Chapitre 3 : Ténèbres et ruines

Où étais-je ? Quelles étaient ses étranges couleurs virevoltantes devant mes yeux ? Tout allait si vite ! Des brins de paroles me parvenaient d'ici et là, mais rien de compréhensible. Le décor devint plus net. C'était...le laboratoire ? Qu'est-ce qu'il se passait ? Les dossiers s'enlevaient un à un de mon bureau. Les phrases ne signifiaient rien. Qu'est-ce qu'il se passait ? Les couleurs accéléraient sans toujours n'exprimer qu'incertitude ! Tout allait si vite !

Le noir, des voix lointaines, une étrange lumière. J'ouvris doucement les yeux. Un collègue était posé devant moi. Il bougeait sa lèvre sans ne rien dire. Son visage m'était flou. Il avait l'air pressé, il criait presque. Pourquoi ? Pourquoi criait-il ? Nous n'étions qu'un banal jour d'automne où le travail appel-

« A...au... ! »

Mais qu'est-ce qu'il disait ?

« Arnaud ! Résiste ! Tient le coup ! »

Mais tenir le coup contre quoi ? Contre des blessures infectées ?!

Je me levai en sursaut. Je pris une grande inspiration.

« Eh ! Du calme ! Te lève pas ! »

- Où suis-je ? Qui êtes vous ?

- Jake ! répondit le chasseur, Jake Crugger ! Dans la forêt, hier !

- H-hier ? Combien de temps j'ai dormi ?

- Une dizaine d'heures, tu devais te reposer. Tu es tombé dans les pommes après ta blessure. On est chez moi, dans mon antre. »

Il esquissa un léger sourire.

« Et ma blessure, lâchai-je, paniqué.

- Je t'ai fait un garot, ça devrait retenir la propagation du virus. Mais ça tiendra pas longtemps. Faut qu'on trouve quelque chose pour te sortir de là ! »

J'étais condamné à mort. Je n'avais aucune idée d'un quelconque traitement contre ce virus ! Les chances que l'on trouve quoi que ce soit pour le stopper ou le ralentir étaient minimes, et pourtant...

« Écoute, fit Jake, y a forcément quelque chose pour te sauver. Cette merde peut pas être invincible. En attendant, faut se rapprocher d'un centre hospitalier. Si on trouve un traitement, il sera sûrement là-bas. »

Il avait certainement raison, en supposant qu'il en existe. Jake se frotta le bras. Il commença à réunir quelques affaires. De mon côté, j'essayais de me lever sans trop dépenser.

« Ah tiens ! remarqua le chasseur, si tu as trop de mal à marcher, j'ai prévu ça au cas où. »

Il me tendis une béquille en bois.

« M-Merci »

Je glissai la béquille sous mon épaule. Cela me faciliterait la tâche. Je commençai à marcher découvrant peu à peu la maison. J'étais installé dans le salon, sur un canapé rouge surmonté d'un vieux pled gris. Une petite cheminée était éteinte juste devant. Il faisait sombre, le soleil se levait à peine et on apercevait une lueur orangée parmi les nuages. Je restais ainsi pendant quelques minutes devant la fenêtre, apercevant mon reflet sur les carreaux de la vitre. J'avais mauvaise mine. On aurait deviné dans mes pupilles le regard mort d'un homme qui a perdu tout espoir. Un mort-vivant, c'était mon reflet, c'était moi. Jake interrompit mon accablement de souffrance :

« Il faut se mettre en route, le soleil commence tout juste à se lever. L'hôpital le plus proche est celui-

- À Andre, le coupai-je.

- Non ! Pas à Andre ! Tu veux te faire tuer !

- C'est la seule solution, au moins on est sûr d'y trouver quoi que ce soit ! »

Jake soupira, c'était une mission des plus dangereuses. Mais il savait que j'avais raison. C'était la seule solution. Andre était la plus grande ville de France, après la capitale. C'était une ville mondialisée, commerce, économie, elle occupait tout les pôles à part le politique. De grandes entreprises de recherche et de développement y avait élu domicile si bien qu'une base de lancement de fusées y avait été installée à quelques kilomètres. D'ailleurs, un lancement devait avoir lieu dans quelques jours. Une ville spécialisée dans la recherche, c'était ce dont j'avais besoin.

Jake ouvrit la porte. Sa maison était un petit chalet, coupé du reste du village, relié seulement par un petit chemin de terre filant à travers la forêt. Le chasseur s'approcha d'un pick-up qui était garé juste devant la clôture.

« Monte, dit-il, on fait le chemin en voiture et on posera le pick-up avant les banlieues, histoire de pas ramener trop de monde.

- Oui, ça me paraît bien. »

Jake jeta ses affaires dans la remorque puis il la recouvrit d'une bâche. Il me rejoint dans la cabine.

« En route ! »

Il s'engagea sur le chemin et suivit la route jusqu'au village. Il passa devant l'épicerie, puis le tas où gisait encore les nombreux corps. Jake se frotta le bras. Les arbres, maintenant, se dessinaient des deux côtés de la route. Ils défilaient par paquets. Je remarquai quelques détails : Certaines plantes aussi avaient muté, mais pas de la même manière, car une plante possédait trop peu d'énergie pour que le virus en fasse quoi que ce soit. Le vrombissement du moteur berçait le trajet avec un tremblement répétitif, mais agréable. Par le rétroviseur, je voyais la petite fumée sortir du pot d'échappement, douce et frivole, s'élevant doucement entre les feuilles de cette nature abondante. La forêt se finit, et le pick-up déboucha à présent dans une plaine. On apercevait quelques immeubles devant. Une grande colline se dressait derrière, cachant le reste de la métropole. Seul, le haut d'un gratte-ciel dépassait juste assez, afin qu'on puisse deviner duquel il s'agissait. Celui de l'entreprise Star X, qui s'était installée ici il y a quelques années après l'inauguration de la base de lancement. Le nombre d'habitations augmentait, on approchait des banlieues.

« Tu étais où lorsque le tremblement de terre a retentit ? demandai-je.

- Chez moi, répondit-il, mais je ne l'ai pas beaucoup ressenti. Andre non plus, n'a pas été touchée.

- Il a eu lieu vers l'Ouest, c'est pour ça. »

Il y eu un moment de silence. Jake se frotta le bras.

« On y est, dit-il, si on s'approche plus, on risque d'avoir de la compagnie...

- Oui, c'est mieux. ajoutai-je. »

Je repris ma béquille et regrettai de ne pas rester, mes jambes me firent à nouveau souffrir. Jake se frotta le bras. On avançait petit à petit. Jake, toujours en éclaireur, vérifiait les rues à chaque intersection. Je craignais qu'une fois il ne revint pas pour me dire que tout était « clean ». Cette pensée m'était d'autant plus cruelle, puisque j'étais dans l'incapacité de courir. Jake se frotta à nouveau le bras. Celui de gauche. Il m'intriguait. Vous commenciez à vous demander pourquoi cette phrase apparaissait souvent, n'est-ce pas ? Eh bien voilà, son bras m'intriguait. Non, le fait qu'il frottait son bras m'intriguait. Et puis, quelle est la raison de vous parler puisque personne ne lira ces notes ? L'humanité est fini ! Tout est fini ! C'est à la fois désolant et magnifique : enfin une espèce nulle à chier disparaît de cette terre ! Une terrible douleur me traversa la jambe. Jake remarqua ma grimace :

« Tu tiens le coup ? On est encore à quelques kilomètres, tu sais ?

- S...Si c'est censé me rassurer, c'est pas très efficace... »

Il saisit son fusil, à l'approche d'une intersection. Il disparu au coin de la rue, comme à chaque fois. Il revint quelques secondes après.

« On peut pas passer par là, affirma-t-il, il y en a quelques uns au bout de la rue, il faut passer à gauche. »

Nous nous engageâmes dans la rue. J'abordai enfin la question.

« Jake, qu'est-ce qu'il a ton bras ?

- Rien, répondit-il, juste quelques démangeaisons. »

Sa veste était déchirée non loin de l'endroit où il se frottait.

« Jake, réponds-moi sincèrement. »

Je pouvais déjà imaginer cette bonne chair rouge, sanglante sous le tissu de ces vêtements.

« J-Je... »

Il souleva sa manche. Ce fût un choc. Une frappe dans ma tête. Jake avait une blessure, au bras. Visiblement, une morsure.

« J'ai été mordu, pendant que tu étais endormi. »

Je n'arrivais pas à le croire. Ce vieil homme s'était fait mordre. Et il ne m'avait rien dit ! Comme s'il pouvait s'en sortir tout seul, lui, pauvre chasseur ! Un éclair me fit perdre l'équilibre. John me rattrapa. Merci. Sans lui je ne serai rien, sûrement. J'examinais de plus près son bras. La blessure n'avait pas réagi. Aucune rougeur anormale.

« Ta blessure n'a pas réagi, informai-je.

- Quoi ?! Qu'est-ce que tu raconte ?

- Regarde. »

Je soulevai mon pantalon, laissant voir mon entaille. Je fit à nouveau une grimace. Ma jambe avait une sale tête, le bleu prendrais bientôt la place du beige.

« Doucement ! fit le chasseur.

- Voilà à quoi ça devrait ressembler. Ton bras est totalement différent, tu n'es pas infecté.

- Ça veut dire que je peux enlever ça ? »

Il montra le garot, un peu plus haut sur son bras.

« Normalement, répondis-je. »

Jake se contenta d'une simple supposition et, après m'avoir remis son fusil, commença à desserrer la corde qui entourait son bras.

« Je ne l'avais pas beaucoup serré, pour que je puisse conduire. »

Il bougea très doucement son bras, tout en essayant de refaire passer le sang dedans. On verrait bien tôt ou tard si tout allait bien. Et quelques minutes après, Jake ne ressentais pas la moindre douleur qui soit anormale.

« Rien, remarqua Jake.

- Rien...

- Comment c'est possible ?! s'étonna le chasseur.

- Je n'en ai pas le moindre idée, répondis-je, mais une chose est sûre : il y a quelque chose à l'intérieur de toi que le virus n'aime pas. Tu contient le traitement. »

Jake me regarda avec de grands yeux. Et...suspens.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top