Chapitre 1 : Rencontre avec Monsieur Payne

Je viens tout juste de terminer un projet qui m’a pris plus d’une semaine de travail et lorsque je relève le regard vers mon radioréveil, les chiffres d’un rouge vif m’affichent midi passé. Je suis en retard, comme presque chaque dimanche alors j’imagine que ma mère n’en sera pas vraiment étonnée. Je quitte mes lunettes avant de frotter mes yeux. Ma nuit a été courte et lorsque j’écrase ma fin de cigarette, j’ai l’impression d’avoir fumé quinze paquets durant toute la soirée. Le cendrier orné du drapeau de l’Angleterre est rempli de mégot de clope.  Je ferme l’ordinateur portable avant de le glisser sous mon lit. Je refais rapidement les draps puis je sors de chez moi après avoir enfilé un veston.

J’ai enfin posé mon arrière train sur le siège conducteur de ma voiture et je détaille, l’espace d’un instant, mon visage dans le rétroviseur. Mes pupilles sont dilatées, ma barbe est plus importante qu’une simple repousse de trois jours et mes cheveux se livrent une bataille effroyable. J’hésite à me pointer comme ça au dîner de famille et, après mûre réflexion, l’idée me semble plaisante. Je baisse tout de même les manches de ma veste pour dissimuler complètement les nombreux tatouages qui recouvrent mes avant bras. Je sais parfaitement que ma mère les déteste.

Je démarre la voiture et m’engage sur l’autoroute pour rejoindre les  quartiers bourgeois de Londres. Mon portable émet un petit bruit et une voix totalement robotisée me rappelle que je suis convié à un pot de départ au cabinet la semaine prochaine. Nous sommes très peu dans cette entreprise d’architecture mais notre patron requiert les meilleurs. C’est pourquoi, après avoir longuement exigé mon entrée dans le cabinet, j’ai été accepté. Monsieur Backwell, le patron, trouve que j’ai beaucoup de culot puisque je suis presque allé jusqu’à l’harceler pour avoir le simple poste d’assistant. Aujourd’hui, il n’arrête pas de vanter mes mérites devant ses nombreux concurrents. Ah tiens, voilà ma mère qui se tient sur le palier de son immense demeure, tapant nerveusement le bout de son talon contre le sol.

Lorsque je sors de ma voiture, je remarque que son visage mélange la colère et l’inquiétude. Elle se précipite dans mes bras et comme d’habitude, me serre fort contre elle.

-Tu n’aurais pas pu te dépêcher, imbécile ? Bon, ton frère et tes tantes sont ici, nous t’attendions pour commencer le repas.

Et enfin, elle m’offre un doux sourire et je commence à devenir exaspéré par son comportement. Déjà qu’elle m’oblige à assister à ses déjeuners de famille, il ne faudrait pas non plus que je sois ponctuel. De toute façon, je suis bien connu pour toujours être en retard. Je la suis et nous traversons la grande maison. Les pièces sont reliées par un unique couloir et nous l’arpentons en ce moment même. Puis, lorsque nous arrivons dans le jardin, je découvre mon frère et mes trois tantes, assis confortablement à table sous un soleil éclatant. L’herbe est verdoyante, l’odeur de la blanquette de veau, enivrante. Depuis que ma mère s’est lancée dans la cuisine française, elle a découvert ses incroyables talents de cordon bleu et nos dimanche midi sont égayés par ses bons petits plats. Je salue brièvement ma famille. Je redécouvre ma tante Johannah que je n’ai pas vu depuis dimanche, toujours aussi nonchalante, ses longs cheveux noirs ébène relevés en un chignon sophistiqué et le pire, c’est qu’elle a l’air encore plus tirée par quatre épingles que la semaine dernière. Dieu ce qu’elle ne m’avait pas manqué. À ses côtés, tante Lucy me néglige de ses yeux de rapace. Je crois que ma repousse de barbe lui déplait puisqu’elle n'a de cesse de me jeter des regards insistants. Ma tante Julia, elle, rayonne, ses longues boucles brunes tombent en cascade dans son dos. Et la personne en bout de table n’est autre que mon frère, Daniel, qui bombe fièrement le torse avant de jeter un coup d’œil à mes cheveux, une grimace venant déformer son visage.

-Ton coiffeur a rendu l’âme frérot ?

Pour seule réponse, je lui offre un grand et faux sourire afin de lui rappeler inlassablement que sa blague est dépassée. Je m’assois face au reste de la famille. Ma mère, quant à elle, arbore un sourire radieux. Puisqu’elle est la maîtresse de maison, elle n’hésite pas et commence à servir les invités. Chaque dimanche est banal. Il se répète continuellement. Alors que je commence à me perdre dans mes songes, ma tante Lucy m’offre un sourire léthargique avant de commencer son interrogatoire.

-Alors, comment se passent tes journées de travail, Zayn ?

-Comme d’habitude. Je fais beaucoup de réalisations 3D et j’ai terminé un projet sur lequel je bossais depuis un moment. D’où les cerne sous mes yeux. Expliquais-je tout en haussant les épaules, commençant à dévorer mon repas.

-Tu pu la clope frérot. Tu n’as toujours pas arrêté ? Est-ce que tu sais que ça pourrit les pores de ta peau ? Regarde elle n’est déjà plus lisse !

Je tourne mon visage vers mon demi-frère qui grimace en glissant le bout de son index sur la peau de ma joue. Mes tantes se mettent à imiter mon frère et ma mère soupire en posant son front contre la paume de sa main. Qu’est ce que j’ai fais pour mériter un demi-frère pareil ? Il risque encore de me faire un discours sur les nouvelles crèmes de je ne sais quelle marque. Comme je l’ai prévu, il est déjà parti dans son sermon mais je ne l’écoute déjà plus. Avec le dos de ma fourchette, je retire la sauce qui recouvre ma viande. Je suis définitivement mort de fatigue. Alors, je me relève brusquement et je passe ma main sur ma nuque basanée.

-Je… Je me sens pas très bien. Je dois aller bosser. J’ai oublié que le patron m’attendait. A plus tard.

Et c’est sous les multiples protestations que je quitte la table en acajou pour rejoindre ma voiture qui m’attend devant la maison. Lorsque je m’effondre sur le siège, je m’attends déjà à voir ma mère débarquer devant moi pour me faire quitter le confort de mon auto. Mais, étrangement, elle ne vient pas. Alors, je pousse un long soupir de soulagement avant de m’allumer une cigarette. J’ai, actuellement, l’envie pressante de décompresser. J’ai eu beaucoup trop de stresse et de travail ces derniers jours. C’est d’ailleurs la première fois que je quitte le repas de ma mère, le dimanche. J’espère simplement qu’elle ne sera pas irritée par mon départ. Je n’attends pas une seconde et je reprends la route alors que je me suis garé ici il y a seulement quelques minutes. J’entrouvre la fenêtre pour évacuer la fumée que je rejette et j’allume la radio. Cette dernière se met à diffuser un son parfait et je reconnais immédiatement Nada Surf – groupe que j’affectionne tout particulièrement. Je parcoure Londres et lorsqu’un feu devient rouge, j’en profite pour observer les magnifiques bâtiments qui décorent la capitale. Je tape sur mon volant en cuir au rythme de la batterie mais je suis interrompu par la sonnerie gueularde de mon cellulaire. La radio se stoppe presque aussitôt et je presse le petit téléphone vert qui s’affiche sur l’écran. La voix rauque de mon supérieur rugit dans l’appareil et je suis pris d’un sursaut avant de reprendre mes esprits. Je fixe le mobile comme si je me trouvais face à mon patron en chair et en os et je fronce les sourcils.

-Oui, monsieur ?

-Zayn ? J’ai besoin de toi au cabinet. Maintenant. Je sais que c’est ton jour de repos mais un client bourré de fric vient d’arriver. Il te demande pour rénover sa maison. Si tu ne viens pas rapidement, il risque de venir frapper chez toi. Je te jure que ce type est complètement fou. Il s’appelle monsieur Payne ! Ca te dit quelque chose ?

Je mets un moment à me remettre de tous ce que vient de me balancer mon supérieur. Il me demande ? Il veut venir frapper chez moi ? Attendez… Il sait où j’habite ?! C’est quoi ces conneries ? Monsieur Payne ? Je suis sûr d’avoir déjà entendu ce nom…

-Zayn ? T’es toujours là ? M’interromps monsieur Backwell.  Dis-moi que tu le connais. Je veux dire, tu n’es quand même pas un ermite au point d’oublier de regarder la télé. C’est Liam Payne, le type qui se trimballe avec des filles presque nu dans ses clips. Le chanteur !

Je secoue la tête pour chasser mes nombreuses pensées et je remarque que le feu est enfin passé au vert. Derrière moi, les nombreux klaxons retentissent dans la rue et je m’empresse de redémarrer.

-Ça ne me revient pas, avoué-je. Vous êtes sûr qu’il m’a demandé moi ?

-Il m’a dit qu’il voulait voir Zayn Malik. Donc tu vas sûrement devoir abandonner le projet pour la nouvelle entreprise, je le refilerais à quelqu’un d’autre. Je sais que tu y as durement travaillé mais Zayn, il faut que tu sache que tu as une chance en or avec ce type.

-Abandonner le projet ?! Hurlé-je en me stoppant au bord de la route, fixant mon portable avec un air ahuri. J’y ai bossé comme un chien toute la nuit et je devrais laisser quelqu’un me le reprendre ?! Je me fous de ce putain de Payne et de son putain d’argent !

Alors que monsieur Backwell s’apprête à répliquer, je coupe court à la conversation en glissant mon doigt vers le téléphone rouge sur l’écran tactile de mon portable. Je tente misérablement de reprendre une respiration régulière. Je suis éreinté par ma mauvaise nuit et je n’ai décidément aucune envie de jeter ce projet. Il m’a fallut une simple semaine pour le boucler mais j’y ai travaillé nuit et jour et ce n’est sûrement pas un foutu Payne qui va me stopper. Soudainement, je contemple mon téléphone et je me rends compte que je viens tout juste de raccrocher au nez de mon supérieur. Je pose une main sur ma bouche alors que mes yeux s’écarquillent. Je vais mourir…

*     *     *

Lorsque je pénètre dans la pièce complètement stérile qu’est le bureau de mon patron, je désire absolument m’enterrer six pieds sous terre. Son regard me dévisage et je remarque qu’un siège est occupé face à lui. C’est un homme habillé d’un smoking noir et je vois seulement sa nuque. Sa peau est à peine bronzée et ses cheveux sont tirés en arrière grâce à une couche de gel. Il en paraît d’autant plus parfait et lorsque son visage se tourne vers le mien, je me paralyse. Très bien, cet homme bourré de fric que je suis certain d’avoir déjà vu me regarde comme n’importe quel bout de viande alors que je suis habillé d’un simple tee-shirt et d’un simple jean avec un simple veston. Je suis monsieur tout le monde et je me retrouve face à un regard chocolaté. Cet homme est saisissant si bien que je reste les lèvres entrouvertes.

-Je vous impressionne monsieur Malik ?

Je détaille ses lèvres pleines qui s’étirent de manière inégale. Son sourire me glace le sang. Il a seulement une repousse de barbe de trois jours. Je peux ainsi détailler chacun des traits qui ornent son visage. Je suis, très rarement, attiré par le physique d’un homme même si je ne réprime pas ma bisexualité. Les femmes ont toujours été mon point fort. Lui, il a tout ce que je veux. Il est beau, il a de l’argent et…

-Voici monsieur Payne, votre client.

Et c’est mon client… Je reprends rapidement mes esprits et je m’approche de lui pour lui serrer la main avant de poser mes fesses à ses côtés, sur la chaise en verre. Mon patron me jauge du regard et je devine qu’au fond de lui, il bouillonne à cause de l’incident de tout à l’heure. Je ne pipe pas mots et je pique même un fard sous le regard brûlant de mon voisin.

-Bon, alors monsieur Payne voudrait que vous rénoviez sa maison. Il dispose d’une très grande demeure et il veut un conseiller. Il vous a donc choisi. Sachant bien évidemment que monsieur Payne a des prix relativement élevés… La voix de mon patron s’éteint et il se racle la gorge.

-Oui mais… Écoutez, je voulais vous parler de mon projet, j’ai vraiment…

-Nous sommes en présence d’un client monsieur Malik. J’apprécierai que nous reparlions de ça plus tard. Acceptez-vous l’offre de monsieur Payne ? Me coupe monsieur Backwell.

-Est-ce que je pourrais vous parler en privé ? Annoncé-je, l’air presque suppliant.

Mon interlocuteur jette un coup d’œil au client, le questionnant, apparemment, du regard. Il se tourne alors vers moi et il me détaille de ses yeux foncés, suffisamment longtemps pour que mes joues deviennent encore plus roses.

-Monsieur Malik, je peux vous donner énormément d’argent. J’espère que vous accepterez en sachant cela. Je vais vous laisser le temps de réfléchir. Je reviendrais dans deux jours pour m’entretenir avec vous, m’annonce mon voisin.

J’acquiesce à ses mots et il quitte la pièce après avoir donné un léger hochement de tête en guise d’au revoir au Britannique qui se tient face à nous. Je me retrouve seul avec mon patron et je profite de son silence pour prendre la parole.

-Je ne veux pas de ce projet monsieur ! Je vous en prie, j’ai déjà terminé la réalisation 3D du projet sur lequel je travaille et j’y ai mis un temps fou. Je voudrais vraiment le rendre proprement et le présenter lors d’une réunion.

-Monsieur Payne n’attendra pas. Il veut que tu t’occupe de sa maison, maintenant. Il te veut toi et personne d’autre. Je ne sais pas comment il te connaît mais le plus important c’est que cet homme a de l’argent à donner et qu’il peut beaucoup t’offrir. Je veux que tu sache que je serais énormément reconnaissant si tu accepte cette offre. Ça pourra remonter la réputation du cabinet ! Rétorque mon patron. Tu imagines, Liam Payne chez nous !

-Laissez-moi au moins rendre mon projet et je m’occupe de monsieur Payne juste après…

-Il n’attendra pas. C’est une chance en or, je te le répète Zayn.

Je jette un regard derrière les immenses murs en verre qui entourent le bureau de monsieur Backwell. Il nous épie derrière la vitre et je détourne le regard vers mon patron qui semble perdu dans ses pensées.

-C’est d’accord alors. De toute façon, j’imagine que je n’ai pas le choix.

Je soupire puis me relève de mon siège. Alors que je m’apprête à partir, le Britannique qui se tient derrière son bureau appelle mon prénom à deux reprises. Je tourne les talons pour lui faire face et je le vois nettement froncer les sourcils.

-Ne me reparle plus comme ça au téléphone. Et ne me raccroche plus au nez.

Aïe… Je pensais qu’il ne m’en toucherait pas un mot mais je me suis trompé. J’acquiesce furtivement à sa demande avant de m’empresser de quitter la pièce. Lorsque je referme la porte, je pousse un soupir de délivrance et je me retrouve nez à nez avec monsieur Payne.

-Zayn Malik… Mmh… Je crois que vous n’allez pas tarder à m’apprécier.

Il me fait un clin d’œil et je réprime difficilement un sourire. Dieu, il est magnifique et je me sens comme une nana en pleine ébullition. Complètement euphorique. Lui, il se contente de faire un de ses sourires je-suis-parfait-et-j-aime-le-montrer avant de disparaître dans l’ascenseur. Je reste planté là, le regard plongé dans ses beaux yeux chocolat. Décidément, je viens tout juste de croquer dans la pomme empoisonnée.

*     *     *

Je m’installe sur le siège en bois de ma cuisine, un verre de vin rouge entre les mains. Je repense à tous les évènements de cette journée et je repense surtout à ce beau regard châtain qui me scrutait depuis l’ascenseur. Un frisson parcourt mon corps et un petit spasme me fait sursauter. Je suis plongé dans mes rêveries et je n’entends même pas mon téléphone sonner. Au bout de quelques sonneries, je reprends mes esprits et je porte l’appareil à mon oreille pour répondre.

-Zayn Malik.

-Zayn, il y a une réunion très importante demain matin. Nous devons discuter de beaucoup de choses et j’aimerais que tu sois présent.

Même si je suis complètement crevé, je reconnais parfaitement la voix de mon supérieur. Je sourcille un instant, prenant une gorgée de vin avant de légèrement le secouer.

-J’imagine que c’est très tôt le matin.

-En effet, tu ne te trompe pas. Donc j’aimerai que tu sois à l’heure pour une fois. Oh et n’oublie pas que monsieur Payne viendra bientôt te voir pour connaître ta réponse. J’espère que tu n’as pas changé d’avis mh ?

-Je n’ai pas le choix donc non, je n’ai pas changé d’avis.

-Tant mieux et tu devrais d’ailleurs penser à faire quelques recherches sur lui, répond la voix au bout du combiné.

Je réfléchis un instant et je mets dans un coin de ma tête cette possibilité lorsque j’aurais un peu de temps libre. Je salue mon patron et raccroche. Je range mon portable dans ma poche puis termine mon verre de vin. Je suis complètement glissé dans l’obscurité de ma cuisine et ça m’apaise. J’ai connu beaucoup de journées rempli de beaucoup d’épopées mais je ne me rappelle pas m’être un jour retrouvé dans le bureau de mon patron, face à un homme tout à fait attrayant et rempli de fric qui me demandait moi, Zayn Malik. Je suis monsieur tout-le-monde et il est monsieur je-suis-une-pop-star-et-j-ai-énormément-d-argent. Nous sommes complètement opposés et pourtant, il m’a choisi.

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Qu'est ce que vous pensez de ce chapitre? J'accepte toutes les critiques :)

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