Chapitre 39 : Premier contact

- Allons bon ! Par la barbe de mes ancêtres, qui êtes-vous ?

- Nous sommes des ambassadeurs du Royaume des Enchanteurs, répondit calmement Miléna.

- Vraiment ? Pourquoi alors puis-je voir un elfe et une fée parmi vous ? attaqua la Naine qui s'était levée. Ce sont des Enchanteurs, eux aussi ?

Gildur fronça les sourcils et fixa Vylon et Sistyle en se demandant probablement comment il avait pu les rater.

- Et vous alors ? Pourquoi puis-je voir une Enchanteuse parmi vous ? répondit Alyssa du tac au tac. Tu peux sortir de l'ombre, jeune fille, tu ne trompes plus personne.

Du coin droit de la pièce, qui était presque plongé dans l'obscurité, sortit une fille dont les deux caractéristiques principales me frappèrent en plein visage. Premièrement, elle était humaine, et deuxièmement, elle était indécemment belle. Pas le genre de beauté qui pourrait être mise à l'honneur dans les magasines, mais une beauté dédaigneuse, qui lui sortait par tous les pores de la peau presque sans qu'elle le veuille. Une beauté à laquelle elle ne pouvait pas échapper, et qui n'échappait probablement à personne. Elle était grande, bien plus grande que moi même si elle avait l'air d'avoir mon âge, de longs cheveux bruns lui tombaient dans le dos et ses yeux étaient d'un marron sombre. Elle affichait une moue agacée, sûrement énervée qu'Alyssa l'ait repérée.

- Mar ? Mais qu'est-ce que... commença la Naine. Non, ne dis rien. J'aurais du m'en douter.

La jeune fille haussa les épaules, pas l'air désolée le moins du monde.

- Dois-je la raccompagner dans ses quartiers ou bien... ? tenta Gildur.

- Puisqu'elle est là, et depuis un bout de temps je suppose, autant qu'elle reste.

La dénommée Mar haussa les sourcils, puis s'appuya contre un mur d'un air nonchalant, comme si elle ne venait pas de se faire choper en train d'espionner l'Assemblée.

- Bon, maintenant, et si on passait aux présentations ? proposa Alyssa.

- Bien sûr. Mais comme je vous ai posé la question d'abord, je propose que vous commenciez.

- Très bien, reprit Miléna. Je suis Miléna, générales des armées. Voici Alyssa, Vylon et maitre Corcy, missionnés comme moi par notre reine. Et ici nous avons Sistyle, qui a croisé notre route, Théo et Lyra.

Lorsqu'elle prononça mon nom, Mar me fixa de ses yeux sombres avec tellement d'intensité que j'en fus pétrifié. Honnêtement, si on m'avait dit que bouger était une question de vie ou de mort, je serais enterrée à l'heure qu'il est. La possibilité qu'elle utilise de la magie me vint à l'esprit, sans que je puisse déterminer si c'était le cas ou non.

- Missionnés par votre reine dans quel but, exactement ?

- Eh bien, nous sommes venus pour... commença la jeune femme blonde, puis elle sembla hésiter.

- Nous avons entendu dire que votre gouvernement avait... changé, continua Vylon pour elle. Saïla a pensé qu'il serait diplomatique d'envoyer des ambassadeurs pour un premier contact, et peut-être même pour bâtir de nouveaux liens, encore plus forts que ceux que nous entretenions précédemment.

- Pourquoi voyagez-vous avec des enfants ?

Je dois avouer que le qualificatif me vexa quelque peu, mais je gardai la bouche fermée.

- Nous avons nos raisons, affirma Alyssa. Je ne vous demande pas pourquoi vous laissez une enfant assister aux réunions de l'Assemblée, alors faites de même. Mais vous ne vous êtes toujours pas présentés.

- Très bien, soupira la Naine. Je suis Krila, la nouvelle Puissante des Nains. Je suis une Ritfer.

Elle désigna celui qui avait eu l'air soulagé comme Frapli des Arktos, celui en colère était Trevil des Tornis, celle qui était curieuse comme Dress des Oplar et la dernière à l'air désintéressé était Lit des Grist. Grâce à ce que nous avait expliqué la vendeuse de fruits, je pus reconstituer une partie du puzzle. Frapli était celui qui avait été déchu ou du moins il appartenait à la famille perdante. Il devait être en mauvaise position dans les débats, ce qui expliquait son soulagement à notre arrivée. Trevil quant à lui faisait partie d'une des deux familles qui était en passe de l'emporter d'après la marchande. 

Mais apparemment, les Ritfer avaient fini par avoir le dessus sur les Tornis, et à mon avis, Trevil ne l'avait pas encore bien digéré. Les deux autres faisaient partie des familles qu'elle n'avait pas mentionnées et qui devaient être moins importante dans la vie politique. Tous ces noms auraient pu donner le tournis, mais j'avais toujours eu une mémoire très efficace, et la plupart du temps, on n'avait pas besoin de me répéter les choses deux fois. Malgré tout, il restait une inconnue dans cette équation. Et c'était Mar. Qui était-elle ? Que faisait-elle ici ? Je l'observais du coin de l'oeil, fascinée par la décontraction évidente qu'elle affichait.

- Excusez-moi si la question vous parait indiscrète, dit Miléna après que Krila eut fini, mais depuis combien de temps êtes-vous... Puissante ?

- Administrativement, depuis une semaine. Pratiquement, il nous reste encore quelques détails à régler avant de pouvoir l'annoncer au peuple.

- L'annoncer au peuple ? Mais vous n'avez pas été élue ?

- Élue par qui ?

- Non, oubliez, c'était maladroit de ma part. C'est que, nous sommes nouveaux ici, et nous ne maitrisons pas encore parfaitement les subtilités du fonctionnement de votre gouvernement. Si vous pouviez nous en dire un peu plus, ça nous aiderait grandement.

- Cela vous aiderait à quoi ?

- À mieux vous connaitre pour construire des relations plus stables et de confiance.

- De confiance ? demanda-t-elle en éclatant de rire. Vous allez vite en besogne. Écoutez, j'adorerais discuter avec vous, mais comme je vous l'ai dit, il nous reste deux ou trois détails à régler. Gildur va vous accompagner et vous donner des chambres dans le palais, et nous nous reverrons ce soir autour d'un repas. Ça vous convient ?

Frapli, celui qui faisait partie des Arktos, avait baissé la tête quand Krila nous avait demandé de partir. Je me demandais s'il faisait partie des « deux ou trois détails à régler ». Avant de ressortir, je jetais un dernier coup d'oeil vers Mar, avant de me rendre compte qu'elle avait disparu. Je haussais les sourcils, étonnée qu'à moitié. Elle semblait bien le genre à s'échapper quand on ne s'y attend pas.

- Alors, qu'est-ce t'en penses ? demandai-je à Théo, de retour dans le couloir.

- C'est un beau bordel, ça c'est sûr. Mais je ne comprends pas pourquoi Vylon a menti sur les vraies raisons de notre venue.

- Parce que « on vient conclure des accords commerciaux », ça passe mieux que « on vient réquisitionner votre armée » mais que ça laisse autant de liberté de mouvement.

- Si tu le dis.

- Il y a un problème, Théo ? dis-je ne fronçant les sourcils.

- Je ne sais pas. C'est cette fille, là...

- Mar ?

- Oui. Je ne lui fais pas confiance. J'ai l'impression qu'elle va nous planter un couteau dans le dos à la première occasion.

- Quoi ?! Mais tu délires. Elle n'a aucune raison de le faire. Je ne vois pas pourquoi elle nous voudrait du mal.

- C'est juste que... Je ne la sens pas. Je sais au fond de moi qu'elle est dangereuse.

Je n'avais pas particulièrement d'avis sur elle, au début, mais plus il s'obstinait à se méfier et plus j'étais certaine qu'on pouvait lui faire confiance. Ou peut-être était-ce par pur esprit de contradiction, mais je crois qu'il y avait plus que ça. Son insistance ne faisait que me braquer davantage.

- Mar n'est pas dangereuse, Théo. Tu te fais des films.

- Comment tu le sais ? Et tu l'appelles par son prénom maintenant ?

- Oui, je l'appelle par son prénom, pourquoi, tu appelles les gens comment toi ? m'énervai-je.

- Tu sais quoi ? Laisse tomber.

- Non, toi laisse tomber. Elle n'a absolument rien fait, et tu lui en veux déjà.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ?

- Rien ! Je m'en fous, voilà.

Je tournais la tête et me mis à bouder comme une enfant de cinq ans. Après tout, c'était lui qui avait commencé. Et je ne comprenais pas pourquoi il en voulait à cette pauvre fille, qui avait simplement commis le crime d'être là.

- Tu sais quoi ? ajoutai-je. Moi, j'ai l'impression que c'est cette fille la solution.

- Non, Lyra, tu n'as l'impression de rien du tout, tu veux juste me contredire.

- Excuse-moi, tu es dans ma tête ? Parce que jusqu'aux dernières nouvelles, je suis encore la seule à pouvoir accéder à mes pensées. Alors ne me dis pas ce dont j'ai l'impression ou non.

- Tu vois ? s'exclama-t-il. On l'a vue littéralement trente secondes, et on commence déjà à se disputer à cause d'elle. Elle est maléfique, Lyra !

- Maléfique ?! Mais Théo, ça va pas bien ? T'as fait une chute à cheval et t'as perdu tous tes neurones, c'est ça ? C'est à cause de toi et de tes pressentiments débiles qu'on se dispute, pas à cause d'elle ! N'inverse pas les rôles !

- Mes pressentiments débiles ?

- Quoi ? En plus de balancer des fausses accusations, tu es devenu sourd aussi ?

Théo eut un éclat de rire amer qui eut pour effet de casser l'escalade de la violence. Presque essoufflée et surtout furieuse, je peinais à comprendre comment nous avions pu en arriver là. Ou plutôt comment Théo avait pu en arriver à penser des choses comme ça. Ces sensations étaient insensées, illogiques et infondées, aucun doute là-dessus. Mais j'en vins à me poser une seconde question : pourquoi cela m'avait-il tellement énervé ? J'avais beau ne pas être d'accord avec lui, ça ne m'était pas arrivé souvent de me disputer si violemment avec Théo. Pour être honnête, je ne croyais pas me souvenir d'un moment qui concentrait tant de rage entre nous. C'était... perturbant. Mais j'étais en colère, alors je me contentais de lui tourner ostensiblement le dos. Surtout que nos éclats de voix avaient attirés les autres qui nous fixaient avec des regards inquiets (Vylon) ou amusés (Alyssa).

Gildur, qui avait eu la décence de s'éloigner un peu pour nous laisser nous disputer à notre aise, finit par nous mener à bon port et nous attribua une ribambelle de chambres dans l'aile opposée du palais que celle où se tenait l'Assemblée. Je pris à peine le temps de poser mon sac et de e débarbouiller puis je claquais la porte bien fort pour que Théo l'entende et je décidais d'aller explorer le palais avec moi-même. Grossière erreur. Sous le coup de la colère, j'avais légèrement fait abstraction du fait que mon sens de l'orientation est inexistant. Et comme la structure du palais ressemblait quelque peu à celle de la ville, c'est-à-dire labyrinthique, changeante et destinée à embrouiller mon pauvre cerveau, je fus perdue au bout de cinq tournants et trois portes. 

Quand je pris conscience de ce problème, j'essayais de revenir vers les chambres, mais au bout de dix minutes je dus m'avouer vaincue. Je ne savais ni où je me trouvais, ni où aller pour me remettre sur le bon chemin. Je décidais de déambuler jusqu'à croiser quelqu'un qui pourrait m'indiquer la route. Et mine de rien, ce n'était pas facile. Car cet immense palais était désespérément vide. J'avais beau enchainer les salles plus ou moins ornées, grandes ou petites, meublées ou décorées, je ne croisais personne. Au moment où j'allais commencer à ressentir une légère inquiétude (ou plutôt, où j'allais céder à la crise de panique qui menaçait de me submerger depuis quinze minutes), j'aperçus une mèche de cheveux bruns voler au bout d'un couloir.

- Attendez ! appelai-je en désespoir de cause.

Mais la mèche disparut, et je n'eus d'autre choix que de lui courir après. Mais arrivée au tournant, je pus voir que le couloir était, comme le reste du palais, définitivement vide.

- C'est pas possible, il a fallu que la seule personne que je croise dans ce foutu château soit un punaise de fantôme !

Je me laissais glisser contre le mur, un peu essoufflée et au bord du découragement.

- Je ne suis pas un fantôme.

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Bonjouuuur mes petites lectrices et lecteurs ! J'espère que vous allez bien, vraiment. 

Je suis de retour avec ce nouveau chapitre ! Que vous aurez aimé, j'espère. Pour être honnête, je n'en suis pas totalement satisfaite, mais ce sont des détails, et mieux vaut avancer dans l'histoire que de me perdre dans des questionnements qui ne mèneront pas à grand-chose, ne serait-ce que pour vous. 

Chez les Nains, eh bien c'est un bordel comme l'a dit Théo. Et dans ma tête aussi, d'ailleurs haha. Je croise les doigts pour ne pas vous avoir perdus au milieu de tous les noms, et tout ça. Si c'est le cas, je suis sincèrement désolée !

Ensuite, vous êtes plutôt team Lyra ou Théo sur la question de cette mystérieuse jeune fille à peine aperçue ? (j'en fais un peu trop ? ouiiiiii.) Et d'après vous, qui peut bien être ce fantôme-qui-n'est-pas-un-fantôme ? Dites moi toutes vos théories <3

Et oui, je sais, c'était cruel de terminer le chapitre là-dessus, mais que voulez-vous, j'ai appris des meilleures (elle se reconnaitra). Promis, des réponses au prochain chapitre ! En plus je suis partie sur un bon rythme là, donc vous ne devriez pas attendre trop longtemps :)

Plein de bisous et à bientôt <3

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