plait, m'interrompit-il, ne me redis pas que c'est à cause des nouvelles lois. Je sais qu'il y a plus que ça.
J'inspirai profondément, puis expirai tout aussi lentement, avant de tourner la tête vers lui.
- Tu te trompes. Il n'y a rien de plus que ça. J'en ai marre que mon espèce soit traitée de cette manière, ce n'est pas difficile à comprendre, si ?
- Le gouvernement essaie juste de maintenir la paix, Sam ! Qu'est-ce que tu veux qu'il fasse quand des gens de ton espèce se servent de leurs pouvoirs pour s'en prendre à des humains ?
Je détournai les yeux en serrant la mâchoire à m'en briser les dents. Je ne savais même pas pourquoi je prenais la peine d'argumenter avec lui. Il restait persuadé d'être du bon côté. Mais après tout, il était là où il devait être. Avec son espèce.
- Les exécuter n'est certainement pas la solution, répliquai-je.
- Les seuls à se faire exécuter sont ceux qui ont tué ! Tu auras préféré qu'on les laisse en liberté ?
- J'aurais préféré qu'on laisse mon père en vie, lâchai-je avec amertume.
Eliott se tut. Il me fixa, étonné par mes paroles.
Je lui avais dit que mon père était parti quand j'étais encore un gamin. Ce n'était pas totalement un mensonge, mais je n'avais jamais pris le temps de lui raconter la véritable histoire. A vrai dire, je n'en avais pas réellement envie.
- Tu veux dire que ton père a tué un humain ?
- Malgré ce que tu as l'air de croire, il y a encore plein de choses que tu ignores à mon sujet, Eliott. Mais moins tu en sais, plus tu auras plus de chance de pouvoir retourner à ta vie d'humain.
Il marqua un temps d'arrêt. Pendant un court moment, je crus qu'on en avait fini avec cette conversation ridicule, mais il n'avait apparemment pas fini de m'interroger.
J'aurais peut-être préféré que Kléa le prenne avec elle finalement.
- Tu n'as pas peur ? Je veux dire... vos missions ont l'air assez dangereuses, tu n'as pas peur de te faire arrêter, de te prendre une balle ou je ne sais pas quoi ?
- Je me suis déjà fait arrêter, et on a déjà essayé de me tirer dessus. Et si, évidemment que j'ai peur. Mais le gouvernement ne nous laisse pas le choix. Je ne sais pas pourquoi il a commencé avec cette histoire de lois, et honnêtement j'en ai rien à faire. Tout ce que je veux c'est que ça s'arrête.
Bon, honnêtement j'en avais quelque chose à faire. J'étais curieux de savoir la véritable raison de la mise en place de ces nouvelles règles, comme tout le monde. Néanmoins, cela donnait plus de crédibilité à mes propos de ne pas le dire.
Nous arrivâmes enfin au niveau -2, ce qui me sauva sans doute d'un autre discours d'Eliott sur la bienveillance du gouvernement.
Je poussai la porte avec délicatesse, bien que je sache qu'il n'y avait personne derrière. Mon ami me suivit, je pouvais entendre les battements de son cœur qui battait à toute vitesse en raison de l'angoisse qui l'habitait.
Je jetai un coup d'œil des deux côtés du couloir. A droite, j'entendais des bruits. Ils étaient étouffés et presque masqués, mais bel bien présents. Je pris la décision de m'en rapprocher.
Je n'aurais pas besoin d'aller trop près pour comprendre ce qui se disait et c'était un avantage non discutable. Surtout que je ne me sentais pas le courage de me tenir à quelques mètres des insomniaques.
Je me demandais déjà d'où me venait la témérité dont je faisais actuellement preuve. En temps normal, j'aurais gardé l'idée d'aller visiter le sous-sol pour moi en espérant que personne n'y pense. Cette fois, j'étais celui qui en avait parlé en premier. Qu'est-ce qui m'avait pris ?
Il ne me fallut pas plus de quelques minutes pour me mettre à regretter mon choix. Amèrement.
Un claquement de porte retentit.
Quelqu'un approchait.
Je distinguai le bruit de ses chaussures sur le sol. Il marchait vite. Très vite.
Je saisis le bras d'Eliott et l'entrainai avec moi contre le mur d'en face.
- Qu'est-ce que... commença-t-il.
Je plaquai ma main sur sa bouche, lui intimant le silence. Sa respiration s'accéléra quand il perçut à son tour les bruits de la personne qui venait vers nous.
On s'agenouilla, à moitié camouflés par une plante verte qui avait été placée dans le coin.
L'obscurité fit le reste. L'homme nous dépassa sans même nous jeter un coup d'œil, trop pressé pour faire attention à ce qui l'entourait.
On attendit plusieurs secondes, qui me parurent bien plus longues qu'elles n'auraient dû, le temps qu'il disparaisse de notre champ de vision. La pression dans mon corps se relâcha. J'expulsai lentement l'air de mes poumons.
- Je n'ai jamais été aussi proche de la crise cardiaque, siffla Eliott. Ne refaisons plus jamais ça.
Je me relevai sans prendre la peine de lui répondre. Je me concentrai pour vérifier que personne d'autre ne venait dans notre direction. Quand j'en fus sûr, je me remis à avancer. Eliott jura entre les dents avant de m'emboiter le pas.
Je guettai le moindre son, tout en essayant de regarder où je mettais les pieds. Et ce n'était pas aussi simple que ça en avait l'air. Il m'était habituellement difficile de faire n'importe quelle autre action quand je me focalisais vraiment sur les vibrations.
Nous nous retrouvâmes rapidement devant une porte fermée. Je posai la main sur la poignée.
- Eh attends ! m'arrêta Eliott en m'attrapant le bras. Tu es sûr qu'il n'y a personne ?
Non, pas vraiment.
J'entendais des bruits provenant de derrière, mais ce n'était pas des voix. Ils semblaient lointains, cependant peut-être les personnes étaient à l'autre bout d'une grande salle. Si c'était le cas, elles nous verraient immédiatement.
- Sam ? me pressa Eliott.
- Chut.
Durant la semaine, Yoann avait commencé à m'enseigner d'autres façons d'utiliser mon don. Il n'avait pas encore abordé comment les utiliser à des fins offensives, bien trop compliqué à expliquer pour l'instant, mais m'avait montré une nouvelle façon de les percevoir.
Le principe était le même que durant une échographie. Je devais me concentrer sur les ondes qui partait et qui revenait vers moi. Selon les obstacles qu'elles rencontraient, elles mettaient un certain temps pour faire demi-tour et me donnaient ainsi une vague image de ce qu'il y avait derrière cette porte.
C'était flou, je ne distinguai que des reliefs et des formes. C'était un couloir, mais ils semblaient y avoir plusieurs pièces sur les côtés. Je ne voyais aucune forme mouvante le long de l'allée.
- Il faut qu'on aille jeter un œil dans les pièces, lançai-je à Eliott.
Je tentai d'ouvrir la porte, cependant elle était verrouillée.
- Quelles pièces ? s'étonna mon ami.
- Celles qui sont derrière, mais on ne peut pas rentrer.
- Comment tu sais qu'il y a des pièces ? Tu vois à travers les murs ou quoi ?
- Quelque chose comme ça, soufflai-je.
Je forçai un peu sur la poignée, mais celle-ci refusa de s'abaisser.
- Quel dommage, on dirait bien que c'est fermé, soupira Eliott. Je propose de rentrer pour réfléchir à une solution.
On avait besoin d'un badge pour l'ouvrir et ce n'était certainement pas ici qu'on pourrait en obtenir un. Il nous faudrait en trouver un et revenir la nuit prochaine.
Je m'apprêtai à faire demi-tour, quand un bruit inhabituel me parvint.
Des pleurs.
J'entendis la personne renifler pour ravaler ses sanglots.
Qui est-ce que ça pouvait être ?
Je posai mes mains à plat sur la porte, essayant une nouvelle fois de voir à travers. Mais j'avais beau me concentrer au maximum, je n'arrivais pas à dépasser les autres obstacles que je rencontrais. Il m'était impossible de voir ce qui se passait dans ces pièces.
Je frappai la porte du poing, frustré.
Mon coup fut apparemment plus fort que prévu, car les pleurs cessèrent brusquement. La personne s'était tue.
- Il y a quelqu'un ? murmura une petite voix que je perçus à peine.
Elle était bien trop aiguë pour appartenir à un adulte.
Mais pourquoi un enfant serait-il enfermé dans un centre de recherche ?
Merci d'avoir lu !
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