Chap 16
Une dizaine d'élèves les attendaient au point de rendez-vous, un immense abri de pierre qui se trouvait derrière la montagne, formé par la liaison avec un autre mont, qui donnait ainsi une ogive sur une caverne de plus de sept toises. Des palissades en bois séparaient le creux de la pierre en différents espaces, dans lesquels se trouvaient allongés quelques Dragons roupillant dans un profond sommeil. Mewnie fut soulagée en voyant que son Dragon avait un refuge, bien qu'elle ne l'apercevait pas parmi ceux qu'elle voyait mais son soulagement fut de courte durée, lorsqu'elle fut interpellée par le gérant des transports :
- Eh vous deux là ! Vous êtes en retard de vingt minutes ! Je vous donne cinq secondes pour rejoindre le convoi et faire votre drachtvâ* de boulot !
L'homme était couvert d'un blouson épais de cuir noir et de gants identiques, dépassant de trois têtes Mewnie et Nora, ses mèches blondes étaient retenues par un bandeau de tissu bleu nuit qui ceignant son front, où piquaient vers le ciel ses deux longues et fines oreilles. Mewnie plissa les yeux en voyant l'individu et grognant tout bas, elle se retint de faire un quelconque commentaire. Il tenait entre ses mains des feuilles accrochées sur une pancarte en bois et leur indiquaient d'un œil sévère, un troupeau de bêtes s'apparentant à des bœufs. Des bisons possédant trois longues cornes, deux au niveau des oreilles et une perçant le milieu du front. Ornées de gravures taillées, la corne centrale était sertie d'un anneau en or, chargés de paquets sur le dos que les élèves s'acharnaient à détacher et à transporter sur le sentier de la montagne où ils habitaient.
- Nous sommes désolées du retard ! Nous avons eu quelques petits soucis sur le chemin, le vent s'est levé et...commença en bégayant, Nora.
- C'est votre problème, pas le mien. Vous n'aviez qu'à venir plus tôt, vous seriez à l'heure, comme tout le monde.
Nora resta sans voix et s'empressa de franchir les derniers yards* qui les séparaient du convoi. Mewnie qui n'avait pas compris ce qu'il avait dit, inapte à parler le Pirus, cracha néanmoins en sa langue maternelle :
- Comme si vous étiez irréprochable, Sune.
- Vous vous doutez bien que je comprends ce que vous dites, Dorosse, ici n'a pas lieu d'être les vieilles rancunes entre espèces, vous devriez faire comme tout le monde : travailler et arrêter de parler pour ne rien dire, répondit-il en Sylena, sans lever les yeux de ses feuilles.
Sans se décontenancer, elle lui lança un regard furibond et rejoint sa camarade de chambre.
Mewnie ne savait parler que le Sylena, aussi avait-elle eu de la chance que sa colocataire connaisse quelques bases de cette langue. Elles ne pouvaient jamais vraiment aller plus loin dans leurs discussions que les simples banalités, mais Nora lui avait proposé de lui prêter l'un de ses ouvrages sur le Pirus pour qu'elle puisse apprendre à communiquer avec les gens autour d'elle. Elle avait accepté, plus heureuse qu'elle ne le montrait, soulagée de penser qu'elle sortirait bientôt de la classe des gens ignares. Sasha ne serait ainsi plus obligé à traduire sans cesse ses propos.
Les bêtes portaient des charges sur le dos, des paquets enroulés de tissus transportés dans des paniers, fixés sur une armature adaptée au dos de l'animal porteur. L'animal était harnaché de manière à pouvoir franchir des terrains difficiles, en absence de route. Les élèves déchargeaient les bêtes, dénouant les différents cordages et portaient à plusieurs les paquets dans les sentiers qui montaient vers la montagne. Une véritable besogne pour se muscler les bras à en croire les visages crispés de douleur de certains élèves.
Mewnie s'approcha d'une bête et Nora qui travaillait déjà à la libérer de ses cordages, lui montra lentement, en déplaçant agilement ses doigts entre les nœuds. Elle suivait du regard les mouvements de la Dorosse et grimaçait en voyant les tournants que prenait le cordage à présent emmêlé. Elle finit par défaire son nœud pendant qu'elle attrapait l'un des colis sortant de son panier.
- Qu'est-ce qui peut bien vous prendre autant de temps ? Vous êtes nouvelles ou quoi ? lança en Pirus le blond au bandeau en nous lorgnant d'un mauvais œil.
- Tout va bien, ne vous inquiétez pas, je lui explique juste rapidement comment on doit faire ! cria Nora dans le froid environnant.
Bien que Mewnie ne comprenait pas de quoi il en retournait elle se doutait que ce n'était pas des mots doux qu'il disait à leur encontre... Serrant les dents elle prit le paquet à pleines mains et entama la montée des sentiers rocailleux. Le terrain était glissant, la glace recouvrait partiellement le chemin, et en absence d'équilibre on pouvait facilement faire une mauvaise chute. Mewnie avançait doucement, de peur de glisser, le souffle court sous le poids de son paquet, lâchant des volutes de vapeur dans l'air. Certains élèves habitués par les intempéries, dépassaient la jeune fille agacés par sa lenteur. Maudissant intérieurement Nora pour l'avoir emmenée ici, elle continua son chemin jusqu'à la galerie deux où elle fut soulagée de rentrer dans le cœur de la montagne, au chaud. Mais en s'approchant du réfectoire là où elle devait y déposer le paquet, la chaleur environnante la laissa trempée de sueur. Son manteau était approprié pour le froid extérieur mais les couloirs étaient chauffés et le court moment de répit au cœur de la montagne se transforma rapidement en bouffée de chaleur, l'étouffant sous sa fourrure. Elle sortit prestement de la galerie et le contraste avec la température bien que rafraîchissant un instant, la glaça rapidement jusqu'au sang. La sueur qui perlait sur son dos et son froid s'était vite gelé, refroidissant son corps jusque dans ses os. Ses doigts étaient rouges, couverts de coupures, elle n'avait pas par malheur couverts de gants ses mains, qui désormais étaient si froides qu'elle n'en sentait plus les extrémités. Maudissant une énième fois tous les êtres des Mondes qui avaient pu l'emmener dans ce calvaire, elle se laissa observer les flocons de neige danser autour d'elle. La galerie deux était assez haut placé sur la montagne pour que la tempête en contrebas ne l'atteigne pas. Les bouts de cristaux gelés tourbillonnaient autour d'elle et malgré les conditions physiques que son corps supportaient, elle se surprit à aimer le spectacle laissant même un fin sourire étirer ses lèvres gercées. Son regard fut brusquement attiré par une jeune femme qui semblait sur le point de rendre l'âme tant son corps balloté par les vents tremblait et se balançait dans tous les sens. Sa peau d'une couleur de nuit, était transpercée de cheveux longs et blancs collés sur son visage. Le paquet qu'elle tenait dans les mains était visiblement trop lourd pour elle et alors que le paquet s'apprêtait à quitter ses mains, elle le rattrapa rapidement en posant son pied sur une plaque glissante devant elle. Mewnie n'eut pas le temps de l'avertir que ses pieds glissèrent alors que Mewnie se jeta de tout son long pour l'attraper avant que son corps ne passe par-dessus le sentier et ne tombe en contrebas, où la chute aurait pu lui être fatale.
Le choc de la pierre sur son corps fit grimacer Mewnie mais elle tendit le bras et attrapa la taille de la fille menue avant de l'enserrer et de la ramener sur le flanc de la montagne avec la force de l'élan. Elles se cognèrent contre la roche, mais ne bougèrent plus sur le sentier verglacé. Passée la surprise du choc, Mewnie ouvrit les yeux et observa la jeune fille priant pour qu'elle n'ait rien. Celle-ci tremblait dans ses bras, sur le point de tourner de l'œil. Mewnie vit le paquet que la jeune fille tenait, tomber en contrebas avant de s'écraser inexorablement à quelques yards seulement de deux autres élèves qui portaient leur propre colis. Le paquet sous la force de l'impact s'ouvrit en deux laissant s'échapper une multitude de fleurs jaunes dans la neige. Mewnie jura en voyant les dégâts et lança un regard noir aux élèves qui la regardaient à présent.
Elle se retourna vers la jeune fille et desserra le col de son manteau pour qu'elle puisse mieux respirer. Celle-ci reprit légèrement contenance, son visage reprenant quelques couleurs et des mots hésitants s'échappèrent de ses lèvres:
- Qu.... tu...?
Sans chercher à savoir en quelle langue elle parlait, l'El'fe répondit naturellement :
- Mewnie. Et tu me dois une fière chandelle !
La fille s'évanouit à nouveau alors que deux filles non loin de l'entrée de la galerie se précipitèrent vers elle, pour voir ce qui s'était produit. Posant un nombre de questions effarant, Mewnie agacé de ne rien comprendre à leur piaillement, leur fit signe de tête de l'emmener à l'intérieur et de s'occuper d'elle. Sans plus rien dire face au regard de Mewnie, elles attrapèrent la jeune fille à la peau de nuit et l'emmenèrent à l'intérieur de la caverne.
Mewnie se redressa grimaçant de douleur, après la chute qu'elle venait d'effectuer et sans se soucier de ses mains égratignées et du sang qui semblait couler sur ses genoux, elle avança rapidement vers le colis éclaté sur le sentier d'en bas. Les deux jeunes qui se trouvaient plus tôt au même endroit avaient déserté l'endroit, laissant leur colis bien en place dans la neige, sûrement partis pour prévenir le maudit Sune.
- Erkorast da inuitem*, marmonna la jeune El'fe en tentant vainement de remettre les fleurs salies de neige dans le paquet.
Comprenant que cela ne servait à rien, elle ramassa les quelques fleurs sauvées par le temps et referma le paquet rapidement, pressée de partir avant l'arrivée de...
- Drachtvâ, mais c'est quoi ce bordel ! s'exclama furieux le Sune.
- Et le voilà, pensa-t-elle à voix haute, il ne m'avait pas manqué celui-là. Il y a eu un accident, clama-t-elle d'une voix plus forte pour qu'il puisse entendre par-dessus le bruit des vents, elle...
- Je ne veux rien entendre, l'histoire du comment ou du pourquoi, ce sont tes affaires ! Ce que je vois moi, c'est un colis de nourriture éparpillé sur le sol ! Quelle qu'en soit la cause, tu en es responsable, je vais t'assigner des corvées supplémentaires pour les dédommagements !
Mewnie était éberluée face au comportement du jeune El'fe Sune, sans dire un mot de plus elle repartit sur le sentier furieuse, décidée à revenir dans ses appartements, laissant les autres sur place.
Brusquement, son bras fut attrapé par le blond dont le regard couvait une colère noire.
- Je ne supporte pas l'insubordination, je veux que tu sois à vingt heures pétantes au point des lavandières au lac Voln, est-ce clair ?
Mewnie arracha son bras de son emprise en grinçant des dents mais ne fit aucun commentaire repartant vers la galerie cinq.
En son for intérieur, elle priait pour que les choses se passent mieux chez les garçons.
***
Sasha se trouvait dans une petite salle proche des deux amphithéâtres qui bordaient le Temple. La crevasse qui avait été creusée rapidement, pour servir de zone de stockage était couvertes de nombreuses étagères où était disposé un nombre incalculables de feuilles de crayons et de pots d'encre, dans un désordre parfait, a cette vue, elle avait tiqué, se rendant compte par la même occasion que l'organisation était un point d'intérêt chez elle et que l'état de la pièce faisait partie des choses qu'elle rebutait. L'entrée était cachée derrière la chute d'eau qui s'écoulait du Temple, protégé de la vue de tous. Léo était venu avec lui, s'étant inscrit à la même corvée que lui pour la matinée et désormais ils étaient assis en tailleur sur le sol parmi une dizaine d'autres étudiants attendant les instructions de la gérante. C'était une jeune fille, aux mêmes caractéristiques que Mewnie, une El'fe Dorosse donc, conjectura Sasha. Ses cheveux tiraient sur le brun clair, la rendant plus humaine, mais ses oreilles pointues et ses yeux sombres la distinguait d'eux. Il pouvait apercevoir certains des tatouages ornant son dos qui remontaient sur ses épaules, dégagées des manches de sa tunique verte, qui étaient échancrées à ce niveau. Elle portait de grande lunettes rondes et parlait d'une voix douce et timide, bien que sévère.
- Nous allons commencer. Comme vous le savez, nous sommes avant tout des étudiants, et en tant que tel, il nous faut du matériel pour travailler et apprendre. Chaque élève reçoit à son arrivée bien évidemment tout ce qui lui sera nécessaire aussi, c'est à nous autres, de leur fournir ce dont ils auront besoin. Prenez les instruments que je vais vous dicter sur les étagères à vos côtés et commençons. Vous aurez besoin des feuilles, du charbon..
Léo adorait l'accent Sylennien. Cette langue faisait parties des plus belles d'après lui. Tous les El'fes se devaient de l'apprendre et bien que les Munes et les Sunes avaient leur propre langue, l'héritage physique de leur espèce les menaient à parler la même langue que les Dorosse. Les mots qu'ils emploient ne sont pas seulement accentués pour créer une jolie mélodie, mais pour être intelligibles. Les mots revêtent une signification différente selon que l'accent se positionne sur l'une ou l'autre des syllabes : «je marche», «il marcha» ou «chemin». Omettre d'accentuer n'était pas seulement une erreur de prononciation, mais une faute. Il se plaisait à écouter la gérante qu'il avait déjà eue plusieurs fois l'occasion de rencontrer. Il ne comprenait pas ce qu'elle disait, mais étant venu mainte fois, il avait appris en observant ses gestes méticuleux et n'avait désormais plus besoin de ses instructions. C'était l'une des corvées qu'il préférait, elle lui permettait de reposer ses méninges et de laisser libre court à ses pensées.
Le travail que demandait cette corvée était celui des parcheminiers de Carthag se dit Sasha, seulement les ouvrages qu'ils produisaient dans le Monde des Humains étaient destinés aux professeurs pour la plupart. Les plus riches aristocrates possédaient de beaux manuscrits enluminés alors même que les élèves de son âge possédaient des crayons aux mines instables, qui se brisaient sans cesse et aux feuilles jaunies, qui se déchiraient au moindre coup de pâte à gomme.
Sasha qui avait disposé son matériel face à elle scrutait le moindre des mouvements de la jeune fille. Elle s'attelait à la tâche et se rendit compte par la même occasion qu'elle préférerait ses cheveux de garçon, moins long qui n'entravait pas ses mouvements. Elle garda dans un coin de sa tête cette réflexion, pour la partager avec Mewnie. Elle l'avait aidé à traduire ses propos, en tant qu'amie elle devait l'aider en retour non ?
Parmi les trois principaux supports que l'on possédait, on trouvait le parchemin, fait de cuir tanné, des peaux d'animaux allant des plus épaisses d'une qualité ordinaire aux peaux plus fines d'une qualité fine et prisée, mais aussi plus chère, recherché pour leur blancheur, douceur et finesse. Ainsi que le papier, fabriqué à partir de chiffons plongés dans l'eau, constitués de fibres croisées tendues sur des cadres et le pafra, qui semblait fabriqué de la même manière que le papyrus, avec des fibres de tiges de fleurs, disposées en deux couches croisées elles avaient été martelées pour obtenir des feuilles à la surface lissée. Ils étaient rangés en grands rouleaux et constituaient la majeure partie du matériel présent.
Il y avait également des peaux de toutes sortes d'animaux pour fournir des couvertures rangées par bottes, pliées en deux ou en quatre, des tablettes en cire et des plaquettes en bois.
- Les tablettes de cire et de bois servent pour s'entraîner sur différents types de calligraphies, lança la jeune Dorosse, on grave dessus à l'aide de pointes de métal ou d'os. Les écrits destinés à durer sont transcrits sur des rouleaux de papyrus ou de parchemin. La fabrication des supports d'écriture est longue et minutieuse, c'est pour cela que j'exige de la concentration. La peau est plus solide et plus résistante aux incendies, on l'utilise principalement pour les reliures, mais les plus beaux manuscrits que notre magnifique Bibliothèque protège sont fait eux de peaux, pour êtres mieux conservés et ont la particularité d'être teintés en rouge ou en noir, couverts de lettres calligraphiés en feuilles d'or ou d'argent. Ce sont des manuscrit de luxe, que seuls les plus bons élèves peuvent ouvrir et étudier ! lança-t-elle, orgueilleuse.
Sasha sentait qu'elle était passionnée par cet endroit, et la fabrication des manuscrits, elle ne pouvait s'empêcher de la comprendre. Elle était attelée à la tâche de reliure des manuscrit vierges, et semblait savoir instinctivement comment faire. La jeune Dorosse prit un châle gris aux motifs bleutés laissé négligemment sur le sol et couvrit ses épaules, en continuant ses éternelles instructions.
Pour tracer ses lettres, plusieurs outils étaient utiles : la pointe, une mine de charbon ou d'autres pigments servant principalement pour les brouillons, et enfin la plume d'oiseau, parmi les nombreux types qu'il existe dans les Mondes, taillées à la pointe à l'aide d'un canif. L'encre noire est obtenue par la décoction de fleurs et l'encre rouge, de terre, qui était principalement réservée aux titres des ouvrages et des chapitres, selon les indications de l'El'fe.
Le groupe était scindé en trois parties, il y avait ceux qui à l'aide des matières premières fabriquaient des rouleaux de peaux et de papiers, ceux qui confectionnaient les outils d'écriture et ceux qui reliaient les manuscrits. La corvée durait deux heures, mais Léo et Sasha était loin de penser que l'activité était une besogne.
Les premiers fondaient la cire sur des pierres chaudes pour les mouler, ils découpaient également des pièces de cuir avec des pierres tranchantes et fabriquaient les différents types de papier avec les matières premières. Les autres taillaient les plumes, les mines de fusain, sanguine et sépia, rangés dans des étuis et confectionnaient des encres qu'ils versaient dans des flacons.
La troisième section du groupe dont Sasha et Léo faisaient partis, s'occupait de relier les manuscrits. Sous les conseils à peine écoutés de la jeune El'fe, elle récupéra une pièce de cuir, dont elle polit les bords avec une pierre taillée presque amoureusement, se dit Léo en la regardant du coin de l'œil. Elle touchait du bout des doigts les finitions à présent douces et attrapa un rouleau de papier qu'il plia de sorte à former un cahier. Selon les dires de la jeune fille à lunettes, la reliure est un élément fondamental du livre. Léo, lui ne faisait qu'un brochage, où il cousait de simples rectangles de cuirs pour maintenir la liasse de feuilles, moins solide.
Sasha perça les feuilles avec une pointe de métal chauffée et enfila des lanières de cuir qu'elle lia à l'aide d'une grosse aiguille, avant de les coudre sur le cuir, en croisant les fils sur la tranche délicatement. Ses gestes étaient habiles et précis, habitués. Elle termina rapidement sa besogne et forma trois autres livres, avant que l'heure des corvées ne s'achève.
Alors que tous les étudiants sortaient de la pièce Sasha continuait à coudre les pages d'un nouvel ouvrage sans même relever la tête, obnubilée par la tâche. Léo était resté dans un coin de la pièce attendant que Sasha ne se réveille de sa léthargie.
La jeune El'fe bien qu'elle ne soit pas pressée, s'approcha de Sasha et s'accroupit en lui tendant l'ouvrage qu'elle avait confectionné durant la corvée. La jeune fille aux yeux translucides leva la tête et observa ce qu'elle lui tendait avec un petit sourire.
- Tu as bien travaillé aujourd'hui, jeune parcheminiere, je te l'offre, tu en auras besoin. Tu es nouvelle je présume, je ne t'ai jamais vue ici, pourtant tu m'as l'air de bien aimer les livres. Alors prends-le.
Face à l'indifférence de Sasha, qui n'esquissait plus aucun geste, elle ajouta pour la convaincre :
- Tu as fabriqué plus d'ouvrages que les autres tout en étant plus minutieuse. Pour cela, je te remercie. Peu de gens viennent ici et prennent du plaisir à coudre les pages.
Sasha prit finalement le livre que la jeune El'fe lui tendait et passa ses doigts sur la dorure qui ornait la tranche. Elle l'avait posée lorsqu'elle avait terminé la reliure, en couchant du blanc d'œuf, pour protéger le cuir du livre et faire adhérer les feuilles d'or chauffées, qui formaient à présent des rubans d'or sur la tranche, délicats.
La gérante avait grâce à son expérience, le droit et la possibilité de fabriquer de plus beaux ouvrages, couverts d'enluminures ou de dorures, destinées dans un premier temps aux Sages comme elle l'avait expliqué précédemment.
Sasha prit l'ouvrage qu'elle lui tendait précautionneusement et sans dire un mot se releva pour ranger ses outils.
- Je n'ai pas le droit normalement d'assigner quelqu'un à une seule corvée, mais au prochain Conseil, sourit-elle d'un air sûr, je saurais parler de ton travail et montrer qu'il est nécessaire que cette corvée soit la tienne, le matin, si tu es d'accord bien sûr.
Sasha hocha la tête en guise d'acquiescement avant de sortir de la pièce. Léo sourit à la jeune El'fe et suivit Sasha, se demandant si Mewnie, elle aussi, avait su s'intégrer aussi facilement.
plus original
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*yard : unité de mesure de longueur. Elle mesure toujours trois pieds, soit la moitié d'une toise, qui vaut environ deux mètres, soit l'étendue des deux bras levés horizontalement de part et d'autre du corps.
*drachtvâ : juron en Irindi, la langue des El'fes Sunes.
Erkorast da inuitem* : Quelle bande de balances ! (en Sylena)
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