Chapitre 28 : Le concours (partie 2)

- Le concours de magie peut débuter !

Sous les vivats de la foule, la voix continua :

- Merci, merci de votre enthousiasme ! Avant de procéder à l'étape que vous attendez tous, laissez moi vous présenter le jury de ce concours exceptionnel.

Je me tournais pour voir qui incarnait le présentateur. Assis au premier rang des gradins, à mon opposé, je me rendis compte que c'était Kastyl qui allait commentait joyeusement mon probable échec. Avec le brouhaha de la foule, je n'avais pas reconnu sa voix. Je n'arrivais pas à décider si ça me faisait plaisir que ce soit lui ou si j'aurais préféré que ce soit un parfait inconnu. Peut-être que cela aurait facilité ma défaite, après tout. Mais déjà, il reprenait :

- Dans un souci d'impartialité totale, notre bon roi a décidé que le jury ne serait pas composé d'elfe de notre belle nation, mais de voyageurs ou d'habitants d'autre royaumes.

Je m'étouffais à moitié : c'était Maitre Corcy qui avait donné cette idée, pas le roi ! Mais les elfes n'avaient évidemment pas pu résister à l'envie de s'approprier cette contrainte pour la tourner à leur avantage... J'entendis un elfe dire, pas loin de moi :

- Si tu veux mon avis, notre roi est bien trop généreux avec ces... étrangers. Nous sommes en Terre des Elfes, ç'aurait été bien normal que ce soit des elfes qui composent le jury.

Son voisin acquiesça de la tête.

Bon. Les choses étaient peut-être pires que je l'avais imaginé. Mais bon, je gardais espoir. Enfin, je crois.

- Que le premier membre du jury se présente au public !

Une créature humanoïde, mais deux fois plus petite qu'un homme de taille normale, s'avança au milieu de l'arène. Il possédait des cheveux noirs reliés en petites tresses et des traits bourrus, marqués par la vie et le travail. Avant que Kastyl n'ai repris la parole, j'avais deviné ce qu'il était. Mais je n'avais pas deviné qu'il était en fait elle.

- La naine Yagra sera la première juge de ce concours ! Quelques mots avant d'aller vous asseoir ?

- Je suis très honorée de faire partie du jury, et remplirai ma tâche, je l'espère, avec impartialité et honneur, dit-elle d'une voix accordée à son physique.

- Merci beaucoup de votre participation. Le deuxième membre du jury se présente au public ! annonça-t-il alors que Yagra allait s'asseoir derrière une grande table de bois.

Au début, je crus qu'il y avait un problème, car personne ne s'avançait. Pourtant, Kastyl n'avait pas l'air décontenancé et fixait avec attention un point à mi-hauteur. Lorsque je suivis son regard, je découvris une minuscule créature, grande comme ma main et large comme deux de mes doigts, flottait en l'air grâce à quatre ailes aussi gracieuses que fragiles. Sa peau était aussi verte qu'une feuille d'été et elle ne possédait pas de vêtements, laissant voir une anatomie assez différente des hommes bien que semblable sans regarder les détails.

- La fée Sistyle sera la deuxième juge de ce concours ! Un mot au public ?

- Que le meilleur gagne, dit-elle d'une voix fluette que je fus étonnée s'arriver à entendre.

- Un grand merci à vous. Le troisième membre du jury se présente au public !

Je m'attendais à beaucoup de choses extraordinaires après ces deux première apparitions, mais pas à ça. Dans la lumière du soleil s'avança... un troll. Semblable en tout point à ceux que j'avais combattu à mon arrivée en Arcadia, à la différence près que celui ci n'était pas poilu comme les trois autres, mais possédait une peau qui semblait faite d'écailles très résistantes. Vu ce qu'Alyssa nous avait dit sur leur bêtise, j'étais quand même très étonnée qu'ils l'aient choisi pour faire partie du jury. Serait-il même capable de juger quelque chose ?

- Le troll Gabour sera le troisième juge de ce concours ! Quelque chose à dire ?

Le troll haussa les épaules et alla s'asseoir lourdement.

- Euh... Très bien, fit Kastyl, un peu décontenancé. Nous avons donc notre jury au complet. Maintenant, passons à la partie que vous attendez tous : les candidats. Le candidat des elfes se présente au public !

Les mâchoires serrées, je vis s'avancer un elfe plutôt jeune, et en clin d'oeil, je compris plusieurs choses : d'abord, que sa confiance en lui était totale et que la possibilité d'un échec ne lui avait même pas effleuré l'esprit, ensuite qu'il était très aimé des elfes, et enfin que c'était le demi-frère de Vylon. Ces yeux, toujours ces yeux si gris. Je n'avais aucune idée de comment prendre cette nouvelle et lorsque j'essayais de me tourner vers mes compagnons pour un peu de réconfort, ils avaient été engloutis par la foule et je n'arrivais plus à les voir. Il ne restait plus que moi.

- Ciator, fils de Kerdor, premier conseiller du roi, sera le candidat des elfes !

Un tonnerre d'applaudissements accompagna cette annonce. J'étais seule contre tous. Ou presque.

- Un petit discours pour vos supporters ?

Il fit un petit sourire arrogant et je sentis la rage bouillir au fond de moi. J'avais envie de gagner ce concours simplement pour le descendre de son piédestal.

- Vous savez qui va gagner. Espérons simplement qu'on pourra s'amuser un peu avant.

Mais, pour qui il se prenait, celui là ? J'allais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour ne pas lui laisser la victoire si facile, il en allait de mon honneur le plus primaire !

- Le candidat des Enchanteurs se présente au public !

L'ambiance changea du tout au tout. L'air vibrait de curiosité et de tension. Avant de m'avancer, je me souvins du conseil de Maitre Corcy : jouer les petites effarouchées au début me donnerait sûrement un avantage.

Je ne dus pas me forcer beaucoup pour avoir les jambes qui tremblaient lorsque je fis quelques pas pour me rapprocher. Au troisième pas, je trébuchais, en un mélange de volonté et de naturel. Un grand éclat de rire parcourut la foule.

- La candidate, donc ! se corrigea Kastyl. Lyra sera la candidate des Enchanteurs !

Un grand silence se fit dans la foule, comme si tout le monde attendait que je m'écrie « Poisson d'avril ! Bien sûr que ce n'est pas moi, la candidate ! ». Pour être honnête, ce n'est pas l'envie qui manquait. Soudain, une voix s'éleva, indistincte dans la masse :

- C'est une insulte à notre honneur ! Que cette gamine se barre, on veut un vrai candidat !

Et soudain, la foule se réveilla et des cris d'assentiments fusèrent de partout. Je sentis mes joues chauffer, mais je ne baissais pas la tête, ça leur aurait fait trop plaisir.

- Euh... Lyra, es-tu bien sûre de vouloir être la candidate des Enchanteurs dans ce concours ? demanda Kastyl, un peu mal à l'aise. Je suis sûr que quelqu'un pourrait te rempla-

- Absolument certaine, je le coupai.

J'aurais aimé que ma voix soit un peu plus assurée, mais c'était tout ce que je pouvais produire. Des « hou » résonnèrent un peu, puis le silence revint.

- Eh bien, je pense que le concours peut commen-

Kastyl fut à nouveau coupé, cette fois par le candidat adverse :

- Non mais attendez, je ne vais pas affronter cette... cette fillette ! contesta-t-il avec un rire de mépris. Je veux dire, c'est ridicule, vous le voyez bien.

Là, c'en était trop. Je devais réagir.

- Écoutez, commençai-je, je suis la candidate des Enchanteurs. Si ça ne vous plait pas, abandonnez le concours et laissez moi la victoire. Sinon, affrontez-moi.

Voyant qu'il n'était absolument pas convaincu, j'ajoutai :

- À moins que vous n'ayez trop peur de perdre.

Cette fois, il fut pris d'un vrai fou rire.

- Si ça te fait plaisir de te ridiculiser devant tout Versafiar, soit. Allons-y, ce sera vite fini.

- J'aimerais que vous me vouvoyez, comme je le fais. Ce serait la moindre des marques de respect, exigeai-je, bouillonnante.

- Mais vois-tu, gamine, le problème, c'est que je n'ai aucun respect pour toi, me répondit-il avec un haussement de sourcils.

Un nouvel éclat de rire se propagea à travers la foule. Il se moquait de moi, et complètement impunément. Puisque mon ego avait déjà éclaté en mille morceaux, autant abandonner.

- Très bien. Fais comme tu veux, dis-je en insistant sur le tu.

Il me regarda comme si j'étais un déchet, puis se tourna vers Kastyl.

- Trèves de plaisanteries, finissons-en. Je vais inculquer ce qu'est le vrai respect à cette gamine de manière à ce qu'elle ne l'oublie pas.

Le public lui hurla son soutien, ne me laissant que plus déterminée.

- Eh bien, place à la première épreuve : le pouvoir !

Sous les applaudissements nourris de la foule, les trois membres du jury se levèrent (le troll avec un temps de retard et en renversant sa chaise).

- Cette épreuve déterminera la puissance de votre pouvoir, et peut-être également ses limites, commença Sistyle, la fée.

- Les règles sont très simples : deux graines ont été plantées dans la terre, trente mètres plus bas. Votre but sera simplement de faire pousser la plante le plus haut possible. Il est interdit d'influer sur la graine puis la plante de l'autre, sous peine de victoire immédiate à l'adversaire, continua la naine Yagra.

Ciator poussa un soupir sonore. Je suppose qu'il aurait aimé écraser ma plante sous la sienne. Dans une prochaine épreuve, peut-être ?

- Le premier à abandonner perdra. Le candidat abandonne si sa plante ne monte plus, se casse, disparait, redescend ou touche la plante de son adversaire, termina Sistyle.

- Si vous n'avez pas de questions, asseyez vous au milieu de l'arène face à face et attendez mon signal pour démarrer l'épreuve, ajouta Yagra.

Nous fîmes ce qu'elle nous demandait, Ciator toujours avec son sourire méprisant plaqué sur la figure. Bien le fils de son père, celui-là.

- Prêts ? demanda la naine. Allez-y !

Je me rendis soudai compte que je n'avais aucune idée de comment m'y prendre. Je n'avais fait un truc comme ça, moi ! Quoique... Soulever des rochers et faire pousser une graine ne devait pas être si différent, si ? Je fermai les yeux, me concentrai, et essayai de retrouver la sensation du Flux courant dans mes veines comme de l'énergie liquide. Lorsque j'eus retrouver ce sentiment, je me sentis déjà plus calme et relaxée. Et je me rendis soudain compte que là où il y avait de la vie, le Flux coulait. Partout. Je le sentais dans les milliers de spectateurs, dans la mousse sur les troncs, dans les oiseaux qui nous survolaient. Je sentais le monde.

Malgré la puissance apportée par cette sensation qui aurait suffi à me faire rester béate pendant des heures, je réussis à me reconcentrer sur mon objectif.

Tranquillement et pourtant si puissamment, mon esprit suivit le cours du tronc de l'arbre le plus proche jusqu'à arriver au sol. Il était tellement rempli de vie de toutes les sortes, et même les plus insignifiantes retenaient mon attention, de la minuscule pousse au plus petit insecte que je faillis passer à côté de ce que je cherchais. Et puis, en me concentrant, je la trouvais : cette petite graine pleine de vie encore inexploitée, prête à s'étirer hors de terre, qui côtoyait une plante déjà bien développée et un ver de terre endormi. Je m'arrêtai : quelque chose clochait. Une plante bien développée ? Elle aurait dû se trouver à côté d'une autre graine ! Me serais-je trompée de cible ? À ce moment-là, un murmure d'excitation et d'admiration parcourut la foule, comme une vague qui lèche le sable de la plage. Je n'ouvris les yeux que pour confirmer ce que le Flux m'avait déjà montré : une fine mais solide tige ornée de quelque feuilles était arrivée au niveau de la plateforme. Déjà. Elle continuait de tendre vers le ciel à une vitesse alarmante. Voyant mes yeux ouverts, mon adversaire face à moi me dit :

- La seule question qui reste est : ta graine arrivera-t-elle même à sortir de terre ?

Puis il rit tout seul à sa propre plaisanterie. Quant à moi, je me reconcentrai sans perdre une seule seconde, retrouvai la graine et dirigeai l'entièreté de mon pouvoir avec la ferme intention de ne pas me laisser me ridiculiser ainsi. Je sentis le Flux passer dans tout mon corps, rentrer dans la graine; la faire émerger puis croitre à une vitesse qui n'avait rien de naturel. Je craignais de tomber à court d'énergie très vite, mais ce fut l'exacte inverse qui se produisit : plus j'utilisais mon pouvoir et plus j'en possédais, et donc plus je pouvais en donner. Au bout d'un moment, les limites de mon corps devinrent flous, j'étais constituée de Flux à l'état pur, ce courant d'énergie sauvage et indiscipliné qui se domptait sous ma volonté. Je ne me rendais plus compte de rien, jusqu'au moment où j'entendis un sifflement aigu puis des exclamations d'incrédulité provenir de la foule. Je réussis à ouvrir les yeux une seconde fois mais sans perdre ma concentration, c'était comme faire une escale lors d'un voyage. On s'arrête, mais on sait que ce n'est pas notre destination. La réalité était devenue accessoire.

Ma plante avait non seulement atteint la plateforme en bien moins de temps que celle de Ciator, compte tenu du moment où j'avais commencé, mais elle croulait également sous les fleurs et les fruits les plus colorés et les plus appétissants, là où celle de mon adversaire ne présentait que quelques petites feuilles. Je réalisais également que le sifflement que j'avais entendu était tout simplement dû à la vitesse de croissance de ma plante qui avait fendu les airs comme une flèche.

Le fait que je ne sois plus aussi concentrée avait un peu réduit son rythme mais elle continuait à monter, et monter, comme si elle voulait aller saluer les nuages. On ne voyait même plus la plante de Ciator, cachée derrière la luxuriance de la mienne. Je n'accordais même pas un regard à ce dernier, et regonflée à bloc par cette réussite, je retrouvais ma concentration et la sensation du pouvoir coulant à flots dans mes veines. Le Flux courait, partout, impatient, si fort et si puissant, si vivant. Sentir une telle quantité de pouvoir me traverser était une sensation extraordinaire et grisante et j'étais complètement galvanisée, en voulant toujours plus. Je lâchais le peu de contrôle qui me restait et laissai mon pouvoir agir indépendamment. C'était complètement fou, fantastique, incontrôlé. Cela défiait tout ce que j'avais toujours connu. J'étais déconnectée de la réalité, envoûtée, presque plongée dans une transe. J'avais à peine conscience de ce qui déroulait autour de moi, jusqu'à ce moment. Jusqu'à ce cri. L'urgence perçait dans la voix, le désespoir de l'impuissant. Ce simple mot m'électrisa et me refit basculer dans la réalité brusquement. Beaucoup trop brusquement.

- Attention !

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Bonjour à vous, mes lecteurs et lectrices !

J'espère que vous allez bien, que vous ne souffrez pas trop de la chaleur. Que vous avez de l'inspiration pour ceux qui écrivent, que vous trouvez des pépites pour ceux qui lisent. Mais passons aux choses sérieuse.

Comment avez-vous trouvé ce chapitre ? Je suppose que vous m'en voulez tous beaucoup d'avoir coupé à ce moment-là... Je suis désolée, mais bon, ce ne serait pas une bonne histoire si je ne torturais pas un peu les lecteurs ! *rire d'écrivaine diabolique*

Que pensez-vous du jury et de l'adversaire de Lyra ? Et surtout, qui a bien pu pousser ce cri et pourquoi ? Ah, le suspense est à son comble !

Je vous laisse et je vous dis à bientôt pour la suite (enfin j'essaye ^^)

Kiss ★

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