Chapitre 23 : Versafiar (partie 1)
- Fils, Lyra. Ça veut dire fils.
Le lendemain matin, nous repartîmes, Vylon sûrement plus léger et moi heureuse d'avoir fait ce qu'il fallait. La veille, il s'était écroulé comme une masse et avait commencé à dormir dès qu'il avait touché le sol. Son sommeil était tellement profond qu'un concert de hard rock ne l'aurait pas réveillé. Je devinais qu'il n'avait pas connu un sommeil réparateur comme celui ci depuis bien longtemps. Et puis, raconter, transformer des sentiments et des évènements en mots est très fatigant, surtout lorsqu'il s'agit d'un récit aussi personnel. Je ne pouvais donc pas blâmer Vylon de tomber aussi facilement dans les bras de Morphée. Je ne rêvais que d'une chose, c'était de faire pareil mais il me restait d'abord une dernière mission remplie. L'elfe m'avait expressément demandé d'informer les autres membres du groupe de son histoire, afin que tout le monde comprenne la situation et puisse réagir en conséquence, car qui sait ce qui pouvait nous arriver une fois à Versafiar. Je restai assez évasive et ne rentrai dans des détails superflus. Pour respecter les évènements traumatiques vécus par Vylon, je restai centrée sur les faits sans recréer l'émotion qui avait teintée son récit.
Alyssa et Miléna avaient accueilli mes révélations avec un air sombre, mais compréhensif. Elles ne firent aucun commentaire, mais je sentis que mes paroles les avaient touchées. Maitre Corcy ouvrit de grands yeux, puis se mit à marcher de long en large, comme s'il était obligé de bouger pour évacuer quelque chose de mauvais. Karod, Tylède et Cylar se contentèrent de m'adresser un signe de tête respectueux, sans que je sache si c'était du respect pour l'enfance de Vylon ou pour le fait que je sois arrivée à le faire se confier. Théo, quant à lui, n'eut presque aucune réaction. Il resta le visage impassible pendant tout le récit, ne laissant tomber son masque qu'aux moments les plus horribles. Lorsque nous allâmes finalement nous coucher, il vint près de moi et me murmura :
- Lyra. Il y a quelque chose qui te tracasse.
Ce n'était pas une question, c'était une affirmation.
- Vu le récit que je viens de livrer, c'est un peu normal que je sois troublée, non ?
Ma piètre tentative pour éviter la question échoua, et je le sus avant même d'avoir commencer ma phrase. Il savait pertinemment que je mentais, il lisait en moi comme dans un livre ouvert. D'un regard, il me convainquit de tout lui dire. Je soupirai devant ma faiblesse, mais lui dit :
- En fait, avant que tu ne me le dises, je ne m'en étais pas vraiment rendue compte... Mais, tu as raison, il y a quelque chose qui me trotte dans la tête.
Et je lui racontai ce qu'avait dit Vylon à propos de mon prétendu talent avec les mots. Quand j'eus fini, j'ajoutai :
- Je ne comprends pas pourquoi il a dit ça. Je me sens comme... Illégitime, comme si j'avais pris la place de quelqu'un de plus méritant que moi. Enfin, n'importe qui aurait réussi à convaincre Vylon de se confier, et tout le monde sait raconter une histoire !
- Non, Lyra, c'est là que tu te trompes. Je ne sais pas si tu penses vraiment ce que tu viens de dire, mais j'ai la certitude que tu sais au fond de toi que ce qu'il a dit est vrai, et surtout que tu le sais depuis longtemps. Bien longtemps. Tu as un vrai talent, c'est indéniable. Avec tes mots, tu soignes le coeur des gens, tu les réconfortes, tu leur redonnes du bonheur.
- T'es en train de dire que je devrais être psychologue ? demandai-je mi-figue mi-raisin.
- Je crois que ça va être compliqué pour l'instant, mais je suis certain que tu en serais une merveilleuse. Dans les deux métiers que je te voyais faire, il y avait ça et...
Il s'arrêta, et ma respiration s'arrêta avec lui.
- Et quoi ? le pressai-je, incapable de tenir le suspense plus longtemps.
- Tu le sais. Tu le sais très bien.
Je laissais passer un silence. Si c'était ce que je croyais, alors oui, je le savais... Mais si ce n'était pas ça, et que ça lui paraissait complètement ridicule, comme ça me paraissait ridicule, parce qu'après tout ce n'est qu'un rêve d'enfant, et on m'a répété toute ma vie que c'était l'opposé du métier parfait, instable, compétitif, incertain, et très mal payé... Non, ce n'était sûrement pas à cela que Théo pensait, et même si je le gardais dans un coin de ma tête au cas où, et dans un coin de mon ordinateur, j'avais fait une croix dessus depuis bien longtemps. Les mots que Théo avait prononcés quelques secondes auparavant me revinrent en mémoire. Tu sais au fond de toi que ce qu'il a dit est vrai, et tu le sais depuis longtemps. Ces paroles m'apparurent en miroir inversé de mes pensées. Oui, je le savais depuis longtemps. Mais je refusais aussi de me l'avouer depuis encore plus longtemps. Parce que j'avais peur. Peur d'être déçue par le monde, peur d'échouer, peur de ne pas m'en relever, peur de ne pas être satisfaite, peur d'être nulle, peur queux jugement et des réactions des autres, peur de ne pas être acceptée, peur d'être moi-même et que ça ne suffise pas. Peur que ce talent n'en soit en fait pas un. Peur de me jeter dans la fosse aux lions, peur d'affronter l'inconnu. Peur de devenir adulte et d'avoir à me préoccuper d'argent, d'argent et toujours d'argent, peur que ça ronge mon talent de l'intérieur, peur que tout s'emmêle et forme un noeud inextricable. Peur que la vie, que cette vie ne soit pas faite pour moi. Je n'étais qu'angoisse, stress et peur, toujours peur. Alors il avait été beaucoup plus facile pour moi de mettre tout ça dans un coin de ma tête, de cacher ce dossier informatique au milieu d'autre, et de faire semblant d'avoir oublier. Et surtout, de me promettre de ne jamais le montrer à personne. J'avais hésité plusieurs fois à le supprimer, sans jamais m'y résoudre. Parce que supprimer n'aurait finalement servi à rien. Pour régler le problème, il n'aurait pas été suffisant non seulement de supprimer ce dossier, mais aussi tous les carnets, les feuilles volantes, les notes dans les marges et même les idées qui restaient au fond de mon cerveau, non, ça n'aurait pas été suffisant. Pour régler le problème, il aurait fallu que je l'assume. Que je le montre. Que je le fasse lire. Mais ça, je pouvais encore moins m'y résoudre que de supprimer le dossier. Parce que j'avais peur. Tellement peur.
Un long moment silencieux s'était écoulé et en écoutant la respiration lente de Théo, je crus qu'il s'était finalement endormi. Le mot qu'il attendait peut-être passa mes lèvres sans me demander la permission.
- Écrivaine.
Mon souffle s'envola dans la nuit, emportant avec lui mes peurs et mes envies. Je me sentis soudain complètement vidée, et mes paupières se fermèrent, comme si j'étais tout à coup devenue incapable de garder les yeux ouverts. Avant de sombrer dans le sommeil, j'entendis la voix de Théo murmurer :
- J'espère que je pourrais le lire, un jour, ce dossier.
Le lendemain matin, nous nous remîmes en route, avec Versafiar comme objectif. Tout au long de la matinée, je sentis mon angoisse monter, avec une boule dans le ventre qui l'accompagnait. Je venais de me rappeler réellement que nous allions là-bas afin de convaincre les elfes de nous prêter leur armée et de nous aider dans la guerre qui allait faire rage dans un futur incertain, mais proche. Et vu les descriptions que Vylon m'avait faites d'eux, les elfes avaient non seulement l'air de ne pas être des enfants de choeur, mais aussi de ne pas être du genre à se laisser convaincre facilement. Je ne pouvais qu'espérer que mon pressentiment ne se révèle pas exact, mais j'avais bien du mal à faire taire la petite voix dans ma tête qui me disait que j'allais lamentablement échouer, décevant la confiance de Saïla et des tous mes amis.
Si seulement je n'avais eu que cette source d'angoisse, j'aurais pu gérer, mais je ne pouvais pas m'empêcher de stresser presque encore plus pour les retrouvailles de Vylon et de son père. Mille scénarios défilaient dans ma tête, et pas un ne se terminait bien. J'en étais arrivée à l'hypothèse que cela déclencherait une guerre civile qui dévasterait Arcadia lorsque j'essayais de me reprendre. Réfléchir de cette manière ne m'aidait en rien, et rendait même les choses pires encore. De toute façon, je n'étais même pas sûre que le père de Vylon habitait encore au château, ni même s'il était encore vivant. Une pensée s'insinua sournoisement dans mon esprit : ce serait tellement plus facile s'il était mort... Je sursautai, complètement déstabilisée. Comment en étais-je arrivée à souhaiter la mort de quelqu'un ? Je me rassurai en me disant que c'était juste une pensée comme ça et que je n'avais jamais réellement voulu son décès. La petite voix revint alors, me rappelant toutes les choses horribles qu'il avait fait à Vylon et même à ses propres fils, et alors je ne fus plus sûre de rien. non, ce n'était pas possible, ce n'était pas moi. Quoiqu'il ait fait, un homme (ou un elfe, dans ce cas précis) ne méritait pas la mort. Je devenais complètement schizophrène, j'avais une voix qui me parlait dans ma tête et je souhaitais la mort de gens que je ne connaissais même pas. Tout allait bien. Je laissais échapper un petit rire hystérique, comme à chaque fois que j'étais nerveuse, puis j'essayais de prendre de grandes inspirations pour me calmer un peu. Mes mains tremblaient incontrôlablement, et j'étais sur le point d'éclater en sanglots. Je me remis à rire en pensant à la piètre prestation que j'allais donner chez les elfes. On se souviendrait de moi, aucun doute là dessus. Mais pas comme l'héroïne ayant sauvé Arcadia, plutôt comme la gamine hystérique qui riait et pleurait en même temps sans pouvoir articuler une seule parole compréhensible. J'étais sur le point de dire à maitre Corcy qu'il ne servait à rien de perdre plus de temps et qu'on ferait mieux de tout de suite rentrer à Castellian lorsqu'une main se posa sur mon épaule. Je me retournai vers Théo brusquement.
- Quoi ?! l'agressai-je presque.
Il leva un sourcil étonné mais ne dit rien. Il plongea ses yeux dans les mien et je me demandai soudain comment j'avais pu être aussi méchante avec lui, qui n'avait absolument rien fait, à part être là pour moi.
- On est avec toi, tu sais. Tu n'es pas toute seule. Tu n'as pas à gérer ça toute seule. Tu as du soutien, des amis sur lesquels te reposer. Ne l'oublie pas.
Je faillis éclater en sanglots, mais le temps n'était plus aux larmes. Le temps était aux sourires, aux câlins, aux mains tendues, aux gestes amicaux. Je n'avais jamais été seule. Mais je l'avais oublié. J'inspirai longuement, et pris la main de Théo.
- Je suis morte de peur. Mais je suis avec vous. Donc ça va aller.
Prononcer les mots acheva de me convaincre. J'étais forte, et j'avais des amis. Cette épreuve, même si c'était mon épreuve, nous l'affronterions ensemble. Alors oui, peut-être que le monde allait s'écrouler d'un moment à l'autre, mais pour être honnête, je n'en avais rien à faire. On a qu'une vie, non ? Alors inutile de la gâcher en angoissant pour le futur. Mieux vaut profiter du présent, et qui vivra verra, je suis persuadée qu'on s'y fera. Un sourire de défi étira mes lèvres. J'étais prête. Comme si elle avait entendu mes pensées, Alyssa déclara :
- Nous sommes arrivés à Versafiar.
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Bonjour à tous-tes ! J'espère que vous allez bien :)
Voilà un nouveau chapitre... Dont je ne sais pas trop quoi penser, à vrai dire. Je ne sais pas s'il était vraiment nécessaire à l'histoire, s'il était intéressant, s'il était bien écrit. J'ai un peu peur que vous le trouviez niais, surtout la fin. Il faut savoir que j'écris d'un seul jet, et que je me relis très rarement. Du coup, j'ai un peu de mal à avoir une vision d'ensemble et à m'auto-juger. Bref, j'ai plus que jamais besoin de vos avis sincères. Ça ne sert à rien de me dire que vous aimez si ce n'est pas vrai, je vous serai beaucoup plus reconnaissante de faire une critique constructive. Évidemment, si vous avez aimé ne vous privez pas non plus de le dire !
Bon, qu'avez vous pensé du talent de Lyra, souligné par Vylon et par Théo ? Que pensez vous de ses peurs ? Et ensuite, de son angoisse par rapport à leur arrivée chez les elfes ? (je suis désolée, on dirait un questionnaire évalué alors que je voulais juste votre avis sur des points précis 😭)
Pour être honnête avec vous, je n'ai jamais autant douté de ce que j'écrivais. Mais ça fait partie du jeu aussi, de ne pas savoir, de douter, de réécrire peut-être. C'est aussi ça écrire, j'en ai bien conscience. Si vous, auteurs-es, êtes ou serez dans une période comme celle-ci, où vous n'êtes plus certains-es de la qualités de vos écrits, ne baissez pas les bras. Laissez reposer le texte s'il en a besoin, réécrivez le si vous en sentez l'envie, ou supprimez tout simplement le passage qui ne vous plait pas. Mais ne vous arrêtez pas d'écrire. Surtout pas.
Sur ce moment émotion, je vous dis à bientôt pour la suite ;)
Kiss ★
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