Chapitre 10 : Le Conseil (partie 1)

- Nous sommes arrivés. Voici Castellian !

Sous mes yeux s'étalait le paysage le plus extraordinaire, le plus ahurissant, le plus magnifique que j'eus jamais vu. Du haut de notre colline, nous avions une vue plongeante sur la fantastique cité qu'était Castellian. Je ne vis d'abord que les couleurs. Des couleurs qui auraient fait rougir un arc-en-ciel, des couleurs que je n'aurais jamais inventées et qui dépassaient largement la palette que mon imagination me proposait. Lorsque mes yeux se furent habitués, je commençai à remarquer tout le reste. Les constructions effilées, qui montaient vers le ciel en serpentant, en s'entrecroisant, formant spirales et motifs défiant les lois de la gravité. Cette ville semblait avoir été construite par magie en un instant tant tout tout ce qui la constituait était merveilleux. Dès que mes yeux se posaient sur un bâtiment, je n'avais pas le temps de m'extasier sur sa forme ou sur sa couleur ou sur ses extraordinaires attributs que déjà mon regard était attiré par autre chose plus surprenant et magique encore. Et il y avait cette tour, qui se dressait fièrement comme une gardienne de cette beauté, cette tour, si grande, si lisse, si admirablement construite en spirale, si royale dans cet écrin de magnificence... Cette cité était tellement... Tellement belle, magique, surprenante, majestueuse, tellement émouvante que j'en eus les larmes aux yeux. J'oubliais tout pour un merveilleux instant, mes problèmes, mes objectifs, mes joies, et je contemplai ce lieu si extraordinaire, si ahurissant, si magnifique. Les larmes coulaient le long de mes joues comme autant de reflets de la ville, et je les laissais couler parce qu'elles étaient le plus beau cadeau que je puisse faire à cette cité avant de pénétrer dans son enceinte.

Alyssa me mit une main sur l'épaule et me dit doucement :

- Ça fait toujours ça la première fois. Remarque, ça fait des centaines de fois que j'y suis venue, et je ne me suis toujours pas habituée.

- Mais comment... Je veux dire... Comment un tel endroit peut-il exister ?

- Ah, ça, c'est les Enchanteurs. Tu comprendras bientôt, me répondit Alyssa avec un petit sourire énigmatique.

Je commençai à en avoir assez de tout ce mystère, mais je ne répliquai rien car j'avais l'étrange pressentiment que j'allais comprendre beaucoup de choses dans très peu de temps. Il me fallait être patiente encore un peu, même si ce n'était pas la première de mes qualités (à vrai dire, c'est même un de mes défauts).

Théo était tout aussi fasciné que moi par Castellian et je dus lui agiter la main devant les yeux pour qu'il m'écoute enfin. Nous descendîmes lentement la colline en profitant encore et toujours de la merveilleuse vue qui s'offrait à nous puis nous parvînmes au mur d'enceinte. Je ne l'avais pas remarqué en haut (j'étais bien trop occupée par tout le reste) mais un mur entourait tout la ville, sûrement pour se protéger des bêtes sauvages. Deux gardes en armure se tenaient aux extrémités d'une immense porte iridescente. Alyssa parla quelques instants avec eux puis, sans quitter leur air renfrogné, ils nous ouvrirent les portes de la cité. L'intérieur était aussi voire plus extraordinaire que l'extérieur. Des petites rues pleines de charmes formaient un labyrinthe coloré et joyeux. On y voyait des personnes et des créatures plus étranges et fascinantes les unes que les autres, des tenues éclatantes de couleur et de style, des objets aux formes et usages intriguants, tout ça se mélangeant en une ville pleine de vitalité. Je m'émerveillais un peu plus à chaque pas, si bien que je ne faisais pas réellement attention à l'endroit où nous conduisait Alyssa. Elle semblait connaitre la ville sur le bout des doigts, nous guidant avec assurance à travers le dédale de ruelles. Ce ne fut que lorsqu'elle s'arrêta que je pris conscience qu'elle nous emmenait dans un lieu précis. Devant moi se dressaient quatre immenses colonnes qui semblaient constituées d'une matière fluide mais extrêmement solide. Je me pris à penser à l'excitation qu'aurait mon père s'il voyait cette construction, lui qui était toujours heureux de découvrir de nouveaux matériaux pour créer ses oeuvres d'art. Mon coeur se serra douloureusement à cette pensée et me fit revenir à la réalité. Les colonnes soutenaient une tour immense, dont je ne pouvais pas voir le bout du fait de sa hauteur. Elle était si gracieuse, s'élevant dans les airs comme un oiseau qui jouerait avec le vent et les nuages. Je pris conscience que ce devrait être l'immense tour que j'avais vu du haut de la colline et qui surplombait toute la ville. Je sus instinctivement que c'était un bâtiment important dans la cité, même sacré. Mais pourquoi Alyssa nous emmenait-elle ici ?

Deux gardes armés, ressemblant fortement à ceux qui étaient postés à la barrière de la ville, interdisait l'accès à la tour. Lorsqu'ils virent notre accompagnatrice, ils s'écartent et baissèrent la tête en signe de respect. Alyssa était donc connue ici ? Elle ne nous en avait rien dit. Nous entrâmes dans le hall, immense et imposant à l'image de la tour. Un vertigineux escalier en colimaçon s'élevait au milieu du hall. Quelques personnes à l'air pressé et soucieux l'empruntaient dans un sens ou dans l'autre. Un homme de haute stature avec un visage sévère nous interpella -ou plutôt, interpella notre protectrice, qui semblait faire l'objet de toutes les attentions-:

- Ah, Alyssa ! Comment vas tu ? Ça faisait longtemps qu'on ne t'avait pas vu par ici !

- Oui, j'avais des choses à faire, répondit-elle sans rentrer dans les détails. Mais aujourd'hui je viens voir le Conseil.

- J'espère que c'est important, parce qu'ils sont débordés avec tout ce qui se passe en ce moment...

- Oh, je ne m'inquiète pas. Ils sauront trouver un moment pour me recevoir.

Elle le salua, et nous reprîmes notre marche vers l'escalier. Je ne pouvais rester plus longtemps sans réponses.

- Alyssa ! C'était qui ? Et c'est quoi, cette histoire de Conseil ? Et qu'est-ce qui se passe pour qu'il soit débordé ? Et pourquoi tout le monde ici a l'air de te connaitre ? Tu es célèbre ou quoi ?

- Encore quelques minutes et tu sauras tout.

Comprenant qu'elle ne m'en dirait pas plus, je me tus et me forçai à attendre encore plus longtemps. Je sentais que les réponses était à ma portée, plus très loin, mais pas encore accessibles. Nous entreprîmes la longue montée des escaliers. Au bout de 100 marches, je haletai, un point de côté tenace me faisant souffrir le martyre. À 200 marches, mes jambes s'étaient transformées en plomb. À 300 marches, Théo s'écroula, épuisé, et demanda une pause. Je m'effondrai à côté de lui et lui glissai :

- Pourquoi est-ce qu'ils ont pas encore inventé l'ascenseur dans ce monde ?

- Aucune idée, mais ils feraient bien de se dépêcher parce que je vois pas comment des gens peuvent faire un aller-retour quotidien. Ce truc est mortel. En tout cas, ils doivent avoir des mollets en béton, ce Conseil, si ils sont tout là haut.

- C'est clair !

Nous reprîmes notre montée, lentement mais sûrement. Nous étions environ à 400 marches et je commençai à me demander si cet escalier avait réellement une fin lorsque nous vîmes enfin une plateforme se dessiner. Quand nous l'atteignîmes enfin, je poussai un soupir de soulagement. Je ne pensais pas survivre à 10 marches de plus. Alyssa, évidemment, n'avait absolument pas l'air fatigué, c'est tout juste si elle était essoufflée. Un long couloir se déroulait sous nos yeux. Des portes sans poignée s'étalait tout au long du corridor, jusqu'à la fin où se trouvait une porte somptueusement ouvragée et plus grande que les autres. C'est à cet endroit-là qu'Alyssa nous conduisit, l'air très sûre d'elle. Elle apposa sa main sur la porte, sur une gravure de fleur et à mon grand étonnement, celle-ci s'ouvrit sans difficultés.

À l'intérieur se trouvaient 3 femmes et 2 hommes, assis sur des fauteuils finement décorés à l'allure de trône. Ils avaient d'ailleurs eux-même un air majestueux, surtout la femme qui se trouvait qui se trouvait au milieu. Elle prit la parole d'une voix calme :

- Alyssa... Cela faisait bien longtemps qu'on ne t'avait pas vu dans les environs. Comme tu peux le voir, le Conseil est en pleine réunion. Pour quelle raison te permets-tu d'interrompre notre discussion ? J'espère pour toi qu'elle est bonne, car nous n'avons pas de temps à perdre.

La femme avait un visage fin, de longs cheveux bruns bouclés et de magnifiques yeux verts qui semblaient vouloir tout comprendre. Elle portait une longue robe fluide vert d'eau qui mettait ses yeux en valeur. Elle avait un port de tête princier et sa façon de parler, sans être arrogante, montrait qu'elle savait qui commandait ici : elle-même.

- Votre Majesté, dit Alyssa en s'inclinant. Elle me donna un petit coup de coude pour que je fasse de même. Je pense que la raison qui m'amène ici vous intéressera bien plus que le sujet de votre réunion, si important soit-il. En effet, j'ai ici avec moi l'enfant de la Prophétie. 

Son annonce provoqua des réactions très différentes chez les membres du Conseil : certains étouffèrent un petit cri, d'autre poussèrent un soupir d'agacement, d'autres encore échangèrent un murmure intéressé. J'étais si occupée à observer le Conseil que je ne compris pas tout de suite le sens des paroles d'Alyssa. Lorsqu'elles arrivèrent enfin à mon cerveau, l'évidence me frappa de plein fouet : cet enfant de la prophétie... Ce devrait être moi ! Je me tournai brusquement vers Alyssa mais elle m'imposa le silence d'un regard d'acier. 

- Alyssa... Tu sais que ce sujet est source de débat, et ce depuis des siècles. Il va falloir plus que cette entrée fracassante pour nous convaincre, reprit la femme au milieu. Si je puis me permettre, quels sont vos noms ? demanda-t-elle en tournant son regard vers Théo et moi.

- Euh... Lyra.

- Théo.

- Et Alyssa, pourrais-tu nous éclairer sur un point : lequel des deux serait l'enfant de la prophétie ?

Je pris conscience que je n'avais même pas pensé une seule seconde que ce puisse être Théo, l'enfant dont Alyssa parlait. Lui non plus d'ailleurs, à en juger par son expression étonnée. Je me sentis un peu honteuse : croyais-je que mes pouvoirs me donnaient une sorte de supériorité ?

- La fille, Votre Majesté.

La femme à la droite de celle qui parlait leva les yeux au ciel. Alyssa le remarqua immédiatement et lui lança :

- Que se passe-t-il, Caltriona, tu as peur d'une enfant ?

- Peur ? Non ! Mais tu connais très bien mon avis sur toutes ces fadaises de Prophétie. J'aimerais que l'on se concentre sur les problèmes réels, plutôt que sur une prétendue Prophétie. Notre monde ne se sauvera pas de lui-même, et ce n'est sûrement pas une enfant, comme tu dis, qui nous aidera à changer les choses.

Elle avait une voix froide et calculatrice, des yeux bleu comme la neige et des traits taillés dans de la glace. Je n'étais pas sûre de bien m'entendre avec elle, n'aimant pas particulièrement qu'on me traite de gamine inutile. Alyssa allait répliquer mais la voix timide de Théo l'interrompit.

- Excusez-moi, je suis désolée de vous interrompre, mais nous on y comprend rien à ces histoires de Prophéties et de monde à sauver. Est-ce que quelqu'un pourrait nous expliquer ? Et si ce n'est pas impoli, vous êtes qui vous, en fait ?

J'aurais voulu le prendre dans mes bras. C'était vrai tout ça, on nous trimballait à travers tout un pays en nous faisant courir des dangers mortels, puis on nous exposait comme des monstres de foire devant un « Conseil » et tout ça sans rien expliquer. Il était temps pour nous de recevoir les réponses promises par Alyssa.

- À vrai dire, ta requête est très impolie, jeune homme, commença Caltrina mais elle fut interrompue par celle qu'Alyssa appelait Majesté.

- Bien sûr que non, Caltriona. Ces jeunes gens ont du vivre des choses très difficiles ces derniers jours, c'est la moindre des choses qu'on leur donne des réponses.

Je la remerciai intérieurement. Enfin quelqu'un qui nous comprenait ! Je commençai à bien l'aimer, cette Majesté...

- Je suis Saïla, la Reine du Territoire des Enchanteurs. Et voici Caltriona, que vous connaissez déjà, dit-elle en désignant sa droite, et Alrich.

Un homme pas plus vieux qu'Alyssa nous fit un signe de la main avec un sourire accueillant.

- Et puis nous avons Mallorie et Protis, continua-t-elle en montrant cette fois-ci sa gauche. 

Une jeune femme à l'air lunaire nous sourit distraitement et un homme musclé d'âge mur courba la tête en signe de salut.

- Bien. Maintenant que les présentations sont faites, je vais vous éclairer en ce qui concerne la Prophétie. Il existe une légende dans notre monde, une légende très ancienne. Tellement ancienne d'ailleurs que nous avons perdu son origine. Qui l'a racontée pour la première fois, et quand ? Nous n'en savons rien. Mais le fait est que cette légende existe, et qu'elle est bien ancrée dans les croyances populaires. Elle raconte qu'après un âge d'or fait de richesse, de paix et de bonheur arriveront dans notre pays des temps bien plus sombres. Les accords de paix seront brisés, des guerres éclateront dans tout le territoire, des familles seront déchirées, des couples brisés, des enfants arrachés à leur mère et des créatures de toutes contrées se combattront sans pitié. Des créatures des Ombres sortiront de leur enfer pour venir dévaster le monde et surtout, un Ennemi extrêmement puissant prendra la tête d'une armée maléfique pour prendre possession d'Arcadia. Cet âge sera bien difficile et violent pour tous les habitants de ce monde, mais un espoir subsistera : un enfant, arrivé d'un autre monde, aura la capacité de sauver notre monde de ce chaos et de restaurer l'âge d'or grâce à ses dons magiques extraordinaires.  Avec des alliés de tout les territoires, il combattra l'Ennemi et son armée et les mettra en défaite. La dernière phrase de la Prophétie serait : « Attend, peuple d'Arcadia, mais surtout espère ! Car cet enfant étranger à ton monde sera la clé de ton salut. »

Un silence lourd de sens accueille la fin du récit de Saïla. Théo et moi échangeons un regard : tout cela ne présage rien de bon.

- Ce que notre reine a omis de vous dire, c'est que les temps sombres sont arrivés depuis maintenant plusieurs centaines d'années. Et si une partie du peuple conserve la foi en ce prétendu « Élu », beaucoup commencent à se demander si tout cela n'est pas qu'un conte pour les enfants, moi la première. J'estime que nous avons assez attendu ce miracle et que nous devons maintenant agir.

- Merci de nous avoir donné ton avis, Caltriona, reprit Saïla de sa voix douce. Il y a une question que je dois te poser, Lyra : possèdes-tu des aptitudes magiques ?

- Si elle en possède ? C'est plus qu'un euphémisme ! ricana Alyssa.

- Comment ça ? la questionna la reine.

Notre protectrice se lança alors dans le récit de nos aventures, d'abord comment j'avais envoyé les trois trolls valdinguer à plus de vingt mètres, comment ma rapidité avait été multipliée par dix lors de mon combat avec l'harcavar (je ne pensais même pas que était dû à mes pouvoirs, et Alyssa non plus d'après ce qu'elle m'avait dit. Elle me cachait donc des choses...) et enfin, comment j'avais déplacé ces énormes pierres comme s'il s'agissait de simples plumes.

Le Conseil l'écouta attentivement jusqu'au bout, puis Alrich prit la parole :

- Et elle a fait tout ça sans jamais avoir été entrainée avant ? Enfin, je veux dire, quelqu'un a quand même du lui enseigner les bases pour qu'elle arrive à un tel résultat !

Il avait les cheveux roux mi-longs et des sourcils extrêmement mobiles selon ses expressions de visage.

- Eh bien... En fait, je ne savais même pas que j'avais des pouvoirs avant d'arriver ici... fis-je timidement remarquer.

- Vraiment ? Impressionnant... marmonna-t-il plus pour lui même que pour le Conseil. 

- Oui, tout ça sans entrainement ! Imaginez un peu ce qu'elle pourrait faire si elle recevrait une réelle formation ! insista Alyssa.

- Une formation ? Vous avez des écoles de magie, ici ? demandai-je, n'y tenant plus.

- Haha ! Elle demande si nous avons des écoles de magie ! s'amusa Mallorie en laissant échapper un petit rire cristallin. Non seulement nous avons des écoles de magie, mais nous avons également les magiciens les plus puissants de tout les temps !

Je dus avoir un regard d'incompréhension totale, car elle me dit gentiment :

- Oh, mais c'est vrai, tu n'es pas d'ici. Ne t'inquiète pas, je vais tout t'expliquer.

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Coucou mes petits lecteurs !

Je sais que ça fait environ cent milliards d'années que je n'ai pas posté, mais j'avais pas vraiment le temps et ce passage est un endroit charnière de l'histoire, donc toujours difficile à écrire. Je pense d'ailleurs que je modifierai ce chapitre dans pas longtemps, parce que je n'en suis pas entièrement satisfaite, mais je ne voulais pas vous faire attendre plus longtemps ! :)

J'espère que la description de Castellian vous a plu (après 4 chapitres à l'attendre !), et que le Conseil et les révélations qui sont faites auront éveillé votre curiosité ! Ce chapitre aurait normalement du être plus long, mais comme il fait déjà 2700 mots, je me suis dit que j'allais le couper en deux. Enfin bref, dites moi tout ! :))

Kiss ★

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