Chapitre 19: Revanche
J’étais dans ma chambre, assis derrière mon bureau, en train de finir mes devoirs, lorsque des éclats de voix au rez-de-chaussée ont attiré mon attention. J’ai reposé mon stylo et focalisé mon attention dessus. C’était mes parents qui parlaient entre eux, mais pourquoi criaient-ils ?
— Calme-toi, a dit mon père d’une voix qui se voulait calme. On va trouver une solution.
— Quelle solution ? a explosé ma mère. Je n’ai plus le droit de travailler dans tout ce qui touche à la politique ! Qu’est-ce que tu veux que je fasse, Christophe ?
— Pour l’instant ce n’est pas dramatique. J’ai encore mon métier, tu as le temps de t’en trouver un nouveau.
— Comme quoi ? Serveuse dans un bar ? J’ai fait sept ans d’études pour ça ?
Après cette phrase, leur volume de voix a baissé, m’empêchant de comprendre correctement ce qu’ils disaient, mais je voulais entendre la suite de la conversation.
Je suis sorti de ma chambre sans faire de bruit et j’ai descendu les escaliers en essayant de ne pas faire craquer les marches. Arrivé à mi-chemin, je me suis arrêté et me suis accroupi pour observer mes parents à travers les barre de la rambarde d’escalier.
— Bientôt, les enfants n’auront même plus le droit d’aller à l’école, soupira ma mère.
— On n’en est pas encore là. Les parents se tiennent tranquilles pour préserver leurs enfants. Si le gouvernement fait ça, il ne pourra pas contenir toutes les révoltes.
Les yeux de ma mère étaient brillants, comme si elle était au bord des larmes. Mais je n’arrivais pas à savoir si c’était des larmes de désespoir ou de colère. Sûrement un mélange des deux.
Soudain, mon père a levé la tête dans ma direction.
— Samuel, qu’est-ce que tu fais ici ? m’a-t-il reproché.
— De quoi vous parlez ? quémandai-je en ignorant sa question.
Mon père a ouvert la bouche pour parler, mais ma mère l’a pris de court.
— De rien, déclara-t-elle.
— Alors pourquoi vous criez ?
— C’est juste un problème sans importance. Tu n’avais pas des devoirs à finir, toi ?
J’ai grommelé mais ai fini par obéir. J’ai remonté les marches d’un pas lourd et je suis retourné dans ma chambre en traînant les pieds.
— Pourquoi tu t’obstines à vouloir le maintenir dans le mensonge ? a reprit mon père.
— J’essaie juste de le protéger ! riposta-t-elle.
— Il finira par y être mêlé de toute façon. Tous les élémentaires le seront, c’est inévitable.
— Il n’a que onze ans ! Il est encore trop jeune, ce n’est qu’un enfant.
— C’est un élémentaire de deuxième génération. Le gouvernement s’en prendra à lui avant qu’il atteigne la majorité, tu verras bien.
Quand je retrouvai mes esprits, ma tête me faisait affreusement souffrir.
Il faisait sombre, la nuit était entièrement tombée désormais. Je clignai des paupières jusqu’à ce que le voile qui obscurcissait ma vision se dissipe. Face à moi, adossé contre un mur, je reconnus l’homme qui m’a assommé. Soudain, tout me revint en mémoire. Je tentai de me relever mais deux mains m’attrapèrent fermement les épaules pour me maintenir au sol.
— Tu es enfin réveillé, déclara le chef en relevant la tête vers moi.
Je jetai un coup d’œil autour de moi, nous étions dans une ruelle déserte près d’hôtels miteux qui hébergeait sans doute les paumés de la ville.
A ma droite, je repérai Charlotte, elle aussi avait repris conscience. Elle avait perdu son sourire habituel, un masque de sang séché recouvrait son visage, mais on distinguait nettement un gros hématome sur le côté du menton et de la mâchoire. Sa lèvre inférieure était fendue et un filet de sang coulait de sa bouche. J’entendais sa respiration courte et haletante, elle semblait à bout de force.
— Bien, maintenant que tout le monde est là, nous allons pouvoir commencer.
Je tressaillis.
— Commencer quoi ? m’inquiétai-je.
Il se décolla du mur et s’approcha de moi, sans décroiser les bras.
— Votre exécution.
Un frisson dévala ma colonne vertébrale.. Allait-il vraiment nous tuer ici ? Maintenant ? Je le regardai avec incompréhension.
— Vous ne pouvez pas faire ça, notre procès n’a pas encore eu lieu !
— Je ne peux pas la laisser s’en sortir vivante.
— Elle sera condamnée à mort, c’est une certitude, alors pourquoi est-ce que vous voulez la tuer immédiatement ?
C’était vrai, Charlotte serait tuée après son procès, mais celui-ci n’aurait pas lieu avant plusieurs semaines. Ça nous laisserait largement le temps de nous enfuir.
Il laissa échapper un rire sarcastique.
— Tu ne sais rien du gouvernement, gamin. Absolument rien.
Je le dévisageai, incrédule, je ne comprenais pas à quoi il faisait allusion.
Il recula sans prendre la peine de s’expliquer. Il resserra sa prise sur le pistolet qu’il tenait dans la main et la leva dans ma direction. Je sentis mes battements de cœur s’accélérer brusquement, je fixais le canon de l’arme, attendant le coup de feu. Ma gorge se serra, les larmes me piquaient les yeux mais je tentai de garder les paupières ouvertes.
— Non ! hurla Charlotte. Ne tire pas, il n’a rien à voir avec tout ça !
— Je sais, rétorqua-t-il. Et c’est triste mais je ne peux pas le laisser s’en aller. Je ne peux pas risquer que l’Association apprenne qu’on t’a tué, sinon c’est nous qui sommes morts.
— C’est juste une question de revanche ? murmurai-je. Elle a assassiné l’un des vôtres alors vous faites pareil ?
— Si tu veux blâmer quelqu’un, prends-toi en à elle. C’est entièrement sa faute si tu te retrouves dans cette position.
Je jetai un regard à Charlotte, elle se tourna vers moi un bref instant.
— Je suis désolée… souffla-t-elle.
Je baissai la tête. De toutes les façons dont j’aurais pu mourir, celle-là était sans doute une des pires. J’étais à genoux dans une rue sale, devant un policier qui allait me tirer dessus à bout portant. C’était pire qu’une exécution du gouvernement, mon corps n’allait sûrement jamais être retrouvé dans ces quartiers, ma famille ne saurait jamais ce qui m’est arrivé.
Le seul point positif était que je n’allais pas mourir seul, je suppose que c’était rassurant.
— L’Association vous retrouvera, tentai-je. Vous ne pourrez pas vous cacher pour toujours.
Il éclata de rire et écarta les bras pour désigner l’endroit.
— Tu penses qu’elle viendra à ton secours ici ? Il faut être réaliste mon garçon, tu vas mourir ici, et personne ne pourra y faire quoi que ce soit. On n’est pas dans un conte de fée, quel genre de héros espères-tu voir débarquer ? Les junkies du quartier ? Les putes qui racolent un peu plus loin ? Redescends sur terre, tu ne peux compter que sur toi même dans ce monde.
J’avais envie de pleurer, de l’implorer de nous épargner. Je ne voulais pas mourir, je n’étais pas prêt à quitter ce monde mais que pouvais-je y faire ? J’étais maintenu par deux hommes plus forts que moi et un troisième me menaçait avec une arme à feu.
— Regarde, Charlotte, ordonna-t-il. Ton ami va mourir à cause de toi. Regarde bien, après ce sera ton tour.
Les secondes qui suivirent se passèrent au ralentit dans mon esprit.
Je vis des larmes couler le long de ses joues, elle voulut détourner les yeux, mais un des hommes lui attrapa les cheveux et lui releva la tête, la maintenant ainsi pour qu’elle voie tout. Elle plongea son regard dans le mien en serrant les dents, le cœur battant à tout rompre.
Le chef pointa une nouvelle fois son arme dans ma direction, je me tournai vers lui, affrontant la mort en face. Mes larmes brouillaient ma vue, je tremblai sûrement de tous mes membres.
Il retira le cran de sécurité et posa son doigt sur la gâchette. Je croisai son regard mais n’y lu ni hésitation, ni pitié. Seulement de la détermination.
Je tentai de me débattre, mais ce fut en vain. Les deux hommes me tenaient fermement épaules, j’étais cloué au sol. Je sentais leurs doigts s’enfoncer dans ma peau pour me maintenir immobile.
Je n’entendais plus rien. Les respirations des personnes présentes avaient disparu, de même que leurs battements de cœur. Les voix très lointaines des habitants du quartier étaient désormais inaudibles. Les cris des volatiles nocturnes s’étaient tus. Plus aucuns sons, plus aucunes vibrations.
Le seul bruit que je perçus fut la détonation, soudaine, bruyante, assourdissante et brève.
Merci d'avoir lu !
(Et désolé pour cette fin qui est peut-être un peu sadique ^^)
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