Chap 24
Mewnie n'avait pas donné d'explications quant à sa disparition que se soit à Nora, Hassane ou bien Léo. Lorsque la petite rousse avait découvert au petit matin son amie dormant dans son lit elle s'était empressée de la voir en lâchant des cris de joie.
Mewnie voulait lui demander de partir mais lorsqu'elle vit le visage de Nora empreint d'un soulagement non feint, elle se fit violence et la rassura coupant le flot de questions qui s'échappaient de ses lèvres :
- Excuse-moi de m'être absentée, j'aurais dû te prévenir.
- Où étais-tu ?
Mewnie tenta de sourire, mais cela ressemblait plus à une grimace qu'autre chose :
- Là où il fallait que je sois, ne poses pas plus de questions, je ne pourrais pas y répondre, je vais bien, c'est tout ce qui compte.
Nora fronça les sourcils, mais finit par acquiescer dans un petit sourire et partit se préparer pour le repas et les corvées matinales, et tout en attachant ses cheveux en queue-de-cheval haute laissant ses nombreuses et épaisses boucles rousses envahir ses épaules, elle lança :
- Le cycle des corvées à changé Mewnie, tu n'es plus avec Carsten si ça peut te rassurer, nous sommes toi et moi de corvée cuisine et artisanat, alors lève-toi jeune fille.
Mewnie soupira, épuisée et lâcha un regard noir en direction de Nora, n'ayant ou dormir que quelques heures :
- Depuis quand tu te permets de jouer la grande, petite Sorcière ?
- Depuis que tu ne te montre point responsable, tu as raté des cours et tu vas avoir un certain retard...
- Cela me concerne Nora, je saurais me débrouiller, merci de ta préoccupation, mais ce n'est pas nécessaire.
Mewnie n'avait pas voulu être froide, mais Nora qui cherchait simplement à venir en aide à sa compagne de chambre, était piquée au vif par les remarques de la Dorosse. Elle disparaissait sans laisser de traces et il fallait que l'on fasse comme si de rien était ? Elle semblait mal en point et pourtant l'El'fe persistait à croire qu'elle pouvait tout gérer seule. La jeune Sorcière était déçue par l'attitude de son amie plus qu'elle ne voulait le montrer, elle l'avait beaucoup manquée, c'était à croire que ce n'était pas réciproque.
Elle enfila une robe verte à grandes manches et des collants blancs chaud et enfila ses chaussures en observant à la dérobée le dos de la Dorosse, qui enfilait ses bas noirs et rembourrés de fourrure et une chemise blanche ample, avec une écharpe de tricot violette.
Nora avait déjà remarqué les tatouages qui ornaient le dos de la Dorosse, une particularité typique de cette espèce où lorsqu'elles accomplissaient un acte de bravoure ou de sagesse un dessin apparaissait. Nora avait souvent contemplé de loin la panthère noire qui rugissait sur son rocher et les chaînes à menottes glacées qui entraient en symbiose dans une danse d'encre, mais le nouveau tatouage qui figurait sur son dos venait tout juste d'apparaître. Un immense dragon blanc couvert d'arcs électriques serpentait dans l'entièreté de son dos, le scindant en différentes parties.
Nora savait qu'il s'était passé quelque chose, mais savait que poser une question sur les tatouages d'un Dorosse était une grande marque d'impolitesse. C'était une marque de fierté pour eux, mais la coutume de leur peuple exigeait que si leurs prouesses devaient être contées cela devait être de leur propre initiative.
Elle se décida finalement à ne rien dire, blessée par son manque de confiance envers elle et finit de se préparer.
***
Mewnie avait été heureuse de revoir Sasha à l'heure du repas, celle-ci n'avait pas bronché, mais Mewnie s'y était habituée, et voir la jeune fille plongée encore une fois le nez dans ses livres lui avait même arraché un maigre sourire. Hassane et Léo avaient tenté par tous les moyens de comprendre ce qui était arrivé, mais Mewnie était toujours parvenue à changer de sujet, remarquant par la même occasion que Nora s'était rembrunie depuis le réveil sans pour autant en comprendre la cause. Elles avaient ensemble tenté de comprendre comment cuisiner les plats de la journée puisque c'était leur corvée ensemble, mais Nora s'était révélé bien meilleure qu'elle, avec des gestes graciles, elle avait rapidement compris que la cuisine fonctionnait comme une forme d'alchimie, aussi chauffer des fleurs dans divers mélanges avec des viandes séchées et fumées n'avait pas trop été compliqué pour elle, mais l'El'fe n'était pas douée avec les herbes, ça confection n'avait pas été de très bon goût aussi le Représentant de leur corvée lui avait obligée de manger sa casserole pendant les prochains jours, soutenue par Nora qui s'était permise de faire la remarque qu'il fallait qu'elle reprenne des forces. Elle avait donc mangé son affreuse mixture sans que ça ne puisse réconforter son cœur en peine.
Elle marchait maintenant en direction de ses nouveaux cours, ses manuscrits dans les mains elle avait finit par trouver son chemin vers l'amphithéâtre Nord, à ciel ouvert, après s'être trompée de couloirs, et arrivant parmi les dernières, elle fut surprise de trouver Léo et Hassane assis l'un à côté de l'autre dans les gradins les plus haut.
Elle s'approcha d'eux discrètement pour ne pas se faire remarquer comme retardataire et s'assit à côté d'eux.
Le Nyxe et le Mage sourirent tous deux à la vue de Mewnie, heureux d'être dans le même cursus sur la Culture et la Réflexion.
Mewnie tentait tant bien que mal d'écouter le Sage qui faisait son cours de Philosophie, mais ses pensées partaient rapidement ailleurs, et elle se fit la réflexion qu'elle n'avait pas vu Carsten une seule fois. Curieusement, elle ne savait pas si l'idée lui plaisait ou la troublait.
- Vous savez pourquoi Carsten n'est pas venu nous voir aujourd'hui ?
Les deux garçons qui peinaient à rester concentrés furent facilement tentés d'engager la conversation avec leur camarade, bien qu'elle s'exprimait très mal en Pirus, la question fut facilement comprise :
- Il travaille beaucoup en général, il est beaucoup plus rigoureux que moi, pouffa Hassane, on le voit peu en semaine, il préfère s'isoler, c'est comme ça.
Mewnie avait à peu près compris ce que voulait dire Hassane, mais elle grimaça tout de même en voyant que la route serait longue avant de pouvoir comprendre parfaitement ce que disaient les garçons sans l'aide de Sasha comme le midi même.
Cela dit, je ne sais pas si ce n'est pas aussi à cause de ta disparition, Mewnie.
Léo avait parlé dans la tête de Mewnie, d'une voix douce et presque sifflotante comme s'il avait entendu la supplique silencieuse de la jeune fille et en posant une main réconfortante sur son bras, il lui servit un sourire encourageant :
Il se peut que l'idée qu'il aurait pu te retenir le hante, je ne sais même pas qu'il est au courant de ton retour. Tu devrais peut-être lui parler.
Léo avait ce sourire constant sur les lèvres, rempli d'une douceur que Mewnie avait rarement vu chez les gens qu'elle rencontrait. Jamais elle ne l'avait vu en colère ou réellement contrarié, il était d'un calme olympien et c'est ce qui avait tout de suite fait peur à Mewnie en le rencontrant. Les Dorosse avaient par nature un caractère impulsif et rencontrer quelqu'un d'aussi calme amener tout de suite à la méfiance mais elle avait finit par comprendre qu'il était naturellement ainsi, elle n'en était pas moins perturbée.
Elle lui adressa un signe de tête pour le remercier et les deux garçons se lancèrent des plaisanteries alors même que Mewnie tentait en vain de récupérer les cours qu'elle avait manqué en notant sur ses propres cahiers à l'aide d'une mine de graphite ce qu'elle votait sur le cahier de Léo, bien que ce soit du Pirus et que le maître lui-même fasse son cours dans cette même langue.
Elle souffla longuement et lâcha sans le vouloir en Sylena :
- Par pitié, la seule chose que j'ai comprise en deux heures, c'est que le professeur a dû, avec son nez exagérément grand, inspirer l'entièreté de l'oxygène dans cette pièce pour que je sois à ce point capable de ne rien comprendre.
Un garçon et une fille dans le rang avant éclatèrent de rire en entendant les mots de Mewnie qui sourit gênée en comprenant qu'elle avait pensé à voix haute.
La voix du Sage claqua dans la salle lorsqu'il crie vers eux :
- Que se passe-t-il là-bas ? Un peu de tenue, je vous prie !
Le jeune Dorosse qui était assis face à Mewnie se leva en présentant ses excuses :
- Excusez moi professeur, je n'ai pas pu m'enpêcher d'approuver la réflexion de l'une de mes camarades.
- Et qui est elle ?
Le Dorosse se tourna vers Mewnie gênée et la jeune fille qui n'avait rien compris le regardant dubitativement lorsqu'il l'indiqua du doigt en s'excusant.
Le professeur la regarda droit dans les yeux et clama :
- Et bien, jeune fille, si vous dites des réflexions assez sensées pour vous permettre d'interrompre mon cours pourriez vous nous partager votre point de vue sur ce que nous venons de voir ensemble ?
Le vieil homme retroussé ses lunettes sur son nez et Mewnie qui n'avait pas compris un mot resta bouche bée un instant, la nervosité s'emparant d'elle. Alors qu'elle s'apprêtait à jouer la muette ou encore fuir la salle en courant pesant le pour et le contre de ces deux options, Hassane se leva brusquement et parla à sa place :
- Si vous me le permettez, je ne sais pas ce qu'a pu entendre ce jeune homme, mais mon amie est muette, cela ne lui empêche pas d'avoir des réflexions intelligentes, je peux vous lire ses notes comme résumé du cours si vous voulez.
Mewnie ne comprenait absolument rien de la scène qui s'effectuait devant ses yeux, bien qu'elle comprenait qu'elle était le sujet de la conversation. Sa bonne conscience lui dictait de ne rien dire et d'attendre.
Hassane attrapant les manuscrits presque vierges de Mewnie et souffla imperceptiblement. Il se mit à faire sembler de lire, improvisant un résumé :
- La philosophie signifie littéralement « amour de la sagesse ». C'est une démarche de réflexion et de questionnement sur le monde, la connaissance et l'existence humaine. Sous la forme de débat d'idées partagées lors du dialogue, la philosophie peut se concevoir comme une activité de méditation, ou bien d'analyse de concepts tels que le bien, le mal, la beauté, la justice et bien d'autres thèmes. Elle peut aussi être envisagée comme une recherche de la vérité, du sens de la vie, du bonheur. C'est une démarche de réflexion sur les savoirs à disposition. On y apprend la maîtrise de soi, la confiance, le dépassement de soi,...
Le Sage hocha la tête satisfait, et coupa Hassane en levant la main :
- Bien, bien. Merci Hassane. Reprenons.
Le Sage se retourna continuent sa lancée sur le sujet évoqué plus tôt et Hassane lâcha un profond soupir de soulagement en regardant en coin Mewnie qui était fatigué de ne rien comprendre haussa les épaules en grimaçant, gênée.
Les deux se regardèrent et décidèrent de ne faire aucun commentaire.
Mewnie enchaîna alors les heures de cours perdue dans ses pensées, elle avait eu un cours de Géographie et Cartographie qui servait d'après ce qu'elle avait pu déterminer à "comprendre l'organisation spatiale de phénomènes physiques ou humains qui se manifestent dans notre environnement et façonnent notre monde", un cours pour le moins, "intéressant", pensait-elle ironiquement. La cartographie étant la réalisation et l'étude des cartes géographiques et géologiques. Une matière qui avait l'air de passionner Léo au plus haut point. Elle avait également eu cours de magie intermédiaire qu'elle avait séché, puisqu'elle savait parfaitement manier sa magie qui de plus, ne se manifesterait certainement pas avec la théorie. En effet, la magie des El'fe Dorosse associée à la déesse Hora découlait de l'agilité, les sens physiques, la force, le courage, la maîtrise de soi. Pour atteindre un point d'équilibre avec cette magie, ce n'est pas dans un Temple qu'il faut aller, mais dans une arène, pensa sarcastiquement Mewnie. Par la suite elle avait fini les jours suivant par constamment sécher ce cours ainsi que celui sur l'Éthique et avait prit l'habitude de prendre les notes manuscrites de Léo et Hassane sur les précédents cours. Leurs manuscrits en mains, elle se dirigeait automatiquement vers la chambre de Sasha où elle savait qu'elle étudiait le livre qu'elle avait emmené de Carthag.
Elle entrait toujours sans toquer et se posait sur le plus proche attendant que Sasha daigne lever la tête.
Ils avaient appris au fur et à mesure à s'entendre grâce à ce code. Mewnie savait qu'il fallait qu'elle attende que Sasha est terminé, car lorsqu'on la coupait, elle ne répondait jamais aux attentes des autres. Elles s'entraidaient, Sasha apprenait par le biais de Mewnie à avoir des liens sociaux et à vivre en communauté, elle répondait également au flot de questions continuelles que se posait Sasha, sans qu'elle n'est plus besoin de les marquer dans son petit journal, délaissé à présent. Mewnie elle, recevait l'aide de Sasha pour apprendre le Pirus, seule chose qu'elle daignait trouver d'utile à apprendre pendant leur séjour au Temple, aussi Sasha s'appuyait sur les cours des garçons qui parvenaient à prendre des notes, et lui apprenait sans rechigner. Les autres interagissaient peu avec Sasha, encore perturbés par le vide émotionnel qu'éprouvait la jeune fille aux yeux translucides, mais Mewnie avait eu le temps et les épreuves pour s'y adapter et n'était plus du tout gêné par cela, considérant que Sasha avait sa manière d'exprimer sa gratitude ou son affection. Enfin, de ce qu'elle pouvait ressentir.
Elle se cala contre la jeune fille et ensemble, elles tentèrent de décrypter l'écriture de Hassane en Pirus. Mewnie avait des débuts difficiles, mais Sasha sentait que la Dorosse était motivée à apprendre, elle qui avait une mémoire sans faille n'avait pas eu besoin de "réviser", alors elle prenait son temps pour aider Mewnie. Elle savait dire à présent des mots décousus, et les repérer lorsqu'ils étaient écrits, sa prononciation était loin d'être parfaite, mais restait compréhensible, aussi Sasha ne doutait pas que s'ils continuaient sur cette voie, elle saurait rapidement communiquer simplement, sans son aide.
Parfois, les filles se joignaient à Nora et aux garçons dans une chambre ou une autre, ou encore au pied de la statue de Idore, pour apprendre et discuter ensemble. La cohésion qui s'était créée dans le groupe était douce et chaleureuse, Léo se sentait comme dans une petite famille en leur présence, ils leur arrivaient d'êtres sérieux et parfois plaisanciers, c'était là toute la douceur l'amitié florissante qui naissait entre eux. La Dorosse n'avait plus de nouvelles de L'El'fe blond, même Hassane et Léo ne lui parlaient plus "faute de temps", leur disaient-ils. Elle s'était faite à la raison, leurs chemins se séparaient. Nora et Mewnie avaient fini par enterrer la hache de guerre, autour d'une corvée d'artisanat où il fallait fabriquer des bols en terre cuite, Mewnie n'avait pas arrêté de casser ses œuvres, et Nora avait dû lui expliquer, le sujet de sa disparition était rapidement venu sur la table et Nora expliqua ses ressentiments quant à son manque de confiance en elle qui touchaient Mewnie. Elles s'étaient alors rapprochés, Mewnie était heureuse que Nora parle le Sylena, cela lui faisait du bien de pouvoir parler à quelqu'un d'autre que Sasha. C'était le problème qu'elle avait avec Hassane. La communication. Elle sentait un fil entre eux, le courant passait de mieux en mieux à mesure que les jours passent, mais la barrière du langage les freinait dans la progression de leur relation, un jour alors Hassane proposa par le biais de Sasha :
- Mewnie, j'ai cru comprendre que tu étais une excellente combattante, que dirais-tu de frotter ta lame contre la mienne ?
- D'où te vient cette idée ? avait-elle répondu, intriguée.
- Eh bien, tu cherches des cours de combat ? Je sais que je ne suis pas assez haut placé pour en proposer au conseil mensuel des Sages et Représentants, mais je peux t'aider à ne pas rouiller, avait-il enoncé avec un sourire malicieux.
La jeune Dorosse avait vivement acquiescé, son regard sombre remplis de flammes naissantes, une expression de sa magie qui faisait surface, attirée par l'idée.
Sasha les accompagna et ensemble ils allèrent tous trois au-dehors, près de la caverne où reposait quelques Dragons et alors que Sasha se posait dans un coin pour feuilleter son livre, les deux jeunes, le regard fier, un sourire de vainqueur sur le visage se placèrent sur l'arène improvisée, pieds ancrés dans le sol, Mewnie dégaina son épée, seul souvenir de sa vie à Otokapi, cette longue épée à double tranchant aux manches sertie d'éclats de Gorths, qui leur avait servi à tuer l'Hydre qui les avait attaqués Sasha et elle à Warden. Sa lame ayant été trempée dans son sang, la jeune fille avait demandé à Nora un neutralisant temporaire pour ne pas blesser Hassane. Celui-ci échauffait ses poignets en faisant des moulinets avec son sabre effilé. Mewnie savait que les Nyxes avaient une réputation redoutable avec cette arme et que combiner à leurs ailes, avec ces atouts hors pair, ils étaient difficiles à vaincre.
- Prête ? lança le Nyxe en Asethi, sa langue maternelle.
Mewnie qui connaissait le langage des armes dans toutes les langues, souria dangereusement avant de s'élancer.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top