- psychosis -


La solitude n'avait déjà plus rien de familier. Il m'avait suffi de deux nouveaux amis et du petit déjeuner du lendemain, solitaire au réfectoire, pour le réaliser. Je n'en voulais plus. Ni de la solitude, ni du déjeuner fade, sans saveur, ni des antidépresseurs qui, pour une raison qui m'échappait, ne soignait pas ma tristesse à moi. 

Là, je réalisai que j'étais dramatique. Vous commencez à connaître la chanson. Le fait était que l'inquiétude aussi, prenait trop de place; celle de ma mère, la veille, celle de Jimin ensuite, et puis la mienne, pour Taehyung. 

« Tu saurais le numéro de la chambre de Kim Taehyung ?

— Bonjour à toi aussi, me répondit Moonbyul qui traversait un couloir, visiblement agacée.

— Désolé. Si tu me le donnes, tu m'éviteras des heures d'angoisse. 

— Qu'est ce que tu lui veux, à Kim Taehyung ?  Laisse-le en paix, il est en pleine crise psychotique. Il s'est passé quoi hier, d'ailleurs ? T'étais là ? La pauvre Hana, elle a commencé son service y'a une semaine. Quel baptême. 

— Si tu me donnes le numéro, je t'explique tout. 

— Si je te le donne, tu vas surtout t'en aller sans m'expliquer. 

— Oui. 

— Chambre cent sept.

— Tu gères. »

Je disparus aussitôt dans les escaliers les plus proches. Les pancartes murales répertoriant les numéros de chambres par couloirs n'avaient aucun sens. 

« Jungkook ! » 

Chung-Ae qui m'interpellait n'avait pas quitté le même pyjama en coton depuis la dernière fois. 

« J'ai pas trop le temps, là, désolé, » rétorquai-je pour la devancer. Ses chaussons trottinait sur le sol lisse alors qu'elle suivait mon rythme soutenu tant bien que mal. 

« Comment tu vas ? T'es parti à l'hosto ? Je me suis inquiétée. 

— T'es gentille. Mais ça va. 

Qu'est ce qui s'est passé ? »

Je pensai ; tu me fais chier,

                    putain,

« Un truc de cancéreux. Rien de fou.

— T'es sûr ? Les gens disent que t'étais super mal et qu'on t'a mis sur un brancard. On dit que t'es parti en pleine nuit et tout.

— Ouais, et j'ai sauté une infirmière hier soir dans le réfectoire. Tu savais ?

— Jure ?! » 

Elle comprit par elle-même, à mon silence et mon regard la seconde d'après, à quel point elle se ridiculisait. 

« Fais-moi plaisir; dis aux gens que s'ils la ferment, je mourrais plus tôt que prévu. Peut-être même demain ! T'imagines ? » 

Elle s'était arrêtée en plein milieu du couloir, abasourdie par la façon dont j'exagérais de grands yeux étonnés vers elle en continuant mon chemin. 

Rejoindre la chambre de Kim Taehyung était un parcours du combattant; une infirmière arrivait dans l'autre sens, s'exclamait déjà; Ah ! Jungkook ! 

« Ah ! Jungkook ! »

J'attrapai mon téléphone, fronçai les sourcils face au fond d'écran pour paraître plus crédible; mais oui, ce sont des vibrations que je sens là. Contre ma cuisse et maintenant dans mes doigts; quelqu'un m'appelle, et qui sait ce qu'il adviendra si je n'y réponds pas !

Je lui fais signe d'attendre lorsqu'elle s'arrêta face à moi, et le porte à mon oreille. 

« Allô ? 

               Allô, oui

je vous entends très bien, 

        j'attendais votre appel »

Là, l'infirmière me fait des signes elle aussi, tout un tas d'expressions qui me font comprendre qu'elle me parlera plus tard, qu'elle ne veut pas me déranger et qu'elle s'apprête à reprendre sa route. Je déblatère, je ris comme on rit au téléphone avec une secrétaire, par politesse; je me crois tiré d'affaire et puis

mon téléphone sonne vraiment. 

Je reste planté comme un abruti, pendant qu'elle me regarde sans trop comprendre.
Je souris, je pars en courant à moitié.
Les mensonges, très peu pour moi. 

Une fois assez loin, je regardai qui m'appelait.
C'était madame Kim. La sonnerie cessa de retentir à la seconde où je tentai de décrocher; je me promis de la rappeler dans la journée. 

Toquer à la porte de Taehyung me demanda plus de courage que prévu, et le silence qui suivit acheva de me tordre le ventre d'angoisse. Avait-il au moins envie de voir quelqu'un ? Et si oui, pourquoi moi ? Il était sociable, m'avait abordé comme on aborderait n'importe qui; rien ne me garantissait que j'étais le bienvenu, ou même le premier à m'inquiéter. 

Il ouvrit, de quelques centimètres seulement, pour vérifier. 

« Entre, » décida-t-il après m'avoir reconnu.

La configuration de sa chambre était identique à la mienne, mais la sienne était plongée dans le noir. Les volets se fermaient mal; il avait tant bien que mal couvert de feuilles de papier la lumière qui se faufilait entre les lames bloquées. Les feuilles, blanches, ne couvraient rien du tout.  

J'avais cru savoir l'aborder au moment venu; prendre de ses nouvelles sans avoir l'air idiot, sans bégayer, mais la façon dont il avait fermé derrière moi et ne nous laissait éclairés que par la lumière du couloir, sous la porte, ne me fit pas me détendre comme je l'avais espéré. 

« Taehyung, tu vas bien ?

— Ouais, ça va, juste fatigué.

— Je m'inquiétais, vu que t'es pas venu ce matin.

— J'avais pas faim. Désolé. 

— T'es pas venu hier non plus. 

— Je sais. J'ai essayé. »

Il tritura son pyjama, changea de sujet; 

« et toi, ça va ?

— J'avoue que je flippe, là. »

Je lui arrachai un rire sincère. 

« J'avais la flemme d'ouvrir les volets. »

Je cherchai un moyen de le faire parler de l'incident de la veille. 

« On t'a pas fait chier pour hier ? 

— Un peu, forcément. Tu sais ce que c'est. »

Il se tut après ça. Je changeai de sujet. 

« Tu veux pas venir, ce midi ? »

— Je sais pas... 

— Le réfectoire sans toi, c'est plus ce que c'était. Et tu sais aussi bien que moi que ça n'a jamais rien été de grandiose, donc imagine. 

— J'ai pas faim. Et s'ils voient que je mange pas, là, ils me feront vraiment chier. 

— C'est pâtes bolo' aujourd'hui. Au pire, tu me passeras ton assiette.

— Pâtes bolo' ?

— Monnbyul aide en cuisine. Tu sais ce que ça veut dire.  

— Du sel, c'est ça ? 

— Seulement pour nous. 

— T'es chiant, dit-il d'une voix qui cédait. 

— C'est ce qu'elle va me dire aussi. Mais je l'aurais. »

Sans trop savoir comment, j'avais réussi à détendre l'atmosphère et, miraculeusement, il m'a dit qu'il viendrait.
J'ai dit que je le laissais tranquille puis, je me suis éloigné et au moment où j'allais attraper la poignée pour sortir, il m'a interpelé.

« Tu m'attendras, hein ? »

J'ai vu son air inquiet qu'il tentait de dissimuler.

« Évidemment. »

Et je suis sorti.
Je savais pertinemment que quelque chose clochait, mais je ne connaissais rien à la schizophrénie mis à part les stéréotypes d'hallucinations auditives, alors j'ai préféré ne pas me lancer dans un sujet que je ne connaissais pas et d'attendre de voir si son état allait s'améliorer. J'ai pris sur moi et je suis descendu, puis j'ai de nouveau croisé Moonbyul qui s'agitait sans cesse.
Elle avait l'air débordée.

« T'as besoin d'aide ?

— Ce serait pas refus, ouais. »

Tellement débordée qu'elle avait oublié la parenthèse Taehyung.

« À vos ordres. Qu'est ce que t'as à faire ? »

Je l'ai suivie dans un couloir du rez-de-chaussée.

« Je dois m'occuper de la lessive, changer les draps du couloir B et faire la toilette de Monsieur Lee.

— Je choisis les draps, sans hésiter.

— Ça m'étonne pas.

— C'est le seul truc dans lequel j'suis sûr de ne pas tomber sur quelque chose de douteux. »

On a ri, et elle m'a entraîné dans la salle de lessive.
Il y avait des tas de machines à laver.

« Prends quelques draps dans l'armoire, tu devrais en avoir assez.

— Et les draps sales j'en fait quoi ?

— Prends le panier là. »

Elle l'a désigné d'un mouvement de tête.

« OK. »

Alors j'ai pris des draps, le panier et je suis monté.
J'ai d'abord abordé les patients joyeusement, avec le plus d'entrain possible, mais plus les chambres passaient, plus ma motivation diminuait. J'étais arrivée à la dernière quand sa propriétaire m'a agressé à peine entré.

« Qui êtes vous ?! »

Je me suis décomposé quand j'ai reconnu la vieille folle.
Elle a brandi sa canne, et j'ai voulu lever les deux mains en signe de paix, mais elles étaient prises.

« J'aide seulement Moonbyul ce matin.

— Je vous reconnais ! Vous me mâtiez à travers le hublot de ma chambre !

— J'ai déjà essayé de vous expliquer que CE N'ÉTAIT PAS LE CAS.

— Je ne veux pas qu'un attardé touche mon lit !

J'ai levé les yeux au ciel.

« On est dans un hôpital psychiatrique ! Vous êtes autant attardée que moi. Je vais simplement changer les draps, rien de bien MÉCHANT. »

J'ai tenté de m'approcher, et elle a failli m'éborgner.

« Sortez d'ici !

— Ok, OK ! Je sors, du calme. »

Je suis sorti sous son regard méfiant, et j'ai soupiré.
Un vrai cliché des hôpitaux psychiatriques.
Après ça, j'ai vu Moonbyul qui marchait dans le couloir, pressée.

« Ah, t'es là. T'as fini ?

— Ouais, mais la vieille a pas voulu que je touche à son lit.

— Ça m'étonne pas. »

Elle m'a dit d'aller reposer le panier plein dans la salle des machines avant d'entrer dans une des chambres, alors j'y suis allé.

À la seconde où je l'ai posé dans un coin, une voix a retenti derrière moi.

« Besoin d'aide ? »

Je me suis retourné.
Dans l'encadrement se tenait une fille que je n'avais jamais vue. Brune, de taille moyenne, l'air espiègle et malicieuse.

« Et tu es ? »

Elle m'a tendu sa main.

« Jennie. Jennie Kim. »

Je me suis approché pour lui tendre la mienne.

« T'es nouvelle ?

— Je suis là depuis trois ans.

— Casanière ?

— On peut dire ça. » A-t-elle répondu en riant légèrement.

J'ai posé les draps propres qui me restaient sur l'étagère prévue pour.

« J'suis...

— Jeon Jungkook, dix-sept ans, leucémique et dépressif. » A-t-elle fini à ma place.

Je l'ai dévisagée, surpris et amusé en même temps.

« Tout le monde ne parle que de toi depuis hier, alors...

— Sérieusement ? Ai-je dit, blasé.

— Disons que les trois quarts de l'hôpital t'ont vu partir avec l'ambulance en pleine nuit.

— ... C'est gênant. »

Elle a ri, et son rire était si communicatif que je l'ai suivie.

« T'inquiète, demain ils auront déjà sûrement oublié.

— J'dirais plutôt dans trois mois. » ai-je rajouté en rangeant le dernier drap qui me restait.

« J'pense surtout qu'ici, les gens s'ennuient tellement qu'ils sautent sur l'occasion pour parler dès qu'il se passe quelque chose, a-t-elle renchéri.

Sûrement. »

J'ai soupiré, puis me suis enfin tourné complètement vers elle.

« Alors, besoin d'aide ? » m'a-t-elle à nouveau demandé.

« J'ai fini.

— Merde, je suis arrivée trop tard.

— Enfin, non, y'a toujours la vieille folle, mais c'est un cas désespéré. »

Elle s'est mise à sourire.

« Suis moi.

— Hein ?

— Reprends tes draps et suis moi. »

Alors, dubitatif, j'ai attrapé des draps propres, et je l'ai suivie.
L'instant d'après, je me retrouvais de nouveau face à la porte de la vieille hystérique.
Le tag "HELL" sur la porte du théâtre lui aurait été comme un gant.

« T'es sûre de ce que tu fais ? » ai-je dit alors qu'elle s'apprêtait à frapper.

Elle m'a lancé un clin d'œil, puis a ouvert la porte sans une once d'hésitation.

« BONJOUR ! »

Mais, à l'instant où elle s'est ouverte, je me suis pris le bout de sa canne en pleine tête.
Cette folle était restée derrière sa porte depuis tout à l'heure.

« Je savais que vous reviendriez me mater !

— Doucement ! C'est moi ! a dit Jennie en ne pouvant pas retenir son fou rire.

Oh ! C'est toi ! Je ne t'avais pas vue. »

Jennie l'a faite s'asseoir sur la chaise dans le coin de la pièce.

« Comment vous allez ma petite dame ? »

Jennie m'a discrètement fait signe de m'approcher du lit. Choquée que la vieille se laisse approcher, j'ai profité du fait qu'elle faisait la discussion pour rapidement changer les draps, et en quelques secondes, c'était fait.
Je lui ai fait signe pour l'en informer, puis je suis sorti, presqu'en courant.
A la porte, je l'ai entendue parler un peu plus fort en se rapprochant de la sortie.

« Ça m'a fait plaisir de vous voir !

— Tu t'en vas déjà ?

— Bonne journée ! » a-t-elle conclu en fermant la porte.

Lorsqu'elle s'est retournée vers moi, on s'est mis à rire sans pouvoir s'arrêter.
Elle m'a entraîné un peu plus loin pour ne pas que la vieille nous entende, toujours en rigolant à en avoir mal au ventre.

« Tu t'es mangé la canne ?

— Mais oui !

— Putain j'en chiale ! » a-t-elle dit en passant son index sous son œil tandis qu'on entrait à nouveau dans la salle des machines.

J'ai jeté les draps sales dans le panier correspondant, puis elle s'est assise sur l'une des machines à laver, alors je me suis assis sur celle d'en face, les deux pieds posés à plat. Elle a entamé la conversation.

« Alors, Jeon Jungkook...

— Dix-sept ans, leucémique... ai-je continué, et elle a ri.

Dépressif...

— J'suis pas dépressif.

— Ah, les rumeurs seraient fausses ?

— Honnêtement, tout va parfaitement bien depuis que je me suis levé.

— T'as mangé seul, t'as fait le ménage...

— J'me suis mangé une canne... »

On a ri une nouvelle fois en y repensant.

« Bon, apparement, tu sais tout de moi, mais toi, t'es qui ? »

Elle a souri.

« Jennie, dix-neuf ans, toxicomane attitrée aux cheveux bouclés.

— Enchanté.

— Pour vous servir. »

On s'est penchés vers l'avant pour se serrer la main comme des abrutis.

« Ça fait quoi d'être là depuis trois ans ? ai-je enchainé.

— T'as encore plus envie de crever que quand t'es arrivé.

— Compréhensible. »

J'ai laissé ma tête reposer contre le mur auquel j'étais adossé, et j'ai pensé à Taehyung.

« J'vous dérange pas ? »

J'ai regardé vers l'entrée, et j'ai vu Moonbyul, un bac plein de vêtements sales sous le bras.
Jennie s'est redressée, surprise.

« J'te présente Moonbyul, vingt deux ans, infirmière qui vient sûrement de laver le cul de Monsieur Lee. »

Elles ont ri.

« Exact. Un vrai plaisir. » a dit Moonbyul tandis qu'elle enfonçait les vêtements dans une des machines, puis elle a renchéri : « C'est pas que vous me gênez mais, si ma supérieure vous voit ici, c'est moi qui vais me faire engueuler. »

Alors on s'est levés, Jennie s'est excusée, et j'ai pris Moonbyul dans mes bras en l'embrassant sur la joue, ce qui voulait dire la même chose.
Avant qu'on ne sorte, elle nous a dit que le réfectoire allait ouvrir. Avec tout ça, la matinée s'était rapidement terminée.
Jennie s'est éclipsée en me disant encore une fois à quel point elle était contente d'avoir pu me parler, puis je me suis rendu au réfectoire déjà plein, et j'ai prié pour que Taehyung n'y soit pas déjà.

Je suis entré et j'ai tenté de le reconnaître entre tous les patients puis, je me retourné vers l'entrée et je l'ai vu arriver, toujours dans la même tenue, un bras tenant nerveusement l'autre, ce qui lui donnait un air crispé. Il a jeté un rapide regard à l'ensemble de la salle, puis m'a vu. Je lui ai souri, mais je me suis rendu compte des cernes énormes qu'il avait sous les yeux.
Je n'avais pas pu les voir le matin même, avec l'éclairage inexistant de sa chambre.
Je n'ai rien dit et me suis contenté de l'emmener aux cuisiniers qui nous servaient.

Il n'a pas dit un mot.

Nous nous sommes installés à notre table habituelle, et je l'ai observé aussi discrètement que possible.
Il a attrapé sa fourchette, le regard fuyant.
Sa jambe tremblait frénétiquement et nerveusement sous la table et faisait frétiller la totalité de son corps.
J'ai commencé à manger, et il a fait de même.
Pendant le repas, je le voyais jeter un œil inquiétant derrière moi, à ma gauche.

Lorsque l'un des patients a cassé un verre, Taehyung a sursauté si fort qu'il a laissé tomber sa fourchette qui s'est fracassée sur le bord de son assiette.
J'ai voulu lui demander s'il se sentait bien, mais son regard s'est porté sur une infirmière qui était venue ramasser les bouts de verres.
Il ne m'a fallut qu'un instant pour reconnaître celle de la veille.
Taehyung est devenu pâle.
Lorsque l'infirmière concernée a croisé son regard, j'ai vu les doigts de Taehyung trembler autour de sa fourchette.

« Taehyung. » ai-je dit fermement, et il a sursauté.

Il m'a regardé dans les yeux.

« On peut partir, si tu veux. »

Il a eu l'air surpris.

« Ç-Ça va, t'inquiète. J'suis juste fatigué. »

Et il a continué de manger normalement.
Je n'ai plus rien dit jusqu'à la fin du repas, troublé.
Je n'ai pas risqué de le déranger, ou de le brusquer.
Lorsque nous sommes sortis, il m'a juste dit qu'il retournait dans sa chambre, et il est parti, les mains dans les poches de son jogging, la tête baissée.

J'ai soupiré, tentant d'évacuer l'angoisse.
J'avais rendez-vous avec mon psychiatre en fin d'après-midi, et, même si j'avais du mal à l'admettre, j'avais encore un peu de mal à me remettre de mon passage à l'hôpital, alors je suis remonté dans ma chambre et je me suis replongé dans mon lit, sur le côté, avec mon ordinateur, devant Netflix.
J'ai fini par m'endormir, et personne ne m'a dérangé de la journée. Une infirmière est venue me réveiller vers dix-huit heures, gentiment et calmement, comme si elle réveillait un enfant. Elle m'a dit que je pouvais descendre et attendre devant le bureau du Dr Hwang, alors j'y suis allé, encore à moitié endormi.

« Bonsoir Jungkook.

— Bonsoir. »

J'ai fermé la porte et me suis avancé vers son bureau.

« Un jean !? »

Je l'ai regardé avant de comprendre et de baisser les yeux vers mes jambes. Je l'avais pratiquement oublié.

« Comme quoi, tout arrive, ai-je dit en riant.

Je vois ça, installe toi. »

Je me suis installé, il a attrapé mon dossier, l'a ouvert, et a reposé les yeux sur moi en même temps que les mains sur le bureau.

« Alors, comment tu te sens aujourd'hui ? »

J'ai commencé à réfléchir à la réponse que j'aurais pu donner.

« Je te sens... Un peu plus heureux, léger. » a-t-il rajouté.

J'ai baissé la tête, la main sur la nuque.
Je souriais, bêtement.
Un énorme sourire qui en disait long sur moi à ce moment là.

« Je suis démasqué, ai-je dit.

— Et pour mon plus grand bien. »

Il a attrapé un stylo et a pris des notes.

« Écrivez le en grosses lettres avec trois points d'exclamation. »

Il a ri.

« Bonne idée. »

Puis il a poursuivi.

« Tu as envie de parler de ce qui te rend heureux ?

— Si ça peut vous faire plaisir.

— C'est surtout à toi que ça doit faire plaisir. »

J'ai légèrement ri et me suis redressé sur mon siège.

« Euh, j'ai rencontré quelqu'un. »

Mes doigts commençaient à nerveusement se tordre sous le bureau. En voyant qu'il m'écoutait simplement sans poser de question, j'ai ajouté :

« Vous.. Ne me demandez pas son prénom ou quoi que ce soit ?

— Non, tu peux me le dire si tu veux, mais je ne t'oblige à rien. »

Je suis resté surpris un court instant, puis je me suis mis à réfléchir.

« Je me sens bien avec.

— Ce quelqu'un, il est ici aussi ?

— Non.

— Alors il vient te voir ici ? »

J'ai hoché la tête.

« Ça arrive oui, mais...

— Mais ?

— Je préfère le voir en dehors d'ici, ai-je avoué, et je l'ai vu sourire.

— Tu as honte d'être dans un hôpital psychiatrique ?

— J'avoue que c'est pas très... Attirant ?
Enfin, pour n'importe quelle personne normale, j'veux dire, si j'étais à sa place, j'aurais pas trop envie de passer mon temps dans un hôpital psychiatrique.

— Tu ne penses pas que tu ressens ça justement parce que tu es qui tu es ? Peut être que cette personne, il a appuyé sur ces mots, pense autrement ?

— Peut être. »

Il n'a rien dit, alors j'ai rajouté :

« Je ne sais pas.

— Moi je pense qu'il ne serait pas revenu une deuxième fois,
si l'idée d'aller voir un patient dans un hôpital psychiatrique l'avait dérangé, tu ne crois pas ?

— Hum, c'est pas faux. »

Je me suis rendu compte que Jimin n'était certainement pas le genre de personne à se forcer.
Il m'a souri, a écrit quelques mots sur une feuille et m'a à nouveau regardé.

« Il y a autre chose dont tu veux me parler ? »

J'ai directement pensé à Taehyung, et j'aurais voulu en parler, mais je me suis dit qu'il n'aurait peut être pas voulu que je tienne l'hôpital au courant. Je ne voulais pas qu'il m'en veuille.

« Pas vraiment. »

Il n'a pas insisté plus que ça. Il avait certainement peur que le seul rendez-vous qui s'était bien passé se finisse aussi mal que les autres. Lorsque je suis sorti, le soleil commençait à tomber et quelques patients partaient déjà vers le réfectoire.
Je me demandais si j'allais y aller un peu plus tôt, moi aussi, mais j'ai senti mon téléphone vibrer dans ma poche.
C'était madame Kim qui me rappelait.
J'ai décroché, la boule au ventre, prêt à m'excuser.

« Allo, Jungkook ?

— Oui ?

— C'est Madame Kim. Je t'appelais pour te prévenir de l'état d'Akane, je sais que tu devais beaucoup t'inquiéter de ne pas la voir débarquer en courant ces derniers jours. »

J'ai blêmi.
Avec tout ce qui s'était passé, elle était sortie de ma tête. Ça n'arrangeait en rien ma culpabilité.
La voix meurtrie de Madame Kim m'angoissait de plus en plus.

« La chimiothérapie la fatigue énormément en ce moment, elle ne fait que dormir et se réveiller pour manger, son corps a énormément de mal à supporter le traitement.
Je pense que tu sais ce que c'est. »

Des souvenirs que j'essayais désespérément d'enfouir au fond de moi même depuis des années n'ont mis qu'une fraction de seconde à revenir.

« Ça va aller, vous croyez ?

— Il n'y a pas de raison, Akame a toujours été forte.

— C'est vrai. »

J'ai souri tristement.

« Voilà, c'est ce que je venais te dire.
Je te donnerai rapidement des nouvelles, ne t'angoisse pas trop avec ça, surtout. Excuse moi de t'avoir dérangé.

— Merci beaucoup, ce n'est rien.
Bon courage et à bientôt. »

J'ai raccroché, et je suis resté à regarder mon téléphone quelques secondes. Je m'en voulais terriblement de ne pas avoir pensé à Akane, elle qui pensait sans arrêt à moi.
Je n'ai même pas trouvé l'occasion de m'excuser.
J'ai voulu repartir dans ma chambre et retrouver mon lit, mais le réfectoire a ouvert ses portes, alors je me suis glissé dans la file et j'ai suivi le mouvement. J'ai attrapé un plateau, une assiette et des couverts avant de les tendre au cuisinier qui remplissait nos dits plateaux puis, je suis allé m'asseoir à notre place habituelle.

J'ai attendu Taehyung.
Longtemps.
Très longtemps.
Mais il n'est jamais venu.















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