Chapitre 9
Dans la voiture, je me remémore ma partition. J’ai choisi un concerto en Ré majeur. Je connais les notes par coeur. Je peux entendre la musique dans ma tête. Je suis prête. Le jour du concours de musique est enfin arrivé. J’ai tellement hâte d’être à nouveau sur scène… Étrangement, c’est le seul moment où je suis heureuse d’être au centre de l’attention. Quand je suis sur scène, je suis bien. Peut-être que c’est parce que j’ai l’impression que les gens ne me voient pas en temps que Princesse mais en temps qu’artiste. Mais je ne pense pas que c'est le cas. Il ne faut pas être naïve.
Quand j’arrive, c’est Matheo Leger, le juré qui m’a proposé de participer, qui m’accueille.
— Votre Altesse vous êtes venue !
— Bien sûr, répondé-je, je tiens mes engagements. Et puis, je n’aurais loupé ça pour rien au monde. Vous savez bien que j’ai un goût prononcé pour la musique.
— Venez, je vais vous montrer votre loge !
— J’ai une loge individuelle ?
— Bien sûr, vous faites partie de la famille royale, nous devons vous traiter en conséquent.
Je ne suis pas sûre de mériter un traitement de faveur, puisque je ne suis finalement qu’une candidate. Mais je le suis quand même jusqu’à ma loge. Malgré le manque de fenêtres, la pièce est très lumineuse, grâce à des spots de lumière placés au plafond et autour des miroirs. Il y a une salle de bain, des tables de maquillage, des canapés… Dans mes souvenirs, les candidats sont répartis selon leur sexe dans deux loges communes. J’ai vraiment le droit à un traitement de faveur.
— La maquilleuse arrive dans quinze minutes. Vous êtes attendue dans une heure sur la scène. L’accordage des instruments se fera évidemment avec tous les autres candidats. Je sais que vous ne voulez peut-être pas vous mêler à vos sujets, mais il faut que tous les instruments soient synchronisés à la perfection pour permettre la meilleure expérience possible au public. Le concours sera évidemment diffusé sur la chaîne publique.
Comment ça je ne veux pas me mêler à mes sujets ? Je n’ai rien contre le peuple, je ne suis pas prétentieuse à ce point. Monsieur Leger me laisse seule.
Avant que la maquilleuse arrive, j’enfile ma robe. C’est une robe à bretelles cintrée à la taille à l’aide d’une fine ceinture. Elle est violette et se dégrade pour devenir de plus en plus claire vers le bas et des points de lumières se répandent sur tout la jupe comme des petites étoiles. Cette robe ressemble à un véritable ciel étoilé. Elle est sublime. La maquilleuse vient me maquiller puis je passe le reste de l’heure à répéter une dernière fois mon morceau.
Avant de partir, je sors en vitesse un papier de mon étui à violon et le glisse sous ma ceinture. Puisque je n’ai pas de poche, il n’y a qu’ici que je peux le mettre.
“Bonne chance”. C’est Naemi qui m’a écrit ce mot, pour honorer notre rituel. Finalement, mon père a fini par accepter le projet de centre équestre et ma soeur m’a enfin pardonné. Maintenant qu’elle sait qu’elle va donner des cours, elle ne tient plus en place et a hâte de commencer. Ça fait du bien de la voir si heureuse, surtout quand on sait à quel point ces derniers temps ont été difficiles. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle puisse remonter à nouveau. Je prends mon violon et vais rejoindre les autres musiciens pour m’accorder.
Quand je rentre sur la scène, la plupart des autres candidats sont déjà là. Au moment où je fais mon entrée, absolument toutes les têtes se tournent vers moi. Comme partout où je vais, je génère des murmures. Aucun musicien ne m’a fait de révérence, j’en conclus donc qu’ils n’avaient pas été prévenus de ma participation. Cela se voit à l’expression incrédule sur leur visage.
Finalement, une des candidates, une adolescente qui tient un violoncelle, finit par faire une courbette. Elle est aussitôt imitée par le reste des concurrents.
— Faites-vous partie du jury cette année ? me demande-elle.
— Non, je participe.
Mon annonce a un effet instantané. Les murmures reprennent, mais j’arrive cette fois-ci à entendre des plaintes et des protestations. Ils ne sont visiblement pas ravis de m’avoir comme concurrente. Un homme élève la voix.
— Nous n’avons aucune chance de gagner ! Ce concours est corrompu, elle va forcément bénéficier de favoritisme. Il n’y a vraiment aucune justice dans ce monde. C’est toujours pareil, la royauté écrase le peuple, et dans tous les domaines !
— Quand je pense que je me faisais une joie de participer à un concours pour la première fois, poursuit un autre, je suis déçu.
Alors, ils pensent que les résultats vont être biaisés pour que je gagne. Pourtant, je ne pense pas que ce soit le cas. Les jurés m’ont semblé parfaitement honnêtes.
— Je ne pense pas qu’il y ait le moindre favoritisme, j’interviens , je vous assure que je ne suis pas là pour vous écraser mais pour concourir comme tout le monde. Je veux gagner à la loyale, pour mon interprétation et mon talent, pas pour mon rang.
— Et comment savez-vous qu’il n’y a pas de favoritisme ?
— Parce que…
— Vous ne savez pas.
— Je m’en porte garante. Il n’y aura pas de favoritisme dans ce concours et j’y veillerai.
— Vous n’y pouvez rien. Si ça se trouve le jury ne vous écoutera pas. On n’aura aucune preuve.
— Je vous le promet…
— Même si vous le promettez, on a aucune garantie. Si vous gagnez, on se méfiera forcément.
— Mais je veux gagner ! protesté-je , C’est le but d’un concours.
— Alors je ne participerais pas, dis une première personne.
Cette personne est suivie par presque tous les autres, et des “moi non plus” se font entendre dans toute la salle. Visiblement, personne ne souhaite que je participe. Pourtant j’en ai envie… Mais il faut que je me rende à l’évidence. Les autres participants ne me feront pas confiance. Et ils ont raison, ils n’ont aucune garantie. Tous me regardent d’un air mauvais. Alors je n’ai pas le choix, je change de sujet.
— Et si nous nous accordions ? Nous sommes là pour ça à la base. Et le public ne va pas tarder à arriver.
Même s'ils ne m’aiment pas, les autres musiciens acquiescent, parce que j’ai raison. Le pianiste nous donne le La, et les violons, dont moi, commençons à nous accorder. Ma corde de La est trop aigüe. Quand tous les instruments ont accordé cette note, nous pouvons commencer à accorder nos autres cordes. C’est une belle cacophonie, tout les instruments sortent des notes différentes. Mon Sol était trop grave, mon Mi aussi, mais mon Ré était juste. Finalement, nous parvenons tous à des notes justes, et la cacophonie prend fin.
Nous devons maintenant rentrer dans nos loges en attendant le début de l’émission. Quand ils me voient rentrer seule dans ma loge individuelle, certains protestent. Ils y voient un acte d’injustice, et je dois avouer qu’ils n’ont pas tort. Il faut vraiment que je trouve une solution à ce problème.
J’ai beau tourner la question dans tous les sens, avoir des idées toutes plus farfelues les unes que les autres, je ne vois qu’une option. Et elle me déplait. Mais pour le bien de tous, il le faut. Il faut savoir faire des concessions. Il faut que je me retire de la compétition.
Comme vous pouvez le voir, la publication régulière a repris son cours !
Alors ? Selon vous, Alyssa va-t-elle vraiment renoncer au concours ?
(je suis fière ce ma rime 😂)
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