- Taehyung -
Au bout d'un moment, certains patients sortaient, ayant fini leur repas, et j'étais incapable de toucher au mien.
Ma fourchette se baladait inlassablement entre les aliments pendant que ma joue reposait sur mon autre main.
Puis, d'un coup, je me suis levé.
Si brusquement que les patient restants aux alentours ont sursauté.
J'ai attrapé mon plateau et je l'ai débarrassé avant de sortir.
J'ai rapidement monté les escaliers jusqu'à ma chambre, et j'ai poussé la porte, prêt à entrer, mais je me suis arrêté.
Je l'ai laissée se refermer, et j'ai fait demi tour pour remonter un étage.
J'ai traversé le couloir jusqu'à la chambre cent sept, et je suis resté planté devant.
J'ai longuement hésité à frapper, le point levé, et lorsque je l'ai cogné contre le bois, la porte s'est entrouverte d'elle même sous le
choc.
« Euh... Taehyung ? »
J'ai avancé timidement en poussant la porte, doucement.
Sa chambre était toujours autant plongée dans l'obscurité.
J'ai glissé mes doigts sur le mur jusqu'à toucher l'interrupteur, et je l'ai déclenché, allumant la lumière.
J'ai encore fait un pas, et j'ai baissé les yeux.
Il était là, assis par terre, recroquevillé dans l'angle que formait son lit avec le mur.
Ses bras étaient recouverts de sang, et il les regardait.
Il avait l'air totalement ailleurs, comme si son esprit n'était plus vraiment là, et il serrait dans sa main un énorme bout de verre, tétanisé.
J'ai chuchoté pour moi même, sous le choc.
« Merde. »
« Putain. »
« Taehyung. »
Je me suis accroupi face à lui.
« Où-est-ce que t'as trouvé ça, bordel. »
Il m'a regardé, et a essayé de parler.
« J'ai... »
Il a pris son visage entre ses mains, et ses doigts se sont mis à tirer sur ses cheveux frénétiquement, comme s'il était sur le point de se les arracher.
Il a commencé à sangloter en tremblant.
« J'ai essayé de les faire taire ! »
Et il pleurait, de plus en plus fort.
Je n'avais jamais vu quelqu'un pleurer comme ça auparavant. Comme si chaque sanglot le déchirait intérieurement.
Des gouttes de sang tombaient sur son jogging et la moquette.
Paniqué, j'ai tenté de prendre ses bras doucement, mais je ne savais pas comment, ni si j'allais lui faire mal en les prenant.
J'ai profondément inspiré.
« Taehyung. »
J'ai entouré ses poignets le plus tendrement possible, mais il s'est rapidement dégagé en se crispant trois fois plus.
Mes mains ne s'arrêtaient plus de trembler.
« Je t'en prie, laisse moi t'aider. »
Son visage toujours caché par ses mains, je l'ai vu secouer la tête négativement, tout en s'étranglant avec ses sanglots.
« Il.. Il faut que j'appelle quelqu'un.. »
Mais il m'a supplié de ne pas le faire, en hurlant à s'en arracher la gorge.
Je n'avais jamais été confronté à une telle situation.
J'ai tenté de réfléchir, de trouver une solution.
J'ai pensé au jour où j'ai rencontré Akane, et à comment, en lui parlant de moi, j'ai réussi à la détendre.
Mais, ma maladie n'avait rien en commun avec celle de Taehyung.
Réfléchis, bordel, réfléchis.
Respire. Contrôle toi.
« Ça va aller. »
T'as pas plus pourri ?
« D'accord, c'était nul et n'importe qui pourra te le dire mais, putain, Taehyung, ça va aller, je te le promets. Ça va passer. »
Ses pleurs ne cessaient pas.
« C'est.. C'est ce qu'on m'a dit le jour où j'ai failli crever. Crois moi, je le connais, ce sentiment. »
J'ai cru l'entendre retenir ses sanglots durant une seconde, alors j'ai enchainé.
« Tu vas me dire, mec t'es complètement con, j'entends des voix dans ma tête et tu me parles de ton cancer, et j'te répondrais que t'as sûrement raison, mais on est tous les deux dans la même merde au fond, sauf que toi t'as encore les moyens de t'en sortir, alors, merde, Tae, laisse pas tout tomber comme j'l'ai fait. »
Ses pleurs ont presque cessé.
Son corps s'est secoué de petits spasmes, le visage encore caché par ses mains.
Une nouvelle fois, j'ai tenté de prendre ses poignets.
Il les a éloignés de son visage et m'a regardé.
J'ai doucement desserré ses doigts du morceaux tranchant sans le quitter des yeux, et une fois enlevé, je l'ai posé sur le sol.
« Ça va aller, j'te le promets. »
Ses yeux écarquillés ne me lâchaient plus, et sa respiration était toujours aussi chaotique.
« Il faut que tu te calmes. Inspire... »
J'ai inspiré profondément, et il a imité ce que je faisais.
« Expire. »
J'ai expiré, il a expiré, et j'ai senti ses bras se détendre petit à petit.
Au bout d'un moment, il respirait calmement de lui même. Il a profondément soupiré, comme on le fait tous près avoir pleuré.
J'ai souri.
Je tenais toujours ses poignets entre mes doigts.
« Je peux ? »
Il a acquiescé, alors j'ai regardé ses bras.
Le sang commençait à sécher à quelques endroits, et à d'autres, il dégoulinait des nombreuses plaies encore ouvertes.
Quelques unes d'entre elles tombaient sur mes mains.
« Il faut soigner ça, Taehyung. »
Il a baissé les yeux.
« Est-ce que tu accepterais que mon infirmière vienne ici ? »
Il m'a à nouveau regardé, paniqué.
« Ne t'inquiète pas, elle ne fera rien que tu ne veuilles pas. »
Il n'avait pas l'air convaincu, alors, j'ai repensé à la façon dont Moonbyul savait me calmer chaque fois que je me sentais mal.
« Je te le jure. Tu me fais confiance ? »
Il a fini par acquiescer.
Alors, j'ai sorti mon téléphone, j'ai envoyé un message à Moonbyul.
« J'arrive pas à croire que ton discours a deux balles ait marché. » a-t-il dit d'une petite voix, moqueur.
J'ai ri, n'arrivant pas à le croire moi même, et la secondes d'après, Moonbyul est arrivée.
Elle a aidé Taehyung à se relever et à s'asseoir sur le bord de son lit, puis elle m'a demandé de sortir.
Je n'ai pas discuté, et je suis sorti.
Je me suis adossé au mur face à la porte.
Il était hors de question que je m'en aille.
J'ai profondément inspiré, et j'ai soupiré.
J'en tremblais encore.
Au moins, avec Moonbyul, je savais pertinemment qu'il était entre de bonnes mains.
Je n'ai pas arrêté de réfléchir à ce qui avait pu le mettre dans cet état, ce qui avait pu le faire sombrer aussi rapidement.
Moonbyul est sortie une quarantaine de minutes plus tard.
Ce furent les plus longues de toute ma vie.
Je me suis doucement avancé vers elle lorsqu'elle a fermé la porte.
Elle m'a souri tristement.
« Ça va aller, ne t'inquiète pas. » m'a-t-elle chuchoté.
J'ai acquiescé.
« Noona.. »
Elle me regardait.
« Qu'est ce qui se passe ? » ai-je dit.
Elle a soupiré, toujours aussi tristement.
« Taehyung a été interné ici parce qu'il refusait de se soigner.
Il était devenu si paranoïaque et dangereux pour son entourage et lui même qu'on a plus eu d'autre choix que de l'enfermer.
— Merde...
— Au bout d'un moment, on a été obligés de l'attacher, pour qu'il ne se blesse pas lui même quand il ne blessait pas les autres.
Et puis... Certains infirmiers n'étaient pas très doux avec lui. »
En s'en souvenant, elle a nerveusement touché ses cheveux, puis soupiré.
« Il a fini par accepter de prendre ses médicaments,
Tu sais, un schizophrène peut vivre normalement s'il se soigne.
— Et, aujourd'hui ?
— Il a rechuté. Il ne prenait plus ses cachets depuis quelques jours. Ce n'est pas la première fois que ça arrive.
— J'aurais dû m'en douter...
— Jungkook, tu n'y es pour rien. »
Sa main est venue se poser sur mon bras.
« De nombreuses personnes dans son état connaissent des périodes de psychoses mais, ça va aller maintenant, je te le jure.
Tu as bien fait. Sans toi, ça ne se serait sûrement pas terminé aussi bien. Tu devrais aller te reposer.
— Mais, et l'infirmière alors ?
— L'infirmière ?
— Il a peur d'elle.
— C'est de la paranoïa, Jungkook.
— Mais...
— Le cerveau des schizophrènes crée parfois des peurs irrationnelles, tu sais. »
Je n'ai rien répondu, troublé.
« Aller, va te coucher maintenant. »
J'ai fini par acquiescer, à contre cœur, et Moonbyul est partie en me laissant seul en plein milieu du couloir.
J'ai regardé mes mains tachées de sang, puis mon regard s'est porté sur la lune qu'on pouvait voir à travers l'une des fenêtres.
" Heureux " et "léger", hein ?
♢
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