Chapitre 27 : Le concours (partie 1)
En tout cas, cette rencontre avait eu au moins deux points positifs : j'avais enfin affronté celui qui m'avait terrorisé à mon arrivée, et j'étais déterminée à participer à ce concours. Et à le gagner.
J'ouvris les yeux. Le jour s'était levé depuis quelques heures, et les pensées m'assaillaient. Déjà. J'arrivais difficilement à comprendre comment mon cerveau avait réussi à ne pas exploser depuis que j'avais atterri ici. Hier soir, j'étais déterminée à participer à ce concours, à cette folie. La rage m'avait apporté une soudaine montée de courage qui avait complètement disparu ce matin.
Dommage, un peu de bravoure ne m'aurait pas fait de mal, loin de là. Je refermais les yeux, peu désireuse d'affronter cette journée. J'avais un peu l'impression d'être cette personne qui se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment : on est désolés pour elle, mais bon en même temps, c'est la vie, qu'est-ce qu'on peut y faire ?
J'avais envie de dire à tout le monde que je n'étais pas celle qu'ils croyaient connaitre, je n'étais pas cette fille aux pouvoirs incroyables, je n'étais pas cette amie drôle et sympa, je n'étais même plus moi parce que je ne savais plus qui était moi. Depuis le début de ce voyage, j'avais été complètement chamboulée par ces découvertes sur moi-même et sur tout ce qu'on m'avait appris. J'étais perdue parce que je croyais savoir qui j'étais, je croyais connaitre les règles du monde qui m'entourait, et je me retrouvais catapultée dans l'inconnu total. Suis-je toujours moi dans ces conditions ? Je ne sais pas, je ne sais plus. J'avais tellement changé ces derniers temps que mes certitudes s'étaient écroulées les unes après les autres, comme des dominos.
Je poussai un petit soupir, sachant très bien que ne pas bouger ne fera pas ralentir le temps, mais essayant quand même.
Et puis, une idée commença à germer dans mon esprit. Au début, ce n'était qu'une vague silhouette, une sensation presque. Puis elle prit la forme de mots, puis d'une phrase qui, encore une fois, chamboula ma vision des choses.
Était-ce si important de savoir qui je suis ?
Réfléchissant à cette question, un débat se mit en place dans ma tête. Oui, évidemment qu'il est important de savoir qui on est, de connaitre ses racines, ses capacités, sa personnalité, de se connaitre soi, mais est-ce que se connaitre soi voulait forcément dire savoir qui on était ?
La réponse s'imposa à moi, presque naturelle. Non. Notre nous-même n'était-il pas construit à chaque instant, par chaque choix que nous faisons ? Est-ce qu'un « moi » défini existe, quand chaque seconde pourrait être la seconde du changement ? Pourquoi vouloir trouver une définition fixe de soi-même, puisque la vie est tellement pleine de surprises, d'inattendu, que chaque instant fait de nous une personne différente, sculptée par ses expériences, ses souvenirs, ses pensées, et que notre futur reste encore et toujours à écrire ? Oui, j'étais définie par mon passé, il faisait partie de moi et m'aidait à avancer, à mieux me connaitre, à ne pas refaire les mêmes erreurs, mais mon futur était tout aussi important, voire plus, j'en étais convaincue. Et comment vouloir être certain de qui on était quand une partie de nous dépendait de cet avenir tellement incertain -et c'est ce qui le rend si beau !- ?
Je ne savais pas où ma réflexion allait me mener, si elle était juste ou fausse, si elle était utile, si elle avait du sens, mais je m'en fichais. J'avais l'impression d'avoir tirer un fil, et savoir que j'avais cette piste de réflexion, ce fil qui me guiderait vers d'autres réflexions sûrement, m'apaisa et me détendit. C'était comme si j'avais versé un terreau fertile sur une terre sèche et morte, et semé des graines dedans. Que je ne voyais pas encore les nouvelles pousses n'avait aucune importance. Les graines étaient plantées. C'est tout ce qui comptait.
Ma décision de ce matin allait contribuer à moi-même, comme toutes les autres, même les plus infimes. Celle-ci aurait un plus grand impact, car elle m'indiquerait si j'étais plutôt lâche ou courageuse, égoïste ou altruiste, si je faisais face aux épreuves ou si je fuyais devant elle. Il ne tenait qu'à moi de décider qui je voulais être.
Réfléchissant à tout cela, j'étais de plus en plus convaincue que ma participation à ce concours était nécessaire. Je m'imaginais déclarer forfait, annoncer à mes amis que j'abandonnais. Je vis le froncement de sourcil de Maitre Corcy, la déception dans le regard d'Alyssa et de Miléna, la pitié dans celui de Vylon qui compatirait à mon dilemme et la profonde incompréhension de Théo. Non, je ne pouvais décidément pas faire ça. Je le regretterai toute ma vie, c'était certain.
Imaginer la joie sadique du conseiller du roi devant mon renoncement acheva de me convaincre.
Je n'étais définitivement pas une véritable héroïne, qui n'aurait pas hésité une seule seconde devait cette épreuve, mais je faisais de mon mieux. Je me rappelais soudain d'une citation que j'avais entendue ou lue quelques part : « J'ai toujours voulu être courageuse. J'ai compris que, si je faisais une chose courageuse, le courage suivrait. ». À ce moment-là, je priai de toutes mes forces pour qu'elle soit vraie, même si je n'avais pas beaucoup d'espoir. J'ouvris les yeux et me levai.
À ce moment-là, Théo sortit de la salle de bain.
- Oh, tu es réveillée. Comment ça va ? me demanda-t-il avec une pointe d'inquiétude dans la voix qui me fit fondre.
- Aussi bien qu'on peut aller quand tu es sur le point d'affronter les meilleurs magiciens elfiques alors que tu es inexpérimentée et qu'au dessus de ta tête pèse le plus gros enjeu de ta vie.
- Ouf, je suis rassuré, si tu peux encore faire du sarcasme, ça veut dire que tout va bien ! répliqua-t-il en riant.
Nous entendîmes alors toquer à la porte. C'était Kastyl qui nous apportait un plateau chargé de victuailles. Il nous conseilla de bien profiter du spectacle du concours, car d'après lui, ce serait à coup sûr de la grande magie. Ce qu'il ne savait pas, c'est que je serais au coeur de ce spectacle.
Comme le soir dernier, notre petit groupe se retrouva dans la chambre d'à côté. Chacun avait reçu un petit-déjeuner comme le nôtre, de ceux qu'on sait qu'on ne pourra pas finir même si on était affamés depuis trois jours. Autant dire que j'y ai a peine touché. Sous les encouragements de mes amis (à qui Maitre Corcy avait bien évidemment révélé ma participation au concours sans attendre ma confirmation), je me forçais à avaler un oeuf au plat d'une saveur extraordinaire et quelques gorgées d'une boisson à la texture mousseuse.
Juste avant de partir me préparer, Maitre Corcy me prit à l'écart et me dit en chuchotant :
- Lyra, pendant les épreuves, surtout, surtout ne perds pas ta concentration. C'est ce qui pourrait t'être fatal. Enfin, pas au sens littéral du terme. Normalement. En tout cas, je suis absolument certain que ton adversaire et son camp vont essayer de te déconcentrer. Mais quoiqu'il arrive, je te le répète, quoiqu'il arrive, dit-il en martelant les mots, reste focus sur l'épreuve. Compris ?
J'acquiesçais, essayant de ne pas imaginer le cas où « normalement » ne serait pas de mise.
- Et aussi, le concurrent adverse va faire son possible pour t'impressionner au début, surtout vu ton âge et ton genre. N'oublie pas ce dont tu es capable, et rappelle toi qu'avoir l'arrogance de sous-estimer un adversaire en a perdu plus d'un. Ça peut jouer en ta faveur.
- Qu'est-ce que vous entendez par « impressionner » ? demandai-je, au bord de la panique.
- Oh, ça peut aller d'une humiliation en règles à un essai de te faire perdre ta confiance en toi en passant par une démonstration de pouvoirs aussi inutile que couteuse en énergie. Ou les trois. Ne te prends surtout pas au jeu et garde tes atouts en main jusqu'au dernier moment. Tu peux même jouer les petites filles effrayées, ça devrait t'aider, au moins pour la première épreuve.
- Parce qu'il y aura plusieurs épreuves ?! m'étranglai-je.
- Sinon, où est l'interêt ? répondit Maitre Corcy en souriant.
Je déglutis difficilement. Comme si ce concours de magie n'était pas déjà assez compliqué en soi, il allait falloir que je fasse preuve d'une force mentale sans failles, et en plus il serait constitué de plusieurs épreuves ! Au moins, ce serait un baptême du feu. Si je ressortais d'ici vivante et peut-être même gagnante, je pourrais affronter à peu près n'importe quoi.
- Un dernier conseil avant que je me jette dans la gueule du loup ? demandai-je au vieil homme.
Son sourire dessina des petites rides autour de ses yeux, et soudain on aurait dit un grand-père qui encourageait sa petite fille avec toute l'affection dont il était capable.
- Gagne.
Mon coeur fondit et je faillis me jeter dans ses bras. Mais je me contentais d'une sourire reconnaissant et partis me préparer.
***
Kastyl nous guidait à travers le dédale de passerelles, nous emmenant sur le lieu du concours. J'avais revêtu mes vêtements de voyage, qui étaient les plus confortables que je possédais. Ma respiration se faisait plus courte à chaque pas et mon coeur battait plus vite à chaque instant. Au bout de quelques minutes de marche, nous arrivâmes sur une immense plate forme de bois, semblable à celle sur laquelle nous étions arrivés à Versafiar à ceci près qu'elle était une cinquantaine de fois plus grande. Des gradins avaient été disposés en cercle pour l'occasion et des centaines d'elfes s'y pressaient, impatients d'assister à cette joute magique. Le lieu était impressionnant, et je dus lutter contre l'envie de faire demi-tour.
Un peu de courage, Lyra ! me réprimandai-je intérieurement.
L'elfe majordome nous montra nos places réservés, au tout premier rang.
- Pour bien profiter du spectacle, précisa-t-il avec un sourire.
J'essayais de le lui retourner mais je ne réussis qu'à lui offrir une grimace.
Mes amis se rassemblèrent en cercle autour de moi. Vylon me prit la main, la serra affectueusement et me dit :
- Tu es plus forte que tu ne le crois. Fais toi confiance et botte les fesses de ces prétentieux d'elfes.
Je me mordis la lèvre pour retenir un flot d'émotion qui n'aurait fait que compliquer les choses. Je lui murmurai un faible « merci ».
- Lyra, rappelle toi mon histoire. Les dix épreuves. Tu peux le faire toi aussi. Tout est une question de détermination. Si tu veux vraiment gagner ce concours, rien ne pourra t'en empêcher, m'assura Miléna. Et aussi, continua-t-elle en chuchotant avec un sourire malicieux, si tu pouvais leur prouver que les filles sont tellement plus que ce à quoi ils les réduisent...
- Je ferais de mon mieux, lui dis-je avec un sourire reconnaissant.
Elle me serra un instant dans ses bras avant de me lâcher. Alyssa me posa alors une main sur l'épaule.
- Ma belle, j'ai toujours eu confiance en toi. Depuis le moment où je t'ai vu, dans cette clairière. Et ça ne va pas s'arrêter maintenant.
Je me blottis contre elle un moment. Elle, ma première amie ici. Ses mots m'apportèrent un peu de réconfort et de sécurité. Puis elle me repoussa doucement avant de me sourire, de ce sourire insolent et rebelle que j'aimais tant.
Ce fut au tour de Maitre Corcy de m'adresser quelques mots :
- Souviens toi de la forêt. Le Flux t'a choisie. Fais lui confiance, si tu n'arrives pas à te faire confiance.
Je ne comprenais pas vraiment ce qu'il voulait dire, mais je n'avais pas le temps d'en discuter maintenant. Théo, le dernier membre du cercle, m'attendait.
- J'ai toujours su que tu étais spéciale. Je ne te l'ai jamais dit, mais cette certitude était ancrée au plus profond de moi. Comme quoi, j'avais raison.
Il déposa un léger baiser sur ma joue avant de me pousser vers l'autre côté, où s'amassait les spectateurs. Même les trois soldats qui nous accompagnaient m'adressèrent un signe de tête et je les remerciai d'un sourire.
Soudain, une voix forte s'éleva, couvrant le brouhaha de la foule :
- Elfes, humains, nains, et tout autre créature, soyez les bienvenus. Aujourd'hui est un jour spécial ; aujourd'hui, deux adversaires s'affronteront dans une compétition implacables, et pas seulement pour votre bon plaisir, mais aussi pour des enjeux de taille que vous connaissez bien. Le concours de magie peut débuter !
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Bonjour ! Eh non, vous ne rêvez pas, ceci est bien un nouveau chapitre ! Je sais, ça parait incroyable. Mais c'est pourtant vrai ! Bref, je ne vais pas en parler pendant trois cent ans mas j'ai eu un blocage dans l'écriture, ce n'était pas le premier, ce ne sera pas le dernier. C'est comme ça. Comme souvent, c'est revenir au papier qui m'a permis de recommencer à écrire. Je ne sais pas pourquoi, le papier a toujours eu quelque chose de plus dans l'écriture, pour moi. Après je ne l'utilise pas tout le temps, loin de là, mais quand je suis en blocage ou en manque d'inspiration, ça m'aide beaucoup.
En tout cas, j'espère que vous avez aimé ! Je suis un peu partie dans un truc philosophique au début, je ne sais pas trop pourquoi, peut-être que c'est ce qu'il me fallait pour me relancer. Ça vous a plu ? Et des idées sur son adversaire, le jury ou les épreuves ? Dites moi tout :)
Je sais, je suis un peu sadique de vous faire croire avec le titre que vous allez lire le récit du concours alors que pas du tout, mais bon c'est mon côté auteure diabolique XD
À bientôt pour la suite, kiss ★
P.S. : au fait, la citation vient de la série Once upon a time et je l'ai trouvée grâce au Recueil de citations de FelicityLovegood01, oui encore elle ❤️
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