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La silhouette vêtue de noire marchait dans une forêt sombre et froide. Les aiguilles de pin qui couvraient le sol étouffaient le bruit de ses pas. Ses bottes de cuir noires martelaient la terre de son pas si pressé et déterminé. La silhouette resserra sa cape d'un noir corbeau autour de ses épaules et frissonna. Le climat dans cette forêt était bien loin de celui d'Ellundril, et si on ne voyait plus de neige sur le sol, il en subsistait sur la cime des sombres sapins, preuve évidente du froid glacial qui régnait en cet endroit.
Un craquement se fit entendre, résonnant dans le silence de plomb qui n'avait été jusque là perturbé que par le son mat des pas de la silhouette.
Cette dernière s'arrêta, aux aguets. D'un geste lent et maitrisé, elle sortit une épée du fourreau qui pendait à sa ceinture. Le bruit de la lame frottant contre son étui dura plusieurs secondes, jusqu'à ce qu'un mouvement brusque attire son regard. Un lièvre maigrelet montra le bout de son nez, avant de s'enfuir en quelques bonds, apeuré par l'apparition. Le soupir de soulagement de la silhouette se transforma en un petit nuage de buée tandis que l'épée regagnait son fourreau. Il reprit sa marche rapide, et au bout d'une quinzaine de minutes, il entra dans une clairière illuminée par un grand feu. Une femme se tenait devant lui, l'air insensible au froid. Toujours vêtue de sa robe noire, on pouvait à présent contempler ses bras dénudés et la finesse des traits de son visage. Ses longs cheveux noirs lui tombait dans le dos, renforçant le contraste avec sa peau si pâle.
La silhouette s'agenouilla devant elle. Sous sa cape noire, sa respiration était saccadée et elle tremblait, mais plus de froid à présent. Elle était réellement terrorisée. La femme s'avança vers la silhouette tremblante, irradiant de puissance.
- Pensais-tu vraiment que je ne le saurais pas ? lui demanda-t-elle, sa voix aussi froide que l'atmosphère.
La silhouette à terre ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais la femme la coupa :
- C'était une question réthorique. Ta réponse ne m'intéresse pas. Ton geste était d'une stupidité déconcertante, même pour quelqu'un comme toi, et je dois dire que la stupidité est un défaut qui m'insupporte au plus haut point.
- Je... Je pensais que vous aider... Si cette horde de Rastes parvenait à capturer la gamine, nous pourrions enclencher le plan plus tôt et...
- Tu veux dire que tu aurais pu avoir ce que tu voulais plus tôt. Tu ne pensais qu'à ta petite personne. Je vais remettre certaines choses au clair : tout d'abord, je commande. Tu n'es qu'un pion qui m'obéit. La prochaine fois que tu prends une initiative comme celle-ci sans m'en parler, je te fais trancher la tête. Est-ce bien clair ?
La silhouette hocha la tête, ce qui traduisit par un mouvement de sa capuche. Malgré le temps glacial, un filet de sueur dégoulina jusqu'à son menton.
- Ne crois pas que tu es indispensable. Certes, tu m'es utile pour l'instant, mais personne n'est irremplaçable. Personne. Et surtout pas toi. Ensuite, tu pensais vraiment que ton petit plan ridicule aurait pu fonctionner ? Les Rastes sont des créatures encore plus stupides que toi -eh oui, c'est possible !-ajouta-t-elle avec un petit rire. Il aurait pu arriver mille choses sur le trajet du retour : ils auraient pu se perdre, changer d'avis, ou tout simplement avoir faim et dévorer leurs prisonniers. Ce qui aurait fâcheux, tu peux en convenir ?
N'attendant pas de réponse, elle continua :
- Et tout ça en présumant qu'ils auraient pu les faire prisonniers. Cette fille est extrêmement puissante, et accompagnée par les meilleurs guerriers du royaume. Tu as vraiment cru qu'une bande de Rastes aurait pu les défaire ? Ils auraient pu en tuer un, avec de la chance, deux avec un miracle. Non, vraiment, une telle stupidité m'effare.
Elle secoua la tête, comme si elle grondait un enfant capricieux. Son regard foncé se fixa sur le menton de la silhouette, seule partie du visage qui dépassait de la capuche.
- Et maintenant, je suppose qu'ils doivent se douter de quelque chose ? Peut-être même ont-ils déjà pris des dispositions ?
- En tout cas, ils ne savent pas que c'est moi ! J'en ai la certitude ! Mais...
- Mais ?
- Mais... Saïla nous dit moins de choses en ce moment, et j'ai l'impression qu'elle essaye de nous surveiller. Je crains qu'ils ne lui aient parlé de leurs doutes.
- Tu crains ? Si tu crains quelque chose, alors ! Non mais franchement, je suis chaque seconde plus désemparée devant ton ignorance et ta stupidité. Bien sûr qu'ils l'ont mise au courant. À qui d'autre auraient-ils pu en parler ? Cela contrarie légèrement mes plans... Mais rien d'irréparable.
Les épaules de la silhouette se détendirent sensiblement et un épais nuage de buée sortit de sous sa capuche. À l'évidence, elle avait eu peur d'avoir commis un acte grave.
- Tu éprouves du soulagement ? Eh bien sache que je déteste qu'on contrarie mes plans. Ce faux pas était ton dernier. Crois-moi, il n'y aura pas de prochaine fois. Tu vas redoubler de vigilance. Il est hors de question que Saïla découvre ton secret. Je te pardonne pour cette fois, mais retiens bien que ma générosité a des limites. Tu t'en souviendras, n'est-ce pas ? conclut-elle en soulevant son menton d'un doigt long et pâle.
La silhouette n'osa pas bouger pendant un long moment, par peur de contrarier la femme, ou bien tout simplement parce que la peur la paralysait. Le regard de la femme la transperçait aussi douloureusement qu'une flèche. Puis, quand elle réussit à prendre son courage deux mains et à se reculer de quelques centimètres, elle n'attendit pas plus longtemps. Elle se retourna et courut aussi longtemps qu'elle le put, aussi effrayée que le lièvre qu'elle avait rencontré un peu plus tôt. Elle n'avait qu'une idée en tête : s'éloigner le plus possible de cette clairière maudite, et de cette femme. Derrière la silhouette vêtue de noire, le rire de la femme retentit, un rire dénué de joie, un rire à glacer le sang, un rire qui inspire les cauchemars les plus atroces. Ce rire résonna longtemps dans le silence de la sombre forêt, poursuivant la silhouette bien après son départ de la clairière.
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Coucou !
Voilà un nouveau chapitre "trois petites étoiles" comme je les appelle :)
Je sais qu'ils sont très différents des autres, mais ils permettent d'avoir un autre point de vue et d'apporter des infos au lecteur que Lyra n'a pas. Ça vous plait ?
Comme la dernière fois, beaucoup de descriptions. Le problème avec la description, c'est ce que ça peut vite devenir ennuyeux si c'est mal écrit, ce qui je l'espère n'est pas le cas ici. Votre avis ?
Et que pensez-vous des révélations de ce chapitre ? De l'acte de la silhouette ? De la réaction de la femme ? Et de la femme tout court, qui est-elle d'après vous ? Dites moi tout :)
À bientôt j'espère pour la suite,
Kiss ★
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