Chapitre 5


- T'es vraiment qu'une ordure ! s'écria la jeune fille, en pleurs.

- Maria... commença le jeune homme, un peu désappointé.

- T'es qu'un salop! Un beau connard !

Un peu plus loin, Apollon regardait le couple, ou plutôt l'ex couple. Joel avait fait une nouvelle victime. La pauvre Maria était loin de se douter qu'elle ne servait qu'à faire gagner son ex. Elle pleurait, la bouche entrouverte sur ses dents parfaites et en criant toutes les insultes qu'elle connaissait à la tête de son ancien petit copain.
Ce dernier arborait un faciès étonné, sans doute car il ne s'attendait pas à ce flot d'insultes que lui déversait Maria.

Apollon, lui, se retenait d'éclater de rire. À côté, Matilde souriait sadiquement. Une semaine après que le jeune homme ait rompu avec Cassandra, ils s'étaient mis en couple. L'ex du garçon avait eu les larmes aux yeux pendant les deux semaine qui avait suivis, mais ils s'en fichaient. Surtout Apollon.

- Heureusement que notre couple finira pas comme ça hein ? fit la jeune métisse en prenant la main du beau garçon.

- Ouais, lâcha Apollon, sans quitter la scène des yeux.

Au fond de lui, il s'en fichait bien. Il ne l'aimait pas.
Tout en caressant le dos de la main de sa petite amie, il réfléchissait. Quelques jours auparavant, il avait reçu une lettre de Robert Johnson. Son cœur gonflé de joie, il avait failli se précipiter la montrer à sa mère.

Heureusement pour lui, il s'était ravisé. Comme il était dur d'avoir pour idole un homme que ses parents détestaient !

La lettre confirmait le stage, et Apollon en avait eu les larmes aux yeux. Les jours qui avaient suivis s'étaient écoulés avec une lenteur extrême. Le jeune garçon attendait avec tellement d'impatience ce fameux jour qu'il en devenait invivable. Des parents lui avaient souvent demandé ce qu'il le mettait dans un état pareil mais Apollon leur avait menti, disant qu'il se réjouissait du stage botanique.

Piètre mensonge, pour un menteur aussi talentueux que lui.

Après un moment, interrompant les cris stridents et les insultes de la pauvre Maria, la sonnerie annonçant la fin des cours retentit. Apollon se leva immédiatement, et se dirigea à pas rapides vers leur classe d'histoire, entraînant Matilde, protestante.

- Je ne comprend pas pourquoi tu es devenu aussi pressé. Avant, t'en avais rien à foutre d'arriver en retard.

Excédé, Apollon roula des yeux. Il n'avait rien dit à personne concernant ce stage, de peur que quelqu'un lui pique la place qu'il chérissait encore plus que sa nouvelle coupe.

- Les gens changent, non ? Répondit il sèchement.

Matilde dégagea sa main de celle du jeune garçon et son visage se plia de colère :

- Ouais je sais ! Mais moi j'étais tombée amoureuse de l'Apollon rebelle ! De celui qui s'en fichait des remarques des professeurs ! Pas du petit chouchou lèche-cul !

Apollon sentit la colère monter en lui, l'envahissant et remplissant son cœur de haine à l'égard de cette maudite fille qu'il n'aimait même pas.

- Et bien si tu n'es pas contente, t'as qu'à dégager ! Si tu m'aimais, cela n'aurait pas d'importance !

Il s'en alla, la rage au ventre. Aussitôt arrivé dans sa salle de classe, il sortit ses affaires et se prépara pour le cours d'histoire. Comme ils étudiaient l'histoire de leur pays, et comment les humains en étaient arrivés à là, Apollon étudiait studieusement ses leçons.

Le discours et les menaces de Madame Bianca l'avait remis sur le droit chemin, étonnant plus d'un. Plusieurs professeurs l'en avaient félicités et le jeune garçon s'était senti fier de cela. A présent, il participait volontiers aux différents cours, même celui d'anglais, qu'il haïssait.

Matilde entra dans la classe à son tour. Apollon ne put s'empêcher de contempler ses beaux cheveux bruns aux reflets dorés, sa démarche gracieuse et volatile, et son maintien arrogant. Cette fille était sublime, et le jeune garçon était fier de l'avoir séduite. Mais son caractère, il le haïssait.

La jeune fille s'assit à sa place, sans adresser un regard à son copain, qui soupira légèrement.
La prof entra dans la classe, ses talons hauts claquant le sol d'une manière intimidante. Ses yeux scrutèrent la classe, qui s'était levée comme un seul homme et leur intima d'un coup de tête de se rasseoir.

Posant ses multiples et lourds livres sur le bureau, elle commença son cours.

- Aujourd'hui, nous allons commencer l'histoire de notre pays. Quelqu'un peut me dire son ancien nom ?

Le jeune garçon leva la main pour se faire interroger.

- Oui, monsieur Belfast ?

- Notre pays s'appelait les États-Unis d'Amérique, Madame, dit-il presque cérémonieusement.

La prof sourit et le remercia d'un coup de tête.

- En effet. Nous étions l'une des plus grandes puissances mondiales. Comme vous le savez, dans le début du vingt-unième siècle, les humains commençaient à se préoccuper du climat et de l'effet de serre. Malheureusement, les pays émergents comme la Chine et l'Inde en cette époque ne voulait pas baisser leur rejets de Gaz à effet de serre tant que nous, les U.S.A , ne ferions pas de même. Et nous, nous ne voulions pas céder à ces pays en acceptant de baisser nos consommations alors qu'eux ne faisaient pas d'effort, la situation était bloquée.

Madame Miller reprit son souffle, pendant que quelques élèves griffonnaient activement des notes.

- Après plusieurs années, la température sur Terre avait déjà augmenté de quelques degrés. Dix ans plus tard, en 2130 il ne restait plus que quelques milliers de kilomètres carrés de banquises.
Là, les autorités se sont dit qu'il était temps de faire quelques chose. Mais il était trop tard. Les catastrophes naturelles, qui s'étaient déjà multipliées, devenaient excrément violentes. Des pays entiers furent anéantis, comme la Thaïlande, et plusieurs îles disparurent à jamais.
Nous, nous avons énormément souffert de la sécheresse. Comme nous nous trouvons au plein milieu du continent, l'eau est très loin.
Nos réserves s'épuisaient, et des milliers de personnes moururent. Ce fut l'une des plus grandes cause de mortalité dans ces années. Il y a eu aussi la Phiralys, ce fameux virus, quelques années plus tard. Mais revenons à cette fameuse sècheresse.
Les hommes, dépérissants, avaient trouvé une source sous nos pieds. Mais ils ne pouvaient creuser, car le sol fragilisé par les différents petits tremblements de terre risquait de s'écrouler.
Ils découvrirent alors que, en mettant un film plastique sur les arbres, ils récoltaient l'eau de la source, que les végétaux avaient puisé. De là vient notre parc à eau.

Elle voulait bien sûr parler de l'énorme serre emplie d'arbres, de toutes sortes d'espèces. Ce parc était très important pour la population de la ville, car c'était de là que provenait, comme l'avait si bien expliqué Madame Miller, l'eau.
Car c'était le plus grand problème qu'avait rencontré leur ville avait été la pénurie d'eau. Des centaines de milliers de personnes étaient mortes pendant cette période. Et malgré la rapidité avec laquelle les humains avaient réussi à trouver la solution, les arbres avaient eu beaucoup de mal à pousser. Heureusement, grâce à beaucoup de chance, les plantes avaient percé et donné leurs premières gouttes d'eau. Cela avait été la ruée vers l'or. Malheureusement, une bonne partie des survivants avaient péri, malgré la solution : trop de personnes voulaient s'abreuver les premiers ! Il y avait eu des émeutes, des coups de feu. Mais après quelques mois, on pouvait produire assez pour que tous ceux qui étaient toujours en vie puissent se déshydrater.

Madame Miller continua son monologue, tantôt interrompues par des questions, ou des remarques. Le temps passa si vite que le jeune garçon fut déçu d'entendre la sonnerie. S'ensuivit un cours de maths peu intéressant, durant lequel Apollon s'interrogea sur le sort réservé à l'humanité. Certaines rumeurs parlaient d'ouragans se dirigeant sur leur ville. Des blessés et peut-être même des morts allaient être annoncés, par la voix plate et sans émotions, d'une présentatrice embauchée plutôt pour ses formes avantageuses que pour sa capacité de diction.

Le reste de la matinée se passa comme à son habitude ; longue et monotone. Le jeune garçon passa les cours d'anglais à rêvasser et à se poser des questions sur la vie et la survie de l'espèce humaine. Après tout, n'aurait-il pas été mieux pour la planète qu'elle s'éteigne à jamais ? Peut-être. Mais on se battait encore pour rester vivant.
Apollon secoua sa tête. Ses idées semblaient se rapprocher dangereusement de celle de ses parents. Non pas qu'elles n'aient aucun fond de vérité, au contraire. Mais Apollon ne supportait pas l'idée d'attendre l'agonie sans rien tenter.

Combattant depuis toujours, il était perfectionniste sur les bords. Sa logique implacable et son don naturel pour la physique lui promettait de grandes études. S'il restait sur la bonne voie. Il avait déjà dérapé.

Au grand damne de ses parents, il se destinait à entrer dans la conquête spaciale. Eux le voyaient plutôt dans des études de langues mais sa capacité réduite à apprendre par coeur lui posait parfois problème.

Le reste de la matinée s'écoula lentement et quand il put enfin prendre l'aero-bus, Matilde ne lui avait toujours pas adressé la parole.

Il jeta un coup d'oeil à sa montre. Il ne restait plus que deux semaines avant le Grand jour. Transporté de joie, il rentra chez lui. Sitôt pénétré dans la bâtisse, il sentit que quelque-chose avait changé. L'atmosphère semblait lourde et pesante.

Il se débarrassa de ses chaussures et de sa veste, et s'avança dans le corridor jusqu'à la cuisine. Là l'attendait sa mère, les bras croisés avec un air déçu sur le visage.

- Stage de botanique hein ? Mais oui ! Il n'y a pas de stage de botanique ce jour-là ! Qu'est-ce que tu nous caches ?

Le temps se figea, tout comme la respiration du jeune homme. Il n'avait pas pensé que sa mère irait vérifier ses propos. Il bloqua,  ne sachant pas quoi répliquer et se terra dans le silence.

- Apollon... Je ne te veux aucun mal, au contraire ! Je veux juste te protéger.

Il garda ses lèvres hermétiquement closes, baissant les yeux. Sa mère prolongea son regard gris  sur son fils avec une expression de dépit.

- Je sais où tu vas aller. Je sais que c'est ton rêve. Je voulais juste voir si tu allais me l'avouer.  Apparemment non, murmura-t-elle, l'air blessée.

Apollon sentit sa gorge se serrer. Il n'était pourtant pas du genre émotionnel mais entendre la voix de sa génitrice de briser, ses yeux devenir plus humides, c'était trop.

- Tu sais qu'on n'adhère pas à ses idées. Mais cela ne veut pas dire qu'on t'oblige à avoir les même conclusions que nous. Je sais que c'est ton héros.  De plus, j'ai remarqué que tes résultats s'étaient améliorés, que tes remarques avaient presque disparus de ton agenda, les rares subsistant pour venter ton travail scolaire. Je comprend ce que ce stage représente pour toi.

Apollon déglutit. Jamais il n'aurait penser que sa mère prenne autant d'attention à ses notes.

-Chéri,  nos convictions ne doivent surtout pas t'empêcher de... d'être toi-même. Au contraire.

Apollon, les larmes aux yeux ne put murmurer qu'un petit "merci".

Il remonta prestement dans sa chambre. Il ne voulait pas que sa mère voit les larmes qui dévalaient à présent ses yeux.

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