Chap 23
Les paupières alourdies par la fatigue, Mewnie cligna les yeux un instant pour s'habituer à la lumière ambiante, ressentant chacun de ses membres picoter légèrement. Elle se trouvait allongée sur le dos d'Arkayn entourée d'un cortège de Dragons où chevauchaient des femmes aux armures rutilantes. La jeune El'fe lâcha un hoquet de stupeur en comprenant où elle était, volant à travers les nuages en compagnie des guerrières.
Attirée par le bruit qu'elle produisit, les Dragonnières se tournèrent vers elle, certaines lui sourirent, d'autres lui lancèrent un regard froid ou bien hochèrent la tête en guise de salutation. Ce fut la plus proche, qui lui lança :
- Alcoaiat, Elifen*. Comment vas-tu jeune fille ?
Mewnie ne répondit pas dans un premier temps. Elle avait repris une position assise sur son Dragon, de manière à pouvoir bien se tenir, et ne pouvait s'empêcher d'être émerveillée par les rayons de soleil qui se reflétait sur les armures de bronze des femmes aux morphologies différentes. De créatures différentes, certaines avaient les cheveux, longs d'autres court, des peaux de toutes les couleurs, reflétant tous les âges. Leur dos munit d'armes, différentes selon le cavalier, même leurs armures divergeaient les unes des autres, dans leurs ornements, leurs matières ou leurs constructions, certaines avaient des capes de velours ou des peaux jetées sur les épaules tandis que d'autres n'avait que quelques lanières de cuir courant sur leur peau pour tenir leurs armes, leur corps à moitié dénudé. Leur seul point commun et ce qu'avait perçu Mewnie en premier lieu, le fin casque de métal qui couvrait chacune de leur tête, un cerceau d'argent qui ceignait leur front et retombait sur leurs tempes représentant un statut très évocateur. Elles chevauchaient toutes des Dragons aux allures typiques de Noebe ou Nindia, leurs corps étaient recouvert de plumes, certains avaient une tête proche des oiseaux avec un bec et d'autres semblait plus proche des équidés. Leurs plumes avaient des couleurs semblables à l'aube ou au crépuscule, souvent avec plusieurs queues, celles-ci étaient recouvertes d'une fine couche électrique.
- Vous êtes des Val'kyrs ? demanda Mewnie d'une voix presque inintelligible, en proie à l'admiration.
La Dragonnière aux longs cheveux blonds qui l'avait questionnée sourit, ou du moins l'étirement de ses lèvres devait s'y apparentait puisqu'elle répondit en détournant le regard vers l'horizon du ciel.
- C'est cela jeune fille. Tu as beaucoup de chances que nous ayons senti ta détresse.
- Ma détresse ?
Mewnie se souvint brusquement de tout. La dispute avec Carsten, l'orage et les animaux de lumières, les éclairs et la chute. Elle ouvrit brusquement les yeux et devinant les questions que voulait poser la Dorosse qui bégayait, la sauveuse lui expliqua brièvement :
- Au vu de ta réaction, je pense que tu sais qui nous sommes. Les cieux ont entendu la prière d'un jeune homme qui voulait te faire faillir, mais nous sommes les messagères des Dieux, en abattant les Foudres des Tempêtes, nous nous devons de toujours venir aide aux âmes en détresse, prise par la colère injustifiée des Dieux. Nous accompagnons les perdus des montagnes et les victimes aux mains innocentes autant de créatures avec ou sans conscience qui mérite notre attention.
- Tu as de la chance que nous ne soyons pas loin, fit une autre aux cheveux sombres coupés près du crâne, tu aurais pu passer de l'autre côté, et accompagner notre convoi depuis le Monde des Rêves !
Elle fit un signe de main vers le bas et Mewnie constata en regardant qu'il nageait au-dessus d'une mer de nuages, avec les animaux de lumières qu'elle avait pu voir auparavant avec Arkayn. Ils étaient à présent rejoints des El'fes, Nyxes, Kridahe, Mages, Sorciers, Syrèn, Wylhae, Kitsune, qui couraient dansaient ou nageaient autour d'eux riant chantant ou parlant joyeusement, comme des chuchotements envoûtants.
- Vous parlez ma langue ?
- Nous parlons toutes les langues, Arganga nous le permet nous sommes ses messagères, Dorosse.
- Où sommes-nous, Guerrières ? murmura Mewnie qui croyait encore rêver.
- Nous sommes aux abords de Maradji, nous n'allons pas tarder à l'apercevoir, répondit la femme blonde.
- Maradji ? Mais ce n'est pas dans le Monde d'En-Haut....?
- Nous sommes bien à Noebe, jeune Dorosse.
Elle regarda tout autour d'elle, et le lien entre l'endroit où elle se trouvait et les Val'kyrs s'établissaient enfin. Ils voguaient dans la dimension du ciel.
- Mais....depuis combien de temps, je dors ? Pour aller à Noebe depuis Nindia, il a fallu prendre un portail, aux premiers ou derniers rayons du soleil, ce qui veut dire...
- Les heures et les jours passent sans que nous n'ayons de prise dessus, nous sommes immortelles, il n'a pas d'importance à nos yeux, mais disons que la lune s'est levée à plusieurs reprises depuis que tu es parmi nous.
Mewnie resta coite un moment, comprenant le temps qu'elle avait perdue, et la certaine inquiétude que ses compagnons pouvaient avoir. Avaient-ils mené des recherches ? Ou l'avait-il simplement ignorée ou attendue ? S'inquiétaient-ils pour elle ?
Mewnie se demanda alors comment Arkayn pouvait se trouver à Noebe, alors même qu'il ne pouvait traverser que le portail de Warden à Nindia.
- Comment se fait-il que je sois ici parmi vous, avec Arkayn, depuis autant de temps...
La femme blonde se rapprocha sur le dos de son Dragon vers Mewnie et lui relata les faits passés :
- Vois-tu, les animaux, comme les Dragons consomme eux aussi la magie, bien que ce soit d'une manière différente, ils peuvent en transformant une certaine quantité parvenir à certaines prouesses si tu veux, bien que pour nous, ce soit commun. Ton Dragon s'est imprégné de la magie du portail de Noebe qui recouvre les plumes de nos Dragons tout comme le tiens est couverts de celle de Nindia et a pu passer le portail, entouré de la protection du cortège sans que la magie dimensionnelle ne le repousse. Cela fait partie des lois de la physique des Dimensions que peu de gens connaissent, seuls quelques peuples nomades et bien évidement les Val'kyrs, les Chasseurs et les Fahren, messagers des Dieux et protecteurs des âmes.
Mewnie caressait distraitement Arkayn, le cœur gonflé de fierté et d'arrogance et continua de questionner la Val'kyr, emplie d'une curiosité naissante :
- Vous étiez à peine mentionnées dans les contes de mon enfance, je vivais à Otokapi dans la région des Orgues, on me parlait des Chasseurs des hommes de tout âge et espèces qui rejoignaient les étoiles, chacun représentant une constellation, voguant entre Arte et Otokapi. Avec deux yeux de différentes couleurs, ils se distinguent en Chasseurs d'âmes en peine, ils guident les perdus vers le Monde des rêves. Je pensais que Les Chasseurs n'étaient qu'une simple Légende, savoir que leur homologue féminin existe est fou. Comment faut-il procéder pour devenir une Val'kyr ? Est-ce vous qui choisissez ou les Dieux eux-mêmes ?
- Tu voudrais te joindre à nous, Dorosse ?
- L'avenir réserve beaucoup de voie a chacun d'entre nous, je ne sais pas encore laquelle choisir, mais je ne sais que me battre, j'aimerai que ce soit pour une cause juste.
- Je vais te conter l'enseignement des Valkyrs depuis la nuit des temps.
"Nous sommes les Val'kyrs, maîtresses des Foudres, ait le cœur brave et pur, et tu atteindras les messages des Dieux, femme de combat et de justice, qui s'ouvre à la magie des cieux, si leur âmes immortelles miroitant sans amour ni passion charnelle, aucun lien ne retient les chanteuses d'orages sur les terres, partout où elles erent le temps n'a d'emprise, seule leur dévotion envers Arganga sans la naissance en leur faveur, peut leur faire parcourir les veines du Naphîl, en leur sein, confiance est mère de sûreté"
- On dirait presque une énigme claire comme l'eau de roche, pouffa amusée Mewnie.
- Cela paraît simple en effet, mais là difficulté est là où on ne l'attend pas. Si le cœur te mène sur ce chemin, tu comprendras.
Elle resta un pensive, allongée sur le dos de Arkayn, les mains dans les nuages en contrebas, elle repensait aux mots de Carsten semblables à ceux de la Val'kyr, et le nez dans ses pensées, elle prit conscience du temps qui s'écoulait indéniablement, des gens qu'elle avait laissé et pourtant elle n'arrivait pas se résoudre à partir. Le temps paraissait s'étirer, entre ses doigts, la beauté du calme des cieux était si douce, Mewnie s'imagina en armure, volant sur Arkayn, entourée de légendes, et faire partie des nuages dans sa solitude intérieure, la vie serait douce, c'est vrai, mais elle sentait que quelque chose la poussait à revenir au Temple. Est-ce l'envie première d'apporter à Sasha des réponses sur lui-même ? Ou tout simplement la jeunesse de son corps et la fureur des sentiments qui voulait d'elle l'envie et l'amour ?
Les visages d'Hassane et Carsten apparurent dans sa tête et en grimaçant, elle sut que même si leur relation allait plus loin, elle ne lui donnerait pas cette sérénité qu'elle ressentait auprès des morts et des maîtresses de Foudres, mais alors un souffle inconnu vient soulever ses cheveux en apportant des murmures inconnus.
Mewnie fut touchée au plus profond de son âme par la douceur et la résonance de ces mots qu'elle ne comprenait pas jusqu'au tréfonds de son âme. Elle se redressa dégageant ses oreilles effilées pour mieux entendre et alors la Dragonnière aux cheveux coupés s'approcha d'elle et lui dit :
- Hora te transmet un message jeune fille, comme tu as pu le voir, sa voix est parvenue jusqu'à toi. As-tu compris ce qu'elle dit ?
Mewnie secoua négativement la tête, émerveillée à l'idée que la maîtresse de sa magie ait pu lui adresser des mots.
- "Trouve la voie de ton passé, là où ton peuple prend racine et perds sang et sueur, ce qui te retient vient d'un autre temps, ton cœur s'ouvrira à toi, tu sauras quel chemin est le tiens"
- Je ne comprends pas...
- Hora répond à tes questions intérieures, tu es parmi nous, le lien entre les Dieux et les immortels est très faible, alors ils entendent nos pensées internes et nous aide à trouver la voie.
Mewnie resta silencieuse, murmurant tout bas les paroles de la Déesse et de nouveau à la pensée de tous ceux qu'elle avait laissé, son cœur se serra. Toutes les épreuves qu'elle avait vécues avec Sasha, même si elle savait que Sasha ne devait pas éprouver grand chose à la nouvelle de sa disparition, Mewnie savait que quoi qu'en dise la jeune fille aux yeux translucides, elle avait besoin d'elle.
- Je vois ce que vous vouliez dire plus tôt.
Elle prit une forte respiration avant de continuer en regardant le soleil qui se couchait à l'horizon des terres de Mardji, perdues dans les nuages :
- Il me reste quelque chose à accomplir sur les Terres. Je dois repartir au Temple Memnos, à Nindia.
Certaines Dragonnières sourirent d'autres restèrent de marbre mais lorsqu'une femme rousse aux traits ridés sortit de son fourreau une immense épée en hurlant des mots en Naphîl, les autres, sortirent à leur tour leurs armes , les brandissant en l'air en répondant à son cri inhumain, en calquant la langue ou en jetant des petits cris, et soudainement, les vents se firent plus forts, rassemblant les nuages autour d'eux grondants et féroce, elles continuèrent de crier joyeusement et rangeant à présent leurs armes elles étirèrent leurs mains devant elles, leur bras couverts d'énergie électrique, vrombissantes, dans leurs mains se formèrent des éclairs qu'elles lancèrent telles des lances dans les nuages, se répercutant avec les roulement du tonnerre, les femmes volaient dans tous les sens, effectuant des figure avec leur montures en riant. Elles effectuaient une danse magistrale, en accord avec les éléments, elles semblaient irréelles.
Mewnie se joint rapidement à elles, en riant, éblouie par le sentiment de liberté et de bonheur qu'elle ressentait auprès d'elles. Elle comprit rapidement qu'elles survolaient ensemble la capitale de Noebe, ce morceau de terre flottant dans les airs, avec ses arches de marbres et de fer en lévitation dans les airs, des cascades d'eau translucides chutant d'elles. Elle évita les plus hautes tout comme les Val'kyrs, s'amusant à frôler les obstacles de près en proie à l'adrénaline. Une pluie fine se mit à tomber sur les Terres de Noebe mouillant Mewnie de la tête au pieds alors même que la pluie n'entrait jamais en contact avec les Val'kyrs, comme si elles les évitaient, leur donnant une aura de légendes. L'immortalité avait ses bénéfices se dit Mewnie en riant.
Elles se rassemblèrent alors en un cortège et Mewnie se glissa entre elles, volants en direction du soleil, la vitesse avec laquelle ils volaient donnaient le tournis à Mewnie qui se força à garder les yeux ouverts lorsque l'immense portail, cette brèche entre Nindia et Noebe qui s'ouvrit en formant des symboles de magie inconnue de tous. Ils y pénétrèrent, ensemble, les ailes des Dragons se chargeant d'électricité d'une puissance qui fit trembler la Dorosse avant de se retrouver à Nindia.
Ils survolaient à présent le lac Lyssen, cet immense lac au centre de Nindia qui partageaient les contrées de ses bords et les délimitaient. D'une couleur cristalline, l'eau bien qu'elle soit entourée de montagnes enneigées, ne glaçait jamais. Enfant, Mewnie se souvenait qu'on lui contait les mêmes récits qu'aux enfants Sunes, l'un d'eux racontait qu'un prince El'fe, héritier de la couronne, aurait mené son armée à la mort et pour ne pas être déshonoré, ce serait mis à courir dans le ciel sans jamais s'arrêter. Chaque jour, le prince du Soleil parcourt le ciel vers l'ouest puis plonge dans la mer pour nager et revenir le lendemain matin à l'est et reprendre sa course céleste. Les Sunes avaient peur lors du coucher du soleil à l'ouest qu'il ne puisse pas nager pour réapparaître le matin suivant à l'est, ainsi la nuit, ils ne dormaient pas sans lumière, afin d'éclairer le chemin du prince vers eux, s'il venait à ne plus pouvoir nager ou courir pour illuminer le ciel chaque jour, et ainsi rentrer parmi eux.
Mewnie ria instinctivement en se souvenant d'une déviante de la légende qui racontait que ce même prince était si narcissique qu'il était tombé amoureux de lui-même, et en voyant qu'il ne pourrait pas régner avec son reflet, il se mit à pleurer si fort, qu'en deux mois, ses larmes étaient si abondantes qu'elles inondèrent la vallée. Et ainsi que le lac Lyssen naquit.
Le sourire de Mewnie s'évapora, lorsqu'elle fut prise d'un mal de tête dès lors que le souvenir lui revint. Elle ne voyait plus qui lui avait murmuré cette histoire pour la faire rire enfant, alors que leur maître peinait à garder le calme de ses élèves à Otokapi, mais en sentant son cœur rater un bond, elle comprit que le chemin de ses souvenirs était erroné, il lui manquait, quelque chose, ou bien quelqu'un.
Mewnie discutait joyeusement avec les deux Dragonnières qui s'étaient avancées à son niveau et en voyant le Temple Memnos au loin sentit une pointe de déception parmi la joie qui l'emplissait. Le rêve prenait fin, et bien que la chute lui permettant de revenir à la réalité serait douloureuse, elle savait qu'elle devait l'affronter.
Elle salua les Val'kyrs avec beaucoup d'admiration, leur promettant de faire attention à elle et de bien se tenir et alors leurs chemins se séparèrent. Les guerrières hurlèrent ensemble dans un cri de ralliement qui réjouit Mewnie et s'envolèrent à une vitesse fulgurante dans les hauteurs, aussi vite que leurs éclairs.
Mewnie sur le dos d'Arkayn, volait dans le climat calme qui environnait le Temple, le cœur allégé par le sentiment de savoir pourquoi elle était là, qu'elle était son but, le sentiment d'avoir enfin compris où se trouver sa place et pourquoi elle devait continuer sur cette route. Elle survola le Temple avant de se poser dans la caverne où logeaient les Dragons. L'aube venait à peine de poindre le bout de son nez aussi elle savait que tout le monde dormait profondément. Elle descendit de sa monture et caressa distraitement le nez d'Arkayn, pensant à l'avenir devant elle.
En regardant les braises où dormaient les Dragons paisiblement, les ailes ankylosées par le manque d'air et de mouvement elle se retourna vers Arkayn, une larme perlant au coin de l'œil.
Elle lui murmura des mots doux caressant chacune de ses écailles roses et blanches irisées d'une couleur de nacre et d'ivoire, passant ses doigts délicatement là ou les blessures subies dans les Profondeurs de Warden avaient pu laisser des cicatrices. Le souffle d'Arkayn s'était alourdi, devenant plus calme et plus serein. Lui aussi avait changé, pensa distraitement Mewnie, il était devenu moins fougueux et impulsif, tout comme elle, il avait appris à calmer son tempérament, moins coléreux. Elle sourit posant sa tête contre celle du Dragon qui le regardait de ses yeux sombres et attentifs.
Elle embrassa délicatement son museau en murmurant, la voix tremblante d'émotion :
- Je sais que tu sens ce que je vais te dire Arkayn. Je sais que tu me comprends, que tu ressens ce que je ressens moi aussi, tous les mots du monde ne peuvent dire ce que je ressens pour toi, ce que nous vivons et ce qui nous lit. Tu as été mon premier ami, je ne me souviens même plus le jour où nous nous sommes rencontrés, seuls des brides restent dans mes mémoires, mais tous ces moments passés ensemble à grandir, à rire et s'enfuir dans les contrées de Warden, à voler ensemble à partager les moments les plus fugaces. Les Dragons sont d'une loyauté sans faille, je le sais. Je le sens. J'ai toujours vécu à tes côtés.
Elle prit la tête du Dragon entre ses mains et le regarda, leurs yeux soudés les uns dans les autres, des larmes roulant silencieusement sur les joues de Mewnie. Elle hoqueta, la voix chargée d'émotion, et d'une voix feinte d'une rare sincérité elle continua :
- Je suis très fière de toi. De nous. Nous avons parcouru ce chemin ensemble et.... il est temps pour nous de prendre des chemins différents.
Le regard du Dragon était d'une profondeur qui serrait le cœur de Mewnie, elle avait toujours trouvé Arkayn d'une beauté sans pareille, enorgueillie de voler avec lui, elle sentait que lui aussi souffrait de ce choix, mais qu'il comprenait. Oui, il comprenait. Parce qu'il n'était pas qu'une simple bête qui ne pensait pas par elle-même. Mewnie sentait qu'une âme consciente et vivante, qui ressent et réfléchit se cachait dans la profondeur des entrailles du Dragon.
- Je ne peux pas te laisser croupir ici, sans pouvoir voler, sans pouvoir vivre. Tu n'as jamais été un animal en cage, mais un ami loyal et présent à mes côtés quels que soient les épreuves. Je ne sais pas où mes quêtes vont me mener, mais je sens au fond de moi que c'est un chemin que je dois parcourir seule avec ma conscience. Tu es un Dragon, ton avenir est dans le ciel, libre et sauvage, une force de la nature. Ce serait trop égoïste de ma part si je t'obligeais à rester bien que mon cœur me crie de le faire...
La voix de Mewnie trembla et alors elle enlaça le Dragon avec force, hoquetant parfois sous la force du chagrin, elle murmura entrecoupée par les larmes, après un moment indéfini, collée à la chaleur d'Arkayn :
- Je t'aime Arkayn. Va, fidèle ami. Rejoins les Val'kyrs qui volent libres dans le ciel. Un jour, peut-être, si mon destin m'y mène, je t'y retrouverai et ensemble, nous parcourons à nouveau les cieux.
Mewnie se détacha lentement de son Dragon, sans parvenir à croire à ce qui se produisait. Elle recula tremblante, passant ses mains nerveuses dans ses cheveux qui collaient sur ses joues.
Le Dragon ne bougea pas pendant un moment, puis comprenant qu'il était temps de séparer, il souffla une volute de vapeur chaude vers Mewnie, comme pour exprimer à son tour, ses propres mots et lorsque le Dragon s'envola dans les airs avec puissance, Mewnie crut voir entre ses propres larmes, l'œil du Dragon en produire une. Mewnie sourit en imaginant cette image, cette expression consciente et presque trop humaine pour des créatures comme elle ou comme Arkayn, prouvant simplement à la jeune fille que tout être vivant éprouve et ressent qu'elle que soit sa manière de l'exprimer.
Elle se détourna du Dragon qui n'était plus qu'un point à l'horizon à présent et essuya rapidement ses larmes, stupéfaite par sa capacité à en créer, elle qui n'avait pas le souvenir d'avoir pleuré avant. Elle sentait son cœur lourd et léger à la fois, enivrée par la fatigue, l'émotion et violence des dernières heures. Il était temps à présent, qu'elles suivent son propre destin.
Elle grimpa les marches et les passerelles autour de la montagne, jusqu'à la galerie cinq où en entrant, le corps et les vêtements trempés, les yeux bouffis de larmes et le corps secoué de douleur et de tremblements. Elle entendit non loin d'elle être appelée et en levant la tête vit Hassane s'approcher d'elle, le visage dévasté par l'étonnement et l'inquiétude.
- Mewnie ! On t'a cherché partout, mais où étais-tu ! Cela fait cinq jours que tu es partie avec la tempête..
La jeune fille le coupa d'un geste de la main avant qu'il ne s'approche trop près d'elle, ne voulant pas qu'il voit son visage rongé par les larmes et lui dit d'une voix qui se voulait rassurante :
- Je vais bien Hassane, calme toi, je t'expliquerai, j'ai juste besoin de repos là.
Elle se détourna de lui, le laissant bouche bée et partie retrouver sa chambre, où dormait à poings fermés Nora. Mewnie sourit en la voyant heureuse de l'avoir retrouvée et du courage qu'elle avait eu à revenir, affronter la vie sans se laisser prendre par le jeu des nuages qui lui promettait tout ce qu'elle rêvait. Elle enleva sa pèlerine, puis sa tunique, ses bottes et ses bas et se glissa dans son lit, vêtue d'une unique chemise qui traînait dans le lit en l'attendant depuis presque une semaine.
Une semaine. Mewnie inspira longuement en assimilant la nouvelle. Une semaine sur le dos d'Arkayn à dormir et rêvasser dans le ciel parmi les Val'kyrs.
Des choses avaient dû changées en son absence, pensa-t-elle en s'endormant peu à peu, mais elle ne s'en souciait pas. La seule chose qui pesait dans son cœur était le souvenir d'Arkayn s'envolant dans les airs en quête d'une liberté renouvelée, sans elle.
............................................................................................................................................
*Alcoaiat, Elifen : en Naphîl, "Alcoaiat" étant un mot synonyme de "salutations" ou de "bon matin" et "Elifen" signifiant "El'fe", dans la même langue.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top