Partie 8 : Huitième Echappé

Pov Shira:

Je me laissai aller contre le mur, le cœur tambourinant dans ma cage thoracique.

Putain...je l'ai fait.

Si on m'avait dit un jour que je retournerais là-bas...

Pour elle.

Calme-toi...tu as réussi.

Je plaçai une main sur ma poitrine en soufflant tout doucement.

Un mississippi, deux mississipi, trois mississipi...

Shira ?

Merde !

─ Ilanka, quelle merveilleuse surprise !

Mon ton ironique, légèrement essoufflé perdit de son superbe sarcasme, l'angoisse n'étant toujours pas descendue.

─ Tout va bien ?

Sa voix me fit grincer des dents.

─ Bien sûr...

Heureusement que cette porte est là, je n'aurais pas supporté de voir son visage...

J'aimerais te parler de quelque chose, ma chérie...

Je me relevai difficilement, prête à lui faire ravaler son stupide surnom.

─ 'scuse-moi ? Comment oses-tu m'appeler comme ça !

J'entendis son rire perçant à travers le bois et cela eut le don de m'énerver davantage.

─ Voyons, nous sommes intimes maintenant !

Ne pas...lui balancer la porte en plein visage.

─ Et comment je te prie ?

─ Et bien ton père et moi sommes officiellement en couple, ce qui me donne le droit de...

─ De rien du tout ! Les aventures que tu as avec mon père ne font pas de toi sa future femme !

Jade ne le tolérerait pas.

─ Nous avons beaucoup réfléchi, et l'amour que nous nous portons est digne d'être exposé au grand jour...

─ Il n'y a pas d'amour Ilanka, mon père n'en a jamais eu. Tu lui sers de distraction, c'est tout.

─ Ne sois pas jalouse voyons. C'est vrai qu'Arno me considère avec plus d'attention, mais tu ne dois pas réagir comme cela...

─ Connais-tu la notion du mot "marier" ? Parce que d'après mes sources et jusqu'à preuve du contraire, il a une femme.

─ Cette vieille mégère? Soyons réaliste Shira, je possède des atouts qu'elle ne pourra jamais avoir.

─ Une tignasse rousse et une grosse poitrine ?

─ En partie, oui.

Son ton sérieux me surprenait.

─ Es-tu vraiment sotte au point de croire ce que tu avances ?

─ Ce n'est ni idiot, ni prétentieux de ma part. Je suis jeune, belle, célèbre...Je ne vois pas ce qui est palpitant de rester avec une vieille femme sûrement ennuyeuse à mourir. Je peux lui apporter la luxure due à ma jeunesse, la gloire et les paillettes. Je suis sûre qu'il attend le bon moment pour la quitter.

─ C'est sûrement ça, oui, marmonnai-je ironique.

─ Accepte-le au plus vite avant que je sois la nouvelle madame Laurent. Je ne serai pas aussi patiente...

Je ne pus m'empêcher de rire devant cette tentative de menace non dissimulée.

─ Accepte le fait que cela n'arrivera jamais Ilanka. Tu nous rendras service à toutes les deux.

La porte s'ouvrit et j'eus juste le temps de me reculer avant qu'elle ne la claque contre le mur.

Le visage cramoisi et la mine furibonde de la jeune Hongroise était la cerise sur le gâteau.

J'attendis le clou du spectacle.

─ Je ne te permets pas de me parler sur ce ton !

Hilarant. Vraiment.

─ Non, c'est vrai. C'est moi qui me le permets.

─ Jamais ton père n'autoriserait un tel comportement et...

─ Je suis adulte et vaccinée, merci. Toi par contre...Tu as vérifié si tes vaccins étaient à jour ? Vu la tête que tu fais, non. Qui sait, peut-être que une MST peut s'avérer bénéfique ? Imagine les titres des tabloïds ! "Un membre des plus grands jurys du monde de la danse s'octroie une valse avec une maladie sexuellement transmissible" ! Ilanka, Ilanka...Franchement, ne joue pas à ça avec moi. Tu risques de perdre.

Le sang se retirait de son visage, blême, la bouche close, elle me regardait sans oser faire quelque chose.

─ Tu oublies que ta petite place de starlette ne te permet pas ce genre de choses voyons. Jade ne ferait qu'une bouchée de ton avenir et en moins d'une minute, tu te retrouverais bagages pliés et contrat non renouvelé. Une ombre parmi les ombres. Tu serais la risée de tous, ta fortune disparue, ton nom...oublié.

Elle se mit à déglutir, apeurée.

─ Ne lui dis pas. -Sa voix glapit en un petit couinement de souris.

Un sourire carnassier fleurissait sur mes lèvres.

─ Non, bien sûr que non...Tout dépend de toi. Et seulement de toi...chérie. Tu vas devoir faire profil bas, rester où demeure ta place...et te taire. Je ne veux plus te voir, entendre parler de toi...Et si jamais tu me menaces encore...Et bien, j'imagine que tu devras te trouver un autre chausson à tes pieds. Un octogénaire aux cheveux dégarnis par exemple.

Je l'acculai alors contre le mur, appréciant son silence.

─ Et si jamais j'apprends que ma venue ici a été ébruitée...Tu en subiras les conséquences.

Puis, je repris ma route, ignorant les appels désespérés que me lançait la potiche.

Sortir d'ici sans être vue, fut plus facile que je ne le crus.

J'avais emprunté le passage interdit, dissimulé derrière les décors du plafond Chagall, une galerie supérieure à oculi, à vingt mètres de hauteur.

Ce truc avait dû être réalisé par des nains...-Pensai-je en me baissant silencieusement dans l'étroit couloir.

J'imaginais bien George, l'homme de ménage de l'Opéra pour ce rôle.

Avec son mètre cinquante-trois et son air timide, ce pauvre George peinait à se faire respecter, trop chétif et poli pour oser hausser la voix.

Et ce n'était pas Danielle, la cuisinière dont il était secrètement amoureux qui allait dire le contraire.

Cette femme aurait dû vivre avec des géants. Dans une grotte. Elle-même à l'intérieur d'une grotte.

Et je n'exagérais pas: elle était gigantesque.

Mon mètre quatre-vingt ne lui arrivait même pas aux épaules, sans compter que ses cheveux coupés en brosse et sa musculature faisait d'elle une Ranger.

C'était une ancienne militaire, reconvertie à la fin des années quatre-vingt dix qui, lassée des guerres, avait décidé d'en finir avec la violence et préférait désormais être derrière les fourneaux.

Bien sûr, cela ne l'empêchait pas d'être une excellente professeur d'arts martiaux, un tablier aux multiples talents.

Ces années cloîtrées chez moi ne m'avaient pas dispensée de prendre de leurs nouvelles.

J'appréciais sincèrement ces deux personnes (une fois n'est pas coutume), et c'étaient d'ailleurs les seuls à savoir ce qu'il s'était réellement passé...

C'était Danielle qui m'avait retrouvée ce soir-là après être passée chez une cousine.

Elle aurait dû avoir ma reconnaissance éternelle mais je ne pouvais m'empêcher d'éprouver de la rancœur.

Si elle m'avait laissée...Je n'aurais plus jamais à subir tout cela. La douleur, la solitude...le mépris.

J'étais égoïste, c'en était une certitude. Mais quelles danseuses accepteraient de perdre une de leurs jambes ?

Aucune.

J'ouvris alors la petite porte ronde qui ouvrait sur le toit et sortis, heureuse de pouvoir enfin respirer correctement.

Encore une journée...

J'espérais vraiment qu'il trouverait une solution pour me sortir de ce pétrin.

Sinon j'étais fichue.

Tiens-toi prête à déchanter...Trouve une autre solution, un plan B, une sortie de secours...

Vers qui pourrais-je me retourner en cas d'extrême nécessité ?

Personne...

À moins que...?

Non...Elle ne voulait plus entendre parler de moi. Je suis juste un nom, une personne qu'on a effacée...Et c'est entièrement de ma faute.

C'était moi qui avais participé à ça.

C'était moi qui aurais dû être à sa place.

Juste moi.

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