Chap 27
Carsten broyait du noir depuis plusieurs jours. Il cherchait toujours à se dérober aux invitations de Léo et Hassane pour qu'il s'en joigne à leurs repas ou leurs révisions. Seulement, depuis que Mewnie avait disparu, Carsten se sentait coupable. Il savait qu'il était en partie responsable de ce qui avait pu arriver, bien que Hassane lui ait dit qu'il semblait qu'il ne se soit rien passé, le Sune avait conscience des derniers mots qu'ils lui avaient dits. Depuis qu'il ne jurait plus par Oriel, Il avait la fâcheuse tendance de pester à tout bout de champ en implorant de l'aide d'Arganga, seulement il savait qu'on obtenait jamais de réponse à ce genre de phrases en l'air, ce n'était que des expressions, mais depuis qu'il s'était rapproché de la déesse Idore, le temps l'avait accoutumé à cette déesse, et dans l'impulsivité il avait maudit Mewnie à son nom. Il savait que quelques qu'elles soient, il y aurait des répercussions mais il s'en était rendu compte trop tard, il ne pouvait retirer ses mots. Aussi lorsqu'il apprit son retour, il fut profondément soulagé, mais il ne parvenait pas à la voir. Il se sentait fautif, pourtant son acte bien que volontaire n'était pas conscient... Il avait évité à tout prix la confrontation avec elle, comprenant par le même biais que les rares moments passés avec elle avait suffi pour qu'il s'attache à cette teigne. À cette pensée il sourit, errant sans but aux abords du lac Voln muni d'une large fourrure qu'il avait passé sur ses épaules, butant dans des cailloux imaginaires, les mains dans les poches de son bas.
Lorsqu'il était parti quelques jours plus tôt s'occuper l'esprit en plans voir les dragons, il vaut été attiré par le remue ménage, et les étudiants qui s'affairaient vers l'extérieur. Il avait fini par entendre le bruit du choc des épées l'une contre l'autre et s'était arrêté derrière la foule pour observer son ami se battre avec l'El'fe. Léo qui l'avait remarqué l'avait finalement rejoint dans son recoin à l'ombre de la caverne. Ils étaient restés silencieux, face au spectacle admirant leur dextérité et leurs mouvements au cœur de la bataille, virevoltant dans une danse magnifique dans une symbiose de magie enivrante. Il les trouva d'une beauté incroyable. Il semblait tous deux, des êtres tombés du ciel, et il savait que leur âme de guerrier les rendait plus forts, plus beaux, munis d'une aura de puissance.
- Je l'ai déjà dit à Mewnie, mais, tu devrais essaye de lui parler, ce blanc entre vous n'a pas lieu d'avoir n'est ce pas ? Tu n'es pas responsable de ses choix, Carsten.
Le Sune soupira longuement admirant l'expression de détermination qui planait sur les traits de la jeune fille.
- Tu as peut-être raison Léo, mais elle ne me doit rien, et moi non plus, au fond nous nous connaissons à peine, pourquoi ne pas juste avoir des chemins différents puisqu'on ne peut pas communiquer normalement ?
Les sourcils de Léo se haussèrent et il ne dit rien un moment, aussi figé que la foule par l'apparition de la magie de Mewnie sous la forme d'une panthère aux marques bleues, couverte de chaînes.
- Quoi que tu en dises, cela te fait de la peine, et à elle aussi, alors, réfléchis-y.
Carsten s'était perdu dans ses pensées, troublé par questions et lorsque le combat se termina, il sortit de sa léthargie, lançant à la ronde, alors que tout le monde applaudissait, en se retournant vers la montagne :
- Je ferai ce qu'il faudra.
Il se retrouvait maintenant, perdu dans ses pensées et lorsque l'image du sourire vainqueur de Mewnie apparut sous ses paupières, il sut ce qu'il fallait faire.
***
Sasha se rendit pour la première fois au Cours d'Éthique, à l'Amphithéâtre ouest, qu'il n'avait lieu qu'une fois toutes les semaines. C'était un enseignement obligatoire en première année, inclus par la suite en deuxième année à la Philosophie. Peu de gens étaient présents, préférant sécher ce cours qu'ils jugeaient inutile mais Sasha voyait les choses autrement. Aucun savoir n'était inutile, il valait mieux accumuler, toujours plus, tout pouvait servir un jour. Surtout que ce cours-là éveillait quelque chose de particulier en lui. Sasha ne connaissait pas la notion "d'Éthique". Ce n'était pas quelque chose qu'il connaissait, le bien, le mal, ce n'était pas des notions logiques, mais des codes sociaux qui dépendaient de l'endroit où l'on se trouvait. Il ne connaissait pas ces codes.
- Le Cours d'Éthique est une discipline philosophique portant sur les jugements moraux, lança le Sage chargé du cours. C'est une réflexion fondamentale sur laquelle, en principe, la morale de tout peuple pourrait établir ses normes, ses limites et ses devoirs.
Sasha avait du mal à accepter ces notions. Ils devaient apprendre et enregistrer comme règles ce que chaque action représente dans chaque société. Par exemple, si l'on tuait quelqu'un pour un sacrifice dans certaines communautés, envers les Dieux, cela était considéré comme normal, dans d'autres, enlever la vie d'une personne qui porte atteinte à soi coulait de source. La "normalité" était abstraite, dépendante de chaque personne, aussi il existait des possibilités infinies de choix "normaux" ou "non normaux", d'actes "mauvais" ou "bons". Sasha avait beau être capable de mémoriser tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il entendait, il trouvait cela si dérangeant, que tout un chacun soit capable de définir le bien et le mal sur n'importe quel sujet, comme si c'était un fait banal, sans importance. Si le jeune garçon devait tuer quelqu'un, en lui rien ne se passerait, il aurait tout simplement connaissance de cette action sans pour autant savoir ce que cela signifie pour chaque personne qui le saurait.
Sasha se devait d'apprendre et d'inculquer ces notions, pour les suivre et les respecter même si pour autant il ne pouvait en comprendre la logique. Ainsi au contraire, il parviendrait à évoluer plus facilement parmi les autres et comprendre en se basant sur ces codes, les réactions émotionnelles que ses pairs pouvaient avoir.
Un travail de longue haleine, mais nécessaire à ses yeux.
Sasha aimait également beaucoup le Cours de Paléographie où ils déchiffraient en groupes, les écritures anciennes. C'était une discipline permettant de lire et donc de comprendre et d'interpréter les anciens documents manuscrits. La facilité qu'il possédait avec les langues lui permettait de comprendre plus rapidement que les autres, mais surtout d'avoir un véritable aperçu du passé entre ses mains. Un passé que lui n'avait pas en mémoire. Ainsi il revoyait des langues qu'il ne lui semblait même pas connaître, comme une vieille fragrance d'un passé disparu refaisant surface. Sasha savait qu'en faisant travailler les mécanismes de sa mémoire, il pourrait peut-être éveiller de nouveaux souvenirs en lui, réveillant ainsi les engrenages rouillés du temps qu'il avait perdu, car il en était persuadé, il n'avait pas oublié. Tout était là, en lui. Aucune magie n'aurait pu lui enlever cette essence en lui.
***
Le Cours d'Ethnologie et anthropologie culturelle et sociale était le cours préféré de Mewnie. Inscrit dans son cursus, il faisait l'objet d'une étude comparative et explicative de l'ensemble des caractères sociaux et culturels « les plus manifestes comme les moins avoués des peuples, leurs caractères évolutifs qui sont plus ou moins propres à telle ou telle espèce et qui en font une « ethnie ».
La Dorosse n'aimait pas trop le terme d'Ethnie. Cela semblait être un mot pour diviser les peuples, pourtant il était nécessaire qu'elle l'utilise tel quel au sein du cours. Elle ne connaissait pas encore assez bien le Pirus pour saisir toutes les spécificités qui étaient expliquées, mais elle comprenait le cœur du sujet et cela la réconfortait avec l'apprentissage.
- Une ethnie est une population qui considère avoir en commun une ascendance, une histoire, une culture, une langue, un mode de vie ; bien souvent plusieurs de ces éléments à la fois. L'appartenance à une ethnie est liée à un patrimoine culturel commun, que ce soit la tradition, les coutumes, l'origine géographique, l'idéologie....A l'aide de théories et concepts qui lui sont propres, elle tente de parvenir à la formulation de la structure, du fonctionnement et de l'évolution des sociétés.
C'était ce que le Sage en charge de ce Cours avait récité d'un ton monocorde. Mais Mewnie savait que cela voulait dire bien plus que cela. Étudier la culture de chaque espèce dans chaque région même les plus reculées, leurs coutumes, leurs manières et leur langage avec leurs Dieux et leurs Mondes. Parmi tous les livres poussiéreux qui étaient entreposés en ces lieux, ce cours était bien le seul que la jeune fille trouvait utile. Cela relevait du concret, du réel. Connaître les diverses populations ne pouvait que lui être favorable, elle qui avait voyagé de Terres en Terres, et avait dû s'adapter à toutes les règles de chaque lieu. Connaître les autres populations permettaient de mieux les comprendre, de laisser moins de place aux préjugés, et elle y tenait plus que tout. Chaque personne avait sa valeur, et dénigrer quelqu'un parce qu'on ne comprend pas sa culture ne faisait pas partie de ses principes.
***
Léo avait pris l'option de Cours de Lettres, comme les deux années précédentes. Ils étaient peu nombreux, car cela rajoutait un certain nombre d'heures de travail en plus, mais il considérait cela plus comme un plaisir qu'autre chose.
- Apprendre à mettre en écriture cette part de soi, réelle, imaginaire, remisée, laissée en friche dans l'attente un jour, d'écrire pour transmettre. Mais pour écrire, il faut oser et surmonter parfois des interdits. C'est le rôle de l'écrivain de provoquer l'émergence de cet écrit qui sommeille en nous, et de l'accompagner vers le plus haut : la lecture, avait dit un jour une Sage à ce propos.
Cela avait profondément marqué le jeune garçon. Le Sage proposait des contraintes artistiques volontaires à chacun pour solliciter leur créativité. Aux yeux de Léo, ce cours avait bien des impacts sur ceux qui le pratiquaient. Il initiait à une forme de création, existant que sous peu de formes au sein du Temple, et pouvaient même avoir une visée thérapeutique en fonction des gens et de ceux qu'ils cherchent. Certains venaient ici, s'épanouir et exprimer leur vision du monde à travers la poésie, d'autres préférait changer de vie, et inventer contes et légendes aussi fictifs que réels de héros à travers les Mondes, d'autres encore cherchaient à se retrouver eux-mêmes, à soulager leurs maux et leur conscience en écrivant le récit de leur propre vie. Le Mage des rêves était habitué à créer des histoires pour les autres, alors partager cette passion, s'inspirer des autres pour trouver ses propres chemins, c'était une véritable libération.
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